1970 : Jour 7 : Les concessions
Jour 7
Notre petite famille Moon était réunie au complet pour le déjeuner, ce qui était rare, notre vieux Ed trouvant presque toujours une excuse pour déjeuner dehors. Mais le dimanche, c'est un peu plus compliqué. L'elfe de maison Tutic avait préparé un succulent poulet. Aucun sujet fâcheux n'avait encore été abordé ; en théorie, ce devrait être un déjeuner aussi ennuyeux que les autres.
On fait avancer rapidement ? ----- Ben ça ne marche pas. ----- Purée, il faut que ça fonctionne, je vais mourir d'ennui !
— Qui en veut encore ? demanda Magda. Edgar ? Terence ? Hugh ?
Mona n'a pas le droit de manger, elle ? Elle n'est pourtant pas bien grosse. Même si c'est toujours marrant de le lui faire croire.
— Non merci, répondit Terence. J'ai une drôle d'envie de vomir depuis hier.
Épargne-nous les détails de ta vie, merci. Nous sommes à table. Enfin, pas moi, mais les autres. Il lança un regard appuyé à Mona. Eh bé ? Mais que se passe-t-il donc ?
— J'ai lu la Gazette du Sorcier, raconta Magda. Ils ont reparlé de cette attaque en début de semaine. Apparemment, Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom l'a clairement revendiquée.
— Le ministère l'a arrêté alors ? demanda Hugh. — Ce n'est pas une surprise, dit Edgar en ignorant comme à son habitude son fils. Ils ne sont pas près de l'arrêter, il court toujours et ça risque d'empirer.
— Roh ! couina subitement Magda.
Mais qu'est-ce qu'elle a ? Elle m'a fait peur.
— J'ai oublié de vous dire ! Mazarine marche !
Hein ? Elle nous crie dans les oreilles parce qu'une gamine sait mettre un pied devant l'autre.
— Il était temps, dit Edgar. Elle a quel âge ?
— Un peu moins d'un an.
C'est dans la moyenne. Qu'est-ce qu'il râle, le Ed ?
— Je n'ai pas vraiment parlé à son jeune oncle lors de son anniversaire, regretta Magda. Mais toi Mona, tu lui as parlé ? Comment se passe la vie de Ludovic à Poudlard ?
Un silence. Hé ho ! Mona ! Oui, oui, c'est bien à toi qu'on s'adresse.
— Bien, répondit Mona en rassemblant ses souvenirs. Il était déçu de ne pas pouvoir être nommé capitaine de son équipe de Quidditch dès la rentrée. Le capitaine actuel a encore une année de scolarité à faire. Il espère obtenir le poste l'an prochain.
— Il est super fort Ludo au Quidditch, c'en est surprenant, dit Terence. Comme Mona, elle est aussi surprenante.
Ça veut dire quoi ? Attendez une seconde, hier soir aussi, Terence était bizarre, et son envie de vomir de tout à l'heure date de la veille aussi. Il a chopé la crève ? Youpi. Non, à mon avis, c'est autre chose. Quelque chose d'angoissant pour ma petite Mona.
— Je suis surprenante ? dit Mona, méfiante.
— Oui, tu fais le contraire de ce que tu penses.
D'accord, là, j'ai vraiment peur.
— Ce qui veut dire ? — Ce qui veut dire que tu fais le contraire de ce que tu penses.
— Mère, Tutic nous a préparé de l'andouille ? demanda Mona.
— Non, répondit Magda.
— C'est curieux, il y a pourtant une violente odeur d'andouille dans la pièce, dit Mona.
Héhé, ça c'est ma Mona ! Terence la foudroya du regard.
— Vous vous disputez pour quelle raison aujourd'hui ? demanda Edgar.
Oh purée, prévoyez une invasion de sauterelles, la mer qui s'ouvre en deux et tous ces trucs : Edgar a remarqué la présence de ses enfants à table. Si si, je vous jure, relisez un tout petit peu plus haut, il leur pose une question.
— C'est lui qui me cherche, défendit Mona. Il veut m'insulter, mais il ne veut pas me dire clairement quoi. — Pourquoi, sœurette ? Il y a une insulte que tu attends qu'on te lance ? Comme « traître » ?
Je n'ai plus aucun doute, il sait.
— Traître ? répéta lentement Mona.
Elle se tut une seconde. C'est le temps pour que les rouages se mettent en place.
— Tu veux me faire chanter ? demanda Mona.
— Non, je n'en avais pas l'intention, dit-il avec un sourire sadique. Père, Mère. Mona joue l'après-midi avec la voisine moldue. Elles sont amies.
TOUS AUX ABRIS !!! COUREZ ! COUREZ !
— Quoi ! hurla Edgar.
— Mais ce n'est pas vrai, s'écria Magda effarée. Mona, dis-moi que ce n'est pas vrai !
— Pas ma fille ! cria Edgar en postillonnant sur la table.
On pourrait croire que Mona venait d'annoncer qu'elle avait un cancer incurable ou qu'elle avait tué quelqu'un. Mais non, elle s'est juste liée d'amitié avec une moldue.
— Tu ne retourneras pas voir ce monstre, dit Magda.
