18- Réveil

-Tu vas devoir t'y résoudre, sinon cette alliance ne tiendra pas.

-Il y a forcément un autre moyen, déclara la voix de Coyle.

-Non ! C'est ton rôle, peu importe tes états d'âme ! Répliqua l'autre voix vivement.

Karmen, à peine réveillée, ne comprenait absolument rien, mais tenta de faire savoir qu'elle avait faim. Très faim même.

-Aidez moi, gémit-elle.

Aussitôt, des bruits de pas se firent entendre auprès d'elle, et une main se posa sur son front : Karmen ouvrit les yeux et plongea son regard dans celui de Coyle, penché au dessus d'elle l'air inquiet.

-Tu vas bien ? S'enquit-il

-Je...oui, mais je n'ai rien mangé depuis des jours, articula la jeune femme, la gorge sèche.

-Oh ! Attend moi, lui intima son sauveur en repartant vers la porte, où l'attendait son interlocuteur, le même que la dernière fois, Karmen en aurait mis sa main à couper.

Il passa la tête par l'embrasure, les pieds toujours dans la chambre. En regardant autour d'elle la jeune femme vit qu'il avait tiré les rideaux pour qu'elle puisse dormir tranquillement.

-Tu peux voir ce que tu peux trouver ? Demandait-il quand Karmen reporta son attention vers lui.

-Sans souci, donne moi quelques minutes, déclara l'autre voix, toujours aussi familière à Karmen.

Coyle hocha la tête pour remercier l'autre, puis referma la porte pour venir rejoindre Karmen. Il a les traits tirés, remarqua celle-ci.

-Ça ne va pas tarder à arriver, annonça-t-il une fois à son chevet.

-Merci beaucoup, le remercia la jeune convalescente.

-Tu te sens un peu mieux ?

-Ça dépend des fois, hésita-t-elle. Autant des fois je peux me réveiller parfaitement consciente, autant d'autres, je suis complètement perdue.

-Je vois...Je pense que ça passera. Mais tu t'agites beaucoup la nuit par contre, tu dors mal ? Demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Karmen frémit : il l'avait vue dormir ?! Mais qui était-il d'abord ? Soudainement peu enclin à discuter, la jeune femme se ferma comme une huître et regarda de l'autre côté du lit, par la fenêtre.

Étrangement, Coyle ne se vexa pas, et repartit à son bureau sans un mot. La jeune femme s'était préparée à une question, de la colère ou à un minuscule signe, mais par cette réaction, impossible de savoir ce qu'il pensait, toujours avec ce masque froid...

-Je fais des cauchemars, finit-elle par déclarer.

Coyle releva les yeux vers elle, sans lâcher sa plume :

-A propos de ?

-Cette nuit là. Déglutit-elle. Rien ne s'efface, tout demeure, et m'emprisonne, comme le filet du pêcheur avec le poisson : il croit arriver à nager, mais le pêcheur remonte le filet, et le poisson reperd pied...Enfin façon de parler.

-Non je comprends parfaitement, déclara son interlocuteur en se levant soudainement.

Surprise de la rapidité avec laquelle il avait écarté la chaise, Karmen le suivit avec des yeux ronds aller se camper devant une des 4 grandes fenêtres, les mains croisées derrière le dos.

-Cherche un trou dans ce filet, rajouta-t-il au bout de quelques instants.

-Je n'en suis pas encore capable.

-Toi seule peut le faire, riposta sèchement Coyle, soudain tourné vers elle en affichant une mine sévère.

Surprise par ce nouveau changement brusque d'attitude, la jeune femme garda le silence et continua de le fixer. Ses pupilles grises argentées emprisonnèrent les siennes, lui donnant la curieuse sensation d'être mise à nue.

Gênée, elle détourna le regard, et tenta de saisir le livre qu'il avait posé sur sa table de chevet la dernière fois : ses bras encore douloureux l'empêchèrent de tendre la main à fond. Une main surgit de nulle part saisit le livre et le lui tendit : Coyle était perché au dessus d'elle, une mine indéchiffrable sur le visage.

Ils se fixèrent quelques secondes, chacun essayant de déchiffrer ce que pensait l'autre, puis Karmen finit par se saisir de l'ouvrage, tandis que Coyle sortait de la pièce sans un regard en arrière.

Quel étrange homme...

Bien qu'intriguée par ce personnage mystérieux et bipolaire, la jeune femme l'oublia bien vite en se plongeant dans sa lecture. Quand elle lisait, rien ni personne ne pouvait la faire sortir de son monde : il n'appartenait qu'à elle, et le profaner était exclu.

***

A son réveil, la chambre était baignée dans une douce lumière blanche - celle de la lune - comprit-elle en regardant par la fenêtre. Ses rayons venaient frapper chaque objet accessible dans la pièce, ce qui lui donnait un aspect flamboyant et magique...

En baissant les yeux, Karmen s'aperçut qu'elle s'était endormie pendant sa lecture, à en juger par le manuscrit posé sur ses jambes. Ça ne m'arrive jamais pourtant, s'étonna-t-elle. C'était vraiment signe qu'elle était fatiguée...

