2. Sébastien

Je sors de l'hôpital à 14h, autrement dit : un vrai miracle. Ce jour est à marquer d'une pierre blanche. Pas de complications chez les patients post-op de mon titulaire, Docteur Versey, pas de paperasse à remplir qui apparaît à la dernière minute, aucun de mes potes qui ne tente de me faire les yeux doux pour que je prenne son patient et qu'il puisse partir plus tôt. Rien. Le droit de finir mon service à l'heure "officielle". C'en est presque trop beau pour être vrai. Je profite qu'il soit encore tôt et que je sois en forme pour aller chez mes qui passent leur temps à s'inquiéter de mon quota de sommeil et à me reprocher de ne pas leur rende visite régulièrement. La bonne blague. Ce n'est pas comme si j'avais du temps libre à en revendre et que je les évitais sciemment.

Je suis interne en neurochirurgie dans un hôpital du 17ème arrondissement à Paris, mon temps je le partage entre le travail, mes tentatives désespérées de dormir et les moments où je suis coincé dans les embouteillages quand je veux me déplace d'un coin à l'autre de la capitale.
Je gare ma voiture sur le bas côté et je rejoins l'immeuble dans lequel j'ai passé ma jeunesse. Le quatrième étage abrite notre bon vieil appartement familial où continue de vivre mes parents, ma petite sœur et mon petit frère.
Gérard, mon père, est un homme très strict, très rigoureux. Droit dans ses bottes, honnête, opiniâtre, il a foi en ses convictions. Parmi ces dernières ? L'inutilité de quitter le cocon avant le mariage. Ma mère, Cindy, est quant à elle surprotectrice et mère poule. Elle ne peut, par conséquent, qu'approuver cette idéologie stupide qu'on nous impose. C'est presque drôle de voir à quel point ces deux là se sont bien trouvés.
Je suis le seul, jusque là du moins, qui ait pu obtenir une dérogation, il y a trois ans de ça, à coup de "c'est trop loin de l'hôpital", de "à 25 ans, je peux parfaitement me gérer" et de "je vous ai déjà prouvé à maintes reprises que je suis quelqu'un de responsable, non ?". Marc et Sophie sont quant à obliger de rester à la maison malgré leur vingt-et-un et vingt-six ans respectifs. Ça me fait quelque peu marrer, je l'avoue.

En entrant, je me retrouve directement face à mes parents, confortablement installés sur le sofa. Notre séjour se compose d'un cuisine ouverte, d'un grand salon équipé d'un vieux canapé en cuir, faisant face à une télé posée sur un meuble-bibliothèque qui sert autant à ma sœur pour ses livres qu'à Marc et moi pour nos jeux vidéos, séries et films.
Ah ce canapé et cette télé... Ils en avaient vu des soirées où affalés comme des gros tas, nous regardions un film en mangeant du popcorn, ou nous nous disputions sur la série à regarder. Game of thrones ? Walking Dead ? Gossip Girl ? Suits ? Tel est la question qui nous divisait à chaque fois. Je me demande si Sophie et Marc continuent à perpétuer cette tradition du jeudi soir.

Ma mère se lève pour m'embrasser tandis que mon père se contente d'un signe de la main en guise de salutation. Debout, ma mère ne m'arrive qu'aux épaules. Elle semble si frêle, si fragile et je ressens le besoin de la serrer contre moi.

— Vous attendez quelqu'un ?
— Ton frère.
— Il a des problèmes ? je demande.

Nos parents ont beau être stricts, ils ne sont pas du genre à attendre que l'on rentre assis là. Sauf si on a merdé. Dans ce cas, il vaut mieux qu'on aille se cacher.

— Non, non, rien à voir ! Son amie se joint à nous pour les vacances, elle passe avec lui pour régler quelques détails, voilà, sourit ma mère.
— D'accord. D'accord. Il a une nouvelle copine ? Je n'étais pas au courant.
— Oh non non, il en est loin. Je parle de sa meilleure amie. Tu sais, la petite Lyriana Rochers ?
— Oh oui, bien sûr, Lyra.
— La pauvre petite, elle allait passer les fêtes seule, tu te rends compte ? Lyriana et lui se connaissent depuis toujours, ça me semble normal qu'on l'invite, ajoute mon père.
—Bien sûr, papa.

Lyriana Rochers... Qu'est-ce qu'elle ne m'a pas fait rire, cette gamine, quand j'habitais encore sous ce toit. Maladroite comme elle l'est, je ne crois pas pouvoir citer une seule fois où elle est venue sans casser un verre ou faire tomber un cadre. Son petit air paniqué quand ça arrive est tout simplement adorable. Je la connais depuis qu'elle n'est pas plus haute que trois pommes. On peut dire qu'elle a bien grandi. Au détail près qu'elle soit toujours aussi haute que trois pommes. Je ne l'ai plus revu depuis que j'ai déménagé, je me demande si elle a encore changé.
La belle rouquine est exactement le genre de personne qui inspire la sympathie, le genre de fille qu'on a envie de protéger comme sa petite sœur. C'est craquant.

On s'assoit à la table de la cuisine, ma mère entreprend de préparer des crêpes alors que je discute avec mon père.


— Ça va avec ton internat ?
— Dur dur, mais j'y arrive. Plus qu'un an et demi, le plus dur est passé.
— C'est vrai. Docteur Marchal, neurochirurgien. Ça sonne vraiment bien.
— T'as vu ça.

Mon cœur se gonfle face à la fierté qui pétille dans les yeux de mon paternel. Qu'est-ce que ça fait du bien que de voir qu'on est soutenu par sa famille, qu'on est encouragé... Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans eux.
Sophie nous rejoint en cours de route, elle était sorti voir son copain, et je ne sais trop comment, on se retrouve à débattre politique avec ma mère, quand la porte s'ouvre dans un grincement, laissant place à Marc et Lyriana qui se chamaille comme des enfants.

— Non, tu ne gardes pas la peluche, elle est à moi.
— Mais tu me l'as donnéééééé.
— Oui mais tu as refusé d'écouter ma musique alors je garde ma peluche.

Je me racle la gorge, un sourire en coin. Les deux têtes se tournent vers nous dans un même mouvement. Mon regard croise celui de la rouquine. Ses joues rougissent alors qu'elle baisse la tête en balbutiant quelque chose d'inaudible. Comme je le disais... Craquante.

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