11- Cape bleue

A son réveil, les couloirs n'étaient pas bruyants comme la veille ; elle avait loupé la sortie des cellules et par conséquent Mona.

Et son petit déjeuner aussi, le soldat l'avait prévenue. La journée allait être longue.

Autant en profiter. J'ai besoin de récupérer.

Karmen but quelques gorgées d'eau à la carafe, et se recoucha sur sa paillasse. Elle ignorait à quelle heure elle serait amenée devant le tribunal, mais à ce moment là on la réveillerait.

Peinant à trouver le sommeil, elle se retourna maintes fois sur sa couchette, mais grimaça d'un coup ; son épaule droite la faisait de plus en plus souffrir, et quand elle changeait les bandages ils étaient plein de pus...

Résignée à ne pas dormir, elle se leva et entreprit de nettoyer la plaie avec le peu d'eau qu'il lui restait. A chaque fois qu'elle tamponnait contre la bosse qui s'était formée, la douleur revenait au galop.

Elle s'occupa ensuite de sa jambe, mal en point elle aussi. Comment allait-elle bien pouvoir faire dans la carrière ?

Alors qu'elle finissait de nettoyer la plaie, des bruits de pas et des cliquetis d'armes se firent entendre dans son couloir ; elle rangea prestement les bandages sales et recouvrit sa jambe blessée de ses jupes.

Quelques instants plus tard, Bastien faisait son apparition, mais accompagné du général de la veille, Logan selon ses souvenirs. Karmen qui s'était crispée à l'approche de son bourreau de la veille, se détendit à la vue du second visiteur. Je ne craint rien avec lui.

-Karmen, vous êtes appelée à comparaître devant la cour pour tapage nocturne, insubordination à un garde, n'oubliez pas que vous ne pouvez en aucun cas prendre la parole.

-D'accord.

Bastien lui menotta les poignets dans le dos, mais pas une seule fois il ne la brusqua, ni ne l'insulta. Dans un premier temps surprise, elle comprit que c'était uniquement dû à la présence de son supérieur, qui avait l'air droit dans ses bottes lui au moins.

Il devait être une figure importante de la cour, pour imposer le respect comme ça...

Ce fut Logan qui la mena devant lui cette fois, Bastien sur les talons. Aucun ne parla, même pas entre eux. Ils ne devaient pas beaucoup s'apprécier. Curieusement je me demande pourquoi...ricana Karmen dans sa tête.

Voilà qu'elle se mettait à rigoler de ce qui l'entourait. De mieux en mieux. Mona avait peut être raison, elles n'étaient pas prêtes de sortir, autant rigoler lorsqu'elles en avaient l'occasion.

Karmen reconnut immédiatement la porte au bout du couloir dans lequel ils se trouvaient. Le tribunal. Elle se surprit à admirer la finesse des gravures, qu'elle distinguait de mieux en mieux au fur et à mesure qu'ils s'en rapprochaient.

Elle avait toujours aimé l'art, mais elle n'avait jamais eu l'occasion d'en admirer beaucoup...Si seulement elle pouvait, ne serait-ce qu'une fois, rentrer dans le palais pour admirer tous les tableaux qui s'y cachent...

Elle fut interrompue dans ses réflexions lorsque Bastien ouvrit la porte qu'elle contemplait ; comme la dernière fois, une gigantesque assemblée se tenait derrière la porte, le même juge au milieu.

Karmen espéra qu'il ne se souvenait pas l'avoir vue deux jours plus tôt...

-Nous n'espérions pas vous revoir de sitôt Karmen, siffla-t-il.

Raté. Un mauvais point pour toi.

Elle s'avança sans un mot, et prit sa place devant le barreau. Du coin d l'œil, elle vit Logan se placer quelques mètres derrière elle, et Bastien s'asseoir nonchalamment sur un banc. Mais il se redressa très vite lorsque Logan lui jeta un regard noir, l'air de dire « Ce n'est pas comme ça qu'on se tient ici, qu'est ce que tu fous ?! »

Si la situation n'avait pas été si délicate pour elle, Karmen aurait explosé de rire devant l'air contrit de Bastien, qu'elle ne connaissait que sous le jour du bourreau...