— Exactement. À partir d'aujourd'hui, tu iras rendre visite à ton arrière-grand-mère chaque jour. Elle manque de compagnie.
Tu m'étonnes, elle est perfide et méchante, cette vieille bonne femme. Non, je ne sais pas ce que signifie perfide, mais je trouve que ça va bien dans le texte. La vieille Marine Moon passe ses journées à confectionner des chapeaux et d'autres trucs à la mode française. Elle les donne à toute la famille pour que les Moon fassent croire qu'ils sont toujours aussi riches qu'avant. Enfin, pas vraiment. Marine Moon est une vraie quiche en couture ; heureusement, c'est son elfe qui fabrique ses robes. Mine de rien, il ne faut surtout pas que Mona aille chez elle, la Marine va la transformer en nazi.
— Mais à quoi pensais-tu ! s'indigna Magda. Ils sont vils et cruels, ce sont des moldus !
— Est-ce que les moldus ont donné des maladies à Mona ? demanda Hugh avec une larme à l'œil. — Sûrement, répondit Magda. Ils sont tous détraqués !
J'ai un avis très différent du tien, Magda.
— Dès demain après le déjeuner, tu iras chez tes arrière-grands-parents, dit Edgar pour clore la discussion.
Et merde, voilà ma petite Mona va devenir comme la plupart des autres Moon.
— Non, dit Mona.
— Non ? répéta Edgar avec incompréhension.
Non ? Mona, que fais-tu ?
— Mais tu iras, que tu le veuilles ou non, jeune fille.
— Non, je n'irai pas, cria Mona. Mamie Marine est méchante ! Elle passe son temps à vérifier si nous sommes tous bien comme elle le veut.
— Et alors ? dit Magda furieuse.
— Je ne veux pas, s'écria Mona. Parce qu'elle nous ment à tous. Elle dit que les moldus sont des monstres, et vous le répétez sans même vérifier si ce qu'elle dit est vrai. Moi, je suis allée vérifier.
Magda et Edgar étaient stupéfaits d'entendre leur fille crier, une chose qu'elle n'avait pas faite depuis ses quatre ans, lorsque son frère Terence lui avait pris son doudou.
— Le « monstre », s'appelle Kathy. Elle est très gentille et elle s'inquiète de savoir comment je vais chaque fois que je la vois. Et moi aussi, je m'inquiète de savoir comment elle va.
Tu n'as pas oublié que lorsque les gens demandent « ça va », ce n'est pas vraiment une question, c'est plus une formule de politesse.
— J'aime beaucoup Kathy, et on s'amuse bien, continua Mona. Si vous m'aimez vraiment, vous me laisseriez aller avec elle. Ou alors, vous me montrez de vraies preuves que les moldus sont dangereux. En attendant, je veux continuer à jouer avec elle.
Eh bien, si elle défend ses amitiés comme ça, je me demande ce que ce sera quand ce sera un amoureux. Magda restait la bouche ouverte, incapable de parler. Elle se tourna vers Edgar, qui avait un air presque moins idiot.
— Bon, dit Edgar. Je me doute que tu t'ennuies toute seule à la maison. Tes frères peuvent jouer entre eux, mais toi, tu es toute seule. C'est normal que tu cherches une amie, mais tu n'aurais pas dû choisir une moldue.
— S'il vous plaît, Père.
Il se mordit la lèvre, indécis. Allez Ed, ne gâche pas la vie de ta fille.
— De toute façon, j'ai changé d'avis. Il n'est plus question de t'envoyer chez ton arrière-grand-mère, dit-il. Tes grands-parents me feraient une crise ; ils trouveraient sûrement que sa présence ne serait pas très saine pour toi.
D'accord, il y a du progrès. Ensuite ?
— Nous allons t'autoriser à fréquenter cette moldue, sous plusieurs conditions, dit-il.
Purée, je n'y crois pas. Un large sourire s'installa sur les lèvres de Mona, tandis qu'une expression dégoûtée envahissait le visage de Terence.
— Pour commencer, tu n'iras pas la voir tous les jours, et seulement les après-midis. Le matin est toujours réservé à ton apprentissage scolaire. Ensuite, interdiction formelle de lui parler du fait que nous sommes tous sorciers. Et surtout, ne parle jamais à personne du fait que tu es amie avec une moldue. Cela gâcherait ta vie et notre honneur.
— Je ferai tout cela, promit Mona.
Quelques secondes passèrent durant lesquelles aucun son ne fut prononcé. Puis Tutic apparut avec le dessert, un gâteau au chocolat.
Une heure plus tard, Mona redescendit dans le hall. Ses parents étaient installés face à face dans le salon.
— Je vais jouer avec Kathy, leur annonça Mona.
Les deux parents se raidirent.
— Sois rentrée pour le dîner, dit Magda.
— D'accord.
Mona sortit, Kathy l'attendait sur le perron de sa maison.
— Salut, dit Mona radieuse.
— Salut. J'ai un jeu de backgammon, annonça Kathy.
— Je ne connais pas, tu m'expliques ?
Fin de la semaine de 1970.
à suivre, une semaine en 1971.
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