12. Elisa
Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Si je dis que je me sens humiliée, est-ce abusé ? Parce que clairement c'est ce que je ressens.
J'oscille entre culpabilité, tristesse et honte. Mais en même temps, je m'en veux de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt. J'aurais dû pourtant, au lieu de chercher des excuses les plus improbables les unes que les autres. Je ne sais vraiment pas ce que je croyais. Qu'il allait redevenir doux et gentil ? Qu'il allait redevenir cet homme attentionné ? Et bien en seulement deux jours de mariage, j'ai su que non, jamais il ne redeviendrait celui que j'ai connu.
Trois coups sont frappés à la porte. Mon cœur s'emballe quand je pense aux paroles de Danielle. Ils vont venir et je n'ai pas envie de les voir, aucun des deux. Allongée dans le canapé, je me couvre du plaid, le remonte sur ma tête.
—Elisa ? C'est Mélanie !
Même si je suis étonnée qu'elle vienne à cette heure-ci, je suis soulagée de voir que c'est elle qui frappe à ma porte et non un de ces deux connards.
—Elisa ?
—J'arrive !
Je me lève, jure quand mon pied heurte le coin de la commode de l'entrée et ouvre.
J'arrête de respirer quand ses yeux émeraudes me fixent.
—Qu'est-ce que tu fais là ? craché-je.
Je jette un œil à Mélanie qui descend déjà l'escalier.
—Il a insisté poulette ! On se téléphone le plus tôt possible !
J'ai envie de lui crier dessus, de lui hurler que je m'en tape qu'il insiste mais elle a déjà refermé la porte.
—Elisa...
—Dégages de chez moi !
Je referme la porte, jure en grognant quand il la coince de son pied.
—Putain Damien casses-toi ! Tu n'as pas compris que je ne veux plus jamais te voir ?!
—Laisse-moi t'expliquer Elisa.
Je retiens mes sanglots, tente de fermer la porte avec mon dos. En vain. Il est bien plus fort que moi.
—Il n'y a rien à expliquer. Je ne veux pas te voir, encore moins te parler, pars !
Il soupire, en même temps que moi. Je le gonfle. Tant mieux parce que lui aussi m'emmerde là.
—Ecoutes, laisse-moi t'expliquer tout. Si après tu ne veux plus me voir, je partirai.
Je souffle, ferme les yeux. Je crois que je n'ai pas vraiment le choix. Il ne partira pas. J'ouvre la porte abruptement, le toise en lui disant sur un ton sec.
—Je t'écoute mais tu te barres direct après.
******
Je suis recroquevillée dans un fauteuil, face à lui. Je n'ose pas croiser son regard dur, je n'ose pas regarder son visage, sinon je sais que je craquerai. Et je ne veux pas. Je ne veux pas me rappeler de l'erreur que j'ai commise en couchant avec lui. Je ne veux pas me rappeler de la sensation de ses lèvres sur les miennes.
—Je suis désolé.
Il est désolé. Moi aussi, on est deux comme ça.
—T'es venu pour me dire ça ?
—Oui. J'ai mal agi, okay, parce qu'au début oui, ce n'était qu'une question de vengeance. Mais tu sais très bien qu'il n'y a pas que ça Elisa.
—Non, je ne sais rien du tout Damien. Tu m'as utilisée pour atteindre ton frère, ça oui je sais.
—Ne nie pas ce qu'il s'est passé !
Je ris froidement, de plus en plus énervée par sa présence.
—Je ne nie rien. J'ai merdé c'est tout.
Un muscle de sa mâchoire tressaute, son regard vert plonge dans le mien.
—Putain Elisa arrêtes. Tu sais bien qu'on a une alchimie entre nous. Tu sais bien comme ça a été bon entre nous, tu aimes quand je suis près de toi, comme moi j'aime être avec toi.
Je frémis parce qu'il a raison, mais je ne veux pas craquer. Je me lève, voulant à tout prix éviter son regard sur moi.
J'ouvre le placard presque vide de la cuisine, prends les deux tasses qu'il y reste et fais du café. Non, je ne peux pas. Je remets une tasse dans l'armoire. Je veux qu'il s'en aille. Je sens Damien se poster dans mon dos, je sursaute quand il entoure ma taille de son bras. Son souffle chaud caresse ma nuque, me fait frissonner.
—Toi et moi... Il se passe quelque chose entre nous Elisa. Je pense tout le temps à toi, tu ne quittes pas mes pensées.
Ses lèvres se posent sur mon épaule nue et je ferme les yeux.
—Je te veux, pour moi.
—Je ne serais jamais à toi Damien, soupiré-je. Pars.
—Laisse-moi une chance. Je veux te montrer à quel point j'ai raison, à quel point ce qu'il se passe entre nous est fort.
Je me dégage de lui, verse le café dans la tasse pour me donner une contenance. Damien me trouble, encore plus quand il pose ses mains sur moi. J'ai besoin d'avoir les idées claires, sauf qu'il ne m'aide pas en étant si proche de moi.
