Chapitre 18
Harry Potter n'était pas ce qu'on appelle communément « quelqu'un du matin ». Avec les années il avait bien essayé de faire des efforts, mais rien n'y faisait. Chaque jour, lorsque son réveil sonnait, il grognait, éteignait cet engin de malheur d'un geste brusque puis s'asseyait au bord du lit en poussant un soupire à fendre l'âme. Il prenait ensuite plusieurs minutes à se frotter les yeux, se plaindre, entre autre, d'avoir froid, puis seulement il prenait le chemin de la salle de bain.
Après une bonne douche bien chaude, il se traînait ensuite jusqu'à la cuisine et buvait une tasse de café noir. A partir de là, on pouvait déjà constater une petite amélioration, mais ce n'était pas tout à fait ça. Il avalait par la suite un toast, embrassait sa femme puis partait pour le Ministère.
Ce n'est que là-bas, après avoir avalé sa seconde tasse de café qu'on pouvait dire qu'il était vraiment réveillé.
Entre le moment où le réveil sonnait et celui où il finissait son deuxième café, il valait tout simplement mieux l'éviter et si, par mal chance, on n'avait pas d'autre choix que de le croiser, on se faisait tout petit. Parce qu'entre le moment où le réveil sonnait et celui où il finissait son deuxième café, tout ce qui pouvait sortir de sa bouche n'étaient presqu'exclusivement que des grognements de mauvaise humeur.
Non, vraiment, Harry Potter n'était pas « quelqu'un du matin ».
Sa secrétaire, Marie Melinera, en savait bien quelque chose. Cet homme était la meilleure personne qu'elle n'ait jamais rencontrée avant d'être embauchée, mais sans son café, il était détestable. Dès son premier jour, elle avait compris un peu plus facilement comment un garçon de dix-sept ans avait pu vaincre le Seigneur des Ténèbres. Lorsqu'il était de mauvaise humeur, une sorte d'aura impressionnante et intimidante flottait tout autour de lui.
Aussi, à l'instant même où son patron passait le seuil du Département des Aurors, elle levait sa baguette et, d'un savant moulinet du poignet, faisait apparaître une tasse de café bien noir sur le bureau de l'homme. Elle le regardait ensuite passer, sans rien dire, et s'enfermer dans la pièce. Invariablement, cinq minutes plus tard, il rouvrait la porte, tasse à la main, lui offrait un petit sourire penaud et la remerciait en la saluant chaleureusement.
Chaque jour que Dieu faisait, il en était ainsi. Chaque jour jusqu'à celui du mariage d'Hermione Granger et de Ron Weasley, plusieurs semaines plus tôt. Parce que depuis, malgré des litres de café, Harry Potter ne sortait pas de sa mauvaise humeur et son aura magique ne perdait rien de son intensité.
Marie avait bien tenté, à plusieurs reprises, d'aller lui parler, mais à tous les coups, elle s'était fait rembarrer. En fait, depuis ce fameux jour, il ne s'était plus adressé à elle qu'en aboyant. Et honnêtement, elle commençait à en avoir plus qu'assez. Alors certes, il avait le droit de ne pas être d'humeur à travailler alors que ses meilleurs amis vivaient un mauvais moment et que son couple, à lui aussi, battait clairement de l'aile, mais tout de même !
Ce matin-là, en se levant, Marie était sûre d'elle. Elle irait tenter une dernière fois de discuter avec son patron. Et si, une fois de plus elle se faisait traiter comme un vulgaire Scroutt à Pétard, elle lui donnerait sa démission sur le champ. Cette solution ne l'enchantait guère parce qu'elle adorait vraiment son boulot, mais le comportement de son supérieur le faisait le haïr de jour en jour. Et elle ne voulait pas devenir ce genre de femmes aigries par leur travail. Aussi, avec son diplôme et maintenant le fait d'avoir travaillé pour Harry Potter en personne sur son curriculum vitae, elle n'aurait pas de mal à retrouver du travail ailleurs.
Forte de sa décision, elle se prépara soigneusement, prit un copieux petit déjeuner et se rendit au Ministère de la Magie.
