Revoilà la chaleur. Je crois que Sofia ne s’en plaindra plus jamais. Elle est triste d’avoir quitté New-York, bien sûr. Ça ne l’empêche pas pour autant, quand elle retrouve son appartement, de courir se mettre en maillot de bain pour aller profiter des derniers rayons du soleil à la plage. Ces deux derniers jours ont été parfaits. J’étais chez moi, mais je me sentais plus en vacances qu’ici. Je pouvais simplement passer du temps avec Zachary, sans me soucier du retour. Et des problèmes qui l’accompagnerait. Lui et moi, avons finalement décidé de parler de notre histoire à nos parents le plus tôt possible. Je sais que si j’attends trop, je vais finir par me décourager et abandonner. Et si lui attend trop, il va très certainement devenir fou à devoir cacher la vérité à son père. Alors on va devoir se lancer demain. La seule chose qui me dérange, c’est qu’il ne sera pas avec moi quand je devrai l’annoncer à ma mère et que je risque de ne pas me sentir aussi forte qu’en sa présence.
- Tu es sûre que tu ne veux pas venir ?
Sérieusement ? Comment Sofia peut-elle enfiler un maillot en cinq secondes après un voyage aussi épuisant ?!
- Tu n’es vraiment pas fatiguée toi ?
- Je ne suis jamais fatiguée pour la plage. Jamais.
Sur ces mots, elle tourne les talons rapidement, pour se diriger vers la porte. Elle est complètement folle. Moi tout ce dont j’ai envie pour le moment, c’est de m’allonger dans ce canapé jusqu’à ce que mes batteries soient rechargées à 100%. Ce qui risque de prendre une vingtaine d’heures de sommeil, et de cafés.
Sofia n’a même pas dormi dans l’avion alors comment peut-elle être aussi dynamique ?! Elle a passé tout le vol à regarder des films avec Mathéo. Alors que Zachary et moi avons passer l’entièreté du trajet dans les bras de Morphée. Je ne me suis réveillée qu’une fois, pour constater que la tête de Zachary était posée sur mon épaule et qu’il dormait comme un bébé. Il était tellement mignon. Je n’ai pas osé le réveiller et je me suis simplement rendormie.
Alors pourquoi je suis toujours aussi fatiguée ?!
- Il y a quelqu’un pour toi !
Ma meilleure amie a juste eu le temps de me crier cette information avant de sortir.
J’aurais refusé n’importe quelle visite à cet instant précis pour pouvoir dormir. Mais pas celle de mon frère qui, dès que je me lève du canapé, se jette sur moi pour me faire un énorme câlin que je lui rends de toutes mes forces. Ça me fait plaisir de le revoir. Je ne lui ai envoyé qu’un simple message pour lui souhaiter une bonne année quand j’étais à New-York. Et j’ai l’impression qu’il m’avait bien plus manqué ces derniers jours, que durant toute l’année passée sans lui. Et s’il est déjà là, ça doit vouloir dire que je lui ai aussi énormément manqué durant mon absence.
- Qu’est-ce que tu fais ici ? Je viens d’arriver, tu n’avais pas à venir aujourd’hui.
- Ou mais…j’étais pressé de te voir.
J’aurais alors cru son excuse bidon, si seulement je ne le connaissais pas aussi bien, et s’il n’avait pas légèrement hésité avant de la sortir. Ce « Oui mais », était celui de trop.
Je m’éloigne de lui pour pouvoir le regarder droit dans les yeux. Il me cache quelque chose. Et maintenant que j’y fais un peu plus attention, il n’a pas l’air d’avoir fait la route jusqu’ici pour venir me voir moi. Il est beaucoup trop bien habillé pour ça. Depuis quand il porte des chemises aussi bien repassées ? Depuis quand il sait se coiffer ? Et depuis quand il met du parfum ?!
Oh mon dieu ! Bien sûr que ce n’est pas pour moi qu’il est là !
Je lui donne un coup dans l’épaule en souriant, outrée qu’il ait choisi de me cacher la vérité.
- Mon cul ouais ! Tu es venu voir Andrew !
Il aimerait pouvoir dire non. Il aimerait pouvoir me mentir. Mais il n’en fait rien, il se contente de sourire en haussant les épaules. Je suis folle de joie ! Et je ne l’avais jamais vu non plus dans un état pareil. Il rayonne, je ne comprends pas comment j’ai pu ne pas m’en apercevoir au moment où il a passé la porte. Je dois vraiment être très fatiguée.
- Alors il te plaît vraiment ?
Il va s’asseoir dans le canapé, incapable de me répondre. Il ne fait que sourire. Il ne l’a jamais autant fait je dois être en train d’halluciner.
- Pour l’instant oui. On se plaît.
Et…retour à la réalité. Je n’aime pas la façon dont il vient de formuler sa phrase.
- Comment ça « pour l’instant » ?
Je vais m’asseoir à côté de lui, de nouveau inquiète. Ma joie aura été de courte durée…
- Amyra on en a déjà parlé. Les choses finissent toujours par se compliquer et…
Je ne veux même pas le laisser terminer son raisonnement absurde. Je m’empare du premier coussin que ma main arrive à trouver, pour me mettre à le frapper avec, à plusieurs reprises. Je n’écoute pas ses cris de révolte. Je continue d’abattre le pauvre oreiller sur ma victime qui mérite amplement son sort. J’essaie cependant de ne pas trop abimer sa coiffure et de ne pas froisser ses vêtements.
C’est pourquoi je m’arrête assez rapidement, avant que le massacre n’aille trop loin.
- Tu es stupide Sébastian ! Et j’avais tort ! On avait tort, depuis le début. Tout ce qui nous est arrivé jusqu’à présent ce n’est ni une malédiction, ni un héritage. Ce sont nos choix, nos peurs, nos habitudes, qui se mettent en travers de notre route. C’est à cause de notre comportement que les choses finissent toujours par dégringoler.
S’il comptait me hurler dessus à cause de mes coups, il se retient de le faire dès que je prononce ces mots. Il sait que j’ai raison. Il le sait parce qu’il est assez intelligent pour se l’être répété plusieurs fois. Comme je le faisais déjà avant de le réaliser vraiment. Il fallait juste que quelqu’un le lui dise à voix haute. Quelqu’un capable de comprendre ce qu’il ressent.
- Je suis ta petite-sœur, et je te connais assez pour te dire que tu es bourré de défauts. Je pourrais passer la soirée à te les citer. Mais tout le monde, y compris Andrew, en a. Comme tout le monde, y compris toi, a des qualités. Et il serait temps que tu les vois bordel !
- D’accord ! Je peux savoir pourquoi tu me cries dessus comme ça ? Tu es devenue coach de vie à tes heures perdues ?
C’est vrai que je me suis pas mal emportée. Mais j’en ai marre qu’il s’auto-sabote constamment. Je suis heureuse. Comme je ne l’ai jamais été auparavant, et c’est grâce à Zachary. Je voudrais qu’il comprenne ce que ça fait de ressentir ça. J’ai mis de côté toutes mes craintes pour pouvoir accepter mes sentiments. Et je refuse, que les siennes continuent de le bouffer de l’intérieur de cette façon.
- Disons que je suis motivée. Et que je ne veux plus jamais t’entendre douter de toi, c’est clair ?
- Sinon quoi ? Tu vas encore me frapper ?
Je sais qu’il plaisante, mais je me dois de ressortir le coussin pour lui donner une bonne leçon ! Cette fois il rit sous mes attaques. Et je ne tarde pas à faire de même.
- Je t’aime tellement Sébastian. Je veux ton bonheur.
Généralement il n’aime pas que les choses deviennent trop sentimentales. Mais là ça n’a pas l’air de le déranger. Il me sourit même en hochant la tête avec approbation.
- Je t’aime aussi Amyra. Et j’ai bien compris, je vais attendre que les choses se fassent au lieu de prédire bêtement que ça finira mal.
Même s’il ne suit pas ce conseil, c’est quand même bien qu’il m’ait écoutée. C’est un grand pas déjà. J’espère simplement que tout se passera pour le mieux cette fois.
- Donc vous avez un rencard ce soir ?
- Et je suis déjà en retard. Donc tu ne sauras rien.
Il se lève pour marcher vers la sortie d’un pas décidé. Je n’insisterai pas. D’abord parce que j’aurais bien trop peur de ressembler à Sofia en le faisant, et ensuite, parce que je comprends son besoin de garder sa privée intacte. Il me parlera d’Andrew, quand il estimera que le moment est venu de le faire. En attendant, je me réjouirai pour lui en silence dans mon coin. Je l’accompagne jusqu’à la porte pour la lui ouvrir, quand je tombe nez à nez, avec Zachary, qui s’apprêtait justement à frapper.
Génial… Je ne pensais pas que je me retrouverais entre ces deux-là si rapidement, mais c’est peut-être mieux comme ça. Plus vite ça arrive, plus vite ça sera réglé.
Sébastian, qui depuis Noël essaie de se comporter comme un grand frère protecteur gardant tout de même l’esprit ouvert, semble le scanner du regard. Zachary…ne sait pas vraiment comment réagir. C’est pourquoi il décide de ne plus bouger. Et moi je les observe. Guettant le moindre geste. Le moindre mot. La moindre attaque ?
Une belle brochette d’idiots !
- Alors vous deux, commence mon frère en nous regardant simultanément, vous êtes ensemble ?
Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi direct. Je ne m’étais pas vraiment préparée à cette confrontation, je pensais qu’on aurait le temps de préparer le terrain avec lui bien qu’il se soit montré très compréhensif dernièrement. J’aurais peut-être dû…
- Oui, répondons-nous en cœur en souriant.
Sébastian aurait piqué une crise si l’un de nous avait hésité, ou pire, répondu non. Il se serait jeté sur sa proie comme un fauve. Mais comme nous sommes tous les deux sûrs de nous, il ne peut que capituler. Il lève sa main pour la tendre en direction de Zachary.
- Dans ce cas félicitations à vous.
Il vient de nous féliciter ? Sans menaces ? Sans tentative de meurtre ?
Soit mon discours sur le fait de ne pas voir le mal partout a réellement fonctionné, soit il se prépare simplement à lui bondir dessus à la moindre occasion pour pouvoir le mettre en pièces. Zachary ne tarde pas à serrer sa main. Comme ça, il ressemble à un petit chiot apeuré qui tente de se comporter comme un bouledogue, face à un vrai pitbull. Je pourrais trouver ça mignon si le pitbull ne s’était pas soudain approché d’un air menaçant pour ajouter avec un calme terrifiant :
- Si tu lui brises le cœur, je te brise en deux.
Zachary n’a pas l’habitude de recevoir des menaces. Il a ce petit côté imposant qui déstabilise quiconque voudrait lui chercher des ennuis. Mais il sait que pour me garder, il doit avoir mon frère de son côté. Et qu’il doit donc commencer à le craindre. Il secoue la tête de haut en bas, pour faire savoir à Sébastian qu’il a bien compris. Ce qui décide mon frère à enfin lâcher sa main pour venir me prendre une dernière fois dans ses bras, de nouveau doux comme un agneau.
- Passe une bonne soirée, lui dis-je tout en souriant à Zachary dans son dos.
- Ouais. On s’appelle plus tard.
Il ne m’a pas souhaité une bonne soirée en retour. Je peux comprendre pourquoi…
Dès que les portes de l’ascenseur se referment complètement sur mon frère, je peux voir Zachary relâcher chaque muscle de son corps en poussant un soupir de soulagement immense.
- J’ai bien cru qu’il allait me tuer.
- J’ai bien cru qu’il allait te tuer aussi. C’est assez décevant, il semblerait que je sois condamnée à te supporter toute ma vie.
Il feint un rire en levant les yeux au ciel, quand je lui propose d’entrer, amusée par la situation. Il faut dire que la dernière fois que j’ai annoncé à mon frère que nous étions ensemble, j’ai dû lui sauter dessus et l’immobiliser au sol pour l’empêcher de battre à mort le pauvre Zachary. Alors oui, je suis plutôt étonnée que cette fois-ci ça se soit aussi bien passé entre eux, malgré le comportement de Sébastian le soir du réveillon de Noël. Je suis certaine qu’au fond, il espérait qu’on ne se remettrait jamais ensemble. De cette manière, je n’aurais pas pu lui reprocher de ne pas avoir été compréhensif.
- Mathéo est allé à la plage avec Sofia. Je voulais voir comment tu allais.
- A quel sujet ? La fatigue d’après vol, ou le fait que demain je vais devoir annoncer à ma mère que je sors avec un Collins ?
- Les deux ?
Je me rends compte que je suis beaucoup trop tendue. Je ne pensais pas que parler avec ma mère de tout ça me mettrait dans un état pareil. Je savais que ce serait un moment difficile à passer mais pas que je serais aussi…perdue.
- Je ne sais pas comment je vais pouvoir m’y prendre.
- Je comprends.
Je vois bien qu’il voudrait me réconforter, mais il ne peut pas le faire. Parce que cette histoire le met dans le même état que moi. Il est aussi en terre inconnue de ce côté.
- Je n’ai jamais eu aussi peur de devoir parler d’une copine à mon père.
- Parce que tu l’as déjà fait ?
- Non justement. Et je ne commence pas avec le plus simple.
Il arrive encore à me faire rire. Même dans un tel moment, il sait utiliser les bons mots pour me remonter le moral. Il doit être magicien. Cette façon si naturelle qu’il a de me pousser à me sentir mieux sans même essayer, ne fait que me conforter dans l’idée que c’est lui que je veux. Et que je fais le bon choix. Quoique pourra dire ma mère, elle ne pourra m’empêcher de le penser.
Je m’approche donc de lui en plaçant mes mains derrière son cou avec délicatesse, pendant que les siennes viennent comme automatiquement retrouver mes hanches.
- On va y arriver Zachary.
- On n’a pas vraiment le choix. Je ne renoncerai pas à toi.
Encore une fois, je souris. Il est tellement parfait. Il n’y a rien de plus séduisant qu’un homme qui n’a pas peur de parler de ses sentiments. Encore plus s’il est honnête en le faisant. Lorsqu’il me voit mordre ma lèvre de désir, il commence à se pencher pour m’embrasser. Mais je l’en empêche. En le repoussant oui, mais seulement pour qu’il tombe dans le canapé derrière lui, pour pouvoir m’asseoir sur lui en riant. Quand je suis près de lui, j’ai l’impression que je redeviens une adolescente torturée par ses hormones en ébullition. J’ignore comment je pourrais à nouveau le laisser m’échapper, quand je suis constamment attirée vers lui. Mon corps connaît déjà si bien ses lèvres, pourtant il continue de frémir à chaque fois qu’elles l’explorent. Avec lui, plus qu’avec n’importe quel autre homme, je me sens sexy, cultivée, hilarante, parfaite. Je sais que je n’ai pas besoin de changer qui je suis, parce qu’il aime la moindre parcelle de mon être. Il m’aime comme personne ne m’avait jamais aimé avant lui. Et je n’ai plus aucun doute là-dessus, je l’aime infiniment plus encore.
Alors ça y est. Nous y voilà. Quand j’aurai frappé à cette porte, quand ma mère viendra m’ouvrir, je ne pourrai plus jamais faire marche arrière. Et même si je meurs d’envie de le faire et de m’enfuir loin de toutes ces responsabilités, je sais aussi que je ne serai jamais sereine, et que je ne pourrai jamais être avec Zachary tant que cette étape ne sera pas passée. Je ne veux pas vivre ma vie dans la culpabilité de devoir cacher la vérité à ma mère. Elle a le droit de savoir.
Alors je me lance, je donne deux coups hésitants sur la porte en bois, pensant un instant que ça ne sera pas suffisant pour attirer l’attention de ma mère. Mais quand enfin la porte s’ouvre sur son visage souriant et accueillant, je commence à regretter d’avoir frappé aussi fort et vite. Je n’ai pas réellement eu le temps de réfléchir à ce que j’allais lui dire. Je ne voulais pas trop penser à ce moment pour ne pas trop m’angoisser, mais maintenant que j’y suis, je réalise que j’aurais dû un peu mieux songer au déroulement des choses. Je ne sais même pas par quoi je vais commencer.
- Amyra mon ange ! Tu aurais dû me dire que tu venais.
Si je l’avais fait, j’aurais sûrement été tentée de tout lui déballer sur le moment par téléphone pour ne pas avoir à lui faire face. Je préfère que ce soit une surprise pour elle comme pour moi. Même si j’ai horreur des surprises.
- Je sais maman. Mais je ne suis pas venue te rendre une simple visite aujourd’hui.
Mon air préoccupé lui indique très clairement que je ne suis pas là pour lui parler de mes superbes vacances avec ma meilleure amie. Et quand elle me laisse entrer, je ne peux pas m’empêcher de penser que Zachary est sûrement déjà lui aussi chez son père. J’espère sincèrement que tout se passera bien pour lui.
Nous nous installons, dans le canapé du salon, qui ne m’avait jamais paru aussi grand, vide, et silencieux. On est bien loin de l’ambiance qui y régnait à Noël. Il n’y a plus aucun chant, plus aucune décoration, juste ma mère, mes secrets attendant d’être dévoilés, et moi. J’aimerais que Caly soit restée plus longtemps. Elle aurait été là pour moi du début à la fin, quitte à risquer de détruire cette nouvelle relation de confiance qu’elle a pu créer avec sa sœur au nouvel an. Elle m’aurait épaulée, défendue. Mais je dois le faire seule.
- Alors dis-moi chérie. Qu’est-ce qu’il se passe ?
Mon cœur bat si vite que j’ai presque peur qu’elle puisse l’entendre. Je dois essayer de stopper mes mains qui commencent à trembler à l’intérieur de mes poches.
Je dois me calmer. Je peux le faire.
Je ne suis plus une enfant.
- Tu sais que Zachary et Mathéo sont venus à New-York avec nous n’est-ce pas ?
Bien sûr qu’elle le sait. Je lui en avais parlé rapidement. Et elle semble ne rien comprendre, ni à la situation, ni où je veux en venir avec tout ça.
- Je t’avais dit qu’ils venaient parce que Sofia voulait que Mathéo soit là, et que j’avais été obligée d’inviter Zachary pour qu’il ne sente pas trop seul avec nous.
Ce qui était le cas au départ. Je ne voulais pas que Zachary vienne. Je tenais simplement à faire plaisir à ma meilleure amie.
- Je ne t’ai menti à ce moment-là. Mais je ne t’ai pas non plus dit toute la vérité.
Elle hoche la tête, soucieuse, me laissant dire ce que j’ai à dire. J’aimerais pourtant qu’elle m’interrompe. Que je ne sois pas la seule à parler, parce que je ne sais pas ce qu’elle dira quand j’aurai fini. Je ne sais pas si ses paroles seront toujours aussi douces.
Bon. C’est le moment j’imagine. Le moment, d’enfin lui avouer que…
- Il y a trois ans, avant mon départ, Zachary et moi avons eu une histoire ensemble.
Je ne m’étais jamais imaginée prononcer ces mots devant ma mère avant aujourd’hui. Mais je l’ai fait. Je l’ai dit. Je l’ai, enfin, dit. Et je ne peux plus m’arrêter, je veux qu’elle sache tout. Il n’y a que comme ça que je pourrai me sentir libérée tout ça.
- Je ne t’en ai jamais parlé avant parce que j’avais honte de moi, de Zachary, et parce que j’estimais que ce qu’on avait vécu tous les deux, n’était pas assez important pour risquer de gâcher la relation géniale qu’on a toujours eu la chance d’avoir toi et moi.
Mes yeux se remplissent de larmes. Pas des larmes de honte, mais de soulagement. J’ai gardé ce secret si longtemps en moi, que je ne m’étais même pas rendue compte à quel point il était difficile à porter.
- