25.Elisa
Je regarde ce bâtonnet, les larmes aux yeux.
Je crois que jamais encore je n'avais eu aussi peur de toute ma vie. Un bébé... Je n'arrive pas à assimiler le fait que j'ai pu oublier ma pilule.
Quand Mélanie est venue m'amené ce foutu test, j'ai eu envie de la jeter dehors avec. Je ne voulais pas qu'elle voit à quel point j'étais malheureuse. Et puis... Damien. Evidemment qu'il n'allait pas sauter de joie ! Mais je ne comprends pas pourquoi il me laisse gérer cette nouvelle. Il croit quoi ? Que je suis super heureuse ? Et bien non ! Moi non plus je n'ai jamais voulu d'enfant ! J'ai un métier, un petit appart où il impossible de caser un enfant et tout ce dont on a besoin pour l'accueillir et enfin... On se découvrait seulement.
Il va arriver, je le sais. Pourtant, je ne suis pas très sûre de vouloir le voir. Je ne digère pas sa façon de réagir hier, alors que j'étais au bord de la crise de panique. Comme quoi, tous les hommes sont des cons. J'essuie mes larmes, dépose le test sur le bord du lavabo de la salle de bain. Quand il frappe à la porte, j'arrête de respirer.
Mon reflet dans le miroir me renvoie l'image d'une femme pathétique, aux yeux rougis et gonflés. Et s'il venait pour me quitter ? Un frisson d'effroi me parcourt en pensant cela.
Je vais lui ouvrir avant qu'il ne finisse pas défoncer ma porte à force de coups frappés dessus.
*****
Nos regards se croisent rapidement puisque je détourne les yeux. Je me recule, il entre.
—Salut.
Sa voix rauque et basse me donne envie de pleurer, de me jeter à son cou en lui demandant pardon, en lui disant que je l'aime et que j'ai autant la trouille que lui, mais il faut que je reste digne, un minimum du moins.
—Salut.
Je le dépasse pour aller dans le salon. Qu'il me dise ce qu'il a dire et qu'il parte, si c'est ce qu'il veut. Son parfum emplit la pièce quand il y entre pour s'assoir à côté de moi. Je ne le regarde pas, sinon je sais que je vais éclater en sanglots et non, je ne veux pas encore pleurer aujourd'hui. Pas devant lui.
Un silence gêné et pesant flotte dans l'air, m'étouffe. Je repense à sa réaction, hier soir, au fait qu'il ne m'ait même pas retenue, qu'il ait refusé de m'écouter.
—On fait quoi ? demande-t-il.
Sa question me surprend. On fait quoi ? Qu'est-ce que j'en sais ?
—Tu veux faire quoi ? craché-je avec véhémence.
—Elisa...
—Quoi ? Qu'est-ce que tu entends par « on fait quoi » ? Qu'est-ce que tu veux Damien ?
Je me lève, irritée.
—Je n'ai jamais voulu avoir d'enfant, Elisa !
Il se lève, m'attrape le bras et me retourne face à lui. Mes yeux plongent dans les siens, assombris de colère.
—Tu penses que j'en voulais un ? Si tu m'avais écoutée hier, t'aurais su que non !
—Tu m'as dit que tu prenais la pilule ! Je te faisais confiance ! T'as voulu me piéger ? T'as fait exprès pour que je reste ?
Je ris froidement, me dégage de sa main. Je n'ai pas besoin qu'il me rappelle encore et encore mon oubli. Oui j'ai merdé ! Je le sais ça ! Mais là, ce qu'il vient d'insinuer me choque. Je n'arrive pas à réaliser qu'il puisse penser une telle chose de moi.
—Tu ris, j'espère ?
—Non, s'énerve-t-il. Putain Elisa !
—Je vais avorter si vraiment tu n'en veux pas ! Je ne veux pas t'empoisonner la vie ! Maintenant sors, s'il te plait.
