Chapitre 16
Cela faisait plusieurs heures maintenant qu'Hermione s'activait au chevet de Phil.
Dès son arrivée, elle avait pu constater l'urgence de la situation. Des plaies infectées, une forte fièvre, la respiration saccadée, une hypotension accompagnée d'une tachycardie... Tout indiquait que le dragonnier souffrait d'une septicémie². C'était tout du moins ce qu'elle soupçonnait. Et ce n'était clairement pas une bonne nouvelle.
Ce n'était pas une bonne nouvelle parce qu'il aurait fallu immédiatement hospitaliser Phil. Hors, primo, son état était maintenant beaucoup trop critique pour le transporter et, secundo, avec Sainte-Mangouste en quarantaine, cela aurait de toute façon été impossible.
Elle commença à faire les cent pas devant le lit de son patient, ses méninges en ébullition. Dans un premier temps, elle devait lui administrer une potion antibiotique à large spectre (= action), cela aiderait à combattre l'infection de manière générale. Cela ne pourrait cependant pas durer, elle devait faire analyser le sang du dragonnier afin d'isoler le germe, la bactérie, responsable de son état, puis adapter le traitement.
Hermione allait donc avoir besoin de matériel. Un rapide coup d'œil à l'infirmerie lui confirma qu'il n'y avait rien qui puisse l'aider ici. Et à part à Sainte-Mangouste, où trouver ce dont elle avait besoin ? « Merlin, mais comment faisait Mme Pomfresh quand... Mme Pomfresh ! »
La médicomage arrêta brusquement de marcher.
- Poudlard ! J'aurais dû y penser tout de suite ! S'exclama-t-elle avant de se tourner vers l'équipe de dragonniers qui ne comprenait pas où elle voulait en venir. Je vais avoir besoin de matériel et de certaines potions, hors avec Sainte-Mangouste en quarantaine, je ne vois que Poudlard qui puisse accéder rapidement et sans problème à notre requête. Combien de temps faut-il pour obtenir un Portoloin ici ?
- Plusieurs jours, voir semaines, répondit Raphaël, le chef. Il est plus facile d'entrer dans ce pays que d'en sortir.
Ah. Les sourcils d'Hermione se froncèrent, son visage affichant clairement une mine contrariée. Elle reprit sa marche. Puis, au bout de deux minutes, elle se mit à lancer des regards en coin à Charlie.
Pourquoi, il n'en savait rien, mais le rouquin sentit venir de loin, mais alors, de très loin, qu'il n'allait pas apprécier ce qui allait suivre.
- Charlie, tu m'as bien dit que l'on pouvait aller où l'on voulait par cheminette, à condition que les cheminées aient un accès autorisé, n'est-ce pas ? Demanda-t-elle en faisant un arrêt le temps de le regarder.
Le susnommé acquiesça. Hermione reprit sa marche, donnant à nouveau le tournis à l'équipe de dragonniers qui l'observaient toujours sans dire un mot.
- Mhmm. Le problème, c'est que depuis la guerre, le Professeur McGonnagal a fait bloquer toutes les cheminées de Poudlard, celle de son bureau compris. Les seuls moyens de la joindre sont le patronus, le courrier ou aller se planter devant le portail de l'école. Le premier est inenvisageable dans notre situation à cause de la distance, le second prendrait trop de temps à arriver, reste le déplacement. Il faudrait que quelqu'un se rende directement là-bas.
Hermione vint alors se placer devant Charlie et plongea son regard dans le sien, mais, comme une douce chaleur commençait à se propager en son for intérieur, elle détourna légèrement les yeux en rougissant. Ce n'était pas le moment.
- Est-ce que la cheminée de tes parents est accessible d'ici ? Demanda-t-elle à voix basse.
Face à elle, Charlie ferma les yeux et soupira. Il l'avait senti arrivé celle-là et il n'appréciait pas. S'en rendant compte, Hermione fit un pas vers lui et lui attrapa la main, comme il l'avait fait avec elle à de nombreuses reprises. Elle se mit ensuite sur la pointe des pieds et vint chuchoter à son oreille, pour que lui seul puisse entendre.