Les couloirs étaient toujours passablement déserts lorsqu'elle arrivait, on entendait d'ailleurs pratiquement que l'écho de ses talons qui claquaient sur le carrelage. Arrivée à son étage, elle triait les notes de services, notait les demandes de rendez-vous, arrosait les plantes, préparait les dossiers à traiter par ordre de priorité, puis s'installait à son bureau. En attendant son patron, sentant monter sa nervosité, elle attrapa la pile de courrier venant de l'extérieur et se mit à les trier. Elle ne s'occupait d'ouvrir que celles envoyées au Département en général. Celles adressées à son patron, elle les lui remettait dans la demi-heure après son arrivée. Elle venait tout juste de finir sa tâche lorsqu'Harry Potter arriva justement dans le service.
Comme à son habitude, Marie leva sa baguette et fit apparaître un café noir sur le bureau de l'homme avant que celui-ci ne claque la porte pour s'enfermer dans la pièce. Elle attendit qu'il réapparaisse pour la saluer, mais compris qu'il n'y avait pas d'amélioration dans sa vie privée lorsque la porte resta close. Bien. Elle lui parlerait lorsqu'elle apporterait le courrier.
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Savez-vous comme trente minutes peuvent être longues lorsqu'on les décompte ? C'est ce que se disait Marie en fixant l'horloge murale face à elle. Alors qu'il ne restait plus que deux minutes, elle se redressa, jeta un œil à son reflet pour remettre en place les boucles blondes de sa coupe carrée et inspira un bon coup avant de se diriger, telle une condamnée qu'on amène au bûcher, vers le bureau d'Harry Potter.
Celui-ci, présentement confortablement installé dans son fauteuil, la tête en arrière, les jambes tendues, et les mains croisées sur son ventre, se remémorait la rencontre qu'il avait eu avec sa femme, la veille. Après plusieurs semaines et des dizaines de lettres reçues, il avait enfin accepté de la revoir. Tout d'abord parce qu'il se sentait enfin prêt à avoir une conversation avec elle et puis, surtout, parce qu'elle lui manquait. Elle lui manquait tellement qu'il n'en dormait plus et passait ses soirées, ainsi qu'une partie de ses nuits, à retaper la maison de son Parrain.
Après y avoir réfléchis un moment, il l'avait donc invitée à se rencontrer à l'extérieur, dans un endroit neutre. Aussi s'étaient-ils donnés rendez-vous devant un pub moldu, à deux pas du Chaudron Baveur.
Son cœur s'était serré lorsqu'il avait aperçu son teint pâle et les larges cernes sous ses yeux, mais il n'avait rien dit. Il l'avait salué d'un hochement de la tête et conjoint à le suivre dans le pub. Une fois installés, un verre devant chacun d'eux, il avait attendu. Elle voulait le voir pour lui parler, eh bien il était là et était toute ouïe.
- Tu sais Harry, je... Je suis désolée, avait-elle débuté d'une voix morne. Lorsque Neville et moi avons surpris Ron et Lavande, j'ai tout d'abord été choquée au point de partir sans rien dire. Le lendemain par contre, je me suis pointée chez Ron, pendant qu'Hermione était à l'hôpital, et je lui ai demandé des explications. Dans un premier temps je me suis d'abord dit que j'allais aller les retrouver tous les deux directement à la boutique, mais tu sais comme Lavande m'insupporte. Elle n'est pas méchante, mais elle m'énerve, c'est tout. Donc, je disais que je suis allée chez Ron et je l'ai forcé à tout me déballer. Puis il a pleuré. Longtemps. En me disant qu'il aimait Lavande plus que tout, mais qu'il ne voulait pas faire de mal à Hermione parce qu'elle était son amie et que tout ce qu'il souhaitait c'était que tout le monde soit heureux. Je n'avais plus vu Ron pleurer comme ça depuis... Depuis la mort de Fred. Alors j'ai accepté de le couvrir, le temps qu'il trouve une solution. Parce qu'il est mon frère, que j'en ai perdu un et qu'il était hors de question que j'en perde un autre. Tu sais Harry, ne le prends pas mal, mais tu... Enfin... Tu es fils unique, tu ne peux pas comprendre ce que c'est de ressentir le besoin viscéral de protéger un membre de ta fratrie. J'aime mes frères et je ferais tout pour les protéger du malheur...
Ginny avait fait une pause, le temps de lever les yeux vers son mari, afin de juger son humeur, mais rien ne transparaissait sur son visage. Si elle avait levé la tête une demi-seconde plus tôt, elle aurait aperçu l'éclair de douleur qui avait traversé son regard émeraude, mais ce ne fut pas le cas. Après avoir inspiré profondément, elle avait continué.
