20.Elisa
Nous passons une agréable soirée, tous ensemble. Mélanie craque pour Connor, ce qui me fait plaisir. Même s'il fait presque deux mètres de haut et un de large, Connor est un véritable ours en peluche. Il rit tout le temps, il parle énormément aussi, ce qui plait forcément à mon amie. Quant à Damien, le voir avec son ami me montre une autre facette de lui. Il rit, raconte des blagues à deux balles et nous narre des anecdotes de leurs jeunesse et de leurs études.
— L'autre jour, dit Connor, ta femme était à la pêche aux infos.
Damien hausse un sourcil dans ma direction, et je feinte l'indifférence.
—Je lui ai décrit nos corps de ver de terre.
Damien avale sa gorgée de vin et hoche la tête, mal à l'aise. Apparemment, je n'aurais pas dû connaître certains points de son passé, ou bien aurait-il préféré m'apprendre cela lui-même ?
—On a bien changé, en effet.
Je pose ma main sur sa cuisse, pour lui montrer que ça ne me fait rien. D'ailleurs, je savais pertinemment qu'il n'était pas né tout en muscle. Je le trouve magnifique et savoir qu'il a bossé dur pour avoir ce corps digne d'un Dieu grec, me fait littéralement baver. J'adorais le voir s'entrainer, juste une fois.
—Deux molosses comme vous, s'étonne Mélanie, tout maigres ? J'aurais tout entendu.
—Bon, il y a du tiramisu en dessert, dis-je, qui en veut ?
Damien et moi nous levons et débarrassons les assiettes afin de laisser Connor et Mélanie faire plus ample connaissance.
Dans la cuisine, je l'attrape par la taille et dépose un baiser sur sa bouche boudeuse.
—Arrête de bouder, t'es vachement plus mignon lorsque tu souris.
Le coin de ses lèvres s'étire et je fonds dans ses bras.
—Je n'aime pas parler du passé, c'est tout. Le passé est le passé, rien ne sert de l'évoquer.
—Il ne m'a rien dit de compromettant, promis.
—Il a intérêt, répond-il. Et puis, je me réjouis d'être seul avec toi. Dans trois semaines je repars, et j'ai envie de profiter de toi.
Trois semaines ? C'est court ça.
—On profitera bien, ne t'inquiètes pas.
Je me détache de lui et ouvre le frigo pour en sortir le dessert. Damien retourne à table et les rires se font déjà entendre. Trois semaines. Je ne me doutais pas un seul instant à quel point la vie de petite-amie de militaire était aussi triste. Je ne me pense pas capable de supporter tout ça, à longueur de temps. De lui dire à chaque fois au revoir, de l'attendre durant des semaines sans nouvelles. Mais pour l'instant, je ne veux pas craquer, ni penser à ça. Je force un sourire et retourne à table avec mon plat.
∞
Après m'être douchée, je rejoins Damien qui est déjà couché sur son lit. Son regard quitte le plafond, pour se poser sur mon corps et je sens mes joues devenir cramoisies. Il me fait tellement d'effet, et ses mains... J'aime quand elles se posent sur moi, qu'il me caresse. Serait-il devenu ma drogue ? Je me couche près de lui, contre son flanc et pose ma tête dans le creux de son bras.
—Ça ne va pas ?
—Si, réponds-je en jouant avec sa chaine.
—Elisa...
Je ne peux pas lui mentir, ce serait mal débuter notre relation, même si elle ne durera pas dans le temps.
—Ton métier me fait peur, avoué-je.
Je me recule quand il s'allonge sur le côté pour me faire face.
—Pourquoi ?
Pourquoi ? Ça me semble être une évidence en fait.
—Tu fais un métier super dangereux, pour commencer. Et s'il t'arrivait quelque-chose ? Nous serons au courant ou ce sera la presse qui s'en chargera ?
— Tu seras mise au courant, mais ne pense pas que je vais mourir à chaque départ. Je ne fais pas que des missions. Il y a principalement l'entraînement, la surveillance, et ça, ce n'est pas dangereux.
Il enroule une mèche de mes cheveux autour de son doigt et les miens se resserrent autour de ses foutues plaques.