- Je sais que tu n'aimes pas retourner là-bas, je n'ai pas encore tout à fait compris pourquoi, mais je n'ai pas d'autre solution. Je dois rester ici et commencer les soins rapidement, Charlie, il n'y a que toi qui puisses y aller. S'il te plaît. Phil à besoin de toi...
Dans un premier temps, le souffle chaud d'Hermione contre sa peau, ainsi que sa proximité, chamboulèrent Charlie. Ses mains devinrent moites, son rythme cardiaque prit de la vitesse et sa tête se mit tourner rapidement lorsqu'il inspira les flagrances de vanille qui émanaient de la chevelure brune. Le désir violent qu'il commençait à ressentir pour la jeune femme retomba cependant à l'évocation de son ami. Phil allait peut-être mourir et lui ne pensait qu'à... Merlin ! Choqué, Charlie fit un rapide pas en arrière.
- Hum. Oui, dit-il d'une voix rauque. Oui, la cheminée de mes parents est accessible. J'irai avec Ed, écris-moi tout ce dont tu as besoin sur un papier.
Si Hermione avait été légèrement blessée par ce recul si soudain, l'intonation de sa voix la rassura, il la désirait. Elle s'activa alors pour trouver du parchemin et une plume. Elle fit une liste complète et détaillée de tout ce dont elle aurait besoin, ajouta certaines choses « pour le cas où » puis gribouilla quelques lignes sur un autre bout de papier avant de lever sa baguette sur ce dernier. Lorsqu'il fut devenu invisible, elle tendit le tout à Charlie.
- Voilà, tu peux donner ce message au Professeur McGonnagal, j'ai fait en sorte qu'elle seule puisse le lire. Ce n'est pas que je ne te fais pas confiance, bien au contraire, mais elle est vraiment devenue très stricte sur la sécurité du château... expliqua-t-elle avec un petit sourire en pressant sa main dans la sienne.
Le cœur de Charlie se mit de nouveau à battre plus vite. Par les Fondateurs, reprends-toi mon vieux !
Écoutant sa petite voix intérieure, il se secoua et quitta l'infirmerie d'un pas rapide, Ed sur ses talons. Hermione se tourna alors vers ce qu'il restait de l'équipe de dragonniers, se sentant soudainement un peu mal à l'aise.
- Je... J'aurais besoin que quelqu'un m'aide pour les soins, indiqua-t-elle.
Aussitôt, l'unique femme du groupe s'approcha en souriant. L'air jeune, petite de taille, les cheveux courts et noirs, elle ressemblait étonnement à l'homme que Charlie lui avait soufflé être leur chef.
- Je m'appelle Élisa, Élisa Volvic, se présenta-t-elle en tendant sa main vers Hermione. Ici, à part Cha et moi, tu ne trouveras personne d'autre pour t'aider efficacement. Ces grands gaillards que tu vois là, qui font mumusent avec des dragons à longueur de journée, sont malades à la simple vue de l'hémoglobine.
Hermione apprécia immédiatement cette jeune femme. Elle qui pourtant n'était pas du genre à se faire de copines, sentit tout de suite un bon feeling passer avec la fille du chef.
- Enchantée, moi, c'est Hermione, Hermione Granger répondit la brune en lui serrant la main, un grand sourire aux lèvres. Bien, je suis navrée messieurs, mais si vous ne pouvez pas aider, je vais vous demander de sortir. Nous viendrons vous prévenir lorsque nous aurons terminé.
Sous le ton si soudainement professionnel, les dragonniers s'exécutèrent sans rouspéter. Alors que la porte se refermait, les filles purent cependant entendre clairement Josh demander à Rémy : " A ton avis, il s'agit de LA Hermione Granger ? Je pourrais avoir un autographe, tu crois ? "
Élisa secoua la tête, dépitée.
- Quels idiots. Il faut les pardonner, vivre comme nous le faisons ne les aident pas à devenir plus subtils.
Hermione éclata de rire.
- Ne t'en fais pas, même à Londres, j'ai droit à ça tout le temps. On finit par s'y faire.
Elle s'arrêta une seconde puis reprit, de nouveau professionnelle cette fois.
- Bien. Pour commencer, on va s'occuper de rafraîchir Phil puis de refaire ses pansements. Pendant ce temps, tu vas m'expliquer exactement ce qu'il s'est passé depuis le moment de l'incident à ce matin avant mon arrivée. J'imagine que vous avez un carnet de bord ?
