Chapitre 11 - Le Fantôme -Loïs
Lorsque Loïs se réveilla, une drôle de sensation l'envahit. Deux escarpins de verre lui ceignaient les pieds. Sa robe bleu cyan paraissait blanche tant elle étincelait, malgré la semi- pénombre. La jeune femme sentit ses yeux picoter. Son deuxième réflexe fut de regarder ses mains, puis de tâter son cou. Elle inspira. En vie ? Pourtant , elle ne se souvenait pas avoir réussi à s'en tirer, ni qu'un mystérieux sauveur l'avait dégagée de cette lame vive et...
Rien qu'en y repensant, elle frissonnant encore.
– Mademoiselle Pearl, c'est un honneur de vous rencontrer !
Son cœur manqua un battement, mais elle se retourna, fébrile. Cette voix lui rappelait quelque chose. La voix lors de son arrivée au manoir. Le fantôme. Elle en vint à naïvement relier ces deux entités. Un homme brun la fixait de ses deux yeux émeraudes. Il paraissait à première vue, bien en chaire et en os, installé dans un costard cravate bordeaux et assis sur un fauteuil Louis XVI, jambes croisés. Bien à son aise. Ainsi, la jeune femme crut deviner immédiatement qui figurait devant elle.
— Vous êtes...
— Le comte Lewis-Nowey, propriétaire de ce manoir, en effet.
Propriétaire ? Ce titre la fit tiquer. Jusqu'alors elle s'était persuadée que le manoir n'appartenait à personne, si ce n'était à sa commune. Le comte, probablement un nom de scène, l'avait simplement loué pour les fêtes. Et quand bien même, quelqu'un possédait réellement cette demeure, Loïs n'imaginait pas la fortune qu'il avait déjà du amasser. À un si jeune âge.
— Vous m'imaginiez plus vieux ? Je me trompe ?
Elle hôcha la tête devant son sourire satisfait. Si comme tous les invités, elle avait été mordue d'impatience de rencontrer l'organisateur de cette fête, cet homme ne lui inspirait à présent ni joie, ni sympathie, rien que de l'effroi. Pourtant il l'avait sauvé.
— Pour...pourquoi a t-on voulu me tuer avec...
— La lame? Qui vous a dit que j'avais eu l'intention de vous tuer ?
Lui ? Un éclair n'aurait pas pu la surprendre davantage, et toutes ses connaissances savaient que Loïs avait une peur bleue de la foudre.
— Tout ce que j'ai fait, ajouta-t-il avec flegme, c'est entrer en contact avec vous. Le verre n'était qu'un outil... Un peu comme ce téléphone portable si cher à vos yeux.
Tout en terminant sa phrase, il brandit le propre téléphone de Loïs, qui écarquilla les yeux, outrée.
— C'est à moi ! protesta-t-elle.
— Il y avait des informations confidentielles ? Oups ! Pourtant, j'étais sûr qu'hormis quelques messages tréés privés avec un certain «petit ourson en guimauve» vous aviez une vie tout à fait rangée. Me serais-je trompé ? Je serais presque tenté de vérifier. Peut-être que l'ourson m'en dira plus.
Il lâcha l'objet qui rebondit sur la moquette douce. Le cœur de Loïs tréssauta.
— Mettez Collin en dehors de tout ça.
Ses iris-émeraudes s'illuminèrent, d'une fourberie terrifiante.
— L'ourson a un nom, merveilleux ! Maintenant que j' y réfléchis, j'aurais presque pu vous envoyer le costume de boucle d'or plutôt que celui de Cendrillon.
— Qu'est-ce que vous me voulez ? s'emporta-t-elle, d'aucune humeur à plaisanter.
— Ça ne serait pas du jeu si je vous le disais. Votre copine et vous aviez l'air moins stupides—ou plus curieuses—, mais surtout nettement plus amusantes que les autres, alors je vous lance un défi : si vous devinez mon nom avant la fin de la soirée, je vous libère.
Loïs sourcilla. Il se prend pour une personnage de conte ?
— Et sinon ?
— Sinon, vous finirez comme les autres.
Nouveau froncement de sourcils.
— Comme les autres ? C'est à dire ?
Il ne répondit pas. Scrutant seconde après seconde le carillon d'argent. Maintenant qu'elle y pensait, Loïs ne se souvenait pas en avoir aperçu en se réveillant ici. Pourtant, il était tout à fait remarquable...
— Regardez vos mains ! ordonna-t-il de son éternelle et frissonnante voix calme.
Ça, elle l'avait déjà fait. Ses mains étaient intactes, blanches, lumineuses et... Invisibles? En voulant se frotter les yeux, Loïs ne ressentit ni sa chair, ni ses ongles longs qu'elle rongeait parfois dans les temps d'angoisse. Maintenant en aurait été le parfait exemple.
— Comment...
—... se fait-il que vous disparaissiez ? Pas d'inquiétude, tout cela n'est que dans votre tête.
Dans ma tête ? Pour l'heure, Loïs n'avait vraiment pas l'esprit libre pour se consacrer aux énigmes. Pourtant le comte, semblait s'amuser à prendre tout son temps pour semer des indices, voire des explications. Elle observa ses bras, eux aussi sur le point de s'effacer. Une grimace d'horreur fendit son visage.
Elle ouvrit la bouche, mais les mots s'évanouirent eux aussi. Puis son buste, son cou. Ses jambes. Un miroir s'illumina à sa droite, le même que ceux du dressing. Le masque bleu se détacha de son visage et plongea sur le lit.
Finalement, sans s'occuper de la détresse de la pauvre jeune femme, le comte se redressa et passa la porte de la chambre, de dernières notes jaillirent de ses lèvres froides :
— Joyeux Noël, mademoiselle Pearl.
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