Chapitre 6: Marco Giordano

ANNA

Je suis terrifiée. J'ai tellement peur de mourir demain. Mes mains tremblent, et mon corps semble m'échapper.

Face à mon reflet dans le miroir, je me sens redevenir cette petite fille d'il y a deux ans. Être la seule fille d'un mafieux dangereux est une tâche écrasante. J'étais obligée d'être parfaite à chaque instant. Chaque seconde, chaque fragment de seconde, était une torture. Le seul moment où je me sentais humaine, c'était lors des rencontres avec les associés de mon père.

Mes frères ont toujours été cruels envers moi, et ma mère ne m'a jamais adressé un regard. À croire que ma venue au monde était un coup du préservatif troué.

J'ai toujours vécu dans la peur de mourir le lendemain. J'avais une chambre digne d'une princesse et des servantes à mon service, mais pas d'amour, de la part de personne, hormis mon frère... celui qui vient avant moi. Il était un ange, mais il m'a trahi.

Depuis que je suis ici, du moins les quelques heures que j'ai passées ici, il n'a même pas essayé de me contacter. Il a divulgué mon emplacement, c'est sûr, et voilà pourquoi il s'est enfui. Après qu'il ait déménagé ici en Europe, mon père n'a cessé de le traquer. Pour lui, la loyauté est une chose à jamais scellée. Une fois donnée, elle ne peut être reprise.

Tous mes frères étaient à ses pieds. Il aimait se sentir au-dessus de tous. Cependant, il n'en reste pas moins inférieur. Il me tarde d'assister à sa mort, celle de cet homme odieux qu'est Anton Markov, l'homme écarlate à cause du sang qu'il a versé. Cet homme a fini par perdre son humanité et il veut emmener sa progéniture dans le côté le plus sombre de l'humain.

Mon père est une erreur de la nature ; pour sa survie, il est prêt même à sacrifier sa propre chair. D'ailleurs, c'est déjà arrivé. Il l'a tué sous mes yeux. Rien que cette pensée suffit à faire monter ma colère. Je donne un coup à ce miroir et il se brise en quatre morceaux, quelques-uns plantés dans mon poing.

Cependant, la douleur ne signifie rien pour moi. J'ai vécu pire, j'ai vu pire. Alors qu'est-ce que quelques morceaux de verre pourraient me faire ?

La porte de la salle de bain s'ouvre soudain avec une violence inouïe, et Emma apparaît dans mon champ de vision. Elle regarde ma main, inquiète, avant de me conduire sur mon lit. Elle ouvre un tiroir et y sort la trousse de secours.

_ Comment t'es-tu fait ça, Princesa ?

Elle retire d'abord les morceaux de verre plantés dans ma chair, désinfecte la blessure, puis applique une pommade et passe un bandage sur ma main.

_ Ça va, princesa ? Tu trembles.

Elle pose une main sur ma joue, mais même ce contact n'adoucit pas mon cœur. Je refuse de mourir. Avant tout, je dois assister à la mort de cet homme appelé Anton Markov. Ensuite, je dormirai en paix.

_ Princesa, tu as peur pour la rencontre de demain ?

La rencontre avec Marco Giordano ; celle qui pourrait me faire sombrer pour toujours. Monsieur Caillou me protègera. Oui, il me gardera près de lui jusqu'à ce que le moment vienne enfin pour nous de nous séparer.

_ Dis-moi quel est mon pourcentage de chances de m'en sortir vivante de cette rencontre ?

_ Euh, je dirais...

_ 5 % la mioche.

Mattia entre dans la pièce en caleçon avec un bol de riz en main, la bouche pleine, les cheveux en bataille et des gouttes de sueur sur son torse.

_ Arrête.

_ Arrêter quoi ? D'être sincère et direct, jamais.

_ Non, arrête de te comporter comme un con.

_ J'en connais une qui m'apprécie comme ça, hein, princesa ?

Il me regarde avec un sourire pervers. Il est mignon et a un charme particulier, avec des gouttes de sueur qui perlent sur son front jusqu'à son cou, et quelques tâches de riz sur le coin de ses lèvres.

_ Arrête de baver, sale mioche.

Je dirige mon regard vers la voix qui vient de parler et croise le regard d'Izan, avec quelques mèches retombant sur son visage. Je suis entourée de dieux grecs.

_ Tu es marié, je te rappelle.

Emma rigole suite aux paroles de Mattia. Izan entre dans ma chambre, laissant la porte grande ouverte, laissant la brise chaude caresser ma peau.

J'ai toujours mon body, mon jogging et mes cheveux attachés en une queue désordonnée. Izan se place juste devant moi, attrape mes mains et ancre son regard dans le mien. Il affiche ensuite un sourire niais et complètement taré, avant de lâcher un rire nerveux.