—Et tu ne seras jamais là ? Enfin... Ce sera comme ça tout le temps ? Tu resteras un peu puis tu repartiras des mois et tu reviendras un peu ?
Il retient son souffle, avant d'hocher la tête, l'air grave. Il sait où je veux en venir.
De son index, il soulève mon visage vers le sien et plonge ses iris émeraude dans les miens.
—Tu n'es pas obligée de rester avec moi Elisa. Je peux comprendre que ça soit compliqué pour toi. Mais...
Il se lève et enfile un pantalon de pyjama, n'achevant pas sa phrase. Je ne sais pas quoi dire. Suis-je vraiment apte à supporter ses absences à répétitions ? Je n'en sais rien, la seule certitude que j'ai, c'est celle de l'aimer.
Je me lève à mon tour et sors de la chambre. Je vois Damien sur le balcon, en train de fumer une cigarette. Je le rejoins même si je suis en sous-vêtements et que le temps doit s'être refroidi.
Les bruits de la ville sont plus calmes durant la nuit, même s'ils restent nombreux. Une légère brise souffle dans mes cheveux et j'avance vers lui. Je m'appuie sur le garde-corps, regarde les taxis et voitures rouler sous nos pieds. Un bus s'arrête, un jeune couple en descend et marche main dans la main dans la rue éclairée de réverbères.
—Si tu me promets des retours comme ceux d'aujourd'hui, je peux le faire, Damien. Mais j'ai besoin de savoir si...
—Et moi je veux que tu sois là, à attendre impatiemment chacun de mes retours, me coupe-t-il. Tu devras me sauter dessus, comme aujourd'hui, même si j'en tombe à la renverse. Je te veux toi, Elisa. Je ne blaguais pas en affirmant le manque de toi.
—Moi, je veux que tu me fasses la promesse de ramener ton joli petit cul à chaque fois, Dam. Tu seras prudent, quoiqu'il arrive. Je t'attendrais, mais seulement à ces conditions.
Un sourire commun étire nos lèvres. Nous sommes barges, je pense.
—Je n'oublierais pas tes conditions, alors. Mais toi non plus, tu n'oublieras pas que j'existe, même si je serai loin d'ici.
J'essuie discrètement mes larmes et pose ma joue contre son bras.
—Je t'attendrai Damien, je t'attendrai des années s'il le faut. Je ne suis pas ton ex, je n'irai pas voir un autre en quête de réconfort, alors cesse d'avoir peur. Tu dois avoir confiance en moi. Je ne sais pas pourquoi, mais je le sens. C'est toi. Et il n'y aura plus que toi.
—Viens, dit-il en prenant ma main dans la sienne. On va se découvrir encore un peu plus.
J'arque un sourcil, le suis à l'intérieur en me demandant quel est le plan qu'il mijote.
∞
Assis dans le canapé, face à face, nous nous réchauffons avec un café. Nous sommes toujours en été, mais les nuits sont fraîches et l'humidité de la journée n'a pas réellement su faire grimper les températures. La chaleur de la tasse entre mes mains me fait frémir, s'insinue en moi pour mon plus grand plaisir. La pièce est plongée dans le noir où seule une petite lampe dans le coin du salon, près du meuble noir de la télévision, nous éclaire.
—Je te pose une question, tu m'en poses une, dit-il.
—Euh, ok, on fait ça.
Mon sourire n'a jamais dû être aussi grand qu'à l'instant. Je suis affamée d'informations, j'ai une tonne de questions à lui poser.
—Ton couple avec Alexandro était déjà chaotique avant moi ? Enfin avant de te marier je veux dire ? Il t'avait déjà fr...
—Tu as dit une question, le coupé-je avant de boire une gorgée. Non il n'avait jamais levé la main sur moi. En Thaïlande, c'était la première fois. Pour notre couple... Ce n'était pas chaotique, mais nous en étions pas loin. J'ai vraiment cru que le mariage allait changer la donne. Enfin, si j'avais su... Mais pourquoi t'es venu un jour trop tard, toi ?
Il éclate de rire et je l'imite en déposant ma tasse. Je rampe à quatre pattes jusqu'à lui, pour être entre ses jambes.