Il me regarde bouche bée, ne sachant pas trop quoi répondre. Je m'enferme dans ma chambre, m'adosse à la porte pour lui cacher mes pleurs. Le piéger ? Il pense vraiment que j'aurais fait ça ? Quel connard ! Je fonds en larmes quand la porte d'entrée se referme violemment. Je ne pense pas qu'on m'ait déjà autant blessée. Comment peut-il me dire qu'il m'aime, être le petit-ami parfait pour se comporter en un réel con quelques heures après ? Il ne veut pas de ce bébé ? Très bien, moi non plus de toute façon ! Et encore moins avec un gamin pareil qui n'est même pas foutu d'assumer quoique se soit !
—Ouvre-moi bébé...
Je sursaute en entendant sa voix, pleure un peu plus encore. Il n'est pas parti, mais... Ça fait mal, mal de se dire que l'homme qu'on aime nous pense capables de le piéger.
—Je suis désolé. Je ne voulais pas dire ça...
—Dégage, sangloté-je. Pars Damien.
—Elisa je suis désolé, répète-t-il. J'ai besoin de toi. J'ai besoin de toi dans ma vie... Je ne veux pas que tu me quittes.
—Dam... Pars, s'il te plait.
—Réfléchis alors... N'avorte pas si toi, tu veux de ce bébé.
Je me mords la lèvre, fort, pour éviter à mes sanglots de lui répondre. Comment pourrai-je garder ce bébé alors que lui n'en veut pas ?
—Ouvre-moi. Je t'en supplie Elisa.
Après quelques minutes, il part, emmenant mon cœur avec lui. J'ai envie de vomir, de crier, de le frapper tellement je le déteste ! Je me laisse choir dans mon lit, étouffe mes pleurs dans mon oreiller.
******
Cela fait trois jours que je n'ai pas vu Damien, et il me manque. Atrocement.
Ses paroles tournent et se retournent dans ma tête. Comment peut-il croire que j'ai voulu le piéger ? Comment peut-il croire que je ferai une telle chose seulement pour qu'il ne s'en aille pas? Qu'il se casse à sa putain de mission de merde !
Je ne réponds à aucun de mes texto, qu'ils soient de lui, de Mélanie ou bien de Connor. Je veux qu'on me foute la paix, qu'on me laisse réfléchir seule. Pourtant Damien m'en envoie un paquet. Il dit que je lui manque, qu'il n'arrive pas à dormir, qu'il aimerait bien me revoir avant qu'il ne parte samedi. Puis, il s'énerve. Et les fautes d'orthographe et ses mots incompréhensibles me font dire qu'il n'est pas vraiment sobre quand je reçois ces messages-là, où il me dit que je n'ai qu'à me démerder, qu'il ne va pas courir pendant une éternité après moi, qu'un tas de femmes voudraient être avec lui. Puis le lendemain matin, il me demande pardon.
Et ces messages, ceux-là bien précisément, me font penser qu'en fait, non, ce n'est pas une relation comme ça que je veux.
******
Assise sur la chaise d'une salle d'attente, je regarde les ventres ronds autour de moi. Je tremble au plus profond de moi-même, je ne sais pas... mais d'être ici, me fiche la frousse.
Certains futurs papas sont également présents, ce qui a le don pour me miner le moral. Je ne cesse de croiser mes jambes, de les recroiser dans l'autre sens, pour finir par balancer mes pieds en dessous de ma chaise. Je feuillette un magasine sur la grossesse, soupire. Je ne suis pas prête pour ça. Rien que le titre de l'article me fait peur : Accoucher sans péridurale, la nouvelle mode !
J'en frémis. Je le referme, le dépose sur la petite table à côté de moi. Une femme devant moi pleure, se tenant fermement le ventre. Elle va sûrement accoucher d'ici peu, la pauvre. Une autre raconte à son mari en riant qu'elle doit absolument aller aux toilettes, sinon qu'elle va se faire dessus. C'est classe.
