Partie II - 4
Il ne prendra pas la parole, Harry.
Plongé dans le noir, il a choisi de ne pas livrer ses pensées, jamais.
Son corps lui semble lourd et fatigué. Il n'ouvre les yeux que pour manger. Il entend le monde qui bouge autour de lui, le bruit que font les autres à l'extérieur.
Il ne veut pas sortir. Ici, le seul horizon est un mur gris qui couvre le ciel. Même le bruit de l'océan n'est pas perceptible. Harry a peur de se retrouver face aux nuages, et de les confondre dans sa folie avec le blanc des vagues.
Le premier jour, ils l'ont attaché au lit. Ses poignets ont encore la marque. Ils l'ont forcé à manger, des purées d'aliments bouillis. Il a du parler avec un homme à la moustache grise qui le regardait comme s'il savait tout du monde.
Ils l'ont mis avec les autres, dans une grande salle sans rebords coupants, avec des jeux de société et une plante grasse sur le mur.
Une fille maigre comme un clou s'est approchée de lui avec des yeux liquides comme ceux d'un chat, elle a voulu lui prendre la main et il l'a repoussé. Violemment. La fille est tombée par terre et une femme en robe blanche a été cherché Harry.
Accroché au lit, une nouvelle fois. Une semaine, peut-être deux. Mal à la gorge à force de pleurer et de hurler. À la fin, une lente lassitude qui prend tous ses membres. C'est pour ça qu'il ne bouge plus vraiment.
Il a le droit de sortir de la chambre maintenant, mais son corps reste recroquevillé contre le mur. L'après-midi, il se met dans la lumière douce du soleil qui perce entre les stores, et ses paupières sont dorées. Il regarde la poussière danser dans le vide, il essaye de l'attraper. Ses doigts glissent entre les grains et ne se fixent jamais.
Un matin, un médecin plus jeune que les autres lui apporte un carnet et un petit crayon à mine ronde. Il lui dit que s'il veut, il peut écrire là-dedans. Harry ne comprend pas. Il regarde longtemps le carnet, posé par terre dans le crépuscule de sa chambre. Il ne se souvient pas avoir un jour su écrire. Il prend le crayon. La mine sent la fraise chimique. Elle est rouge.
Il ferme les yeux. Son cerveau a depuis si longtemps oublié tout le reste, enfermé entre les quatre murs blancs de la chambre. Son cerveau est v i d e.
Mais dans le flou de ses souvenirs, il se rappelle avoir écrit des mots dans un appartement. Il se rappelle d'une peinture bleue et de deux mains. Les siennes ? Il ne sait plus. Sûrement. Qui d'autre ?
Lentement, il se relève et va se coller au mur d'en face. Il écrit en grosse lettres rouges qui sentent la fraise :
À QUI SONT CES MAINS BLEUES BLEUES BLEUES
VIDES
Le crayon retombe par terre. Il s'allonge près de lui, les genoux repliés contre le torse. Il fixe les mots. Il a envie de hurler que ça ne veut rien dire, que plus rien n'a de sens ici.
Il pleure. Une porte s'ouvre, le médecin jeune s'agenouille à son côté. Il l'entend dire quelque chose, il n'est pas content. Harry fait semblant de s'être évanoui pour ne pas avoir à ouvrir les yeux. Quelqu'un le transporte jusqu'au lit. On ne l'attache plus maintenant. Il ne se débat pas lorsqu'une aiguille lui rentre dans le bras. Il sombre dans le sommeil.
Lorsqu'il se relève il fait nuit noire. Mais malgré l'obscurité qui recouvre tout, il n'a pas de mal à voir que le mur est redevenu blanc. Il n'y a plus de carnet ni de crayon.
Lentement, il oublie les mots rouges à l'odeur de fraise chimique.
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