_ Tu vivras la pire journée de ta vie demain, et tu commences déjà à abîmer ta peau si parfaite, hein, princesa ?

Silence. Seul le bruit du vent faisant voler les feuilles des arbres dans le jardin résonne. Mon regard devient noir et intense, et Izan a un mouvement de recul en me voyant dans cet état.

_ Princesa, calme-toi, c'était juste une blague, t'inquiète, répète Izan.

Je lâche un soupir avant d'éclater de rire face à sa mine effrayée.

_ Ah ah, très drôle, vas-y, marre-toi.

L'ironie de ce taré d'Izan est vraiment terrible. Cette atmosphère où tout le monde est jovial... Je voulais que ma maison ait également cette atmosphère-là.

Je réussis enfin à oublier la journée de demain et profite de l'instant présent. Même si ces hommes ont l'air terrifiants, ils n'en restent pas moins des hommes en or. Du moins, c'est ce que je pensais.

****

Les rayons du soleil passent à travers ma fenêtre et atteignent mes yeux très sensibles à la lumière, ce qui provoque mon réveil immédiat. Je frotte frénétiquement mes yeux avant de lâcher un bâillement peu princier. Je me lève de mon lit et m'étire comme à mon habitude.

Je me dirige vers la salle de bain, me brosse les dents et me nettoie le corps. Je retourne dans ma chambre et attrape ma lotion que j'applique sur toutes les parties de mon corps, avant de me diriger vers ma garde-robe où je pioche une robe au pif.

D'après les dires de Matteo, nous irons rencontrer Marco Giordano le soir, plus précisément à 22 h. Ils sont tous chelous ici. Si je dois lutter pour ma vie, au moins accordez-moi la chance de pouvoir le faire en plein jour, comme ça je pourrai identifier mes compagnons. Bande de sans-cœur.

J'enfile une robe évasée aux manches courtes et à la longueur courte également. Je quitte ma chambre et fais face à la piscine. Dès que je sors de ma chambre, j'ai une vue magnifique sur le jardin, plutôt vaste, et sur la piscine dont l'eau est toujours propre.

Si ma Raïssa était là, on se serait déjà faite une bataille d'eau et aurions démoli cet appartement. Rien que le fait de penser à elle me rend triste. Comment va-t-elle ? Est-elle même toujours en vie ? Je n'aurais jamais dû m'attacher autant à elle, car ma vie, ou même mon existence, est une source de malheur pour mon entourage. Toutes les personnes à qui je tiens finissent par m'abandonner un jour.

Cependant...

Cette fille est pleine de vie et je l'ai toujours jalousée. J'ai toujours voulu être comme elle, mais moi, je dois faire attention à ma manière de parler, de marcher ou même de regarder les gens. Voilà la lourde tâche que porte un Markov. Aucun signe de vie, pas d'émotion, pas de faiblesse, pas de pitié.

Avec un peu de chance, ma malchance pourrait abattre cet homme pierre. Rien que cette pensée suffit à me faire rire, et mon rire résonne dans chaque coin et recoin de cet appartement. Cela réveille quelques hommes, et je sens aussitôt une présence derrière moi.

_ Tu es bien matinale, princesa.

_ Ah bon, et il est quelle heure ?

_ 14 h.

C'est ça qu'elle appelle matinale ? Il y a vraiment un truc qui cloche chez cette fille.

_ Viens, tu dois avoir faim.

Aussitôt que ces paroles sortent de sa bouche, mon ventre se met à gargouiller par réflexe. Je me gratte la nuque et deviens rouge. Certes, c'est une fille, mais je ne me sens pas encore à 100 % à l'aise avec elle. Je ne suis pas encore habituée à sa présence.

Elle attrape ma main et nous nous dirigeons vers une pièce que je suppose être la salle à manger. En entrant, je découvre enfin une déco normale. La pièce est très bien éclairée par un lustre posé juste au-dessus de la table. Une longue table blanche trônait au milieu de la pièce, avec des chaises blanches également.

Emma me fait asseoir et me sert un plat de pâtes bolognaises. La cuisine est ouverte et les hommes semblent être affairés à préparer quelque chose dans une pièce adjacente. Leurs voix se mêlent à la mélodie qui résonne en fond.

Je devrais sûrement dire quelque chose, mais la seule chose que j'ai réussi à sortir est :

_ Ça sent bon.

C'est là que je me rends compte que j'ai réellement envie de me remplir l'estomac, moi qui ne l'avais pas fait depuis plus de deux jours.

_ Merci, c'est bon.

_ Prends autant de ce que tu veux. Ce soir, nous avons un invité spécial. Marco Giordano.

L'angoisse et la peur commencent à s'accumuler dans ma tête. C'est un homme que je devrais déjà connaître, Je soupire et me tourne pour faire face à Emma.

