Partie II - 5
C'est une infirmière qui lui dit : il fait beau aujourd'hui, il faut sortir. Avec une voix qui ne laisse pas vraiment le choix. Alors il se lève en soupirant. Son corps est si lourd, si lourd. Il est une peau trempée de pluie, une peau qui ne veut pas sécher, une peau qui moisit au soleil.
Il s'assoit dans un coin de la cour, abrité sous un arbre aux racines qui crèvent le bitume. L'air est chaud et doux. S'il ferme les yeux, il peut imaginer le bruit de la mer dans le souffle du vent. Mais il observe autour de lui. Ils sont une trentaine peut-être, tout le monde n'est pas dehors. Il ne connaît pas tous ces gens. Ils sont réunis pourtant, par la même chose, une sorte de folie qui ne s'explique pas. Il ne veut pas leur parler mais ils les trouve intriguants. Il aimerait pouvoir s'installer près d'eux, poser sa tête contre leur dos et essayer de comprendre pourquoi et comment.
Ses mains tremblent autour de ses jambes repliées contre son torse.
Il lève le nez en l'air. Le ciel est très bleu, les nuages légers et fins. Il doit faire beau au bord de la plage. Les vagues doivent être blanches et mousseuses, le sable doit se soulever en tourbillons dans le ventre de la mer. Il a envie d'en pleurer, d'être ici, entre les quatre murs gris.
Lorsqu'il baisse la tête, une fille se tient devant lui. Très maigre, très grande, avec des yeux noirs et des tâches sur les pomettes. Elle a l'air malade et vivante à la fois. Il la reconnaît, c'est la fille qu'il a poussé il y a plusieurs jours, celle qui avait voulu lui prendre la main. Il la fixe sans un mot. Il a envie qu'elle s'en aille et à la fois qu'elle tente à nouveau de l'approcher. Il veut parler à quelqu'un ici, quelqu'un qui lui dise comment s'enfuir.
La fille avance de quelques pas. Elle porte une robe blanche en coton trop grande pour elle. Ses jambes sont maladroites. Elle s'agenouille face à Harry. Elle lui sourit un peu.
-Salut.
Harry hoche lentement la tête. Il ne veut pas parler, pas aujourd'hui.
-Tu es Harry c'est ça ?
Il acquiese. Harry. Oui, c'est lui.
-Je suis l'Araignée.
Il a envie de lui dire que ce n'est pas un prénom, mais la fille lui sourit très doucement puis elle s'assoit juste à côté de lui et Harry se met à avoir peur qu'elle le touche à nouveau, comme elle avait voulu le faire. Il se décale légèrement. Elle perd son sourire.
-Je ne compte pas essayer de te reprendre la main, j'ai compris.
Elle hésite un peu, les mots faisant bouger ses lèvres muettes.
-Ici... Tout le monde est fou, non ? Si toi tu as peur qu'on te touche, alors ne t'inquiètes pas, je ne le ferais pas.
Harry voudrait répondre que ce n'est pas être fou ça, que c'est simplement ne pas aimer les contacts avec les autres, que ça n'a rien à voir avec la folie. Mais il hoche à nouveau la tête et la fille lui sourit.
Dorénavant, l'Araignée est son amie.
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