—Je dois me changer, soupiré-je. J'ai besoin de réfléchir, de savoir si je peux accepter tes excuses ou non.
Il hoche la tête, recule pour me faire passer et prend la tasse.
Je file dans la salle de bain, verrouille derrière moi avant de m'engouffrer dans la douche.
Tout ce qu'il dit est vrai. Moi aussi je la sens, cette connexion entre nous. Je l'ai senti dès le début, dès que son regard a croisé le mien et que ma main a frôlé la sienne. Le sexe entre nous a été bon, même plus que ça... Mais qu'est-ce qui me prouve que cette fois-ci il soit sincère ? En Thaïlande il me disait ne pas vouloir de relation avec moi, et deux jours après il me dit vouloir tenter quelque chose ensemble ?
La part de moi qui est sous son charme a envie de lui céder encore une fois, mais l'autre me dit de me méfier, de me protéger en restant loin de lui.
Quand je sors de la salle de bain, je traverse en vitesse le couloir et file dans ma chambre. Je prends des sous-vêtements au hasard dans la commode, enfile une culotte.
Une inspiration me fait sursauter et je le foudroie du regard.
—Je peux avoir mon intimité, oui ?
Damien esquisse un sourire en coin et s'avance dans ma chambre, d'une démarche sûre et lente. Ses yeux ne quittent pas les miens, même quand il s'arrête à un mètre de moi. Mon souffle devient rapide, saccadé quand il se lèche la lèvre inférieure. Je ne devrais pas, oh non je ne devrais pas. Mais la sensation de son corps nu contre le mien revient dans ma mémoire, me donne l'envie de le toucher, qu'il me possède.
Je lâche ma serviette de bain, il hausse un sourcil.
Je ne devrais pas, mais je le veux.
Je m'avance quand il fait un pas dans ma direction.
Je ne devrais pas, pourtant je cède.
J'attrape ses plaques militaires autour de son cou, l'attire vers moi. Sans que je ne comprenne comment, je me retrouve sous lui, sur le parquet de ma chambre. Sa bouche dévore la mienne, la mienne savoure la sienne. Mes mains glissent par-dessous son t'shirt, caresse son torse musclé. Il se relève, enlève son haut.
—A terre ou sur ton lit ?
—A terre.
—Très bon choix, souffle-t-il.
Je détache la boucle de sa ceinture et le laisse me prendre, sur le sol froid.
******
Damien s'est endormi, sûrement épuisé par le vol qu'il vient de faire, le décalage horaire, ou bien notre partie de jambes en l'air.
Je suis troublée, on ne peut plus perdue. Cet homme, qui disait ne pas vouloir de copine ou autre, se retrouve dans mon lit, sous mes draps. Je n'arrive pas à savoir là où il veut aller, ni où est-ce que je me situe. Je devrais me sentir sale, d'avoir encore couché avec lui, pourtant ce n'est pas le cas.
Le sexe avec Alexandro n'a jamais été aussi exaltant. Damien sait parfaitement comment faire grimper une femme aux rideaux, me l'a encore démontré.
Mais... Je ne peux quand même pas lui faire confiance. Peut-être qu'il culpabilise, c'est tout. Je me relève du lit où nous avions finis, enfile les vêtements que j'avais préparés et pars dans la cuisine. Je dois boire un café, me ressaisir avant de parler avec lui. Parce qu'il faut qu'on parle de tout ça, que je sache ce qu'il attend de moi.
Je n'aime pas être cette fille paumée, je crois que jamais je ne m'étais mise dans une telle situation. Tout me parait compliqué, comme si j'étais enlisée dans une profonde flaque de merde et que j'accélérai pour encore plus m'embourber.
Deux coups puissants retentissent sur ma porte. J'arrête de respirer quand j'entends Alexandro jurer.
—Si tu ne viens pas m'ouvrir, j'te jure que je défonce la porte Elisa !
Je me colle de l'autre côté, la coinçant de mon dos.
—Dégages ! Je ne veux plus te voir !
—C'est toi qui m'as trompé sale pute ! Ne fais pas la martyre ! Ouvre !
Je ne réponds rien, apeurée. Si jamais il arrive à entrer, je ne donne pas cher de ma peau.
—Elisa ouvre-moi cette putain de porte !
—Pars ! Pars ! Je vais appeler la police !
Il ricane alors que je me crispe. De l'autre côté du couloir, Damien torse nu, me fixe de ses grands yeux verts.
—Ben oui, appelle la police vieille trainée. Que diras-tu ? Que ton mari ne veut pas te laisser tranquille ? T'es folle ma pauvre fille. Quand je pense que t'as osé porter plainte...
Damien s'avance vers moi et je sais ce qu'il a en tête, sauf qu'il en est hors de question !
—Bouge-toi.
—Non. S'il te plait, non.
Je l'implore du regard, sa présence ici ne fera qu'envenimer les choses.
—Elisa...
Je ferme les yeux quand il caresse du bout des doigts ma joue, avant de prendre ma main dans la sienne. Il m'écarte de la porte et je grogne quand sa bouche se pose sur la mienne.
