26- Combat masqué

-Tu empestes le potage, fit une voix.

Karmen entrouvrit un œil et nota la présence de Coyle à côté d'elle, nonchalamment posé sur une chaise, les jambes croisées. Toujours là pour l'embêter...

-Bonjour, bailla-t-elle en s'étirant.

-Ah oui j'avais oublié cette étape, plaisanta-t-il.

Karmen le foudroya du regard, puis se leva. Effectivement elle ne sentait pas la rose, il vaudrait mieux pour elle prendre un bain.

-Je vais aller me laver, s'excusa-t-elle en marchant vers la salle de bain.

-Je fais appeler votre suivante dans ce cas.

Quelques minutes plus tard, Lina déboulait dans la chambre, une robe neuve à bout de bras.

-Maîtresse mettez ceci en attendant que je lave vos autres vêtements !

Karmen, encore dans les vapes, la remercia d'un signe de tête puis la congédia. Elle réfléchissait à cette manie qu'avait Coyle de passer du tutoiement au vouvoiement en quelques secondes, créant soit un fossé soit un rapprochement à chaque fois...C'est perturbant...

Étant donné qu'il l'avait une fois de plus réveillée aux aurores avant de partir travailler, elle allait devoir s'occuper. A ce moment elle nota le fameux sac qu'il avait rapporté la veille : il ne lui en voudrait pas si elle jetait un œil à l'intérieur non ?

Curieuse, elle ne se posa pas la question plus longtemps et trottina jusqu'au sac en toile pour l'ouvrir. Après avoir tiré sur les cordons, elle élargit l'ouverture d'un geste sec et regarda à l'intérieur.

Dans le sac s'entassaient des multiples pièces d'une splendide armure : casque, cuirasse, spalière, cubitière, gantelet, jambières, cuissots et même soleret, tout y était.

La jeune femme resta un moment ébahie devant la brillance parfaite de toutes ces pièces : cette armure devait valoir une fortune. Sur la spalière – protection de l'épaule – était gravé le blason du palais, avec les armoiries du royaume : deux serpents s'entourant autour d'un calice au dessus d'une épée.

Amusée, elle décida de sortir les pièces pour les assembler au sol. Curieusement,elle avait une parfaite connaissance des armures et des armes, chose pas commune pour une femme. Mais avec un père forgeron, elle avait côtoyé ce milieu toute son enfance.

Elle commença par les accessoires de la tête, puis descendit et finit par assembler le tout dans une forme de bonhomme démembré. Satisfaite du résultat, elle se releva pour vérifier qu'elle n'avait rien oublié.

-Merde où est ce fichu casque ?

Aussitôt la jeune femme entreprit de fouiller la pièce pour découvrir où avait bien pu rouler ce casque. Agenouillée sous le bureau, elle se frappa la tête en se relevant et poussa un gémissement de douleur.

-Merde ! Ça fait vachement mal !

Elle massa la bosser qui commençait à se former sur son front et récupéra le casque un peu plus loin par-terre. Elle l'enfila en grimaçant mais après s'être regardée dans le miroir elle éclata de rire.

-Mon dieu on dirait un homme ! S'exclama-t-elle.

Amusée, elle décida de mettre le reste de l'armure, sans penser aux conséquences si jamais Coyle rentrait. Minutieusement, elle enfila la côte de maille, les protections et les tissus.

Une fois le travail terminé, elle contempla son reflet avec admiration ; pendant un court instant, elle se serait crue de retour dans la forge avec son père lorsqu'elle avait 9 ans.

Cette fois-ci elle se souvenait, il lui avait forgé une armure entière pour elle toute seule, car il savait combien elle avait tendance à désobéir et aller se battre avec les garçons au village. En plus cela faisait des années qu'elle en réclamait une, malgré la réticence de sa mère...

Lorsqu'elle était rentrée dans l'atelier, se souvenait-elle, son père l'avait guidée en lui bandant les yeux dans l'arrière boutique pour lui offrir son présent.

-Regarde, lui avait-il dit.

Et là, elle avait ouvert les yeux et découvert la plus belle armure qu'elle n'avait jamais vue : luisante aux rayons de soleil filtrants à travers la fenêtre, elle était forgée sur mesure pour elle.

Elle se souvenait encore de cette joie qui l'avait saisie, lorsqu'elle l'avait enfilé pour la première fois. Mais encore plus, le regard de son père planté dans le sien, fier et heureux. C'était l'un de ses plus beaux souvenirs...

-Allez debout ! S'écria une voix derrière Karmen, la sortant de ses pensées.

Surprise, elle se retourna et croisa le regard coqué de Coyle, sur le pas de la porte. Il ne l'avait pas reconnu et avait dégainé immédiatement son épée.

-Qui êtes vous ? Gronda-t-il d'un air menaçant et froid.

Karmen tenta de répondre, mais il semblait qu'elle ait serré un peu trop fort la lanière sous le casque puisqu'elle ne parvint pas à articuler un seul mot.

Devant l'absence de réponse, l'homme face à elle s'avança et leva sur épée dans le but évident de frapper : affolée – et toujours incapable de parler – Karmen dégaina la sienne pour se défendre. Elle craignait la tournure qu'allaient prendre les événements...

Dans un hurlement déterminé, Coyle passa à l'offensive tandis que Karmen reculait, effrayée. Mais elle savait se battre, et en voyant que l'homme ne la reconnaissait toujours pas, elle n'eut d'autre choix que de riposter. Je n'ai pas envie de finir en rondelles merci.

Elle para les premières attaques avec difficulté, pas encore très à l'aise dans cet art qu'elle n'avait pas pratiqué depuis longtemps. Mais rapidement ses vieux réflexes lui revinrent et elle s'affirma.

