14.Elisa


Je me réveille et m'étire en fixant les chiffres rouges sur le réveil : 1 :00 pm. Le bras sur ma hanche m'enveloppe, et je me blottis contre Damien qui s'est collé à mon dos. Hier soir, alors que j'étais seule chez moi, je me suis trouvé bête de ne pas passer cette nuit avec lui, juste avant son départ. Ça n'engage rien de sérieux pour autant.

Mon sms lui annonçait mon envie de le voir, le sien était plus équivoque : profiter de toi, une nuit entière et dans mon lit ? Ça s'est de la proposition. Je viens te chercher.

Nous avons passé la nuit à nous embrasser, à faire l'amour dans ses draps. Nos corps semblent déjà tant se connaître, il sait là où me toucher et inversement.

Du bout des doigts, je caresse sa joue râpeuse et souris lorsqu'il ouvre les yeux. Ses iris scrutent mon visage, descendent sur mes lèvres et remontent vers mes yeux. Même au réveil il reste canon. Quant à moi... Mon dieu, je dois avoir une de ces têtes.

—T'as bien dormi ? me demande-t-il.

J'acquiesce et le dévore des yeux. Damien est le genre d'homme à vous faire littéralement baver. Ses cheveux en batailles me donnent envie d'y plonger les doigts, quant à ses lèvres gonflées par nos baisers, elles me donnent envie de recommencer.

J'attrape ses plaques entre mes doigts, y lis les annotations.

—Ça veut dire quoi tout ceci ? le questionné-je.

Damien se rapproche encore plus de moi, dépose un baiser sur mon nez qui me fait frémir jusqu'aux os. Il est si...

—C'est une sorte de carte d'identité. Si je venais à mourir défiguré, on saura qui je suis.

Je le regarde, horrifiée. En effet, je n'avais jamais pensé à cet aspect-là de son métier. Il prend la plaque et me montre.

—Damien Burn, mon numéro d'identification miliaire, mon groupe sanguin et enfin, ma religion.

—Tu n'es pas croyant ?

—Non. Lorsque tu vis la guerre, t'as plus tellement envie de croire en un quelconque Dieu, tu sais. Voir et vivre de telles atrocités te montrent à quel point l'humanité peut être une pourriture.

Je peux le comprendre.

—On a le même groupe sanguin, dis-je pour changer de sujet.

—C'est vrai ?

—Bien sûr, dis-je, b positif.

Il me tend son poing et je glousse en tapant le mien dedans. Ses lèvres rejoignent les miennes et je prends son visage entre mes paumes pour l'embrasser. J'aime bien celui que je découvre en étant à ses côtés. Il est doux, et quelque part, il dégage une certaine sensibilité, ce qui détonne avec sa carrière.

Mes sentiments pour lui s'installent peu à peu, à chaque seconde passée ensemble. Même s'il est trop tôt pour être réellement amoureuse. Je ne connais pas grand-chose de Damien, si ce n'est ce que l'on m'a toujours raconté, ou ce que je découvre par moi-même et je soupire, en lui adressant un sourire. Je suis déboussolée par cet homme. Ces six semaines de séparation ne peuvent qu'être salvatrices.

Il est dix-huit heures quarante lorsque nous arrivons à la base navale de Kitsop, à Washington. Il nous aura fallu presque quatre heures et demi pour venir ici. Durant le voyage, nous avons discuté, et Damien a été ravi de savoir que j'avais déposé plainte contre son frère. Puis, il m'a raconté des souvenirs de la vie en bateau, mais pour le reste, il a été on ne peut plus clair : c'est secret défense. Donc, je lui ai parlé à mon tour de la maison d'édition, de mon rôle auprès de Mélanie et des auteurs que j'affectionne. Contrairement à son frère, il n'a pas paru saoulé par mon débit de paroles, ni par ma passion.

Le soleil est encore haut dans le ciel comme chaque été, mais quand je rentrerai, il fera nuit depuis plusieurs heures. Damien va me confier sa voiture, et à voir sa façon de la bichonner, je suis certaine qu'il est aussi stressé que je le suis. Il avance doucement sur le parking et Je regarde autour de nous les dizaines de couples, de familles qui se disent au revoir. L'impression de ne pas être à ma place me prend. Je n'aurais pas dû venir ici.
Damien coupe le moteur, et je me retourne vers lui lorsque je sens sa main sur ma cuisse.

—Je te la confie, me taquine-t-il en secouant ses clés, mais fais-y attention. Cette voiture m'est précieuse.

Je les attrape en riant.

—Tu me fais assez confiance pour conduire ta voiture ? Parce que ok, j'ai mon permis, mais je ne suis pas une grande conductrice et j'ai même défoncé le parechoc de la voiture de ma mère.

