"L'amour est le seul moyen de rester vivant" Gaëtan Faucer

Marinne

Je me lève en soupirant. Encore un lundi. Nous sommes encore lundi. Franchement, c'est le jour que je déteste le plus. Reprise du boulot, pluie, métro, reprise du boulot, réunions, café infect, reprise du boulot. Bref, je déteste le lundi. Et le pire dans tout ça, c'est que ce jour honnis revient toutes les semaines !

Tout en poursuivant mes plaintes mentales, je me lève et prends une douche rapide. J'en sors quelques minutes plus tard, m'habille et finit de me préparer. Je regarde l'heure, constate que je suis en retard. Comme tous les lundis me direz vous. Je crois que c'est ma haine du lundi qui fait que, malgré mes efforts, je suis en retard au travail chaque lundi. Sans exception. Et ce, depuis près de trois ans. Trois ans passés à travailler chez "Sanders & Associé" sans jamais avoir pu être à l'heure un lundi. 

Au début, mon patron ne cessait de me reprocher mes retards à répétition mais il a fini par lâcher l'affaire, décidant que j'étais trop douée pour être renvoyée malgré mon habituel retard hebdomadaire.  

Je suppose que je devrai en être contente mais, nous sommes lundi et le lundi rien ne va. 

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J'arrive dans les bureaux de "Sanders & Associé" trois quarts d'heure plus tard. J'y croise Jeff qui me sourit et lance :

- "Eh ! Mais qui voilà ? Notre petite Marinne avec..."

Il s'interrompt et fait mine de regarder sa montre.

- "Dix minutes d'avance sur son timing habituel ! Tu t'améliore de semaine et semaine !" clame-t-il avec emphase

Je roule des yeux, habituée à son petit manège. 

- "Tu sais très bien que je ne peux pas échapper à la malédiction du lundi ! Malgré tous mes efforts je me pointe toujours en retard !" je lui rétorque

- "Mais bien sûr ! À d'autres !"

Nous sommes interrompus par Gabriel qui passe en coup de vent pour nous annoncer une réunion important dans moins d'une minute. 

Nous le suivons, montant les marches qui mènent au deuxième étage quatre à quatre. 

J'observe Gabriel à la dérobée, tandis qu'il monte les marches juste devant moi. Grands yeux d'un marron foncé, mâchoire carrée, sourire ravageur et petites fossettes. C'est vrai qu'il est beau. Très beau. Le pire, c'est qu'il ne s'en rends même pas compte. Il agit toujours comme s'il était inconscient de son charme. Et il l'est de toute évidence. Alors que moi... Je m'en rends bien compte de son charme ravageur. Et pour m'en rendre compte, je m'en rends compte... Cela fait trois ans que mon cœur s'affole dès que je l'aperçois au bout du couloir et je n'ai toujours pas osé faire le premier pas. J'aurai aimé pourtant mais j'ai l'impression qu'il me fuit sans cesse... 

Gabriel 

Je monte les marches, courant presque. Nous arrivons en haut et je pousse la porte d'une des salles de réunion. Marinne et Jeff me suivent et rentrent à leur tour. Nous nous asseyons côte à côte tous les trois et je sors mon bloc-notes. Marinne et Jeff, quand à eux extirpent chacun un ordinateur de leur sac. 

Durant l'heure qui suit, je n'écoute que d'une oreille. Je suis trop perturbé par la présence de Marinne juste à côté de moi. D'habitude, je tente de m'assoir le plus loin possible d'elle. Dès que nous sommes proches, je suis incapable de penser à autre chose qu'à sa peau à quelques centimètres de la mienne. Alors, je mets toujours un point d'honneur à trouver la place la plus éloignée de cette collègue qui m'obsède. Pourtant, je n'y parviens pas toujours, il y a des moments -comme aujourd'hui- où je me retrouve si près d'elle que je ne peux penser à rien d'autre. 

Cela fait désormais un peu plus de trois ans, depuis l'arrivée de Marinne chez "Sanders & Associé", que je tente de l'éviter au maximum. De toute manière, cela vaut mieux pour tout le monde. Elle a un copain après tout. Je le sais car, Marinne a placé une petite photo d'elle et d'un grand homme blond enlacés sur son bureau. Et puis, elle ne porte pas d'alliance, ce qui exclue la possibilité qu'elle soit fiancée ou mariée. Donc, pas d'autres alternatives, elle sort avec ce grand type blond. Inutile de se faire de faux espoirs. Cela fait trois ans que la photo trône fièrement sur cette table, leur relation ne risque pas de s'interrompre. 

Et puis, j'ai bon espoir que mes sentiments pour elle finissent pas s'évanouir petit à petit. Cela fait trois ans que mon cœur ne bat plus que pour elle mais cela va finir pas s'arrêter. Je l'espère en tout cas, car la voir arriver tous les jours pour s'installer derrière son petit bureau et plaquer un grand sourire à la vue de cette maudite photo, ça fait mal. Très mal. 

Marinne

La réunion se termine et je sors de la salle, Jeff sur mes talons. Il me suit jusqu'au bureau que nous partageons et nous nous installons en silence. Je me jette sur ma chaise en soupirant. Je déteste les lundis ! Puis, je jette un coup d'œil à la photo de Dave et moi enlacés dans l'herbe fleurie. Je souris tendrement. Rien que sa vue me remonte le moral. Je ne sait pas ce que je ferai si Dave n'existait pas. Il est mon meilleur ami après tout. Cela fait plus de vingt ans que nous nous connaissons et on s'entends toujours aussi bien, avec la même complicité que lorsque nous avions à peine une dizaine d'années. 