Malgré le pénombre, elle remarqua l'assiette posée à côté d'elle, accompagnée d'un petit mot :

« Mangez pour reprendre des forces »

L'écriture, tracée d'une main experte à en juger par la calligraphie soignée et impeccable, témoignait d'une certaine éducation. Mais rien ne lui laissait penser que c'était Coyle qui l'avait écrit puisqu'il n'était pas signé...

Affamée, la blessée tenta de se saisir de la nourriture, mais dans son état de faiblesse, ce fut son poignet et non ses doigts qui percutèrent le récipient, qui s'écrasa dans un grand bruit par terre.

Serrant les lèvres par réflexe, Karmen espéra que personne n'avait entendu le fracas de la porcelaine contre le sol - mais en même temps qui aurait pu entendre vu qu'elle ne savait même pas où elle était ?

Craignant la réaction de son hôte - instable - s'il voyait ça, la jeune femme tenta de s'asseoir dans le lit pour évaluer l'étendue des dégâts : l'assiette s'était brisée en de multiples morceaux, assez éloignés les uns des autres sur le parquet. Le pain et le fromage qu'elle contenait avaient roulé un peu plus loin...

Si elle voulait vraiment réparer tout ça, elle allait forcément devoir se lever : chose qu'elle n'avait pas faite depuis certainement des semaines maintenant, à cause de sa convalescence.

Mais sa crainte de la réaction de Coyle fut plus forte que ce doute, ce qui la poussa et jeter ses jambes hors du lit pour tenter de prendre appui dessus ; aussitôt elle remarqua leur effroyable maigreur, qui n'avait rien pour la réconforter...

Qu'importe, il fallait qu'elle se lève de toute manière.

-Allez Karmen, ronchonna-t-elle pour elle même.

La première fois qu'elle tenta de s'appuyer dessus, une incroyable douleur se diffusa dans toutes ses jambes : la jeune femme dut se mordre fort les lèvres pour ne pas crier !

Les tentatives qui suivirent furent toutes aussi infructueuses, mais au fur et à mesure, elle se sentait gagner en aplomb et en assurance. Quelques minutes plus tard, elle était enfin debout, s'appuyant très fort contre la table de chevet, qui, elle l'espérait, tiendrait le coup...

Les premiers pas furent les plus durs, la jeune blessée eut l'impression de marcher sur des clous dressés vers le haut...Littéralement. Ses mains s'appuyaient sur tout ce qui se trouvaient sur son chemin, comme sur une canne.

Karmen ramassa les morceaux brisés sur le sol, et les cacha dans la table de chevet, elle trouverait une solution plus tard : en attendant il fallait qu'elle mange. Après avoir saisi le morceau de pain et le fromage, elle décida d'aller aux fenêtres au lieu de se recoucher. Autant faire un maximum d'exercices pour se rééduquer...

Elle avançait lentement certes, mais ne s'était encore pas écroulée, malgré le fait qu'elle avait la sensation d'être faite d'éclats de verre... Une fois au bord de la fenêtre au bord du lit, elle s'appuya sur le rebord et grignota son repas d'un air distrait.

Devant elle s'étendait les plus beaux jardins qu'elle n'ait jamais vus, agencés avec harmonie : elle se serait crue dans un rêve. Les nombreux arbres et rosiers très bien entretenus laissaient penser que quelqu'un avait ordonné qu'on en prenne grand soin.

Au delà des remparts visibles au loin on devinait la mer, dont les rouleaux mugissaient en se frappant avec violence contre les rochers.

Un léger ronflement dans son dos lui fit soudain tourner la tête : quelqu'un était dans la chambre ! Les sens soudain en alerte, Karmen s'éloigna de la fenêtre avec précaution et examina les alentours : sur le divan derrière le bureau, à côté de la bibliothèque !

Quelqu'un y était assoupi, mais son visage était caché par un coussin, la jeune femme ne pouvait pas sa voir de qui il s'agissait sans s'approcher. Ce qu'elle fit.

Une fois auprès du divan, elle souleva délicatement le coussin et sursauta ; c'était Coyle ! Ainsi elle serait dans SA chambre ?

Me dites pas que lui ait pris son lit quand même...Mais sinon comment aurait-il pu me cacher ici ? Je n'ai clairement aucun droit d'être là !

Ses boucles blondes éparpillées autour de son visage finement dessiné lui donnaient l'air d'un ange...

Il paraît si paisible quand il dort, se surprit à penser Karmen, toujours interloquée par les sautes d'humeur soudaines de l'homme.

Le coussin toujours suspendu au dessus de sa tête, la jeune femme se sentit brusquement gagnée par des vertiges, et avant d'avoir compris ce qui se passait, elle s'était déjà écroulée dans un grand fracas au sol.

Au dessus d'elle Coyle sursauta et se réveilla instantanément, l'air surpris à en juger par ses yeux écarquillés : il porta la main à son fourreau et dégaina son épée qu'il pointa droit sur Karmen étendue au sol !