—Viens, susurre-t'-il dans mon oreille. On va se changer les idées.
Ses lèvres effleurent les miennes, doucement et même si j'entends les cris d'Alexandro de l'autre côté de la porte, je me laisse happée par Damien, par les sensations qu'il m'apporte.
Il m'attire dans le canapé, je grimpe sur ses cuisses, presse ma bouche sur la sienne.
—Il ne te fera rien, je suis là.
—C'est mal ce qu'on fait, soufflé-je.
Il m'embrasse, sourit contre mes lèvres.
—Mais c'est tellement bon, souffle-t-il entre deux baisers.
—Putain Elisa je vais défoncer ta porte avant de te détruire ! T'es qu'une sale pute !
Damien se fige même si j'essaye de le maintenir dans le canapé. Il me repousse, se lève tandis que je le supplie.
Quand il ouvre la porte, je me lève, reste planquée dans le salon. Oh mon dieu ils vont encore se battre.
—Qu'est-ce que tu fous ici ?! hurle Alexandro.
—Je suis chez ma copine. Et ouais mon frère, tu ne te rappelles pas quand je disais qu'elle était mariée ? Que t'as dit que c'était trop cool ?
Les coups qu'ils échangent me font frémir, me glacent le sang. Je m'approche doucement, juste assez pour voir que Damien a plaqué Alexandro contre le mur.
—Encore une menace et t'es un homme mort Alex. Je n'plaisante pas, fous-lui la paix !
—Vous êtes deux ordures, crache-t-il. Je vous déconseille de sortir d'ici ou vous allez le regretter.
Damien resserre sa clé de bras, cognant la tête d'Alexandro sur le mur.
—Encore des menaces ? Tu devrais être plus intelligent que ça !
Quand il le relâche et qu'il entre en claquant la porte, je respire de nouveau.
Damien me regarde, surpris que je sois planquée à moitié dans le placard.
—Il ne te fera plus chier.
Je ris froidement. Il ne connait vraiment pas son frère. Je viens de l'humilier en le trompant, alors non, il ne me laissera pas tranquille.
*****
Damien a remis son t'shirt, tandis que je m'installe dans le canapé.
—On fait quoi maintenant ?
Il s'assoit à côté de moi, fixe la photo sur la table basse. C'est une photo qui remonte à quelques années, la seule que j'ai encore de mon père. J'y tiens particulièrement.
—Je te veux.
—Mais tu ne veux pas de copine, lui rappelé-je.
Il soupire et je suis encore plus perdue qu'avant. Il ne sait même pas ce qu'il veut ou non.
—Ecoute, souffle-t-il. Depuis dix ans j'n'ai pas eu de petite-amie. Je suis un dégouté de l'amour, tu vois ?Puis je pars demain soir pendant six semaines. Je n'ai jamais voulu avoir de femme qui m'attende à terre, qui se languit de mon retour. Avec la Seals, tu n'es même pas sûr de rentrer vivant.
Je déglutis sous le choc. Donc il me veut mais ne veut pas de petite-amie, et le pire là-dedans, c'est qu'il part demain et revient « peut-être » dans six semaines. Je ne sais même pas quoi lui répondre pour le coup.
—Mais... Je n'sais pas, dit-il en prenant ma main. On peut essayer, voir là où ça nous mène. Enfin, si tu veux.
Sauf que je ne sais pas, moi non plus. Je n'en sais rien. Je suis vraiment perdue, entre Alexandro, lui, mon mariage, mes problèmes. Tout ça est beaucoup trop rapide. D'un côté, son départ en mission tombe plutôt pas mal. Je vais pouvoir faire le point, réfléchir à tout ça, à tous ces évènements.
—Je ne sais pas ce que je veux. J'ai besoin de temps. Et toi, ça te permettra de savoir aussi, d'être sûr de tes choix.
Il acquiesce même si je devine qu'il accuse le coup.
—En attendant...
Il m'attire sur lui et je ris quand sa bouche dévore mon cou.
—Je ne crois pas que j'arriverai à me passer de toi Elisa.
Je voudrais tant qu'il ne me dise pas ça, parce que forcément ses mots vont me faire craquer. Ses mains glissent dans mon dos, se faufilent sous mon débardeur. Nos yeux se sondent, je n'arrive plus à résister.
—Tu pars à quelle heure demain ? soufflé-je.
—Je dois être à dix-neuf heures à la caserne.
Je hoche la tête. Six semaines pour réfléchir. Ça va être long mais tellement utile.
—Viens avec moi.
Je fronce les sourcils.
—Damien... Je...
—Juste me dire au-revoir. Rien d'autre, sauf si tu veux venir chez moi, m'aider à préparer mes affaires.
J'ai terriblement envie de lui dire oui, de voir là où il vit, sauf que ça irait trop vite.
—Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
Il a l'air déçu, vraiment mais quand je presse ma bouche sur la sienne, il oublie mon refus, la situation compliquée dans laquelle nous sommes et me rend mon baiser avec fougue.
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