— Ne me dis pas ça maintenant, grimace-t-il.
Sa moue boudeuse est exagérée.

—Je vais en prendre soin. Je te le promets.

Je les enfonce dans la poche de mon short en jeans et nous sortons de la voiture dans le silence. Les pleurs des femmes me font frissonner. C'est donc ça la vie des femmes de militaires ? Leur dire au-revoir, les attendre pendant des mois pour ensuite les voir durant une semaine ? Les pauvres... Damien contourne sa voiture et prend son sac dans le coffre avant de le refermer. Vêtu de son uniforme bariolé sable, je le trouve encore plus craquant. Son tee-shirt beige moule parfaitement son torse et j'en baverai presque si je n'avais pas de retenue.

Il dépose le sac à nos pieds et m'enlace. Je respire son parfum que je commence à affectionner, et le serre dans mes bras. Nous nous connaissons à peine, et pourtant, je n'aime pas lui dire au revoir. C'est bizarre de ressentir cela maintenant, mais je suis triste de son départ.

—Si jamais, on se manque, chuchote-t-il à mon oreille, ça voudra dire qu'il y a quelque-chose à explorer ensemble.

Je ris dans son cou, parce que sa façon de dire ça, est adorable. Et puis, il va me manquer, et j'espère bien qu'il ressentira la même chose.

—Ok, réponds-je. Fais attention à toi, Damien.

—Je te téléphonerai, mais ce sera souvent de la nuit, donc ça risque d'être compliqué.

Je me dégage légèrement et fixe mes yeux aux siens en hochant la tête.

—Ça marche.

Ses bras me resserrent contre lui et je clos les yeux lorsqu'il m'embrasse. Je lui rends son baiser avec la même avidité. J'aime ça, la façon dont ses lèvres se moulent parfaitement aux miennes. Damien est mon premier coup de cœur, même si les autres diraient de moi que je suis une salope sans nom vis-à-vis de mon mariage.

Des rires résonnent derrière nous et nous nous mettons difficilement fin à cette étreinte. Je regarde Damien s'accroupir pour fouiller dans son sac.

—T'as un papier ? Je vais te noter les numéros d'accès du parking souterrain et l'emplacement de ma voiture.

Je fouille dans mon sac, mets la main sur un ticket de caisse de chez Target et lui tends.

Il griffonne ses numéros et j'observe un géant s'approcher de nous. Il doit bien mesurer dans les deux mètres, et il est vraiment impressionnant malgré son visage de bébé.

—Et voilà le commandant Burn !

Damien se relève et donne l'accolade à l'homme en souriant de toutes ses dents.

—Ça va ?

—Bien comme je suis en permission, rit-il. Je suis venu te dire au revoir, tu ne me présentes pas ?

Damien m'attire contre lui et nous présente :

—Connor, je te présente Elisa. Elisa je te présente Connor, mon frère de cœur et d'arme.

Nous nous faisons la bise. Son regard m'apprend qu'il sait qui je suis, et c'en est perturbant.

—Si jamais t'as un souci, tu l'appelles, m'ordonne Damien. Il habite à deux rues de chez moi. Maintenant Connor, laisse-moi dire au revoir à ma compagne, tu veux.

Les deux hommes rient quant à moi, je fonds. Et merde.

« Ma compagne ».

C'est tellement étrange de l'entendre dire ça de moi. Certains militaires quittent leur épouse et s'approchent du port. Dans l'eau, plusieurs sous-marins qui m'impressionnent et un bateau énorme, sur lequel les militaires grimpent.

—Tu vas où comme ça ?

—En Libye. D'abord nous irons jusqu'au Roosevelt, souffle-t-il, c'est là qu'attend l'OPS que je dirige.

—Commandant hein ? dis-je impressionnée. J'attrape la visière de sa casquette, et dépose un baiser sur sa bouche.

—Ouais, commandant, répète-t-il plein de fierté.

Il me donne le ticket de caisse où sont numérotés les codes d'accès et je la serre dans mon poing avant de l'attirer dans mes bras.

—Ça va aller vite six semaines, tu verras.

—Je sais, mens-je.

C'est faux, je n'en sais rien. Je n'ai jamais été seule durant six semaines, et encore moins en attendant quelqu'un.

—Il est l'heure, souffle-t-il.

Je l'embrasse une dernière fois avant de le regarder s'éloigner vers le port d'embarquement. Sa silhouette disparait dans l'appareil et je jette un coup d'œil au ticket que je n'ai pas encore ranger.

« Pas de codes, tu te mets où tu veux sur le parking. Réfléchis bien pour nous deux. Tu vas me manquer ».

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