Elle reporta son attention sur le juge, au coup de marteau qui sonnait l'ouverture de la séance.

-Karmen Oligan. Détenue en prison, vous êtes accusée d'avoir manqué de respect à un soldat, et par conséquent votre supérieur, et d'avoir provoqué un tapage nocturne dans votre cellule, ce qui est interdit par le règlement.

Karmen, si elle avait eu le droit de parole, aurait réfuté tout ça, mais elle ne l'avait pas justement...

Les hommes assis à côté du juge continuèrent d'énoncer les peines, les sanctions, mais Karmen n'écoutait qu'à moitié : derrière la balustrade en hauteur, une lourde porte en bois venait de s'ouvrir en silence.

Une personne se donnait beaucoup de mal pour ne pas être vue...

Une silhouette s'avança, Karmen était sur le point de voir le visage du visiteur, quand soudain la voix du juge la ramena à la séance :

-Mademoiselle Oligan ! Si on vous dérange faites le nous savoir !

Affichant une mine désolée, elle baissa la tête et continua d'écouter consciencieusement ses interlocuteurs. Tant pis pour l'inconnu du tribunal.

-En vue de ce qui vous est reproché, Karmen Oligan je vous condamne à travailler à la carrière de nuit, et à recevoir 10 coups de fouet à chaque nouvelle erreur que vous commettrez, déclara le juge au bout d'un moment de silence.

Karmen se contenta de hocher la tête, et n'opposa pas de résistance alors que Logan la tira vers la sortie : avant de franchir la porte, elle releva la tête vers la balustrade au dessus de sa tête.

Elle perçut un mouvement et entrevit une cape d'un bleu très sombre tournoyer...et fut électrisée par le regard qu'elle croisa une fraction de seconde ; des pupilles d'un gris métallique, un regard perçant qui lui donna l'impression d'être mise à nue.

Le contact visuel fut rompu lorsque Bastien arriva à sa hauteur pour accompagner Logan.

-Ramenez la à sa cellule, ordonna ce dernier à Bastien, qui hocha la tête avec respect. Hallucinant.

La jeune femme n'eut plus l'occasion de relever la tête, et dut suivre Bastien. Une fois que Logan eut disparu au détour d'un couloir, sa prise sur son bras se fit immédiatement plus dure, et quand Karmen lui jeta un coup d'œil, il avait l'air de tout sauf amical...

Le temps qu'il la ramène à sa cellule, il ne fit pas de commentaire, mais accéléra le pas, de manière à ce que Karmen ait du mal à suivre, et trébuche. Une bonne occasion de la brusquer sans éveiller les soupçons des gardes qu'ils croisaient.

Une fois devant sa cellule, il s'arrêta, et lui fit face.

-Tss je les ai trouvés beaucoup trop clément avec toi, je suis déçu, lança-t-il en ricanant.

Karmen ne réagit pas.

-Tu ne parles plus miss ? Tu as perdu ta langue ? Railla-t-il d'un air goguenard.

-Je n'ai rien à dire.

Une gifle. Très vite suivie d'une deuxième. Ce qui n'eut pour seul effet d'énerver Karmen, qui renonça à son air de prisonnière modèle, pour affronter Bastien du regard.

-Aaah voilà ma battante préférée, se moqua-t-il en la regardant de haut.

-Mais ta gueule chien ! Tu ne vois pas que tu m'emmerdes?cria-t-elle hors d'elle.

Mauvaise réponse. Un coup dans le ventre, puis un croche patte qui la fit s'effondrer contre les jambes du colosse, qui la dominait maintenant de toute sa hauteur.

Bien joué Karmen. Pour la finesse on repassera.

Un second coup dans l'estomac lui coupa le souffle, elle commença à fortement regretter son coup de gueule.

