21.Damien

Mes mollets me font mal quand j'arrive chez elle. J'ai couru pendant au moins une heure. Ça me permet de me vider la tête, de me recentrer sur l'essentiel. Ça m'a fait drôle d'amener Elisa au boulot ce matin. Je me rends compte que finalement, être en couple, ce n'est pas si mal que ça, que ça m'avait manqué surtout. Mais je sais que c'est génial parce que c'est elle surtout. 

Je n'arrive toujours pas à réaliser à quel point elle me correspond. On est vraiment fait pour être ensemble. Elle et moi, c'est une évidence. On s'entend parfaitement, on se comprend même sans nécessairement se parler. 

Cela fait déjà une semaine que je suis là. Pour la première fois, je compte les jours en soufflant. Je ne me réjouis pas de repartir parce que je la laisserai seule, parce qu'elle me manquera. Je n'ai pas envie que des milliers de kilomètres nous séparent. Je l'aime... Trop peut-être, je n'en sais rien. 

Je n'ai jamais été aussi en forme qu'en ce moment. Je suis certain que nos nuits blanches à profiter l'un de l'autre me donnent du pep's mais je n'oublie pas qu'un jour, la fatigue me rattrapera. Mais comment pourrais-je dormir avec son joli p'tit cul contre moi? Cette femme m'obsède, me possède corps et âme. 


Quand je rentre dans la maison, il n'y a personne. J'enlève mes baskets, les pose à côté de l'escalier et pars à la recherche de ma mère. La radio est allumée dans la cuisine. Un air d'accordéon horripilant résonne dans la pièce. Par la fenêtre, je l'aperçois en train de retourner la terre de son potager. Je baisse la musique, vais la rejoindre.
Dehors le soleil tape fort, il est un peu plus de midi et la chaleur est à son apothéose.

—Tu ne devrais pas faire ça maintenant.

Ma mère sursaute en se retournant vers moi.

—Tu m'as fichue la frousse !

Je ris et la rejoins au milieu du terrain. Son front dégouline de sueur sous son chapeau de paille. On ne s'est pas revu depuis qu'elle sait pour Elisa et moi. Je crois que la situation ne la ravit pas tellement mais il faut qu'elle l'accepte. Elisa est la femme de ma vie, j'en suis persuadé. 

—Faut que j'avance, je dois planter les choux maintenant si je veux que la récolte soit bonne.

—Laisse ça là, on va déjeuner et je terminerai ça.

—Merci mon chéri, dit-elle en lâchant sa bêche. 

******

Autour de la table, le calme règne. Je sens qu'elle a quelque chose à me dire mais qu'elle n'ose pas. Je suis sûr que c'est à propos d'Elisa, pour ne pas changer. Mes copines l'ont toujours dérangées. Elle leur trouvait toujours quelque chose qui clochait. Et je parie qu'Elisa n'échappera pas à la règle. 

—Crache ta valda 'man.

Elle pose ses couverts et me regarde prudemment.

—Avec Elisa...

—Entre elle et moi c'est sérieux maman. Ecoute... Je sais que t'es mal à l'aise parce que je l'ai prise à Alexandro mais elle et moi, on est bien ensemble.

—Je ne sais pas si j'arriverai à m'y faire.

—Tu t'y feras, affirmé-je.  Pour moi.

Elle pince ses lèvres quand je repousse mon assiette. J'ai conscience que ça doit lui faire bizarre de voir Elisa avec Alexandro puis moi. Mais elle est avec moi maintenant et je ne lui laisse pas le choix. 

Elle se resserre de la salade avant de me fixer dans les yeux.

—Tu l'aimes ?

Ma mâchoire se contracte, parce que je n'aime pas parler de ça. Je hais parler de sentiments et tout le tralala, sauf avec Elisa. Quand je suis avec elle, je sors des phrases de je ne sais où et je suis à chaque fois récompensé par ses sourires qui me désarment, par ses baisers qui me rendent fou. 

—Oui.

—Et elle ? Elle ne peut pas être amoureuse de toi aussi vite Dam...

