22- Farce

Après ce rapprochement soudain, Karmen ne savait pas trop comment réagir : avec Coyle tout s'était toujours limité à des piques et des moqueries, or là il prenait « sérieusement » soin d'elle. Elle avait peut-être l'air encore fragile, mais ce n'était pas le cas ! Physiquement elle arrivait enfin au bout de sa rééducation, psychologiquement le chemin était encore long mais ça ne le concernait en aucun cas.

Ses cauchemars n'avaient pas encore cessé, mais ils étaient de moins en moins fréquents, et Karmen craignait moins le contact qu'au tout début. Enfin à peu près. Tu as vu comment tu as réagi lorsqu'il t'a prit la main? On aurait dit une adolescente effarouchée.

L'image de Bastien s'estompait petit à petit dans son esprit, pour ne laisser que le mauvais souvenir de son acte derrière lui...Coyle avait essayé un soir d'aborder le sujet, mais Karmen n'avait jamais voulu continuer.

-A propos de ce qui s'est passé quand je vous ai trouvée...

-Non. Je ne veux pas en parler. Pas encore, l'avait coupé Karmen.

Coyle s'était renfrogné mais avait accepté d'un hochement de la tête. Après tout si elle ne voulait pas...

Tout était-il qu'à l'instant, lorsqu'il l'avait rassurée, la jeune femme avait senti autre chose. Comme une fissure dans son armure d'impassibilité. Il s'était ouvert un instant pour la rassurer le plus sincèrement possible. Mais dans ses yeux elle avait senti la brèche se refermer aussi vite qu'elle était apparue. Elle pariait sans hésiter qu'à son retour il serait nouveau froid et distant.

-Bon allez à l'eau miss salade fruits, grommela-t-elle seule face à l'immense baignoire face à elle.

La comparaison innocente de Coyle l'avait faite sourire, en effet on pouvait l'associer à une salade fruits avec tout ce qui étaient collé à elle ! Considérant qu'il était temps de chasser cette image dégradante, la jeune femme s'immergea dans le bain déjà chaud à son entrée dans la pièce et savoura l'instant.

Cela faisait plus de plusieurs mois qu'elle ne s'était pas lavée maintenant ! En prison l'hygiène était déplorable, et pendant sa convalescence elle n'était pas en état de la faire seule, et elle n'aurait en aucun cas voulu que quelqu'un d'autre la touche...Même pas Coyle? lui susurra sa petite voix.

Gênée de penser à de telles choses, Karmen plongea la tête sous l'eau. Le contact mordant de l'eau acheva de la plonger dans une transe délicieuse. L'eau coulait entre ses cuisses, entourait ses épaules et enveloppait tout son corps, lavant la crasse collé contre, et laissant derrière elle une douce sensation de bien-être.

Après que l'eau fut devenue complètement froide, la jeune femme, plus propre qu'elle ne l'avait jamais été, sorti de l'eau pour s'envelopper dans une petite serviette en coton. Laissant derrière des petites marques de pieds sur le plancher, elle regagna la chambre et chercha sa robe pour la renfiler.

-Mais où est-ce qu'elle est passé ? Grogna-t-elle lorsqu'elle comprit qu'elle n'était plus à place.

Elle n'allait tout de même pas passer sa journée en robe de chambre ! Mais il semblait bien que la robe en question ait disparue. Les cheveux mouillés et emmêlées semant des gouttes sur son passage, elle chercha tout de même à retrouver le seul vêtement qu'elle possédait.

-Mademoiselle ! S'exclama une voix féminine derrière la porte.

Karmen, aux aguets, se figea derrière le divan sous lequel elle était en train de chercher. Qui pouvait-ce bien être ? Cette personne avait bien dit mademoiselle non ?

-Mmmh ? Marmonna-t-elle d'une voix bourrue au cas où quelqu'un aurait dit monsieur, et qu'elle ait mal entendu.

-On m'a chargée de vous apportez ce vêtement.

Interloquée, Karmen ne répondit pas : un vêtement ?

-Je le pose sur la poignée de la porte, rajouta la voix féminine derrière la porte devant l'absence de réponse.

Un cliquetis léger contre la porte indiqua qu'elle l'avait fait, puis des petits bruits de pas s'éloignèrent dans le couloir. Karmen attendit un moment pour être sûre qu'elle ne reviendrait pas, puis se dirigea vers la porte, qu'elle entrouvrit.

