Chapitre 19- Le Meurtre- Loïs
Le livre retomba sur ses genoux.
Elle l'avait entendu. Ce cri.
« Aidez-moi ! »
Quelqu'un avait besoin d'elle. Peut-être que Maïa avait décidé de s'en prendre à une autre ? Dans le doute, Loïs hésita à sortir d'ici. Elle y était plutôt tranquille, derrière la porte close, en sécurité et bien loin de cette folle furieuse qui se prenait pour une reine.
Loïs soupira. Non, elle s'en voudrait si la vie d'une personne tombait et qu'elle n'avait rien fait pour la sauver. Alors, elle déplaça la grande chaise de bois, et abaissa la poignée.
Non. Elle ne pouvait pas sortir comme ça. Une minuscule garde-robe attira son regard. Des robes, des manteaux d'époque, quelques uns en fourrures rousses, et plus loin des capes à capuches. Voilà, ce qu'il lui fallait. Sa main hésita. La derrière fois qu'elle s'était tenu face à un dressing, les choses s'étaient envenimées pour elle. Elle inspira un bon coup.
Une vie est peut-être en jeu. Ce n'est pas le moment d'être irrationnelle.
Elle attrapa le premier chaperon et l'enfila à son cou, redressa sa capuche puis courut à toute jambes. Plus personne ne criait, mais même à travers le tissu du vêtement, des voix lui parvenaient. Elle se cacha dans un coin. Un homme qu'elle n'avait que très brièvement vu au tout début de la soirée, montait les marches, une cape couverte d'écailles grises pendant à son bras. Loïs décida de le suivre : lui et ses collègues —ou frères comme ils s'appelaient ainsi—étaient les seuls à connaître un tant soit peu le comte, et au vu du récit qu'elle venait de lire, couplé à leur horrifique rencontre, Loïs faisait bien de penser qu'il n'était pas tout blanc dans cette apparente agression. Elle garda une bonne distance entre le valet et elle, tâchant de ne pas perdre sa trace. Elle grimpa le long d'un escalier en colimaçon, sans chaussures, en grimacant sur les pierres les plus glaciales.
Collin ne me croirait pas s'il savait ce que je m'apprêtais à faire, se dit-elle.
Arrivée à l'étage, des statues en armures les saluèrent. Prudente, Loïs tenta de décrocher une épée, mais trop lourde, y renonça aussitôt. Elle se contenta d'un tisonnier de fer suspendu dans un coin. Pitié, faites que ça soit suffisant...
Distraite, l'objet cogna contre le mur de briques ocre. Le valet se retourna. Loïs sentit son cœur s'affoler. Furieux, il se jeta sur elle, et par réflexe elle abattit son arme. Un écho métallique résona. Touché au crâne, il tomba sur le sol, inconscient. Le tisonnier également.
— Non, non, non je ne l'ai pas tué ! paniqua-t-elle, en s'agenouillant.
Elle prit son pouls : une veine pulsait encore dans son cou. Loïs respira. Elle récupéra la clef puis son regard se posa sur un éclat de verre Loïs l'effleura. Le morceau paraissait ancrée sur son cœur mais aucune goutte de sang ne fuyait. Elle retira sa main, et poussa un cri étouffé avant de reculer subitement d'un bond. Le valet aux tatouages papillons venait de partir dans un tourbillon de brouillard. Lorsqu'elle cligna des yeux et les rouvrit, il ne restait plus qu'un fragment de miroir résidant sur le sol.
Sa main l'attrapa machinalement, et le glissa dans la poche de sa robe, qui avait gagné en éclats. Des milliers de paillettes cristallines l'égayèrent.
Finalement, elle se releva et poursuivit sa route dans le couloir. Il n'y avait qu'une seule salle, ainsi la jeune femme savait où se rendre. Un déclic et une chambre murée de rouge apparut.
— Qui êtes-vous ? demanda une voix suspicieuse en fronçant les sourcils. Une employée d'alfoso ?
— Non, une vaillante princesse charmante. Je m'appelle Loïs, sourit la jeune blonde en lui tendant la main. Tu vas bien ?
La brune avança vers la lumière, afin que Loïs puisse distinguer ses traits. Ses deux mains étaient attachées dans son dos, elle ne paraissait pas blessée mais ses yeux bruns semblaient rougis, et ses cheveux ébenes en bataille.
— Moi, c'est Rebecca, annonça-t-elle enfin... et ça va. On ne devrait pas traîner, il pourrait revenir et...
Des talons claquèrent au sol.
— Je ne vous le fais pas dire ! Vous savez que je suis au courant si l'un de mes serviteurs s'envolent ? clama une voix derrière eux.
Le comte, un arc à la main, les menaçait d'une flèche si elle esquissait le moindre geste. Loïs recula, pas Rebecca mais elle n'en demeurait pas plus sereine.
— Le prince Auguste, souffla Loïs, se souvenant de leur accord. Vous vous appelez Auguste, continua-t-elle plus fort. Vous aviez promis de nous libérer si on trouvait votre nom.
Puis elle s'éloigna encore d'un pas, le cœur battant à folle allure.
— Vous, oui... admit - il en lui indiquant la sortie du coin de l'œil. Elle, non.
Rebecca blêmit.
— Ah et si vous tentez d'en parler à la police, comment pensez-vous qu'ils réagiront ? Ils vous traiteront de folle mais si ça ne vous suffit pas, il y a un charmant petit ourson en guimauve qui serait ravi que je lui rende visite...Quoi qu'il en soit, vous pouvez y aller.
Mais Loïs refusa d'abandonner la pauvre Rebecca à son sort, et encore moins de laisser ce psychopathe menacer Collin. Il fallait qu'il tombe sous les barreaux, mais pour cela, il lui fallait une preuve. Et indubitablement, elle n'en avait pas.
— Je compte jusqu'à trois. Ça vous décidera peut être à partir, siffla-t-il. À trois, n'espérez plus que revienne sur cette généreuse faveur.
Un.
Il banda son arc et visa la pauvre Rebecca, à présent tétanisée par la peur. Loïs avança lentement vers la sortie.
Deux.
Rebecca tremblait de tout son long, lui jetant un regard désespéré, la suppliant de l'aider. Loïs hésita mais pour sa propre vie, elle n'avait plus le choix. Une ombre avait noirci le regard du Comte. Était-il seulement encore humain comme dans le conte ? Elle passa à ses côtés, lorgnant le couloir de pierre : on lui avait laissé l'opportunité de survivre. De rejoindre les lumières de Noël.
Elle inspira.
Puis, sans réfléchir, Loïs sortit le fragment de miroir et lui transperça le cœur.
Il ne prononça jamais le chiffre trois.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top