Soudain un bruit de pas retentit dans le couloir, Bastien s'arrêta. Un jeune garde passa devant eux et salua son supérieur, mais celui-ci, mécontent d'avoir été interrompu s'énerva contre le pauvre innocent.

-Qu'est ce que tu fous ici ? Va-t-en je ne veux pas te voir traîner par ici ! Lui cria-t-il dessus.

Le malheureux déguerpit sans demander son reste...Karmen avait profité de cette pause pour reprendre son souffle, et essayait de se relever lorsque Bastien la saisit par les cheveux.

Il la releva et plaça son visage en face du sien, le tenant fermement.

-Je n'en ai pas finit avec toi, prépare toi, je t'aurai et tu ne pourras rien y faire !

Karmen tenta d'essuyer un filet de sang sur son menton, dut aux coups de son agresseur, mais celui-ci lui bloqua les poignets en relâchant sa tête, et l'embrassa de nouveau, violemment.

Dégoûtée, Karmen tenta de se débattre mais elle était trop faible physiquement pour faire le poids. Elle ne put rien faire lorsque Bastien laissa ses mains courir contre son corps, touchant ses seins, le creux de ses reins...Ses baisers lui donnaient envie de vomir...

Il la relâcha enfin, un sale sourire victorieux digne d'un gosse sur le visage. Sans plus de cérémonie il la poussa dans sa cellule qu'il referma à double tour.

Épuisée, Karmen dut s'appuyer contre le mur pour ne pas tomber. Elle tourna la tête pour être sûre que son pire cauchemar était bien parti, et se laissa glisser sur ses genoux.

Un bruit de porte qu'on ouvre lui fit lever la tête rapidement, et elle aperçut au détour du couloir un bout de cape disparaître derrière le battant...une cape d'un bleu très sombre, comme...Celle du tribunal ! Qui avait bien pu assister à ce qui venait de se passer ?!

Qui était cet inconnu ?

Trop épuisée pour y réfléchir, Karmen se traîna jusqu'à sa couchette, et s'y allongea. Après ce qu'elle venait de vivre elle lui paraissait encore plus douce qu'à l'ordinaire...Elle n'avait même plus la force de pleurer...

Le sommeil vint sans souci cette fois, lui tombant dessus comme une massue.

Il se passa plusieurs heures avant que la voix de Mona ne la réveille.

-Karmen ! Tu es là ! Que s'est-il passé? S'inquiéta-t-elle.

L'intéressée ouvrit les yeux à moitié au son de la voix de son amie, mais lorsqu'elle voulut répondre, ce fut un grognement inaudible qui sortir du fond de sa gorge.

-Je....brrrl, s'étrangla-t-elle.

Immédiatement elle se pencha et cracha ce qui obstruait ses cordes vocales, et eut un haut le cœur en contemplant la flaque de sang au pied de son matelas ; les coups de Bastien n'avait pas fait bon ménage...

Lorsqu'elle leva la tête elle eut jute le temps de croiser le regard inquiet de Mona avant que le garde derrière elle ne la fasse rentrer dans sa cellule. Dans ses yeux elle lut beaucoup de fatigue, mais une inquiétude qui lui déchira les entrailles.

Mais qu'est ce que je peux lui dire ? Oh tiens je t'ai pas dit mais un obsédé sexuel en a après moi, c'est à cause de lui que je suis ici et il a essayé de me violer pas plus tard qu'hier !

Non clairement pas. Alors elle se massa les tempes, se releva et s'approcha du même mur que la veille pour passer sa main à travers les barreaux. Elle ne pouvait pas voir Mona mais elle l'entendit approcher à pas feutrés.

Sa main saisit la sienne délicatement, ses doigts caressant lentement la paume de sa main. Karmen se sentit rassurée par ce contact, elle se sentait moins seule. Mona parut comprendre qu'elle ne parlerai pas, et resta par conséquent silencieuse.

Ce fut dans cette position peu confortable mais dieu sait combien réconfortante que Karmen s'assoupit, la respiration calée sur celle de Mona.

Alors alors le mystérieux inconnu du tribunal?


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