Tome 2-ch31- Damien


Nous sommes vendredi, et c'est ce soir que nous reprenons l'avion pour New-York. Durant cette semaine, nous avons visité la ville qu'est Toronto entre deux crises d'angoisses que je ne parvenais pas à dissimuler malgré mon pauvre sourire. Cette métropole est clairement un chantier ambulant, avec ces nombreuses grues prêtes à construire de nouveaux buildings, mais pas que... C'est un lieu plein de vie, dans lequel l'anglais et le français se mêlent dans les phrases. Mais la plupart du temps, nous sommes restés à l'appartement, où j'ai appris à redécouvrir celle qui fait battre mon cœur. 

Être avec Elisa, me rappelle le pourquoi j'en suis tombé amoureux. Elle est belle, gentille et son rire me retourne les tripes. Avec Eden, je sais qu'on sera heureux. Ce bébé a quelque-chose qui me fait sentir important, parce que oui, je suis conscient que je vais être le modèle de sa vie. Tous les deux avions dormi ensemble, dans le lit sous la surveillance d'Elisa, au cas où mes cauchemars seraient agités. Je m'y couchais à ses côtés pour tenter de calmer ses pleurs dû aux coliques, et je lui fredonnais une chanson, ou deux, mon regard plongé dans le sien. Lorsqu'il s'endormait dans mes bras, je n'osais pas bouger d'un iota, persuadé qu'il allait se réveiller et re-pleurer, alors, bien souvent, je m'endormais avec lui. 

Et bizarrement, mon sommeil était calme. Mon fils est une boule d'amour à lui tout seul. Je me demande encore comment un seul petit être peut vous en donner autant ?

— Prêt ?

Je relève la tête vers Elisa, en espérant ne pas réveiller Eden qui dort sur mon torse. Elle vient de sortir de la douche et je plisse les yeux en voyant qu'elle ne porte qu'une serviette.

— Tu sais que Luis traîne toujours dans les parages.

Et je n'aimerais pas que le mec de sa mère tombe sur ma femme dans cette tenue.

— Et tu sais que nous sommes seuls ?

— Non, réponds-je en fronçant les sourcils. Viens par ici, alors.

Elle glousse en se dirigeant vers les valises posées dans le coin de sa chambre.

— Non, pas de bêtise, commandant. Je vais m'habiller, puis toi et moi, on va parler. Puis ma mère ne va pas tarder.

Je soupire. Parler de quoi ? Je n'aime pas parler, je suis un taiseux, même si j'ai une grande gueule quand les choses m'énervent. Je l'observe enfiler un tanga, un dessus assorti et elle vient se coucher à mes côtés. J'étends mon bras, pour qu'elle vienne y déposer sa tête, et j'attends qu'elle commence.

— On fait quoi, quand on rentre ?

— J'ai des affaires dans ma valise. Je peux directement venir chez toi.

— Chez nous, Dam. Je sais que tu n'aimes pas cet appartement, mais c'est chez nous.

— Ouais...
De ma main libre, je joue distraitement dans les cheveux de mon fils, me demandant si ce n'est pas le bon moment pour lui parler des Hamptons. Ce serait bien, une belle maison, la plage, la population quand-même moins dense qu'à New-York.

— À quoi penses-tu ? demande-t-elle.

— J'ai vu une maison... Elle me plaît assez bien, enfin beaucoup même et je me disais que ce serait idéal pour qu'Eden puisse y grandir.
Elisa se redresse et s'appuie sur son coude, en me regardant attentivement.

— Tu veux qu'on déménage ? Maintenant ?

— Pas dans l'immédiat, tenté-je de la rassurer, mais si on veut cette maison, faut pas traîner à faire une offre.

— Hum... Hum...
Elle acquiesce, et je lui lâche l'info la plus capitale.

— C'est dans les Hamptons, seulement. Je sais que pour ton job ça va être embêtant, et pas que... Mais nous serions qu'à deux heures de New-York, et puis je me dis que là-bas, au moins, la foule ne me stressera pas autant qu'en ville, et...

— Et c'est bon.

— Ouais, ça craint, je suis désolé.

Elle rit et je la regarde dans les yeux.

— Dam, ça va. Pour le boulot, je pense que je peux gérer certaines choses à distance, et pour le reste, je me déplacerais.

— Tu ferais ça ?

— Je ferais ça, oui, dit-elle en se penchant sur moi. Je ferais ça juste pour toi, pour Eden et pour nous.
Sa bouche se presse sur la mienne, et mes doigts enserrent sa nuque pour qu'elle ne se détache pas de moi quand ma langue rencontre la sienne.

Qu'ai-je fait pour la mériter ? Elle est... Il n'y a aucun mot qui la définit réellement. Je l'aime, point.

Après plus d'une heure et demi dans l'avion, nous récupérons nos bagages et c'est bizarrement, impatient, que nous prenons la route en taxi jusqu'à chez « nous ». Notre première vraie soirée ensemble, notre première nuit aussi où je pourrais lui faire ce que je veux sans avoir peur que sa mère entende ce qu'il se trame derrière la porte. Je n'ai jamais aimé cet appartement. Pas parce qu'il est petit, bien au contraire, mais le simple fait de penser que mon frère y a dormi avant moi me donne envie de vomir. J'ai conscience que la jalousie est nulle dans un couple, surtout que j'ai confiance en Elisa mais, je suis comme ça, et je sais qu'il va falloir des années de relation avant que ma possessivité ne se dissipe un peu.