Devant elle état bien accroché à la poignée de la porte une magnifique robe, faite des plus belles soieries qu'elle n'ait jamais vues. Dans les tons blanc cassé filé d'argent, elle constituait certainement la plus belle pièce que Karmen n'ait jamais vue.

-Waw, souffla-t-elle sous la surprise.

Elle saisit délicatement l'étoffe sous ses doigts, avant de se rappeler qu'elle était dans le couloir. Soucieuse qu'on ne la voit pas, elle décrocha le cintre de la poignée et retourna dans la chambre. Non mais quelle inconsciente, en serviette dans le couloir, tu veux pas une pancarte non plus ?

Elle contempla un instant le vêtement avant de remarquer la note accrochée dessus ; « Je me suis dit que ça irait mieux avec la salade de fruits »

-Hinhin très drôle, laissa échapper Karmen d'un rire jaune.

Amusée par le geste, elle enfila la robe devant le miroir et en eut le souffle coupé ; l'étoffe épousa soigneusement ses formes, mettant en valeur sa taille fine et ses hanches, ses seins avaient presque l'air plus gros dans celle là... Le tissu était léger et facile à porter, la jeune femme ne se souvenait pas d'avoir déjà ressenti pareille sensation dans une robe.

Tournant sur elle même comme une enfant, elle regardait avec joie les volants de la robe virevolter autour de ses jambes. On dirait presque que je suis jolie...

Satisfaite de l'image qu'elle voyait dans le miroir, elle retourna dans le lit et se saisit du journal caché sous son oreiller.

Lune ascendante, jour 9 :

Le jour fatidique approche à grands pas. Mes 18 ans arrivent dans une semaine, et avec eux toutes ces responsabilités. Olivia n'arrête pas de me répéter que tout ira bien, que je ne décevrai pas mes parents.

Mais moi je n'en suis pas si sûre : père n'arrête pas de sous entendre que j'entretiens une relation avec quelqu'un, j'en viens à me demander s'il n'est pas au courant de quelque chose.

Mère ne dit jamais rien contre les décisions de père, pourtant je lis dans ses yeux qu'elle n'est pas d'accord, mais elle s'obstine à ne rien dire...Récemment il a fait vider les prisons du palais, parce que elles lui posaient trop de problèmes. Exécution massive me voici. Je n'ose même pas imaginer le nombre d'innocents qui ont péri dans ce massacre.

Mais cette fois encore, j'ai été le seul à m'élever contre cette décision. Solitude direz vous ? Oui je crois... Cette lueur dans le regard de père lorsque je lui fait obstacle...Si c'était une arme elle pourrait tuer !

Quand je suis rentrée Olivia m'a consolé...disons par des méthodes bien féminines. C'est une fée, et ce dans de nombreux domaines.

Karmen rougit devant la connotation sexuelle de la phrase mais continua sa lecture.

Je veux pouvoir l'épouser quand j'aurai ma place à la cour. Père ne pourra rien dire puisque je suis majeur. Peut importe que ce soit une bourgeoise de la petite ville. Les milieux sociaux différent en devraient pas être un rempart à l'amour. Je l'aime, elle aussi, cela nous suffit pour résister à tout.

La jeune femme comprit que c'était bien le jeune homme qui avait une situation plus aisé que celle qu'il aimait, et non l'inverse. Il semblait être l'héritier de quelqu'un d'important à la cour, dont il devrait reprendre toutes les charges à sa majorité.

Nous avons beaucoup de projets. Parmi eux celui d'avoir un enfant. C'est d'elle que l'idée provient, je ne voulais pas au départ, mais comment résister à ses yeux de biche ? Et puis fonder une famille n'est-il pas le but de tout homme ?

L'écriture de cette journée s'arrêtait là. Karmen remarqua qu'elle reprenait des mois plus tard, il devait donc avoir eus ses 18 ans. Mais devant le pavé qui s'annonçait, elle renonça. Elle le lirait plus tard.

Pour le moment, ce qu'elle venait de lire sur cet inconnu la faisait réfléchir : fonderait-elle une famille ? La plupart des femmes de son âge étaient déjà fiancées, par leurs parents, à des hommes qu'elles n'avaient pas choisi pour la plupart.

