Chapitre 39 : 1973 : Du vomi


Jour 7

Mona salivait devant le plat de gratin dauphinois qui passait sous son nez.

– Ça fait presque une semaine, murmura Grace à son amie. 

– Une semaine que quoi ? demanda Mona, le regard toujours fixé sur le plat. 

– Une semaine qu'on pourrait se lever de table séparément de Mulciber et des autres, chuchota Grace.

Mona ouvrit grand les yeux. Elle avait réfléchi à ce plan que Grace et elle voulaient mettre en place et en avait conclu qu'elle était morte de trouille à l'idée de faire quelque chose que Mulciber pourrait ne pas apprécier.

– Ça dépend, dit Mona. Il nous faudrait une super bonne excuse.

– On pourrait dire qu'on veut surveiller notre ligne et que passer trop de temps à table est déconseillé par le diététicien de la Gazette du Sorcier.

– Comme ça, du jour au lendemain ?

– Mouais, tu as raison. On va préparer ça plus longuement, amener l'idée progressivement. En attendant, on peut trouver autre chose.

– On peut chercher pendant qu'on finit nos assiettes, déclara Mona.

Elle était soulagée ; Grace ne parviendrait jamais à trouver une autre idée en si peu de temps.

– J'ai trouvé, dit Grace.

Eh bien, elle est pas arrangeante, la McFadden ! Remarque, c'est pas plus mal ; Mona ne peut pas rester sous l'emprise de Mulciber. Si elle n'a pas le courage de se lever de table toute seule, Grace va l'y forcer. Il faut bien l'éduquer un peu, la petite Moon.

– J'ai toujours eu du mal à supporter la crème, tout le monde le sait, dit Grace. Et il y en a dans le gratin. Je vais faire semblant d'être malade.

– Tu es sûre ?

– Si on ne se décide pas maintenant à agir, on n'agira jamais, et on restera sous son emprise jusqu'à la fin de notre scolarité.

– Oui, assura Mona avec plus de courage qu'elle n'en avait vraiment. Tu as raison, on va le faire.

Youpi, Mona ne deviendra pas une vilaine Mangemort !

Les deux filles engloutirent leur assiette à vive allure. Grace reprit du gratin en insistant bruyamment sur le fait qu'il était délicieux. Puis, peu après l'arrivée du dessert — des tartelettes au chocolat —, Grace et Mona échangèrent un regard.

– Ouh, j'ai mal au ventre, déclara Grace d'une voix claire.

– Beaucoup ? demanda Mona, faussement inquiète.

– Je crois que je vais vomir.

– Ça doit être la crème, dit Mona. Tu ne l'as jamais supportée.

– Je vais vraiment vomir, dit Grace, une main devant sa bouche.

– Vite, les toilettes ! s'exclama Mona en se levant d'un bond.

Grace se leva à son tour ; Mona attrapa deux petites tartelettes et força son amie à avancer. Gaïden lança un regard inquiet à Grace, Rogue haussait un sourcil, tandis que Mulciber restait de marbre. Elles marchèrent rapidement entre les deux tables et, après avoir atteint le hall, elles filèrent se mettre à l'abri au détour d'un couloir. Là, elles s'arrêtèrent. Mona sentait son cœur battre à tout rompre, la peur semblant s'être installée quelque part dans son estomac.

– On l'a fait, dit Grace, stupéfaite.

– Je n'arrive pas à y croire.

– Merci de t'être levée la première ; j'avoue que je n'y serais pas parvenue autrement, confia la blonde.

– Pas de quoi. Tartelette ?

Elle montra les deux tartelettes au chocolat qu'elle avait embarquées. Grace se mit à rire, et Mona l'imita aussitôt. Soudain, Grace se figea.

– Quoi ? demanda Mona.

– Je crois que... je vais vraiment vomir.

Là, c'est moi qui me bidonne.

Grace repoussa son amie et courut vers les toilettes les plus proches. Un quart d'heure plus tard, après que Grace eut soigneusement vidé son estomac, les deux filles se séparèrent, prenant des directions différentes. Grace, livide, rejoignait la salle commune, tenant sa tartelette à la main. Mona, elle, se léchait les doigts en arpentant les couloirs à la recherche d'un nom sur sa liste. Idéalement, elle devait trouver cette fille de Serdaigle. Elle devait faire vite, le professeur Tradewell l'attendait pour un cours de soutien dans moins d'une demi-heure.