— Nerveux ?

— Un peu, avoué-je en grimpant les marches, valises en mains.
Elisa porte notre fils, qui babille dans son maxi-cosy, et de son autre main, elle fouille son sac à mains à la recherche de ses clés.

— Ah les voilà !

— Attends.
Je la dépasse, et remarque les coups sur le bois qui encadre la porte.

— Reste-là, quelqu'un y est entré.
— Quoi ? Mais...
Je lui fais les gros yeux tout en déposant les valises sur le palier et en la repoussant doucement.

— Reste-là, je vais aller voir.
Elle acquiesce, le visage marqué par l'angoisse. Je pousse la porte, qui est restée entrouverte et qui émet un grincement des plus sinistres, et découvre avec dégoût que tout est retourné : des papiers jonchent le sol, l'intérieur des placards vidés, des tasses et verres éclatés, les fauteuils éventrés. Le parc de mon fils est dans le même état, et la rage que je pensais ressentir en découvrant les lieux, prend une tournure des plus meurtrières. Ce fils de pute est entré ici, et a osé toucher aux affaires d'un bébé. De mon fils.
— Oh mon dieu...
Je me retourne vers Elisa qui est entrée, et qui resserre ses mains autour de l'anse du maxi-cosy. Elle avance à travers la pièce, des larmes de stupeur sur les joues.

—Va voir s'ils ne t'ont pas volé des bijoux, ton pc, ou je sais pas, dis-je en me passant les mains nerveusement dans les cheveux. Essaie de ne pas trop toucher de choses, pour les empruntes.

Elle hoche la tête et je lui prends Eden alors qu'elle part dans la chambre. Sa télévision est encore là, sa chaîne hi-fi aussi.

— Non, j'ai encore mon ordinateur et mes bijoux !

Mes mâchoires se crispent, ne comprenant pas l'intérêt qu'on entre ici, qu'on retourne tout et foute un bordel sans nom, pour repartir avec rien.

Mes yeux croisent ceux de Elisa, et dans un murmure, elle confirme ce à quoi je pensais :

— Alexandro...

L'agent de police nous observe, tandis que son coéquipier fait le tour de l'appartement, l'air dépité.

— Et pourquoi porter de telles accusations sur cet Alexandro ?
Je jure comme un charretier dans ma barbe, alors qu'Elisa remue sur le canapé, mal à l'aise. Je vais vraiment finir par me demander s'il n'a pas corrompu ces flics à la con. L'évidence est là, comme s'il était marqué en rouge que c'est mon frère, mais on nous demande encore pourquoi, on l'accuse, lui !

— J'ai discuté avec mon ex-mari il y a une semaine, monsieur, et...

— Quoi ? crié-je.

Elle m'adresse un regard noir, mais je ne supporte pas l'idée qu'elle lui adresse encore la parole.

— Oui ! Je l'ai croisé à l'aéroport. Au début ce n'était qu'une discussion par politesse, mais très vite, on a reparlé de notre mariage, du pourquoi ça n'avait pas marché, et je lui ai demandé de nous laisser tranquilles, mais il n'a pas eu l'air d'accord et...

­­— Fait chier, grogné-je.

Elle débite ces paroles à un rythme effréné, pour que je ne puisse pas l'interrompre. La haine que je ressens pour ce type grandit encore, en pensant qu'il ait pu venir ici, ou envoyer un de ces hommes foutre ce carnage. Il savait qu'elle n'était pas présente, et il savait que j'allais devenir dingue.

— Malheureusement, somme son collègue en revenant dans le séjour, ce sera sa parole contre la vôtre, rien n'indique que ce soit bien monsieur Burn qui soit entré ici.

Je me lève et sors sur le balcon, exaspéré. Je n'en peux plus d'entendre ces flics prendre sa défense alors que c'est évident que ce soit mon frère qui ait fait ça. Qui d'autre, sinon ? Un voleur qui n'aurait rien volé ? Un squatteur qui se serait fait la malle dans la soirée ? N'importe quoi !

J'entends Elisa leur parler, mais je n'écoute plus. Toute cette situation merdique commence à me gonfler, comme si ce n'était pas assez avec mes propres conneries ! Lorsque, quelques minutes plus tard, la fenêtre coulisse, je regarde par-dessus mon épaule pour voir Elisa, appuyée contre le châssis.

— On va aller dormir chez ma mère...

— Ou on range tout, répond-elle.

Je me retourne vers elle quand elle croise ses bras sur sa poitrine.

— J'ai... Je n'ai pas envie d'aller loger chez qui que ce soit, Dam. J'ai besoin de ranger ce foutoir, de changer les draps du lit de Eden et surtout, j'ai besoin d'être chez moi, avec toi.

— Calme-toi, soufflé-je en la prenant dans mes bras. Je suis désolé qu'il recommence...

— Il ne me laissera jamais.

Je me crispe, et je suis certain qu'elle doit le ressentir, même si j'ajoute :

— Si, il finira par comprendre. N'oublie pas, que nous deux, bientôt, on sera dans les Hamptons.

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