Tome 2-Ch 35-Elisa
Hier soir, nous avons déposé Eden chez Danielle, pour la nuit et cette journée qui risque d'être longue. Nous déménageons aujourd'hui, et je suis excitée comme une puce. La voiture de Mélanie est pleine à craquer et comporte tout ce dont nous aurions besoin pour nettoyer, le pick-up de Connor contient tous nos cartons et un camion se charge de nos meubles.
Après avoir téléphoné à Danielle, je file sous la douche avant que nos amis arrivent. L'eau tiède finit de me réveiller et je me blottis contre Damien, qui vient d'entrer dans la cabine.
- Hum... J'adore ces douches, rien que tous les deux.
Son érection se loge entre mes fesses, me faisant sourire.
- On n'a pas le temps, commandant.
- C'est la trique du matin, se marre-t-il, pour une fois, ton cul n'y est presque pour rien.
Je me retourne vers lui, et caresse lentement ses cheveux trempés. Nous n'avons plus discuté de l'armée, et d'ailleurs, je pense que je ne peux rien faire contre son envie d'y retourner.
- J'ai quand-même peur, avoué-je.
- De ?
Ses mains glissent dans le bas de mon dos, pour me rapprocher un peu plus de lui.
- Que tu repartes.
- Je t'assure que...
Il fixe les faïences derrière moi, avant de reprendre.
- Même si l'OPS n'avait pas été attaqué, je t'assure que tu ressentirais la même peur... Toutes les femmes de militaires connaissent ce sentiment, tous les enfants, tous les parents. Mais tu sais que je reviendrais... Puis, des permissions, j'en aurais à la pelle.
Je soupire, et attrape le shampoing sur l'appui de fenêtre avant d'en verser dans ma paume. Damien me lâche, et déjà ses mains sur mon corps me manquent.
- Oui, je sais. Mais... Bref, tu vas être prudent, et... Et si jamais un connard avait encore comme idée de te prendre en otage, je lui péterais la gueule.
Damien éclate de rire après avoir grimacé. Je fais mousser le shampoing dans ses cheveux alors qu'il ajoute :
- Ok, je lui dirais qu'il ne sait pas à qui il s'attaque. « Hey cowboy, ma femme va t'exploser la tronche ».
- Exactement, ris-je. Et tu peux dire aussi que je sais bien viser. Et que je porte souvent des talons, et que ça fait extrêmement mal un talon dans l'œil.
- T'es barge, rigole-t-il.
- Je déstresse, c'est tout.
Nous échangeons de place et Damien se rince les cheveux, en ne me lâchant pas du regard.
- On peut baiser, aussi. C'est un bon anti-stress.
Il m'attrape par la taille, m'embrasse dans le cou, le long de mon épaule. Et autant au début, j'essaie de ne pas céder à ses avances plus que tentantes, autant mon épiderme couvert de frissons et mon ventre qui se crispe quand Damien me soulève, me font oublier que nous n'avons pas vraiment le temps.
∞
J'ai à peine le temps d'enfiler un jogging sous le regard de Damien, qui lui prend bien tout son temps, que les coups retentissent à la porte. Je fonce ouvrir à Connor et Mélanie, pendant que Dam s'habille.
- Prête ?
Mélanie me saute dessus, et je l'enlace.
- Et comment !
Je fais la bise à Connor juste quand Dam fait son apparition, habillé d'un survêt' de sport.
- Tu viens seulement de te lever ? le taquine son ami.
- Je disais adieu à cette douche, répond Damien en m'octroyant un clin d'œil des moins discrets. Enfin, à ma manière et accompagné.
Je ne peux empêcher mon rire de rejoindre le sien, même si dans le fond, je suis affreusement gênée qu'il lâche ça comme si de rien n'était, comme si ce n'était pas des détails plus qu'intimes.
- Un café avant la route ? interviens-je.
Tous me répondent un « oui » et je fonce dans le coin cuisine, accompagnée de ma comparse.
- Je crois que vous êtes gaga tous les deux.
Je fais chauffer l'eau, et hoche la tête.
