Chapitre 5 - Bulle De Verre- Maïa

Maïa allait craquer !

Sous forme de pinces et de broches à clips, gentiment prêté par l'organisation qui la paierait très bientôt, l'appareil photo siègeait dans sa chevelure bouffante. Celle ci ne rêvait d'ailleurs que d'un moment libre pour  récupérer ses clichés et filer aux toilette afin de retirer une à une ces pinces et ce masque qui l'étouffait. Déjà trois heures qu'elle supportait cette mascarade, ces corps qui se tremoussaient au rythme de mélodies, étrangement modernes, entre le champagne qui coulait à flot et le halo des bougies.

En entrant, elle s'attendait à mieux. À des néons colorés, des technologies de pointes, des ascenseurs de verre ou encore des écrans géants. Non, en fait, elle ne comprenait pas l'intérêt de ce lieu si... classique. Un bon nombre de films d'horreur ou de  Noël gnan gnan, louaient des studios à peine plus impressionnants que cela. Et les gens n'en faisaient pas tout un foin.

Mais elle était là pour remplir une mission et repartir un chèque en poche, alors elle visitait la salle de bal, se promènait, ses barrettes automatiques vibraient entre ses mèches à chaque nouvelle photo. À force, elle redoutait la migraine.

Sa seule contrainte était d'avoir , en plus des lieux, à photographier l'hôte. Pourtant, il approchait dix heures du soir et ce clown n'avait toujours pas pointé le bout de son nez. Elle craignait de devoir le chercher elle-même.

Apparemment, seule la salle de bal lui était autorisée d'accès. Des vigiles, tous habillés en valets d'époque, avec de drôles de signes tatoués sur les joues, s'étaient postés à chaque sortie. Mais Maïa avait vêtu le costume de  reine, n'est-ce pas  ? Ce n'était pas de jeunes cartes qui l'empêcheraient de brandir sa couronne. Son masque lui serrant les joues, elle décida de le retirer une toute petite seconde puis s'empara d'une coupe de champagne délicatement pailletée d'or —Merci la frime —et dessina un plan dans son esprit.

Cet argent, elle l'aurait, croyez-le  !

—  Maïa ! C'est toi ?

Sous son masque bleu roi, une invitée l'aborda et surprise, Maïa lâcha sa coupe, son arme, la clef de sa liberté et son intrusion dans les ailes du manoir. Elle grogna avant de vérifier l'identité de cette curieuse.

— On se connaît ?

La blonde hocha la tête avec frénésie.

— Mais oui, c'est moi Loïs Pearl. On était dans la même promo, l'année dernière.

Maïa roula des yeux. Bien sûr qu'elle connaîssait cette boule d'énergie et de maladresse. Peut-être parce qu'elle avait gagné le rôle de présidente des élèves cette année, ou de Miss-je-sais-tout l'année dernière. Mais pour sa tranquillité, Maïa se contenta d'hausser les épaules.

— Ça ne me dit rien du tout. Mais bonne soirée Laurie.

Et elle retourna récupérer une seconde coupe, qu'elle reverserait avec joie sur la tenue des gardes avant de s'éclipser en vitesse dans les couloirs sombres et tortueux du manoir. Et voilà un peu d'action en bonus.

— Attend ! Le verre, on ne peut pas laisser ça comme ça ! Et si quelqu'un se blessait ?

Maïa fit volte-face. Voilà que miss-je- sait-tout épongeait le sol et ramassait le verre à l'aide d'une serviette trouvée sur le buffet. Pauvre fille. Maïa roula des yeux, et hésita à lui faire remarquer que le personnel pouvait s'en charger, mais s'en abstint. Ça lui fera une leçon !

Soudain les doigts de Loïs ripèrent sur un petit morceau tranchant, et ses cheveux se mirent à s'éclaircir, d'un doré précieux. Une seconde. Maïa cligna les yeux. Sa chevelure avait repris sa couleur de paille. Elle avait dû rêver, sans doute : il fallait dire que le sommeil commençait à l'attirer. Entre son travail de plongeuse dans un minuscule restaurant et les derniers projets à finaliser avant les fêtes, elle ne se reposait qu'occasionnellement.

— On devrait trouver un balai, euh..

— Loïs, rappela-t- elle tout sourire avant de sucer le sang, parfum champagne, qui fuyait de son index.

Le visage de Maïa s'illumina. Finalement, cette chère étudiante pourrait se rendre utile. Elle la tira par le bras en direction des gardes-valets, l'allure fière.

— Excusez-moi, mon amie s'est blessée, embraya-t-elle tandis que Loïs paraissait s'étonner de sa soudaine bonté, et de ce cirque pour trois gouttes de sang. En plus, regardez, sa robe est inondée de champagne. Danser dans ces conditions est inadmissible.

— Ce n'est pas la peine, voulut tempérer Loïs mais elle se tut lorsque le pied de sa camarade d'université écrasa discrètement le sien et qu'elle la fusilla du regard.

— Regardez la, la pauvre, la vue du sang lui a complètement retourné l'esprit : elle ne sait plus ce qu'elle dit. 

Maïa reprit sa respiration, espérant que Loïs ne gâche pas encore sa tirade. Les valets demeurèrent interdits. Sans cœur !  les accusa-t-elle d'une œillade,tout en distinguant leur tatouage : une étoile, une lune et un papillon de verre.

— L'hôte n'est pas disposé à vous recevoir mais une garde robe est à votre disposition, Moon se fera un plaisir de vous y conduire.

Joignant les gestes à la parole, ledit Moon les escorta à travers le couloir. Lorsque la pénombre les envahit, Loïs s'accrocha au bras de la fausse reine comme une sangsue. Ce qui donna à Maïa l'occasion de soupirer.

Pitié, comte, dépêche-toi, la reine s'impatiente.

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