Jeff lève les yeux de son ordinateur et me charrie :

- "Alors Marinne, toujours à soupirer devant la photo de Dave ?" 

Il ajoute :

- "C'est bizarre tu sais. Tu as beau dire, je suis sûr que les filles normales n'ont pas de photo de leur meilleur ami sur leur bureau"

Je lève les yeux au ciel et rétorque :

- "Dave n'est pas mon meilleur ami, c'est mon presque-frère. Et toi aussi tu as une photo de ton frère sur ton bureau." 

Je désigne d'un geste la photo de la famille de Jeff qu'il a placée à droite de son ordinateur. Il soupire en retour mais ne proteste pas. 

Gabriel 

Je passe devant le bureau de Marinne et Jeff puis dans celui de Samantha et rentre dans le mien. J'ouvre mon ordinateur et commence à lire mes mails. 

De : [email protected]

À : moi

Salut !

Bon, je sais que tu travailles actuellement (d'ailleurs j'espère que tu n'est pas en réunion avec Papy, actuellement). MAIS IL FAUT ABSOLUMENT QUE JE TE PARLE D'UN TRUC !!!!

Je soupire. Ça commence fort. Simon a beau être mon meilleur ami, parfois il me tape sur les nerfs. Surtout quand il m'envoie des mails pendant que je travaille. Mais, il se croit parfois un peu au-dessus de toutes les règles puisque son grand-père, Mr. Associé, est mon patron. 

Je grommelle qu'être le petit-fils du co-directeur ne lui permettra pas de me sauver du renvoi qui me prends au nez, puisque je consulte mes mails pendant mes heures de travail sur mon ordinateur professionnel. 

Je continue de râler intérieurement mais je consulte la suite de son mail malgré tout. 

Va voir sur ce site : anonymechat.fr

Toi qui aime discuter de trucs philosophiques et tout le tralala ça devrait te plaire. En plus c'est 100% anonyme. 

Teste au moins avant de dire que ça ne t'intéresse pas !

À +

Ton meilleur ami qui te donne de FORMIDABLES idées 

Je maugrée. Vraiment n'importe quoi ce truc ! Je ne vais pas aller discuter de "trucs philosophiques et tout le tralala" avec des inconnus sur Internet. Non. Je n'irai pas. C'est absolument hors-de-question. 

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Je suis faible. À peine dix minutes plus tard, je me suis inscrit sur le site de "papotage" en ligne : anonymechat. Je suis trop curieux et ça me perdra. Je n'aurai jamais dû le faire mais, poussé par la curiosité, j'ai fini par m'inscrire. 

J'attrape mon téléphone et programme un minuteur de dix minutes. Dix minutes et c'est tout. Après, je me désinscrit et je travaille. Promis. 

Je clique sur un profil au hasard parmi la liste. 

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𝕃𝕚𝕫𝕫𝕪ℂ𝕠𝕣𝕒𝕫𝕠𝕟𝕄𝕚𝔸𝕞𝕠𝕣 (❁'◡'❁)

[En ligne il y a 3h]

*Recherche le grans amor mais aussi des coup d'1 soir*

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Euh...ok... C'est ça qu'il appelle des discutions philosophiques ! J'ai presque envie de lui envoyer un message : "G-R-A-N-D. Grand s'écrit avec un G pas avec un S, pauvre cruche !"

Bon, j'exagère un peu. Elle a juste peut-être fait une faute de frappe. Pourtant, je continue de faire défiler la liste, à la recherche d'un profil plus intéressant. 

Je fais défiler mais rien n'attire vraiment mon attention. C'est plus un site de rencontre en ligne qu'autre chose !

Après avoir vu une bonne cinquantaine de profils, je clique sur la petite icône "Annonces" en haut à droite. Comme je m'y attendais, la plupart sont des demandes de date et de rendez-vous. Pourtant, je repère un poème caché au milieu de diverses propositions de sorties pour trouver le grand amour. Je clique dessus, intrigué. 

Dans le silence tendre où mon cœur s'égare, 

J'ai trouvé l'amour, un doux reflet d'étoile, 

Son regard s'épanche, mais jamais il ne s'égare, 

Ignorant la flamme qui en moi s'étoile. 

Je l'observe, timide, dans la lumière des jours, 

Son sourire délicat, une caresse de vent, 

Mais le poids de ma peur me fige, lourd de détours, 

Et la voix de mon âme s'étouffe lentement. 

Ah, pourquoi le silence épouse-t-il mes rêves, 

Quand chaque battement appelle son nom d'or ? 

Je tremble, je vacille, l'audace m'achève, 

Craignant de troubler ce qui pourrait m'apporter, 

Les mots se dessinent, mais jamais je ne les lève, 

Vaincue par le doute, je reste à l'écart.

Un poème de UneFilleDuLundi

Je sens une larme couler doucement sur ma joue. Ce poème fait remonter en moi beaucoup trop d'émotions que je voudrai enfermer à l'intérieur de moi-même. Un amour impossible, un être aimé qui ne voit pas celui qui l'aime et un cœur qui n'ose déclarer sa flamme. 

Je clique sur le profil de l'auteur du poème. 

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𝕌𝕟𝕖𝔽𝕚𝕝𝕝𝕖𝔻𝕦𝕃𝕦𝕟𝕕𝕚 (˘･_･˘)

[En ligne il y a 8H]

*Une âme seule qui se morfond de ne pas être vue. Pourtant, elle espère voir arriver le jour où tout changera...*

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J'inspire profondément et clique sur l'icône "Envoyer un message".