- Oh oui, mais qu'est-ce que ça fait du bien de se retrouver comme ça.
- Je suis heureuse de te revoir aussi bien, et lui semble aller de mieux en mieux.
- Et toi, dis-je en rinçant les quatre tasses que j'avais laissées en dehors des cartons.
- Je vais mieux. J'ai encore quelques nausées, mais le traitement donné par le naturopathe a l'air de fonctionner. C'est tout bénef' pour moi.
Je prépare une tisane à Mélanie et trois cafés, histoire de bien réveiller la troupe. Nous avons deux heures de routes pour rejoindre la maison, plus une journée de dingue qui nous attend.
∞
C'est en musique et de bonne humeur que nous arrivons dans les Hamptons. Depuis que Mélanie a eu sa première voiture, nous avons pris l'habitude d'écouter nos chansons phares d'ado pendant nos longs voyages. Evidemment, c'est en hurlant les paroles des Spice-Girls entre deux fou-rire que nous nous sommes le plus éclatées. Je me gare dans l'allée, surexcitée et baisse le son, admirant la devanture de la maison qui est dorénavant mienne.
- Et bien, elle en jette ! s'exclame Mélanie qui a détaché sa ceinture. Et dire que Connor ne m'a jamais amenée ici.
- Ouais... Ben tu viendras aussi souvent que t'en auras envie.
En cet instant, je me rends compte que je vais même être séparée de mon amie. Le plus longtemps que nous ayons tenues sans nous voir ou nous téléphoner a été d'une semaine. Là, je vais passer ma vie entière ici, et elle à New-York.
- Ce n'est que deux petites heures, bredouillé-je pour me rassurer.
Mélanie se retourne vers moi, le sourire aux lèvres et je lui tends la main, par-dessus la console centrale.
- Ouais, seulement deux heures ma poulette.
Nous soupirons en même temps, s'enfonçant dans nos sièges.
- T'as conscience que je vais te harceler au téléphone.
- Oh oui, ris-je. Et tant mieux, t'as intérêt de le faire, de me textoter tout le temps et de publier des conneries sur Facebook pour que je réagisse.
Nous nous sourions tristement, empruntes à la mélancolie, à la peur de ne pas savoir combler l'absence de l'une l'autre.
- Ça va aller, t'as Logan, Connor et tu vas avoir un bébé.
- Et toi tu as Eden et Dam, maintenant.
Je hoche la tête, retenant mes larmes lorsque nous sursautons quand Connor tape sa main sur la vitre.
- Putain ! jure Mélanie en ouvrant sa portière. Il va me faire avoir un infar' un jour !
Je pouffe et l'imite en sortant à mon tour.
- T'es vache, Connor. Ta femme est enceinte.
- Oh, se marre-t-il, de temps en temps, une petite peur, ça te confirme que t'es vivant.
- T'es con, gloussé-je en rejoignant Damien à l'arrière du pick-up.
Damien détache la bâche qui couvre nos affaires et je l'aide en détachant les autres côtés.
Il s'approche de moi, dépose un baiser sur ma joue en m'enlaçant.
- Putain, on est chez nous.
- Je suis heureuse, Dam.
- Moi aussi. Mais là, je suis juste impatient de poser notre bordel dans cette maison.
∞
Tout prend place, doucement. Alors que je suis en train de nettoyer les placards, Mélanie arrange le peu de déco qu'on a, comme les cadres photos, les vases.
Damien est parti avec Connor chercher de quoi dîner entre deux montages de meubles et c'est sur une musique de fond que diffuse la radio que notre chez-nous prend forme.
- Ça avance super bien, s'extasie mon amie, et là, je verrais parfaitement bien une lampe sur pied, style baroque.
J'observe le salon, et le coin qu'elle indique du doigt.
- D'abord, faudra qu'on repeigne cette pièce. Parce que le blanc, ok, mais là, je trouve que c'est trop de blanc.
- Quelle couleur ?
- Si je dis rose à Dam, il va tomber là.