Non, je ne veux pas de bébé. Je ne peux pas... Surtout sans lui.
Quand ma gynécologue m'appelle, je bondis presque sur mes pieds, ravie de quitter cette pièce où je ne me sens pas à ma place.Je lui serre la main en esquissant un pâle sourire et m'engouffre au plus vite dans son cabinet.
Petite et asiatique, le docteur Lo-Hi est assez dure avec moi. Elle me remonte les bretelles sévèrement, ne comprenant pas pourquoi, ni comment j'ai oublié ma pilule. J'ai envie de lui dire qu'un homme sacrément bien foutu m'a distraite, que mon ex m'a mené la vie dure ces derniers temps et qu'entre tout ça, j'étais perdue. Je voudrai lui dire que moi aussi, je n'ai jamais voulu oublier mon putain de contraceptif parce que Damien m'en veut énormément. Mais à la place, j'acquiesce entre quelques larmes. Ma gorge est nouée, mon ventre avec.
Je réponds à ses diverses questions, lui donne la date de mes dernières règles et vais me déshabiller quand elle me le demande.
J'écarquilles les yeux devant la sonde qu'elle prépare. Ça ne se fait pas sur le ventre les échos ?
—Comme votre col est bien fermé, dit-elle, je vais vous faire une échographie pelvienne. On pourra donc voir le stade de votre grossesse.
Je hoche la tête silencieusement. Je grimace quand elle enfonce sa sonde froide, regrette que Damien ne soit pas là, avec moi. Damien... Ne pense pas à lui Elisa, sinon tu vas encore pleurer. Sur l'écran noir, on aperçoit de suite une poche, avec un point qui clignote rapidement.
—Voici, le bébé.
Je n'arrive pas à détacher mes yeux de cette image, tandis qu'elle prend plusieurs mesures. Mes yeux s'embuent quand je pense que c'est l'enfant de Damien que je porte, le mien.
Je ferme les yeux, m'obligeant à ne pas craquer quand le son puissant et rapide d'un cœur se met à retentir dans la pièce.
Mes membres tremblent, secoués de sanglots retenus. J'ai une petite vie en moi. J'ai un bébé qui vit dans mon ventre. Je... ne peux pas faire ça, je ne peux pas avorter. Ce serait trop dur, et je sais que je le regretterai.
—Voilà, vous pouvez vous rhabiller.
******
La pluie s'abat sur moi quand je sors du taxi. Mes cheveux se collent directement à mon front, mes épaules s'affaissent encore un peu plus. L'immeuble gris devant moi me rappelle le pourquoi je suis là, le pour qui surtout. J'hésite à y aller, même si je sais qu'il le faut. Que va-t-il dire ? Est-ce qu'il va m'ouvrir ? Et s'il est avec une autre femme ? Un klaxon qui hurle dans la circulation me fait sursauter, et je ris. Je suis une femme pathétiquement nerveuse. Pour un homme. Au pire, et bien oui, au pire j'élèverai cet enfant seule, sans lui. Je ne peux pas obliger Damien à vouloir ce bébé, je ne peux pas l'obliger à me croire quand je lui dis que je n'ai vraiment pas fait exprès de tomber enceinte. Je ris jaune en pensant que des tas de femmes mettent des années à concevoir un enfant tandis que moi, en un seul cycle, je suis enceinte.
—Va-s-y, me dis-je à moi-même.
Je frappe deux petits coups à la porte, nerveuse comme jamais. J'ai les jambes qui flanchent tant j'ai peur. Et s'il ne veut plus de moi ? Et si on se dispute encore ? Mon cœur rate quelques battements avant d'accélérer dans sa cage quand ses yeux émeraudes se fixent aux miens. Pendant quelques secondes, nous restons figés, à nous dévisager. Il n'a pas l'air bien avec ses yeux rougis, ses cernes sombres et sa barbe.
Sans piper mot, il recule pour me laisser entrer. Je le fais, même si je n'ai qu'une seule envie : Partir en courant d'ici.
