Partie I - Chapitre 8
LOUIS
Harry court le long des vagues comme un chien un peu fou. Il rit fort. Sa bouche sans sourire n'a plus que ça maintenant. Un sourire immense.
Louis est assis sur le sable, il a replié ses genoux contre sa poitrine. Il a un peu mal au cœur, c'est l'odeur de la mer. Et ça lui pique les joues aussi. Mais il ne dit rien. Il se laisse aspirer tout entier par le souffle blanc du vent.
C'est Harry qui a insisté pour qu'il sorte. Il lui a prêté un gros manteau marron qui sent la forêt et une écharpe en laine, et Louis à l'air minuscule mais il est à l'abri. Ils ont descendus le chemin vers la plage. Il n'y a personne, le ciel est gris comme du papier d'aluminium et recouvre toute la mer.
Harry revient vers Louis. Il se laisse tomber dans le sable, la respiration haletante, les cheveux dans les yeux. Il écarte les doigts. Il a des coquillages dans les paumes, qui les ont un peu écorchées. Il gratte le sol et les enterre tous. Il a du sable partout, il n'a pas l'air de s'en apercevoir. Louis sourit. Il se sent mieux, quand Harry est près de lui. C'est psychologique sûrement.
Il somnole un peu, malgré le froid qui rentre partout, même sous son pull.
-Quand j'étais gamin, mon père et moi, on construisaient un bateau.
Louis se tourne vers Harry. L'écharpe lui chatouille la joue mais il ne fait pas un mouvement pour la repousser. Harry, le regard fixé sur le balancement lent des vagues, ayant abandonné les coquillages en un petit tas, semble absorbé par ses souvenirs. Les coudes enfoncés dans le sable, le regard flou. Il ne fait pas souvent de confidences. Louis écoute religieusement ses paroles.
-Il devait s'appeler « L'Hirondelle ». Je voulais voyager sur tous les océans avec lui. Comme un pirate. Il était bleu, et j'avais dessiné des étoiles sur la coque pour que même dans la nuit, on puisse se repérer.
Silence.
-On avait mis trois jours pour réparer le mat, je m'en souviens. Mon père s'était enfoncé des échardes dans les mains. C'était l'époque où il portait des t-shirts blanc.
Harry a fermé les yeux. Bouche sans sourire. Mais son visage est doux.
-Et après ?, demande Louis.
-Après ?
-Oui, tu l'as essayé sur l'eau ?
-Non.
Harry regarde Louis. Ses yeux délavés sont presque transparents. Il a un rire sans joie, et puis il se relève. Il lui tend la main et il pourrait dire quelque chose de banal comme « Allons acheter à manger pour ce soir, et puis rentrons, j'ai froid partout. »
Mais ses doigts sont seulement crispés sur ceux de Louis.
Ils rentrent à l'appartement comme ça, une sorte de peur commune nouée à l'estomac. Entre Louis et Harry il y a si peu de mots, mais c'est comme si ils n'en avaient pas besoin pour comprendre.
Alors dans l'escalier un peu trop noir, Louis s'arrête et il murmure :
-Même sans L'Hirondelle, t'es un pirate.
Harry a un petit rire mouillé. Il hausse les épaules.
C'est con, des mots comme ça, un peu ridicules, mais qui réchauffent le corps entier comme le ferait une lanterne qu'on se foutrait dans l'estomac.
C'est con comme ça fait du bien, même si on sait que c'est faux.
Il ne dit pas merci, mais le soir, au lieu de partir se fondre dans la nuit, il reste avec Louis et s'endort le visage contre son épaule.
Il rêve qu'il est un pirate sur un navire aux étoiles bleues.
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