Nous rions en imaginant sa tête lorsqu'on sonne à la porte. Je vais ouvrir, comme ça doit être les mecs qui reviennent avec les pizzas.
- Elisa.
Mes yeux s'écarquillent de stupeur face à Alexandro, et d'un geste maladroit, je tente de renfermer la porte qu'il réussit à caler de son pied.
- Ouvre-moi, bébé.
- Tu devrais partir !
Ma voix paniquée alerte Mélanie qui s'approche, inquiète.
- Alex, murmuré-je en collant mon dos à la porte.
- Oh merde !
Elle se précipite dans le coin cuisine, attrape son sac et le fouille, à la recherche de son portable.
- Tu comptais me le dire quand que tu partais ? s'énerve-t-il derrière la porte.
- Alexandro, tu dois partir. Ton frère arrive.
- Putain, quand je pense que tu te barres, sans rien dire... Tu me déçois, Elisa. T'es qu'une putain, tu le sais ça, hein ?!
- Dégages ! hurlé-je.
Mon cœur tambourine quand j'entends ses pas s'éloigner, écraser le gravier de l'allée. Il est parti ?
- Connor ? Alex est là ! Comment on fait nous ? Bah je n'en sais rien !
Les cris de Mélanie au téléphone me sortent de ma léthargie et je me redresse. Il est parti. Le moteur de sa voiture ronronne dans l'allée, et je me dis qu'il n'a pas d'autres choix, que de s'en aller. Damien va être furieux. Et... Comment a-t-il su ? Comment il sait notre adresse ?
Je repousse mes cheveux en arrière, nerveuse. Merde, merde, merde. Mes mains tremblent, mes jambes aussi. Faut que je m'assoie.
Je fais un bond lorsqu'un vacarme assourdissant retentit à l'extérieur, suivi par l'alarme de la voiture de Mélanie.
J'ouvre la porte, tremblante, et découvre avec horreur qu'Alexandro a foncé dans la voiture avec la sienne.
- Oh l'enfoiré ! hurle Mélanie en sortant.
Je la retiens par le bras, voyant qu'elle est prête à sauter à la gorge d'Alexandro quand il sort de sa voiture.
- Parce que tu pensais que j'allais vraiment tout accepter, crie-t-il.
Je tire mon amie par le bras, pour qu'on s'enferme dans la maison, apeurée.
- T'es un sale connard ! hurle-t-elle. Vas te faire soigner, merde !
- Tu me quittes, moi, lâche-t-il en me fixant droit dans les yeux. Tu lui fais un gosse alors que t'as toujours refusé avec moi. Et puis... Putain...
Alexandro est fou. Son regard hagard se perd entre Mélanie et moi, alors que nous reculons.
- Pourquoi avec lui ? Hein, Elisa ? Pourquoi ce fumier ? Des connards, il y en a des tas d'autres ! Mais non, c'est lui, encore lui, lui, lui, lui, lui !
- Tu devrais partir, répété-je. Je vais appeler la police !
- Je m'en fiche... J'ai tout perdu. Je fais faillite de ta faute. Tu m'as détruit en partant...
- Alex, s'il te plaît, tremblé-je.
Il relève ses yeux vers les miens, tandis que sa mâchoire se crispe.
- Tu m'as détruit !
Mélanie recule encore, et je crie quand il sort une arme. Je cours, je pousse mon amie vers la maison. Mais c'est trop tard. Parce que je ne suis pas surhumaine, parce que je ne cours pas assez vite, même si je suis morte de trouille. Parce qu'Alexandro est déterminé à me le faire payer, déterminé à me gâcher la vie.
La détonation résonne dans les airs, et je m'écroule dans l'allée, sentant la douleur mêlée à la chaleur qui se répand dans mon dos.
Je ferme les yeux, pour ne plus avoir peur. Mes doigts se resserrent autour des cailloux gris sur lesquelles je suis, et j'essaie de m'accrocher à eux, comme je m'accrocherais à la vie. Sauf que je n'entends plus rien, mis à part ce bruit lourd et assourdissant.
J'ai trop mal, j'ai trop froid, j'ai trop peur...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top