-Mais ça ne va pas de faire ça! Cria-t-il hors de lui.

Les mains levées au dessus de la tête en signe de reddition, Karmen ravala un sanglot qui lui nouait la gorge et répliqua sans réfléchir :

-J'ai eu aussi peur que vous figurez vous !

-Qu'est ce que vous faisiez là ? Grogna Coyle sans baisser son épée.

-Baissez votre épée.

-Je vous ai...

-BAISSEZ VOTRE ÉPÉE ! Hurla Karmen à présent en pleurs.

L'air surpris par le ton employé par la jeune femme, il obtempéra en silence. Karmen, qui s'était roulée en boule au sol, pleurait désormais sans retenue.

-Qu'est ce que j'ai...commença-t-il

-Non arrêtez, l'interrompit Karmen en relevant la tête.

-Mais...

-Cette épée au dessus de ma tête...Ça m'a ramenée à Bastien...Et à ce qu'il m'a fait.

Coyle ouvrit la bouche pour parler...puis la referma. Il rengaina son arme, et s'agenouilla aux côtés de la blessée :

-Excusez moi. Ce réveil brutal m'a aussi rappelé de mauvais souvenirs.

-Rien n'est pire que ce que j'ai vécu...

-Détrompez vous, souffla Coyle en détournant la tête vers la fenêtre. Il y a pire.

Karmen comprit à son visage renfermé qu'il n'en dirait pas plus, et n'insista pas. Elle frémit lorsque l'homme passa la main sous sa taille, mais se détendit immédiatement en comprenant qu'il voulait juste la porter jusqu'à son lit. Enfin le sien plutôt...

Il repositionna les coussins sous sa tête, puis remonta les couvertures sur elle sans un mot. Mais il restait une question à laquelle elle n'avait pas de réponse.

-Qui êtes vous ?

Il s'arrêta dans son action, posa les poins sur le lit et la fixa intensément.

-Un fonctionnaire du château royal.

-Attendez : du château royal ? Nous sommes dans le château royal ?! S'écria Karmen.

-Oui bien évidement. Je loge ici.

-Je croyais que seul le roi y logeait avec sa famille.

-Non d'autres hauts dignitaires y vivent sur son invitation, répliqua Coyle en fuyant son regard.

-Dont vous ?

-...Ça se pourrait.

Karmen ferma les yeux en digérant les informations ; elle se trouvait encore de le palais, abritée par un haut dignitaire de l'état qui semblait être celui qui l'avait sauvée ;

-Ce soir là.. .Dans la cellule : c'était vous ? Déglutit-elle en rouvrant les paupières.

-Oui en effet.

-Et Bast...enfin le garde ?

-Mort, trancha Coyle sans afficher aucune émotion.

La jeune femme ne put s'empêcher de souffler de soulagement. Enfin, son calvaire avec ce fou était terminé.

-Les gens de son espèce ne méritent pas plus de vivre que des criminels, ajouta Coyle.

-Je...merci.

L'homme au dessus d'elle hocha la tête et finit de remettre en place ses couvertures. Mais lorsqu'il recula, il poussa un cri surpris ; quand il leva son pied, Karmen remarqua qu'un morceau de porcelaine y était fiché ! Du sang s'écoulait lentement de l'entaille, assez large.

Très calme, le fonctionnaire retira l'éclat sans états d'âme. Il le garda dans sa main et chercha des yeux ce qui avait bien put causer cette coupure. Il tomba bien assez tôt sur les morceaux de l'assiette cachée dans la table de chevet, sous le regard inquiet de Karmen ; comment allait-il réagir ?

Un sourire amusé sur le visage, il retira les morceaux du délit de leur cachette et les montra à Karmen :

-Comment expliquez vous cela ?

-Hum...

-Ça ne vous suffit pas de me réveiller en me faisant mourir de peur, il faut en plus me mutiler ? Ironisa-t-il en la toisant

La jeune femme avait à présent compris qu'il plaisantait, et rentra dans son jeu.

-Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez.

-On se demande bien pourquoi...

-Elle devait en avoir marre de tenir compagnie à une infirme ennuyeuse.

-Elle aurait du savoir que cette « infirme » serait bientôt sur pieds alors.

La jeune femme pouffa devant la personnification de la pauvre assiette, et après avoir adressé un petit sourire à son sauveur, se tourna sur le côté pour dormir.

Pour la première fois depuis des semaines elle ne fit aucun cauchemars.

Salut! Pfiou 2287 mots j'ai douillé!

Alors ces rapports entre Karmen et Coyle vous les sentez comment? (ça se prononce pas Coile hein! Mais Coyle, à l'américaine un peu mdrr!)😂

J'ai atteint les 100 pages sur mon ordi j'étais complètement dingue!😱

Merci à vous pour vos messages, avis et votes.😍

Xoxo😘

(Petite modif, la soeur de Maxime dans le chap 13 s'appelle Julie j'ai du rajouter à l'arrache 😅)

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