Comme la fille du chef réagissait au quart de tour en allant récupérer le dit carnet et se mettait tout de suite au travail, Hermione se dit que finalement, la situation n'était peut-être pas si critique que cela. Enfin... Elle avait quelqu'un d'efficace à ses côtés au moins. Voyons ça plutôt de cette façon.
.
Les soins d'hygiène furent réalisés assez rapidement et, malheureusement, sans matériel plus poussé, la médicomage ne put en faire plus. Elle feuilleta alors le cahier de bord, mais n'y trouva rien qui puisse expliquer que l'état du dragonnier se soit dégradé à ce point. À en croire ce qu'il était écrit sur ces feuilles, il avait reçu, matin, midi et soir, exactement les mêmes soins qu'il aurait reçu s'il avait été à l'hôpital. Certes, on ne lui avait pas administré d'antibiotiques en prévention, mais l'attention apportée au soin des plaies auraient pu, normalement, suffire. Hermione avait appris, durant ses études, que les sorciers avaient un système immunitaire bien plus résistant que les moldus. Bien souvent, la magie elle-même se chargeait d'accélérer le processus de guérison. Il était ainsi assez rare de diagnostiquer des septicémies chez les sorciers, surtout si les plaies étaient traitées comme elles l'avaient été.
Hermione soupira en balayant la pièce du regard lorsque quelque chose attira son attention. Là, sur le plan de travail, se trouvait un gros pot transparent contenant une substance épaisse à l'intérieur.
- Élisa...
- Oui ?
- La crème désinfectante qui se trouve là, elle vous sert toujours ?
- Bien sûr, c'est celle que nous utilisons pour les plaies de Phil...
Le visage de la médicomage pâlit alors, et celui de la fille du chef également lorsqu'elle s'en rendit compte.
- Que... Qu'est-ce qu'il y a ?
- Une bonne crème désinfectante doit être verte pomme vif. Celle-ci est verte pomme pâle, ce qui indique qu'elle est périmée. Une crème périmée perd non seulement de son efficacité, mais favorise un peu plus encore le risque d'infection.
- Merlin, c'est nous qui l'avons rendu malade... Souffla Élisa tandis qu'Hermione se précipitait sur le patient pour lui enlever pansements et pommade.
Sur le moment, elle n'avait pas fait attention à ce qu'Élisa étalait sur les plaies de Phil, trop occupée qu'elle était à re contrôler les fonctions vitales du dragonnier. Elle se fustigea violemment. Bravo la médicomage, bravo !
Une fois que le corps du jeune homme fut débarrassé de toute la substance, Hermione se dirigea vers l'armoire à pharmacie. Sa bouche et ses yeux s'ouvrir en grand lorsqu'elle constata que la plupart des préparations avaient soit dépassé leur date d'utilisation, soit étaient proche de le faire.
- Evanesco ! lança-t-elle vivement plusieurs fois, laissant l'armoire vide de tout objet.
Elle s'approcha ensuite du meuble sur sa droite, supposée contenir le matériel nécessaire à la réfection des pansements et bandages. Même constat, tout ce matériel prétendument stérile n'aurait jamais dû être utilisé.
- Tout. Tout ici est bon à jeter ! S'exclama-t-elle en se tournant vers Élisa qui tenait la main de son ami, un air coupable sur le visage.
- Nous... Nous n'avons pas de formations, Hermione. Tout ce que Charlie et moi savons, nous l'avons appris par nous-même. Nous ne savions pas pour... Pour les dates, balbutia la fille du chef en baissant les yeux
- Pas de formations ? Mais... Il est obligatoire qu'au moins un membre de l'équipe soit qualifié aux premiers soins !
- En principe, oui. Mais c'est payant et nous manquons cruellement de fonds. C'est pour ça que nous n'avons pas de médicomage dans l'équipe non plus. C'est une chance que Cha ait su te contacter...
- Oui, parce que si cela avait été Charlie à la place de Phil, par exemple... Commença Hermione avant de s'arrêter net.