Les mariages d'amour dans le peuple devait se compter sur les doigts de la main. Karmen ne connaissait personnellement aucune personne qui ait eu cette chance, et elle ne voulait même pas réfléchir à la vie qu'elle aurait eu si elle n'avait pas été en prison.

Pour le moment, elle était aussi seule qu'une pierre sur la plage de sable, mais cela lui convenait parfaitement. Mieux ça que d'être avec un homme dont je connais rien et pour qui je ne serai qu'un vulgaire objet capable de lui fournir une descendance.

Fatiguée, la jeune femme ne sentit même pas le sommeil venir...Dans ses rêves se mêlèrent des scénarios indiscernable les uns des autres, alliant cauchemars et bons souvenirs... Lorsqu'elle sentit sa joue la gratter, elle repensa à la manière dont Coyle avait pris sa main...Son subconscient acheva le travail en partant dans un scénario complètement loufoque : elle et Coyle, sur la plage, en train de manger une gigantesque....salade de fruits.

Mais sa joue la grattait toujours autant : agacée, elle voulut se gratter...Et s'éclata alors quelque chose de mou contre le visage ! Réveillée en sursaut, elle ouvrit les yeux à travers une bouillie...sucrée ?

Elle mit un instant à comprendre, mais elle avisa Coyle, mort de rire à côté du lit, une petite plume à la main, et un plat dans l'autre, vide....Non ne me dites pas que...Il a osé ?!

Passant sa langue sur ses lèvres, elle reconnut le goût typique du gâteau à la fraise. Bon récapitulons : elle était assise dans le lit, un énorme gâteau écrasé par ses soins contre son propre visage. Tout ça parce que cela paraissait amuser Coyle.

Celui ci, la plume à la main, était plié en deux tellement il riait, heureux que sa blague ait marché. Il ne put réagir à temps lorsque la jeune femme lui sauta dessus, les mains tendues en avant comme pour l'étrangler.

Mais au lieu de cela, elle retourna sa blague contre lui ; en s'agglutinant à lui comme une sangsue, elle éparpilla une grosse couche du dessert contre sa magnifique chemise blanche...A présent rouge.

-Eeeeh ! Cria ce dernier, un peu moins fier à présent.

-C'est bon la gâteau à la fraise hein ? Déclara Karmen en finissant d'étaler sa mixture sur son vêtements.

-Euh plus tellement, pouffa Coyle en essayant de se décoller de la nouvelle sangsue.

-C'est dommage moi j'aime bien. A part quand c'est responsable de mon réveil.

-Tu réagis pour un rien aussi.

-Un rien ?

-C'était juste une plume ! Toi tu t'es carrément mis une claque !

Morte de rire, Karmen ne réussit pas à aligner une réponse cohérente. Ils étaient à présent tous les deux couverts du pauvre gâteau à la fraise réduit en bouillie, et se tenaient l'un à l'autre pour ne pas s'écrouler tellement ils riaient.

Essoufflés, ils s'assirent peu après sur le divan, sans vraiment prendre soin de ne pas le tâcher...

-Bon après le dessert le repas, déclara Coyle en allant ouvrir la porte.

Devant celle-ci attendait un chariot sur lequel étaient posées mille-et-une victuailles plus appétissantes le unes que les autres. Il le ramena devant le divan, et commença à servir en silence. Karmen remarqua que son visage s'était à nouveau renfermé et qu'il paraissait ailleurs. Ça ne l'aura fait rire que peu de temps...

Le repas se déroula dans un premier temps en silence, puis Coyle se redressa en prenant la parole :

-Déjà je tiens à m'excuser pour l'autre soir. C'était une bonne journée, je n'ai pas tolér...enfin apprécié qu'on me crie dessus.

Karmen nota qu'il avait failli dire « toléré » mais ne rebondit pas dessus.

-Mais il faut surtout que tu m'expliques pourquoi pendant le dîner de l'autre soir tu t'es figée d'un coup, t'étais complètement ailleurs !

-Je sais...souffla Karmen en baissant la tête.

-Explique moi.

Karmen souffla un bon coup avant de prendre la parole : allait-elle tout raconter à cet inconnu ? Auquel tu dois quand même la vie... Il fallait croire que oui

-Pour comprendre, il faut que tu en saches un peu plus sur moi...Enfant je vivais à Tosale avec mes parents..commença-t-elle.

