Chapitre 11

De retour en Roumanie, Charlie avait enfilé un t-shirt, des bottes et était sorti voler. Parce que voler lui faisait toujours du bien. Qu'il soit en colère, contrarié ou autre, lorsqu'il redescendait sur terre après s'être dépensé dans les airs, il se sentait plus serein, plus léger. Et aujourd'hui, il était passablement énervé.

Parce qu'il ne comprenait pas.

Qu'avait-il encore dit ou fait de mal ?

Il savait être un handicapé des relations humaines, lui qui ne vivait plus que pour et par ses dragons, mais tout de même, il n'était pas asocial non plus ! Il avait bon se remémorer les derniers instants en présence d'Hermione, il ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui avait tout fait déraper. Il était cependant persuadé que cela venait du fait qu'il l'avait détaillée de la tête aux pieds. Mais elle l'avait fait aussi quelques secondes avant ! « Avec un joli regard admiratif, d'ailleurs » railla sa petite voix intérieure, ce qui lui tira un petit sourire satisfait. C'était vrai, elle ne l'avait pas quitté des yeux jusqu'à ce qu'il se racle la gorge. Tout allait toujours bien à ce moment-là !

Rageur, Charlie donna une impulsion à son balai et il se retrouva au-dessus des nuages. Là-haut s'offrait à lui un panorama magnifique. Tout juste levé, le soleil inondait le ciel d'une multitude de teintes qui lui réchauffèrent le cœur. Se calant plus confortablement sur son balai, il inspira profondément et ferma les yeux.

Lentement, il se refit à nouveau le film du moment qu'il avait passé avec la jeune femme, tout en se focalisant sur la partie où lui la détaillait. Il se souvint avoir sciemment laissé son regard glisser sur son corps et constater à quel point elle avait maigri. Il se souvint de son visage pâle et creusé et de ses grands yeux cernés. Il n'avait pas compris comment elle avait fait pour perdre autant de poids en si peu de temps. C'était sa petite voix intérieure qui l'avait mis sur la voie et il avait concédé qu'elle n'avait pas tort. La seconde d'après, Hermione avait détourné le regard et croisé les bras, visiblement vexée et blessée. C'était là, il le savait ! Que lui avait dis sa petite voix déjà ? « Apprends que tu es cocu depuis des mois, le jour de ton mariage et que tes amis étaient au courant fuis ensuite, seul, dans un autre pays pour retrouver tes parents sans savoir s'ils te pardonneront un jour ajoute à cela toutes les incertitudes quant à l'avenir et on verra si tu ne perdras pas quelques écailles, dragonnier ! » Oui, c'était ça. Et lui avait pensé que, en effet, vu comme ça... « Vu comme ça... »

Le doute commença à s'insinuer en lui. Il l'avait pensé et seulement pensé, n'est-ce pas ? Il ne l'avait pas dit tout haut quand même ? Auquel cas, additionné au fait qu'il ait grimacé, la jeune fille aurait très bien pu penser que... « Que vu comme ça, c'était normal qu'il lui arrive ce qui lui arrive ! Bien sûr, que c'est ce qu'elle doit croire, idiot ! Il t'en aura fallu du temps pour le comprendre ! » s' exclama sa petite voix intérieure. Merlin.

Sous le choc de sa propre bêtise, Charlie resta là, à fixer les nuages sans les voir réellement, avant de se secouer. Il devait la voir.

De retour sur la terre ferme, il se dirigea tout de suite vers le cabanon en bois de Raphaël Volvic, son chef et, sans détour, lui demanda sa journée. Il fut interrogé sur les motivations de cette requête, mais ne daigna pas répondre. Surpris, l'homme d'une cinquantaine d'années fini cependant par lui accorder cette faveur. Après tout Charlie n'avait jamais demandé un seul jour de congé en dehors de ceux obligatoires.

- Cela dit, Cha, si tu pouvais aller aider Nathan à l'infirmerie. C'est son tour de veiller et soigner Phil, mais le pauvre est malade à la vue du sang. Tu pourrais lui donner un coup de main, ne serait-ce que pour les soins avant de t'éclipser ? Demanda Raphaël

- Personne d'autre ne peut le faire ?

- La seule qui pourrait, c'est Élisa, mais elle aide Ed à la mise au monde du petit de Norberta. Rémy et Josh se chargent des repas, et de toute façon, ils sont aussi malades que Nathan devant de l'hémoglobine. Il n'y a vraiment que toi, désolé.

- Et si un jour Élisa et moi, nous retrouvons blessés en même temps, qu'est-ce que vous ferez ? Demanda Charlie, un peu sèchement, ce qui surprit de nouveau son supérieur

- J'imagine que je ferais appel à un médicomage.

- Pourquoi ne pas en prendre un tout de suite, dans ce cas !?

- Tu sais très bien pourquoi ! Les dégâts qu'on fait les mâles magyars à l'enclos sont considérables, j'ai déjà dû puiser dans nos réserves de l'année prochaine pour tout payer ! Je ne peux vraiment pas me permettre d'engager une personne de plus, Charlie. Alors pour l'instant, on fait comme ça, d'accord ?

Comme Charlie ne répondait pas, clairement contrarié, son chef répéta la question.

- Compris ?

- Oui, c'est d'accord ! Je n'ai pas vraiment le choix de toute façon !

La seconde suivante, il sortait du bureau, en claquant la porte, avant de se rendre à l'infirmerie. Légèrement en retrait des autres petits bâtiments, elle était également plus solide, en pierre plutôt qu'en bois, et plus grande aussi, capable de recevoir toute l'équipe si besoin en était. En cas de grosse tempête, par exemple, tous s'y retrouvaient et dormaient là-bas. Ces dispositions avaient été prises plusieurs années auparavant, suite à un accident. Un soir, en effet, les vents avaient été tellement puissants que le baraquement d'un dragonnier s'était littéralement envolé, blessant mortellement l'homme qui y résidait.

Après avoir poussé la lourde porte d'entrée, Charlie se dirigea d'un pas rapide vers la première porte sur la droite et se figea sur le seuil. Le spectacle auquel il assista était vraiment affligeant. Allongé sur un lit médical, Phil avait les traits et les membres crispés par la douleur. Penché au-dessus de lui, le visage très pâle, Nathan appliquait un onguent sur le torse du malade. Ses mains tremblantes faisaient manifestement plus de mal que de bien au blessé. Charlie secoua la tête avant de repérer un seau sur le lit, à côté du « soignant ». Tiens, qu'est-ce que ça fait là ça ? La réponse lui fut apportée lorsque le visage pâle de Nathan vira subitement au vert et qu'il se pencha sur le seau pour y rendre son petit-déjeuner. Par Merlin, ce n'était pas demain qu'on arrêterait de les appeler Élisa et lui. Affligé, Charlie s'approcha et lui donna un coup d'épaule pour l'éloigner du lit.

- Prends ton seau et va gerber ailleurs, je prends la relève.

- Merci Cha, je suis vraiment désolé. J'essaie, tu sais, mais...

- C'est bon Nate, je m'en occupe, s'impatienta le rouquin

Sans demander son reste, le jeune homme s'en alla tandis Phil fixait Charlie avec étonnement : son ami ne parlait que rarement aussi sèchement. De nature aventureux et casse-cou, il n'en était pas moins le plus calme de la bande et l'on pouvait toujours compter sur lui pour apaiser les tensions. Aussi, sa brusquerie et son visage fermé laissèrent le blessé perplexe. Il allait ouvrir la bouche pour l'interroger lorsque Charlie déposa des bandes imbibées de crèmes sur ses brûlures. Un long sifflement de douleur s'échappa alors de ses lèvres. Maudite dragonne !

Deux jours plus tôt, alors que les membres de l'équipe avaient repéré un jeune dragon égaré dans une crevasse, Phil avait été désigné pour le guider jusqu'à la clairière la plus proche. Il lui avait fallu plus de deux heures pour l'y amener, mais tout s'était bien déroulé et Phil venait d'enfourcher son balai pour retourner au campement lorsque la femelle avait surgi devant lui. Souhaitant certainement protéger son petit, elle l'avait attaqué sans préambule. Un miracle avait fait que Rémy et Josh aient décidé de prendre leur tour de garde plus tôt et étaient ainsi venu à sa rescousse. Il s'en sortait avec de multiples brûlures, une fracture du bras gauche, de longues entailles sur les flans et quelques côtes cassées. La routine en somme.

- Désolé, mon vieux, fit Charlie avec une petite moue d'excuse sur le visage

- Pas grave, grogna Phil en essayant de sourire, sans vraiment de succès

Quelques minutes plus tard, lorsqu'il eut terminé de changer tous les pansements et donné les potions nécessaires à la guérison de son collègue et ami, Charlie le réinstalla puis rappela Nathan.

- Tous ses soins ont été réalisés, je lui ai donné son traitement. Maintenant, il a besoin de repos.

Il se tourna ensuite vers le blessé pour lui promettre de revenir le voir le soir, puis s'en alla. Cette fois, Phil fronça clairement les sourcils, cela ne ressemblait absolument pas à Charlie de ne presque pas parler pendant les soins et ensuite de partir de la sorte. Qu'est-ce qui le minait donc à ce point ?

En vérité, Charlie n'en savait rien lui-même. Il se sentait nerveux et oppressé, mais ne pouvait en déterminer la cause.

En repassant devant le cabanon de son chef, il soupira bruyamment. Maintenant qu'il avait accumulé assez d'argent pour créer sa propre réserve, il se rendait compte qu'il laisserait ses collègues actuels dans l'embarras en partant. Avec Raphaël, ils étaient sept dans l'équipe et, il fallait le reconnaître, cela était déjà peu au vu de la quantité de travail que la réserve leur imposait. S'il venait à partir, Raphaël serait obligatoirement contraint d'engager un nouveau dragonnier. Le problème résiderait alors dans le fait que maintenant que la guerre était derrière eux, les sorciers évitaient tous les métiers « à risques ». Il aurait été navrant d'avoir survécu à Lord Voldemort pour trépasser en allant simplement travailler. Et s'occuper de dragons demeurait définitivement dans le top trois de cette catégorie de professions dangereuses. D'autant plus qu'il faudrait trouver quelqu'un à qui la vue du sang ne faisait pas peur. Charlie soupira encore, il n'était pas près de partir.

De retour chez lui, il hésita entre aller voir Hermione tout de suite ou prendre une douche. Un léger reniflement de sa personne le fit trancher pour la seconde option. Tout en se savonnant consciencieusement, il réfléchit à ce qu'il pourrait bien lui dire. Il n'avait jamais vraiment été doué avec les mots, il laissait ça à son frère Bill et sa petite sœur Ginny généralement. Ici cependant, c'était à lui de rattraper le coup. La pauvre Hermione devait être vraiment vexée si, comme il le pensait, elle avait mal interprété ses paroles.

"Ce qu'elles peuvent être compliquées, ces femmes..." Songea-t-il en s'habillant d'un jean élimé, mais propre, et d'un t-shirt blanc.

Après s'être donné un coup de peigne dans les cheveux et avoir enfilé ses rangers, Charlie attrapa de la poudre de cheminette et prononça l'adresse de l'hôtel où Hermione séjournait. La seconde suivante, il se retrouvait dans la pièce qu'il avait quittée quelques heures plus tôt. N'y apercevant personne, il allait appeler la jeune femme, espérant qu'elle ne soit pas sortie, lorsque des sanglots lui parvinrent. Rapidement, il traversa la chambre, fit le tour du lit et trouva Hermione, repliée sur elle-même, au sol, en proie à une crise d'angoisse. Cette vision lui comprima littéralement le cœur et les entrailles. Aussi, sans se poser de questions cette fois, il s'agenouilla derrière elle, passa ses bras musclés autour de sa taille et la ramena contre son torse. Comme elle se tendait un peu plus encore et se débattait, il dit d'une voix qu'il voulut douce :

- Calme-toi Hermione, je suis là. Respire.

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