_ Il est si important que ça, cet homme ?

_ Ce que tu penses de lui est bien trop léger.

Elle se lève et part dans la cuisine. Je soupire, regarde mon assiette et commence à manger. Mes pensées dérivent vers ma vie, mais je secoue la tête pour me ressaisir.

_ Tu veux qu'on aille se baigner après ?

_ Je ne sais pas...

Je me sens plus mal qu'autre chose, même si cette pensée de me baigner me tente. Au fond de moi, j'ai toujours voulu être quelqu'un de normal, avec des activités normales.

Je suis à ma deuxième assiette et je ne me sens pas rassasiée. J'enchaîne les bouchées et avale chaque miette. Je suis trop concentrée sur ce que j'ai dans l'assiette pour remarquer que quelques hommes entrent dans la pièce.

__ il est temps. Dit un homme en se tenant droit comme une statue.

Je lâche un soupire sachant bien que ça signifie et franchement je n'étais pas impatiente que l'heure arrive.

****

Quelques heures sont passées depuis notre discussion
Emma m'a pris un ensemble body jupe blanc



Elle a attaché mes cheveux en une queue de cheval bien dressée, laissant quelques mèches bouclées tomber sur mon visage. Me voilà donc habillée, maquillée et coiffée... pour aller mourir.

Non mais sans déconner, qui s'habille comme ça pour passer des épreuves qui pourraient lui coûter la vie ?

_ Tu es sublime, princesa.

Je lâche un soupir avant de quitter ma chambre et de faire face à la lune pleine.

Madame la lune, c'est la dernière fois que je te vois. Sache que tu es très belle ce soir.

_ Viens, mon frangin t'attend.

Elle m'attrape la main et me conduit vers un parking où se dressent plusieurs Ferrari flamboyantes. Mon époux ancre son regard dans le mien avant de pénétrer dans l'une des voitures. Je le rejoins aussitôt.

Et nous voilà presque collés à l'arrière de la voiture. Mon époux est habillé en noir. Nous faisons la paire : le ying et le yang.

J'adore la culture japonaise et toutes ses merveilles. Il porte une chemise noire dont il a laissé quelques boutons ouverts et un pantalon de costume noir. Il a toujours son collier en forme de croix, et ses cheveux sont soigneusement coiffés.

Le trajet se déroule en silence, durant deux longues heures. Deux heures à respirer le même air que cet homme pierre... quelle torture. En plus, je n'ai même pas pu admirer le paysage, les vitres étant teintées.

La voiture se gare et mon époux descend aussitôt. Je le suis et nous marchons à distance raisonnable l'un de l'autre. Je ne vois pas Emma ni les autres. Je suis seule avec cet homme pierre.

Nous pénétrons dans une résidence de luxe. La maison, d'un blanc éclatant, est illuminée et d'une taille impressionnante, tout comme celle de cet homme pierre. Stupéfaite par la beauté de la maison, je ne fais plus attention à mon entourage et me frotte le front avec ma main, tentant d'ignorer le regard de l'homme face à moi.

_ Attention, princesa.

Emma retire sa main et lance un regard noir à l'homme en face de moi. Ce dernier sourit, me dévisageant avec insistance.

_ J'imaginais Anna Markov beaucoup plus belle et avec plus de formes.

Imbécile.

_ Excusez-nous, _ dit Emma avec un peu de politesse, s'inclinant avant de m'entraîner vers mon mari, qui a continué sa marche sans moi.

Super, le couple. Il prétend vouloir me protéger pour son profit, mais à la moindre occasion, il me laisse seule. Heureusement qu'Emma est là pour m'éviter de perdre la vie au moindre contact.

_ Fais attention, tu as été repérée. Tu dois survivre, princesa.

Super. Moi qui pensais avoir au moins une minute de repos, me voilà attaquée aussitôt. Quelqu'un va-t-il me balancer une flèche en plein front ?

_ Baisse-toi !

Emma s'exécute, m'entraînant avec elle. Une flèche passe au-dessus de ma tête à une vitesse impressionnante.

Il vient de me sauver la vie.

Je me relève aux côtés d'Emma et fais face à un homme tenant un arc pointé dans ma direction.

_ Eh merde, je l'ai raté.

Emma, par réflexe, s'incline immédiatement et me murmure de faire de même, de ne pas croiser le regard de l'homme. Mais je ne l'écoute pas et plonge mes yeux dans les siens.

Il est grand et très costaud, avec des milliers de rides et des yeux marron foncé.

_ Père.

Père... Ça veut dire que c'est lui, Marco Giordano.

_ Ton épouse me regarde.

Je viens de signer mon arrêt de mort.

Sous aucun prétexte je ne devrais croiser son regard.

____

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