Et elle lui raconta tout. Son enfance, ses relations avec ses parents, pimentées de quelques anecdotes qui lui étaient chères, jusqu'à leur meurtre mystérieux sous ses yeux.

Attentif, l'homme qui lui faisait face ne l'interrompit pas une seule fois, il l'écouta patiemment parler de sa fuite à la capitale, de la difficulté qu'elle avait eu à survivre. Elle lui narra aussi sa rencontre avec Bastien, le harcèlement qu'elle avait subi, jusqu'à son arrivée en prison.

-Je n'avais rien fait de mal, déclara-t-elle. Il voulait m'avoir à sa merci, je ne sais pas si c'est parce que son ego était blessé, mais tout ce qui lui importait était de finir ce qu'il avait commencé...

-Je vois...

-Pendant le procès, j'ai pris la parole bêtement la première fois, et j'ai plus eu le droit de me défendre...La deuxième fois, j'ai énervé le juge en regardant ailleurs alors qu'une porte venait de s'ouvrir au dessus, ce qui est complètement bête de ma part...

-Une porte ?

-Oui quelqu'un était rentré dans le tribunal à ce moment par le balcon, et j'avais essayé de voir qui – bien que je ne connaisse personne...

-Ah...souffla Coyle en regardant ses chaussures.

Karmen, nerveuse à l'idée de tout raconter d'elle à quelqu'un pour la première fois depuis toute ces années, continua cependant son récit en prenant son temps.

-Après cela, j'ai été envoyé à a carrière de nuit...Mon amie de cellule, Mona, m'avait mise en garde contre les gens douteux qui y travaillent, mais au final j'y ai fait de très belles rencontres, avec Maxime, Pit, et les autres...

-Ces sont des criminels...commença Coyle en relevant la tête

-Non ! L'interrompit Karmen en haussant la voix. Ils sont tous victimes comme moi d'une justice faite non pas avec le cœur, mais avec la haine portée au peuple : ces juges là, dans les tribunaux...N'appliquent pas la VRAIE justice. Mes amis sont innocents et séparés de leur famille à cause d'eux....

-C'est pour cela qui vous pleuriez l'autre soir ? Devina Coyle.

-Je...Oui, avoue Karmen en regardant son assiette. J'ai eu la chance d'échapper à cette horreur qu'est la prison, mais eux...ils y sont encore, à subir des violences injustifiées, et moi...Moi je les ai abandonnés...

Suite à cette révélation, Coyle fixa Karmen sans rien dire: son histoire témoignait en effet d'une grande force de caractère, elle avait du subir tellement de choses...

-Si...Imaginons que j'arrive à les faire sortir de prison, pour leur trouver un poste au palais, ça vous soulagerait ? Tenta-t-il d'un air presque hésitant.

Karmen le fixa avec des grands yeux sans réagir : pendant un instant, Coyle craignit de l'avoir blessée ou choquée...Mais elle se jeta finalement dans ses bras en pleurant, un grand sourire aux lèvres, un vrai cette fois. Plus de masques.

-Oh mon dieu...Ce serait tellement...génial !

L'ombre d'un sourire sur les lèvres, Coyle s'autorisa à lui rendre son étreinte, sa joie était tellement communicative...

-Je vais voir si j'arrive à faire ça...Il me faudrait les noms de vos amis.

Karmen s'écarta, légèrement rouge sur les joues, mais se ressaisit bien vite.

-Il y a Mona, Maxime, Pit, Oliver et Joan. Mona est la seule en équipe de jour.

-D'accord, je verrai ce que je peux faire, je ne vous promets rien...

-Mais ne fait-il pas passer par le roi pour ce genre de décision ? Demanda Karmen d'un air inquiet.

-...Je suis un de ses conseillers, finit par répondre Coyle après un bref silence.

Karmen hocha la tête en silence, reconnaissante. Coyle prenait soin d'elle mais allait aussi essayer de faire quelque chose pour ses amis ! Derrière son air froid et distant, elle était à présent sûre qu'il se cachait quelqu'un de bien.

Alors que pensez-vous de Coyle ? Karmen?🔥

Des idées pour la suite?🌹

On approche des 2k!😍

Xoxo😚

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