Devant elle, Coyle se battait toujours pour gagner, sans l'avoir reconnue. Bien qu'elle savait qu'il avait l'avantage du poids et de l'entraînement plus régulier, elle n'avait pas l'intention de se laisser faire. Concentrée, elle donna tout ce qu'elle avait.

Ses coups se firent plus précis, plus puissants. Petit à petit elle revint au niveau de Coyle, qui, de son côté, ne montrait toujours aucun signe d'essoufflement. Ils se battaient à présent à armes égales, l'unique différence étant leurs motivations radicalement opposées.

Karmen enchaînait attaques, parades et feintes sans sourciller : tout cet art qu'elle tenait de son père lui servait à présent, elle le ressentait au plus profond d'elle même comme son héritage.

-Si vous ne vous rendez pas je serai obligé de vous faire du mal, prévint Coyle en fendant l'air de son épée vers le genou de la jeune femme.

Mais Karmen ne l'entendait plus de cette oreille : à présent elle s'amusait, et voulait donner une petite leçon à son adversaire. Elle allait le vaincre. Souriant sous son masque, elle se rendit compte que la lanière s'était remise à sa place, mais n'en tint pas compte. Si jamais les choses dérapaient elle parlerait mais sinon...

Elle fendit l'air de son épée et découpa soigneusement la lanière de cuir qui retenait la ceinture du fonctionnaire, au bout de laquelle pendaient diverses armes qui auraient constitué un trop gros avantage. Et de un.

Lors de son attaque suivante, sans même avoir laissé le temps à Coyle d'inspirer, elle traça une fine ligne sur son torse, découpant sa chemise au passage. Aïe les abdominaux, songea-t-elle à la vue – agréable – de ceux-ci.

L'armure commençait à lui tenir chaud, mais elle ne comptait en aucun cas lui laisser ralentir ses mouvements. Bien décidée à déshabiller (partiellement) son adversaire à l'aide de sa lame, elle multiplia les coups sans perdre de temps, et accula le haut dignitaire dos à un mur.

D'un coup de maître, elle désarma son adversaire en envoyant valser son épée au loin et pointa sa lame sus son menton. Elle regarda avec fasciation sa pomme d'Adam monter et descendre contre le métal froid, alors qu'il déglutissait avec peine.

Dans ses yeux elle ne lut aucune peur cependant, juste un grand calme et une lueur de défi. Amusée, elle garda le silence et le laissa commencer.

-Qui que vous soyez, baissez cette épée si vous ne voulez pas d'ennuis, gonda-t-il.

Pour toute réponse, Karmen dessina du bout de sa lame des petits cercles sur le torse de son adversaire vaincu, guettant une réaction. Mais loin de se laisser impressionner, Coyle se redressa de toute sa hauteur, et ce fut Karmen qui déglutit cette fois. Il était immense ainsi.

-Baissez votre arme ! Tonna-t-il.

Désireuse de ne pas le mettre trop en colère non plus –surtout près l'humiliation qu'elle venait de lui faire subir – elle obtempéra.

Mais c'était sans compter les intentions de Coyle : celui-ci, croyant toujours à l'identité mystérieuse de son assaillant, bondit sur la jeune femme qui se retrouva pour la deuxième fois en deux jours, coincée sous le corps massif du titan.

Celui-ci fit glisser son casque sans ménagement et écarquilla les yeux en découvrant l'identité de la personne face à elle.

-Karmen! S'écria-t-il.

-Euh salut ?

-Mais tu es devenue folle ! J'aurai pu te blesser ! Cria-t-il hors de lui.

-Hum sans vouloir te vexer, je ne crois pas non.

-Mais tu...enfin je...Rhaaaa !

Exaspéré, il se releva en passant rageusement une main dans ses cheveux en bataille. Il était furieux, exaspéré...et vexé. Il s'était fait battre par une femme, qui plus est une malade en convalescence. Mais soudain, une idée le frappa : et si...

Intraitable, il plaqua la jeune femme qui venait à peine de se relever contre le mur le plus proche, en la tenant par la nuque ; aussitôt effrayée, Karmen hoqueta : que se passait-il ?!

-Où as-tu appris à te battre ainsi ? Cracha-t-il entre ses dents.

-Je...avec mon père quand j'étais enfant, hoqueta la jeune femme sur le point d'étouffer, ses mains serrées autour de celles du colosse, pour tenter de les dégager.

Devant l'air sincère et apeuré de la jeune femme, il comprit qu'il s'était trompé, et desserra sa prise, la laissant glisser contre le mur en se tenant la gorge à deux mains. Choquée devant une telle démonstration de force, de violence et de domination, elle regretta son jeu et se réfugia à l'autre bout de la chambre, en rampant presque.

Indifférent à tout cela, Coyle faisait les 100 pas dans la chambre, le visage fermé et glacial. Dieu seul savait ce qu'il pensait à ce moment précis. Au bout de quelques minutes, il se retourna vers l'endroit où la jeune femme se terrait, et sa voix claqua sèchement, résonant dans toute la pièce.

-Enlevez cette armure et rangez là impeccablement. Je vous interdit d'y toucher, comme à quoi que ce soit dans cette chambre à partir de maintenant, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

-Oui...murmura la jeune femme en baissant la tête.

-Je vous conseille de ne pas chercher à transgresser cette règle, gronda-t-il encore.

-Je...

-Non. Fermez la.

Sur ces mots secs et froids, il sortir de la chambre sans même se retourner ni accorder le moindre regard à la jeune femme, pas loin des larmes : qu'avait-elle fait ?!

Ouloulou il y a de l'eau dans le gaz...

L'attitude de Karmen? Elle est allée trop loin selon vous?

La réaction de Coyle?

Xoxo

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