huit;
Pas grand chose, une drôle de réalité qui embrase la ville toute entière. Le temps s'est figé, le soleil a comme décidé de pleurer. Et puis quelque part, quelqu'un dit qu'on pourrait prendre des vélos et rouler jusqu'à tomber dans la mer. 12h34.
Le temps est clair, quelques brumes violacées parsèment le ciel grisâtre. Ses yeux ont parfois cette même couleur bancale.
Quelqu'un dit, que si on ne quitte pas cette ville on s'en sortira jamais. Et quelqu'un tente du mieux qu'il peut de ne pas le croire. Il tente de résister.
Il détache sa main, détache la chanson de son esprit, détache son corps de la ville imaginaire. Il se détache de tout pour se retrouver un peu.
Minho se retrouve coincé dans la réalité. Minho se retrouve coincé dans son propre esprit, dans sa vie rangée. Les couleurs qui se mélangent, ce gris immonde qui s'infiltre dans chaque recoin de l'espace, ce rouge immense qui n'a aucune pitié. Et tout implose, tout se fissure, Minho marche dans la rue sans regarder devant lui.
Minho est coincé dans la réalité.
Et dans la réalité aussi, c'est le bordel infini.
IF WE DON'T LEAVE THIS TOWN
WE MIGHT NEVER MAKE IT OUT
Dans la ville de son esprit, c'est écrit sur tous les murs, ça dégouline. Ça le dégoute, ça l'émerveille. Minho court dans cette ville-là et dans l'autre aussi. Minho ne rêve que de s'échapper de tout, de voir la mer, de sauter du cinquième étage. Minho déborde. Minho se surprend à rêver. Minho regrette d'avoir lâché sa main. Minho ne sait plus s'il doit pleurer ou ne rien dire. Son esprit perturbé le laisse tranquille, trop calme, trop muet. Il faudrait lui dire, il faudrait lui montrer. Minho n'a plus aucune idée de ce qu'il faut faire, de ce qui est dangereux, de la différence entre le blanc et le bleu.
Et dans la réalité aussi, c'est la cacophonie.
Minho marche aussi loin que lui permet son cœur qui bat, aussi loin que le ciel s'écroule sur ses mains. Minho s'arrête au bord du vide, au bord de la ville, là où la pluie s'est arrêtée. Il ouvre les yeux. Il ne savait pas qu'il les avait fermés. Il respire. Il respire tellement qu'il croit exploser, comme le ciel inondé qu'il scrute, accoudé au parapet.
Et dans la réalité aussi, il a failli tomber.
Il regarde l'horizon, il regarde le violet et le vert, il regarde l'océan aussi loin que son regard le lui permet. Il regarde l'image de Jisung dans sa tête à lui, Jisung qui est venu dans sa ville, Jisung qui lui a fait écouter la chanson. Jisung qui est là finalement, qui lui a pris la main, qui lui a demandé de venir. Et ses yeux sont gris, dans un certain angle, lorsqu'il incline la tête vers le soleil.
Et Minho s'est enfui, on ne lui a jamais appris à partir.
Minho s'est enfui et il a traversé sans regarder. La voiture a pilé à quelques centimètres de son squelette. Il ne l'a pas regardée non plus. Alors la foule de ses regrets l'a laissé passer.
Minho s'est perdu sur la terre, Minho s'est perdu dans le monde trop grand. Minho ne sait plus quand, Minho ne sait plus quoi ou qui il est réellement. Il a presque oublié pourquoi il s'est retrouvé dans cet état, pourquoi il était assis sur le trottoir avec cette bière, avec la ferme intention d'en boire une bonne vingtaine, ce soir-là. Il aurait aimé l'oublier, il aurait aimé dire qu'il ne se souvenait de rien. Il aurait aimé dire que Jisung était arrivé, et qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'était sa vie auparavant.
Minho sait pourtant très bien pourquoi il était là, pourquoi il avait eu envie de pleurer quand ils avaient mis la chanson préférée de sa mère. Minho sait très bien toutes les raisons, et peut-être que ce jour là, Minho a tout compris.
Minho s'est surpris à penser, en traversant sans regarder, qu'il le dirait peut-être un jour à Jisung.
Qu'un jour, il lui raconterait tout.
La réalité n'est plus tellement réelle, elle non plus.
Minho s'est perdu et il regarde le soleil. Il se demande, peut-être que oui, il se demande, s'il y a vraiment une raison de s'enchaîner à tout ce que l'on connait. Il se demande s'il a raison de ne pas avoir peur, si c'est le bon chemin, si ce sera aussi bon que ça, de tomber dans la mer. Il se demande pourquoi tout le monde a peur de quitter la ville.
Il se demande et il n'a plus peur de rien. Alors il s'arrête de courir, alors il arrête de regarder la mer au loin, alors il décide d'y aller. Tranquillement, il tourne le dos à l'horizon, il retourne sur le passage piéton. Tranquillement, il décide de remonter la pente, de retourner sur la montagne, de retourner en haut de l'immeuble en pierre blanche où la musique est belle, où la voix hésite avant de demander ce que l'on demande rarement.
Tranquillement, il met ses mains dans ses poches et se surprend à rêver.
Et comme si notre histoire était un jour, un unique jour, c'était presque la nuit mais la journée ne faisait que commencer. Il pleuvait alors que je remontais la rue, l'esprit plus léger que jamais, l'avenir dans mes mains ouvertes.
Et quand les lampadaires se sont allumés, je suis arrivé au pied de l'immeuble. Je ne savais pas comment entrer, j'ai attendu. Tranquillement, sur les marches. Je me suis surpris à repenser à cette soirée, chez Chan, où tu m'avais pris la main pour me relever. Tu ne me connaissais pas.
On ne se connaissait toujours pas, d'ailleurs. Mais j'avais plus que tout envie de croire en toi. J'avais un espoir plus grand que le monde entier. Car j'avais une peine en travers des poumons, une sorte d'épée en acier coincée dans la gorge.
Les doigts bien plus confiants, j'ai fini par te faire un message, assis au pied de chez toi. Un tout petit message, deux mots. Et je me suis dit, à cet instant-là, qu'il se pourrait vraiment que je finisse par tout raconter. Toute l'histoire, depuis le tout début.
Quand t'es descendu, il devait être trois heures et demie.
T'avais un sourire plus grand que toi, un tout petit sac sur l'épaule, des clefs dans la main. Moi, je n'avais rien. Tu m'as pris la main, elle était grande, confiante, pleine d'espoir. La réalité n'avait plus tellement de sens mais j'ai décidé de la laisser faire.
On est partis sur nos vélos dans la nuit, les lampadaires comme seuls guides, vers la mer.
J'avais les yeux grand ouverts. Tu les as fermés en goûtant l'air.
I WAS NOT BORN TO DROWN
Baby, come on.
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