- Tu sais Harry, je sais qu'on dit de moi que j'ai un tempérament de feu, mais je ne supporte plus les conflits, les disputes, les cris. J'en ai eu ma dose avec la guerre. J'étais heureuse de notre petite vie tranquille, sans anicroches, au calme. Tu te levais grognon, prenais ton
petit-déjeuner à mes côtés puis partait sauver le monde. Tu avais à peine passé le seuil de la maison que tu me manquais déjà, j'étais heureuse et soulagée quand, le soir, tu rentrais et me prenais contre toi. Si je ne t'ai rien dit pour Ron et Lavande, c'est aussi parce que je savais que tu irais en parler à Hermione et que tout ça volerait en éclat. Je... Je ne pouvais pas me résigner à ça. Tu comprends ? Je sais que c'est tout à fait égoïste, j'en ai conscience, mais c'est la vérité. Et puis, honnêtement, quand je voyais Ron peu après qu'il ait passé du temps avec Lavande, je constatais une réelle amélioration chez lui. Cette fille est peut-être niaise à vomir, mais elle le rend plus heureux qu'Hermione ne l'a jamais fait. Alors voilà...
Ginny s'était tue une nouvelle fois ensuite et attendu une quelconque réaction. Au bout d'un moment, alors qu'elle commençait sérieusement à être mal à l'aise sous le regarrd de son mari, celui-ci c'était levé, l'avait remercié pour sa franchise puis était parti sans se retourner.
Harry était ensuite rentré au 4, Square Grimmaurd et avait bricolé jusqu'au petit matin pour se vider la tête. Lorsque son réveil avait sonné, il était déjà debout, n'ayant pas dormi du tout. Il avait pris sa douche, comme à son habitude, avait avalé un café puis avait transplané devant le Ministère.
Une fois dans son bureau, il avait avalé d'une traite le café que Marie lui avait préparé puis s'était installé pour réfléchir. Des coups frappés sur la porte le firent cependant perdre le fil de ses pensées et ça l'agaça prodigieusement.
- Quoi ?! Aboya-t-il alors
Comme la porte s'ouvrait sur sa secrétaire, il soupira. Elle lui amenait certainement son courrier et son emploi du temps. Génial. Il avait presque réussi à oublier qu'il était ici pour travailler. Hors, il n'avait vraiment, mais vraiment pas envie de voir qui que ce soit aujourd'hui. Il fit sursauter la jeune femme lorsqu'il lui ordonna sèchement :
- Annulez tous mes rendez-vous, je ne veux voir personne. Pas d'humeur.
- Ben voyons, marmonna la jeune femme entre ses dents
- Je vous demande pardon ?
De l'autre côté du bureau, Marie inspira profondément, ses mains tremblaient légèrement.
- Vous êtes constamment de mauvaise humeur depuis plusieurs semaines, Harry. Cela ne date pas d'aujourd'hui, dit-elle courageusement. Je vous ai déjà demandé à maintes reprises si je pouvais faire quoique ce soit, mais à chaque fois, vous m'envoyez bouler.
Face à elle, Harry écarquilla légèrement les yeux avant de les plisser. Marie déglutit. Ce n'était pas bon.
- Si je vous envoie « bouler », comme vous le dites si bien, c'est parce que premièrement je n'ai besoin de l'aide de personne, surtout pas d'une idiote dans votre genre et deuxièmement parce que cela ne vous regarde pas. Vous avez été engagée pour vous occuper du courrier et de mes rendez-vous, alors tenez-vous en à cela, si ce n'est pas trop vous demander, dit-il d'une voix sèche et froide.
Harry sut immédiatement qu'il avait été trop loin lorsque les yeux gris de sa secrétaire s'embuèrent. La culpabilité commençant à s'insinuer dans son être, il voulut lui présenter ses excuses, mais la jeune femme faisait déjà demi-tour.
Un instant plus tard, un petit remue ménage se fit entendre.
Intrigué, Harry se leva et sorti de son bureau. Marie se trouvait justement devant le sien. Son sac grand ouvert et sa baguette à la main, elle rapetissait toutes ses affaires personnelles et les envoyait rageusement se ranger dans son sac. Lorsqu'elle eut vidé son espace de travail, elle attrapa plusieurs paquets de documents et vint se planter devant Harry pour lui jeter le tout dans les bras.
- Vous annulerez vos rendez-vous vous-même. Voici le courrier. Cette pile-là vous est directement adressée et l'autre concerne le Département en général. Les notes de services sont ici et... voilà ma démission, finit-elle en tapa une dernière feuille sur le paquet, faisant vaciller le Chef des aurors. Vous êtes quelqu'un de bien, Harry, mais depuis plusieurs semaines vous êtes devenu invivable.
Marie s'arrêta un instant pour reprendre son souffle et tenter de retenir ses larmes, mais cette dernière étape fut un échec lorsqu'elle planta son regard dans celui stupéfait de l'homme qui lui faisait face.
- Je peux comprendre que vous soyez malheureux et inquiets pour vos amis et que votre vie de couple vous trotte, mais je ne suis pas là pour subir vos excès d'humeur. Je suis, comme vous me l'avez si bien rappelé, payée pour m'occuper de vos rendez-vous et de votre courrier, pas pour me faire traiter comme une bouse de dragon. Alors, la petite idiote que je suis, ne vous supportant plus, ramasse ses affaires et vous laisse vous débrouiller tout seul avant de vous envoyer un sort entre les deux yeux. Au revoir.
Sur ce, elle s'essuya les joues, renifla et s'en alla dignement, la tête haute, sous les regards choqués de ses collègues du Département et celui toujours aussi stupéfait d'Harry.
Lorsque celui-ci réalisa enfin ce qu'il venait tout juste de se passer, Marie avait déjà quitté l'étage, peut être même le bâtiment.
A bout de nerfs, en colère contre lui-même et contre le monde entier, sentant sa magie crépiter dangereusement, il retourna s'enfermer dans son bureau, lâcha la pile de papiers sur une autre et explosa.
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Dans l'heure, Harry fut appelé auprès du Ministre de la Magie, et celui-ci lui passa un fameux savon.
- Te rends-tu compte que tu aurais pu tuer quelqu'un !? Par Merlin, c'est un miracle que personne n'ait été blessé ! avait hurlé Kingsley avant de s'adoucir, mais d'ordonner fermement. Tu as besoin de te reposer, Harry. Toutes ces histoires avec Ron, Hermione et Ginny te rendent incapable de faire quoique ce soit. Et vu la tête que tu as, je parierais sur le fait que tu n'as plus dormi depuis des jours. Tu es le Chef des Aurors, maintenant, mon garçon, tu n'as pas le droit d'arriver dans un tel état alors que tu as plusieurs équipes sous ta responsabilité. Sans compter l'incident d'aujourd'hui, imagines-tu les conséquences que ton manque de concentration pourrait avoir comme conséquences ? Les hommes qui travaillent avec et pour toi te font confiance, tu n'as pas le droit de les mettre en danger parce que tu as la tête ailleurs et que tu n'es pas totalement opérationnel sur toutes les missions.
Le Ministre avait reprit sa respiration et finit:
- Par conséquent, tu dois comprendre que je ne peux pas te laisser continuer comme ça. Alors tu vas rentrer chez toi et ne revenir que lorsque tu auras mis de l'ordre dans ta vie. Je vais te faire remplacer pour quelques temps, je suis désolé, tu es suspendu Harry.
Le ton n'admettait aucune réplique et pour être honnête, le plus jeune n'aurait de toute façon pas protesté.
Il avait été horrifié lorsqu'il s'était rendu compte de la puissance de sa perte de contrôle, et s'en voulait pour cela. S'il y avait eu des blessés, il s'en serait voulu à vie. Comme l'avait dit Kingsley, c'était un miracle qu'il n'y en ai pas eu. Aussi avait-il hoché la tête et était rentré chez lui dans les plus brefs délais.
Il allait d'ailleurs monter à l'étage pour prendre une douche lorsque la sonnette d'entrée retentit. Sûrement ces charognards de journalistes, se dit-il. Il aurait en effet été étonnant qu'ils n'aient pas entendu parler de cette affaire.
D'un pas raide, il alla ouvrir la porte, avec pour objectif de remballer purement et simplement ces maudits vautours, mais resta toutefois figé sur le seuil. Ce n'était pas les journalistes.
- Je peux entrer ? Demanda la personne d'une voix légèrement tremblante
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