Partie II - 14




           

Harry reste allongé sur son lit pendant cinq jours. 

Il refuse de manger et de bouger.

Les infirmières le branchent, son corps avale lui-même de la nourriture liquide. 

On lui injecte des piqûres. 

Il dort. 

Quand il se relève, il se met à pleurer et à hurler. 

Il ne sait plus pourquoi. 

Il y a des mots dans sa tête qui se fracassent de tous les côtés, qui lui font mal. 

Il sent un souffle qui n'est pas le sien sur sa bouche, qui est froid et qui lui fait peur. 

Il ne veut pas mourir. 

Il sent que ça arrive.

Cinq jours. 

Et puis le sixième, il se réveille dans les contours bleues du petit matin. Il n'a plus mal à la tête. Il se sent juste vide, très vide. Il se redresse, le corps un peu trop faible pour bouger. Le mouvement déclenche immédiatement un bipeur et il se recouche, un peu lasse. Une infirmière arrive quelques secondes après. 

Il est calme et elle lui sourit. 

Elle dit, te revoilà parmi nous. 

Harry ne se souvient pas être parti. 

Mais il a peur quand même de sombrer à nouveau. 

Il fait tout ce qu'on lui demande pour pouvoir se relever. Manger, prendre ses médicaments, aller sous la douche soutenu par une infirmière qui lui lave le corps comme s'il était un gamin, parler au psychologue pendant une heure et lui raconter que la mort de l'Araignée lui a fait du mal. 

C'est faux. 

Il le sait. 

Dans la nuit, allongé sur son lit, le poing serré autour de sa couette, il sait que c'est faux. La mort de l'Araignée ne lui a pas fait de mal, elle l'a réveillé. Brutalement. 

Il ne veut pas mourir comme elle. 

Il ne veut pas crever dans les murs d'un asile. 

Il ne veut pas suivre l'Araignée et sa propre mère, il y a des années de ça. 

Il ne sera pas le prochain sur la liste. 

Alors il obéit aux infirmières, il accepte de participer aux activités en groupe, il mange tout son plateau repas, il ne s'écrit plus sur la peau. Les mots sont dans sa tête, en caractères gras, ils sont là :  

IL FAUT S'ENFUIR D'ICI.

Il ne sait pas encore comment, mais il y arrivera. 

Il passera par dessus les murs gris. 

Il rejoindra l'océan.



*


10heures.

Harry est en train de regarder la télévision avec les autres. C'est un documentaire animalier. Il s'ennuie à mourir. 

La porte de la salle commune s'ouvre sur un homme en gris. Harry ne sait pas trop à quoi ils servent, mais quand ils entrent dans une pièce c'est toujours pour venir chercher un pensionnaire. 

Aujourd'hui, c'est lui. 

Pendant une minute, il se dit que ça y est, qu'ils vont le laisser partir. Qu'il a tellement bien fait semblant, qu'il se comporte si normalement qu'ils se sont rendu compte que c'était une erreur, qu'il n'était pas fou. Que son père a signé un papier et qu'il va pouvoir retourner au bord de la mer, là où le ciel et les vagues se fondent en un corps gigantesque. 

Il suit l'homme en gris dans le couloir. On l'emmène jusqu'au bureau de son psychologue. Il s'assoit sur la chaise en plastique blanche, coince ses mains entre ses cuisses et attend, un peu fébrile. 

Le psy arrive, il s'assoit face à lui, sourit un peu. 

Et puis il dit :

-Bonjour Harry... Je ne t'ai pas fait venir pour que l'on discute. Aujourd'hui, c'est un peu spécial. Il y a quelqu'un qui veut te voir. 

Harry fronce un peu les sourcils. Il ne comprend pas. Qui ? Si c'était son père, le psy l'aurait dit non ? Et puis son père ne vient jamais de toute façon. 

Le psy tapote sur la table avec son stylo, se racle la gorge et annonce :

-C'est ton cousin, Louis Tomlinson. Tu te souviens de lui ? 

Harry sent son souffle se serrer au milieu de sa gorge. Ses doigts tremblent sur les bords de la chaise  en plastique. 

Des années en arrière. 

La plage un soir d'orage. 

Les éclairs qui illuminaient un visage. 

Qui illuminaient deux yeux bleus, infinis, 

des yeux des fonds marins.






Louis.

Tu es venu.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top