—C'est de ta faute, susurre-t-il. Je t'avais dit de venir avec moi en Mustang. Nous serions partis tous les deux, et nous aurions fait des cochonneries encore et encore. Je t'aurais même prise sur le capot de ma bagnole.
—Quel romantique tu fais là, pouffé-je.
Il me mord l'épaule avant de m'embrasser. Ses mains chaudes sur mes hanches nues me rendent dingue. Mais...
—N'essaie pas de me distraire, soufflé-je.
—Vas- y, soupire-t-il, pose-moi ta question.
—Ton père ? Pourquoi tu ne lui parles plus ?
—Tu choisis direct les bonnes questions, toi.
Je me blottis contre lui-même s'il râle. Je sens son cœur battre dans mon dos et j'embrasse sa main posée sur mon bras.
—Mon père battait ma mère. Je ne sais pas si tu le savais.
—Non, je ne le savais pas.
—Il la battait, régulièrement. Au moindre truc qui le contrariait, il se défoulait sur elle. Puis un jour, j'en ai eu marre et j'ai eu peur en la voyant allongée sur le sol, à se faire rouer de coups. Mon père ne nous avait jamais touchés Alex et moi. Sauf cette fois-là. J'avais quinze ans et je lui ai foncé dessus. Mon poing a atterri sur son pif et le sien m'a assommé.
—Oh mon dieu...
—Donc le lendemain, quand mon père est parti travailler, ma mère nous a embarqués avec elle. On a vécu longtemps chez ma grand-mère. Puis elle a rencontré Josh.
—Je n'ai pas connu Josh, même si ta mère en parle souvent.
—Ah... Josh, dit-il en souriant, c'était mon modèle. Militaire jusqu'au bout des ongles, c'est lui qui m'a transmis cet amour pour l'armée. Bref, il a été mon héros dès qu'il est entré dans nos vies. Et lorsque mon père a appris mes projets, qui étaient d'entrer à l'école militaire, Il m'a défoncé comme jamais.
—Tu plaisantes ? Juste pour ça ?
Autant de débilités m'énervent. Je n'avais jamais aimé Paul mais là, je sais encore plus pourquoi je le déteste.
—Je ne plaisante pas, non. Depuis, je n'ai plus jamais voulu le voir. Il se pointait chaque vendredi chez ma mère pour lui donner les pensions alimentaires et je me cassais pour l'éviter.
—Je suis désolée pour toi.
Il resserre ses bras autour de moi et m'embrasse dans la nuque.
—Faut pas. Au moins j'ai rencontré Connor comme ça. Et toi ? Tes parents ?
Je prends une brève inspiration, et replonge dans mon passé.
—Mon père est décédé il y a six ans. Lui et ma mère étaient partis vivre à Toronto, et moi, je suis restée ici, pour étudier à la NYU.
—Avoir la NYU sur ton cv, c'est vrai, ça en jette, rit-il. Mais Toronto a de superbes universités aussi.
—Ça en jette tellement que je bosse pour ma meilleure amie, réponds-je en me retournant vers lui.
—Nous sommes bien ensemble, dit-il, tu ne trouves pas ?
Il étend ses jambes et je m'allonge sur lui, enfouissant mon nez dans son cou, pour m'enivrer de son parfum.
—Si, et je trouve ça fou en si peu de temps.
—On est peut-être âmes-sœur, qui sait ?
—Tu crois en ça ? m'étonné-je.
—Je ne sais pas, chuchote-t-il. Mais j'ai l'impression de t'avoir toujours connue.
—Pareil. J'aurais dû te rencontrer toi et pas ton frère.
—Je n'en suis pas certain... Nous sommes tout de même ensemble.
—Oui mais j'aurais préféré ne pas l'épouser. Je n'aurais pas fait cette erreur si j'avais su.
Il caresse tendrement ma joue, me regarde amoureusement.
— Tu sais, on est toujours plus forts à deux que seul.
Je caresse sa mâchoire, son nez et ses lèvres. Mon cœur se gonfle d'amour pour cet homme, encore.
— Tu crois que c'est normal ?
—De quoi ? demande-t-il en chuchotant.
— Je suis amoureuse de toi, Damien.
—Oui, c'est normal. Je suis incroyable, voilà pourquoi.
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