Mona aperçut bientôt la fameuse élève de Serdaigle venant à sa rencontre.

– Hé, Irène ! l'arrêta Mona.

– Bonjour Mona, dit-elle avec un grand sourire.

Irène Clay avait des cheveux châtains, des yeux noisette et une bouche particulièrement grande.

– Tu t'en sors avec le devoir de botanique ? demanda Mona.

Les Serpentard et les Serdaigle avaient leur cours de botanique ensemble.

– Je le trouve un peu tordu, répondit Irène. Et puis surtout, on s'en fiche un peu de la vie des plantes en pot.

Mona esquissa un sourire.

– C'est tout de même mieux lorsqu'elles sont en pot plutôt qu'à se promener librement dans le parc. 

– J'ai encore le merveilleux souvenir de Mulciber tombant sur les fesses, renversé par un cactus géant, s'exclama Irène.

Les deux filles éclatèrent de rire à l'évocation de cette scène qui s'était déroulée deux mois plus tôt.

Et pourquoi j'étais pas là pour voir ça, moi ? J'aurais parfaitement décrit la scène, peut-être fait quelques interruptions, mais j'aurais vraiment fait une super narration. Pour cette année, j'ai eu quoi comme plaisir, hein ? Rogue recouvert de boue ? Bon, ok, c'est vrai que c'était au moins un neuf sur l'échelle du bidonnage. Mais un Mulciber tombant sur ses fesses ? Je voulais voir ça, moi !

– Tu ne vas pas lui répéter ? demanda soudain Irène, sérieuse.

– Il me fout trop les jetons pour ça, confia Mona à voix basse. Moins je lui parle, mieux je me porte. 

– Vous êtes bizarres, à Serpentard, quand même.

– Oui, on a notre lot de petits monstres.

– Et ton frère, lui, c'est un sado ?

– Un sado ? demanda Mona, surprise.

Ne me demande pas de t'expliquer clairement ce que ça veut dire, tu es trop jeune.

– Oui, reprit Irène. Il ne m'aime pas, pour ne pas dire qu'il me déteste ; et pourtant, une à deux fois par mois, il vient me parler.

– Eh bien, commença Mona, je suppose qu'il doit apprécier ta conversation, même s'il ne t'apprécie pas toi.

– La semaine dernière, je lui ai parlé de la dernière chanson de Célestina Moldubec, il n'avait pas l'air d'apprécier.

– Célestina Moldubec ? Non, effectivement, il ne devait pas apprécier.

– M'en veux pas, mais je crois que ton frère a un grain.

Et toi, apparemment, t'es très conne. On ne dit pas ce genre de chose à la frangine. Nan mais sérieux, tu l'as faite où, ton éducation ?

– Il est spécial, oui, lâcha Mona.

Spécial ? Nan, la conne a raison, il a un grain.

– Pourtant, à chacune de nos conversations, on finit par se disputer. On pourrait imaginer qu'il se lasserait.

– Terence est plutôt du genre à insister.

Les deux filles se séparèrent après quelques minutes, et Mona rejoignit son cours de soutien. Le professeur Tradewell et Lily Evans étaient déjà installées. Mona se pressa de s'asseoir aux côtés de Lily, qui lui adressa un sourire rayonnant.

– Vous avez failli être en retard, Miss Moon, déclara l'enseignante d'une voix froide.

Mais elle ne l'est pas, elle a failli, alors fiche-lui la paix.

– Nous allons revoir la lecture dans les feuilles de thé, annonça le professeur Tradewell. Allez chercher des tasses.

Les deux jeunes filles se levèrent et se dirigèrent vers l'armoire qui contenait les tasses.

– J'ai l'impression qu'elle ne t'aime pas, souffla Lily.

– J'ai la même impression. Pourtant, je ne lui ai rien fait.

– D'un côté, je préférerais qu'elle ne m'aime pas, confia Lily. Par moments, je la trouve condescendante. Je le sais que je suis une fille de Moldus en pleine guerre fasciste.

Elles revinrent s'asseoir sur leurs chaises en bois, tenant chacune une tasse entre leurs mains.

– L'eau est chaude, annonça le professeur Tradewell d'une voix claire. Nous allons pouvoir commencer.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top