Chapitre 8 - La Fugue -Rebecca
Son portable vibra, chantonna, et la surprit.
Elle jeta un coup d'oeil aux alentours avant de décrocher, dissimulée derrière un grand chêne. Alfoso ? Généralement, lorsque le petit copain de sa sœur l'appelait, c'était soit pour une surprise, soit pour une très mauvaise nouvelle, ou une inquiétude excessive. Maintenant, il fallait seulement espérer qu'il ait simplement décidé de passer Noël avec sa petite amie zombifiée.
— Oui ?
— Reb', Maria va bien?
Seconde option, donc, l'inquiétude.
En effet, il paraissait affolé.
— Euh... Oui je crois ?
— Tu crois ? répèta-t-il, la voix montant dans les aiguës, un peu douloureux pour l'oreille derrière le téléphone. J'ai tenté de l'appeler une dizaine de fois et elle ne répond pas !
Comme si l'amour apaisait tous les maux, Maria retrouvait parfois un éclair de lucidité,lorsque son dévoué prince charmant lui passait un coup de fil. Elle riait, parlait sans monotonie ou esquissait un sourire avant de retomber dans les ténèbres, le regard assombri, la bouche sèche. Elle peinait parfois à articuler des mots. Et si leur mère avait parfois été tenté d'appeler les urgences, sa grande sœur réussissait toujours à l'en dissuader, sans que Rebecca ne comprenne réellement comment.
— Elle... quoi? Et mama, tu as appelé Mama?
— Ta mère m'a dit que...
Que? Alfoso renifla. Sa respiration se coupa. Et l'angoisse monta, retentit sur la poitrine de Rebecca. Parle, Por Los Dios!
— Elle m'a dit que vous aviez disparu toutes les deux. Je pensais qu'elle était avec toi. Rebecca, dis-moi que c'est le cas.
Mais il devait déjà se douter que non. Alfoso était intelligent. Trop parfois, à tel point que Rebecca s'était toujours demandée comment un esprit érudit et axé sur les sciences, avait fini par s'amouracher d'une grande rêveuse, comme sa sœur. Elle voulut articuler une phrase, n'importe quoi pour le rassurer, mais de sa gorge sèche, aucun son ne jaillit. Le rouge lui monta aux joues.
Maria s'était donc enfuie. Peut-être l'avait elle suivie ? Dans le doute, elle jeta un œil attentif autour d'elle. Personne. Pas même un chat. Le froid hivernal embourba ses jambes,et ses doigts raidi sur le téléphone. La neige avait inondé ses chaussures. Puis les faits se repètèrent en boucle dans son esprit : sa sœur instable avait disparu, par sa faute !
« Reb 'tu es encore là ? » insista Alfoso.
Une multitude de messages, par dizaine s' ensuivirent en haut de l'écran. Sa mère, son père, su abuela, et même ses amis. Comment autant de monde avait été mis si vite au courant ? Sa mère avait l'art de répandre la panique. Elle avait sans doute essayé de l'appeler également. Rebecca inspira doucement. Tant pis pour le manoir, d'autres urgences pressaient, à commencer par rassurer ses proches.
— Oui, je rentre tout de...
Avant qu'elle ne puisse aligner un mot de plus, une main gantée écrasa sa bouche, quand l'autre balaya son téléphone dont la vitre explosa sur les racines du chêne. Rebecca voulut se débattre, voire même s'enfuir. Mais ses bras étaient tenus, douloureusement tordus par les membres d'une apparente montagne de muscles. Elle tenta d'apercevoir son visage, mais hormis deux soleils brillants sur ses joues, la pénombre ne lui permit de retenir aucun détail. Puis, on lui banda les yeux, et l'envoya avec la même délicatesse qu'un sac à patates jeté dans un caddie, à terre. Ou non plutôt, entre des lattes de bois. Le sol se mit soudain à avancer.
Ses poumons rétrecirent. Des chaînes—ou des liens à carillons —entravèrent ses mouvements. Elle tâcha seulement de reprendre son souffle, péniblement.
Si la vielle sorcière l'avait retrouvé, gretel avait peur de finir dans son chaudron, dévorée toute crue.
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