—Tu veux boire quelque-chose ?
Chez lui règne un bordel sans nom. Les cendriers sont remplis de mégots, les cadavres de bouteilles de bière et de whiskey jonchent la table basse du salon, où un plaid est balancé sur le canapé. Il ne va pas bien, et je viens lui mettre le coup de grâce.
—Elisa ? Tu veux boire quelque-chose ?
Je me retourne vers lui, et hoche doucement la tête.
—De l'eau, merci.
Il se passe une main nerveuse dans ses cheveux de geai et avance vers la cuisine, les yeux baissés.
Je m'assois sur un des tabourets hauts, sors l'enveloppe de mon sac et la lui tends en même temps qu'il dépose mon verre.
—Je voulais te montrer ça, soufflé-je faiblement.
Il fronce les sourcils, évite mon regard pour saisir l'enveloppe. Je ne peux m'empêcher de le détailler, de frissonner en regardant ses mains, de frémir en observant son t'shirt noir mouler son torse athlétique. Damien sort les deux petites photos, les regarde longuement, avant de les remettre dans l'enveloppe. Son silence me déchire. Il n'a aucune réaction. Je voudrai qu'il pleure, qu'il me prenne dans ses bras, ou bien qu'il hurle s'il en a envie. Mais non. Rien.
—Je le garde Damien. Je ne peux pas avorter, c'est au dessus de mes forces.
Ma voix chevrotante lui fait arquer un malheureux sourcil. Ses narines se dilatent et se referment au gré de sa respiration saccadée. Il est énervé. La colère qui émane de lui me fait peur,
—Bon, j'y vais.
—Ouais, ok.
Ses deux mots me poignardent, s'enfoncent dans mon cœur tels des lames aiguisées. Je me lève, chancelante, serre l'anse de mon sac à main de toutes mes forces et me dirige vers la porte. Je suis anéantie. Je ne sais pas à quoi je m'attendais en venant ici, mais pas à ça, pas à ce Damien vide d'émotion.
Je m'arrête devant la porte, ferme les yeux en sentant mes larmes couler. Je me retourne vers lui, croise son regard vide, perdu.
—Tu sais Damien, commencé-je en reniflant, si tu me laisses partir, je ne reviendrai plus.
Il ferme les yeux en s'appuyant sur le plan de travail.
—Je suis désolée, je suis désolée d'avoir tout foutu en l'air. Je ne voulais pas que ça finisse comme ça.
Il respire fort, ses épaules se soulèvent, se tendent.
Je détache son collier, parce que je ne peux pas garder ça, parce que je ne veux pas me rappeler qu'il sera quelque part pendant que je maternerai seule. Je m'avance, dépose le bijou devant lui, sur le marbre du plan de travail.
Mon cœur déjà blessé se meurt un peu plus quand je vois les larmes sur ses joues.
—Je suis désolé, chuchote-t-il.
Je voudrai tant lui dire que ça va s'arranger, que je l'aime et que là, il me tue, mais je ne peux pas, je ne veux pas le supplier de m'aimer encore un peu, de m'accepter avec son bébé. Je ne veux et peux pas faire ça.
—Moi aussi.
Je presse le pas pour sortir de cet appartement où je manque d'air. J'étouffe et Damien est en train de broyer mon cœur, mon âme. Sur mes joues ruissèlent de nombreuses larmes quand je descends les escaliers. Je retiens le plus gros de mes sanglots, pour qu'il ne les entende pas, pour que personne ne sache à quel point je souffre de cette situation. J'ai envie de remonter, de lui en coller une, de lui dire que je le hais de me faire tant souffrir, que lui aussi a fait ce bébé, que je n'étais pas seule ! Mais je n'ai pas le temps de faire tout ça, je n'ai pas le temps de lui dire à quel point je le déteste, puisqu'il m'attrape par le bras et qu'il me colle contre son torse.
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