La simple idée que Charlie puisse être blessé venait de lui tordre l'estomac. Elle sentit alors une colère froide monter doucement en elle. Elle allait la laisser s'exprimer, lorsque Charlie et Ed firent leur apparition, les bras chargés. La colère d'Hermione s'évapora alors comme de la neige au soleil pour faire place à quelque chose de beaucoup plus doux.
Elle ne se laissa cependant pas aller à l'envie qui lui prit de serrer le rouquin dans ses bras et se rua plutôt sur le matériel. Merlin, heureusement qu'elle avait ajouté certains éléments dans sa liste !
- Élisa, je vais encore avoir besoin de toi, tu t'en sens capable ? Demanda-t-elle d'un ton qui rappelait celui du Professeur McGonnagal dans ses bons jours, à la fois stricte, mais presque maternel.
La fille du chef, qui s'était légèrement tassée lorsqu'elle avait senti la colère envahir l'espace quelques instants plutôt, sursauta. Comme Hermione lui souriait doucement, elle lui rendit timidement son sourire en acquiesçant.
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Près d'une heure plus tard, c'est un sourire satisfait qui ornait leurs lèvres. Il faudrait encore attendre quelques heures pour pouvoir identifier précisément le germe présent dans le sang de Phil et ainsi adapter son traitement antibiotique, mais on pouvait présentement certifier qu'il était sorti d'affaire. C'est justement ce qu'elle expliquait à Charlie et ses collègues lorsque Raphaël Volvic apparut.
- Tout va bien ? Phil va mieux ? Quémanda-t-il.
- Oui. Et ce n'est certainement pas grâce à vous ! Siffla vivement la médicomage.
Les dragonniers sursautèrent, surpris par tant de véhémences. Élisa, elle, grimaça légèrement. Son père allait en prendre pour son grade. Pendant les soins, Hermione lui avait expliqué que si cette situation venait à se savoir auprès des autorités, Raphaël Volvic pouvait être puni pour négligence. Il était le chef de cette équipe et était donc responsable de ses hommes. Si la jeune Élisa avait d'abord voulu défendre son père, elle avait cependant fini par admettre que la médicomage avait raison. Ils auraient très bien pu s'arranger.
- Je... Je vous demande pardon ? S'étonna Raphaël.
- Saviez-vous que la quasi-totalité du matériel que vous mettez à disposition de votre équipe était périmée ? Et que, périmé, ce même matériel perdait non seulement de son efficacité, mais que certaines potions pouvaient avoir des effets contraires à ceux pour lesquels elles étaient fabriquées ?
Face à elle les dragonniers ouvrirent de grands yeux et Charlie perdit toutes ses couleurs.
- C'est... C'est à cause de nous si Phil a... Commença-t-il, sous le choc.
- Tu n'as pas à t'en vouloir, Charlie, tu ne pouvais pas savoir... Puisque ni toi, ni personne n'a reçu de formation ici. Il est pourtant obligatoire, il me semble, qu'au moins une personne par équipe de dragonnier soit qualifiée aux premiers soins.
- Écoutez, Miss Granger, avec tout le respect que je vous dois, nous nous sommes très bien débrouillés de la sorte jusqu'à aujourd'hui alors...
- Jusqu'à aujourd'hui, oui ! Qu'auriez-vous fait si cela avait été Charlie à la place de Phil et que vous n'aviez pas trouvé de médicomage pour effectuer ce que je viens de faire, dites-moi ? Demanda-t-elle d'une voix sèche avant de crier pour de bon. Alors, dites-moi, qu'auriez-vous fait !?
Une fois de plus, elle sentit une sourde colère l'envahir et Élisa perçu de nouveau cette soudaine tension dans l'air. La fille du chef s'écarta d'ailleurs d'un pas, comme le reste de l'équipe, sauf Charlie. Celui-ci s'empressa plutôt d'attraper la main d'Hermione et de plonger son regard dans le sien en lui chuchotant que tout allait bien. Et aussitôt, toute l'électricité retomba.
La jeune médicomage tremblait de la tête aux pieds, vraiment elle ne savait pas ce qui lui prenait. Elle qui pourtant gardait toujours son calme, le perdait pour la seconde fois en moins de deux heures.
Ce Weasley la chamboulait décidément trop pour son propre bien !
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