—Arrête.

—Je ne veux pas qu'elle te fasse souffrir comme Alex. Il n'est pas bien,  et elle, elle te retourne le cer...

Je me lève, excédé, ce qui la fait taire. 

Mon sang boue dans mes veines. Qu'est-ce qu'elle va s'imaginer? Que je me laisse embobiner par Elisa? Elle est devenue folle, c'est impossible autrement! 

—Comment tu peux le plaindre ? Je n'arrive pas à te suivre ! Il l'a tabassée ! Elle avait des bleus, une arcade fendue ! Et toi ? T'arrive encore à l'excuser !

—Je ne l'excuse pas Dam ! Mais comprends l'état dans lequel il s'est trouvé à ce moment-là !

Je me fige, écarquille les yeux. Je vais faire un malaise si elle continue de déblatérer autant d'absurdités.

—Et moi, j'étais dans quel état il y a dix ans? Quand il baisait avec Léona ? Je ne l'ai pas touchée, elle. Ce que tu dis n'a rien à voir. Elisa et moi sommes en couple maintenant. Je n'ai besoin de l'approbation de personne. Si tu n'acceptes pas ça, tant pis. Je ne me séparerai pas d'elle pour que tu sois contente. 

—Damien...

Je remets mes chaussures, énervé qu'elle n'assimile pas ça. Entre elle et moi ça s'est toujours bien passé, sauf quand il s'agissait de fille. Ma mère est le genre de femme à vouloir contrôler ma vie sauf que sur Elisa, elle n'a strictement rien à dire. Je n'ai pas à choisir entre ma femme et ma mère! 

—Je viendrai prendre ton linge demain.

—Non, pas besoin. Elisa le fait déjà. 
Je sors en claquant la porte. J'ai besoin de prendre l'air avant de devenir dingue.  Je marche dans le quartier assez calme avant de rejoindre le centre- ville. J'ai besoin de me changer les idées, de ne plus penser à cette discussion débile. Je n'arrive pas à la comprendre, à me dire qu'elle n'accepte pas qu'Elisa et moi formons un couple alors qu'elle est la première à me casser les couilles pour que je fonde un foyer. Elle voit que je suis heureux, bien dans ma peau, alors elle devrait en être heureuse. Putain, je n'en reviens pas qu'elle défende cette tête de bite! Et là...

Je me fige. Mon sang a déserté mon corps. Ma respiration s'est fait la malle. Je m'avance vers le kiosque à journaux d'un pas tremblant et fixe ces magazines devant moi, le cœur au bord des lèvres. Mon téléphone sonne au même instant.

—Allo ?

Je ne reconnais même pas ma voix tant je suis sous le choc. C'est pas vrai... 

—Dam, tu peux venir me chercher ? Je suis vraiment malade là.

Elle pleure et sur ce coup, je ne peux retenir mes larmes. Putain...Il ne la lâchera jamais!

—Je dois régler quelque chose bébé, je viens après.

—Dam ? Tu pleures ?

—Non !  crié-je, mais...

Je me retourne, le regard vide. Les bruits de la ville me semblent plus forts, ma tête se met à tourner. 

—Je suis désolée, sanglote-t-elle, je suis désolée.

—Je vais le tuer. Je te jure que je vais le buter !

D'une main je fouille ma poche, tends un billet à l'homme devant moi et prends un de ces putains de torchons.

—Damien... Ne fais rien de stupide, s'il te plait.

—Tu plaisantes ? crié-je. T'es à poil sur une couverture de magazine ! Merde !

Ses pleurs me répondent, me déchirent le cœur. Je ne devrai pas m'emballer sur elle, je ne devrais pas crier, mais là, je suis dégoûté. Dégoûté qu'il ose lui faire ça, l'exposer ainsi aux yeux de tous. 

—Je vais régler ça et je passe te prendre.
—Dam, non...

Je raccroche. Mes tripes se tordent, ma tête va imploser. Je vais lui faire bouffer ces pages, je vais lui arracher sa queue et lui faire bouffer aussi ! Putain ! 

*****
Quand j'arrive à la tour où il travaille, je file vers les ascenseur malgré la femme de l'accueil qui me hurle dessus. J'appuie sur le bouton du dernier étage. Quel connard ! Ma vision devient floue à chaque étage passé, aveuglé par la haine.
Quand les portes s'ouvrent enfin, l'assistante se lève, sourire de faux-cul plaqué aux lèvres.

—Vous avez rendez-vous ?

—Où est ton patron ? m'énervé-je. 

—Monsieur ! S'insurge-t-elle.

—Ton putain de patron est mon frère. Où est-il ?

Elle n'a pas besoin de me répondre puisque ce bâtard arrive avec notre père. Son sourire disparait quand je lui balance la revue à la gueule.

—Que fais-tu ici ?

—Tu croyais que je n'allais rien dire ?

Mon père ouvre la bouche mais la referme aussitôt quand il voit le livre sur le sol.

—Elisa est ma femme ! Tu n'as rien à dire...

Je me jette sur lui, le fais tomber au sol. Mon poing atterrit avec force dans sa face alors qu'il se débat. Mon père se mêle à la bagarre, me frappe aussi fort qu'il le peut tandis que je me déchaîne sur la tête de mon frère. Je crache du sang, le sien gicle sur mes fringues et sa chemise immaculée. Je le hais !

Je suis tiré en arrière par deux vigiles, même si je me débats. Je vais le tuer !

­—T'approches plus de nous ! Laisse-la !
Je hurle ma haine sous le regard choqué du personnel qui s'est amassé autour de nous.

Alexandro reste allongé sur le sol, s'essuie le visage. Je voudrai le tuer, lui arracher sa gueule de con !

******

Mes mâchoires ne se sont pas desserrées depuis que je suis sorti de ses bureaux. Mes phalanges sont explosées, douloureuses. Mes sourcils ne se défroncent pas non plus. J'ai la haine. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu faire ça.

Elisa est chez moi, elle m'a envoyé une dizaine de messages me demandant de ne pas faire de conneries, de rentrer chez nous. Sauf que je n'ai pas envie. J'ai besoin d'évacuer cette tension logée dans mes épaules.


Après cette altercation, j'ai filé chez Connor. Sinon je serais retourné dans ces bureaux de merde pour l'achever. Connor est aussi choqué que moi, n'empêche que je lui ai interdit de regarder ces photos. Putain, je suis dégoûté.

—Elle va arriver. Et Mélanie suivra. 

Je soupire quand il sort sur la terrasse. Lui et Mélanie se rapprochent de plus en plus. Tant mieux. Je sais qu'il détestait son statut de célibataire et même si cette meuf est légèrement casse-boules, je la respecte puisqu'elle soutiendra dorénavant deux de mes proches. 

Je ne me suis même pas rincé, j'ai encore plein de sang partout.
J'avale une gorgée de bière, regarde droit devant moi.

—J'arrive pas à croire que ce blaireau ait osé faire ça, grogné-je. Putain tous les gamins de quatorze pige vont s'branler sur ma meuf.

Connor rit et je le foudroie du regard. Ce n'est pas drôle. Je voudrai être le seul à reluquer le corps de dingue d'Elisa. 

—Désolé, dit-il, c'est la façon dont tu dis ça.

Je soupire, encore. Je me demande dans quel état je vais la trouver. Quand on fait ce genre de photos, on ne s'attend pas vraiment à ce qu'elles sortent d'une chambre.
—Tu vas être sûrement convoqué par les flics. Tu vas faire quoi si tu ne peux pas partir en mission ?

Et merde. Je n'avais pas pensé à ça.

—Je lui démolirai encore plus la gueule alors!

—Va prendre une douche Dam, je crois qu'elle stressera moins si elle ne voit pas ce sang sur toi. 

Je hoche la tête, me lève. Connor est un mec bien, sait toujours être le mec qui va me calmer après un coup de nerfs. J'espère qu'elle aussi y parviendra... 

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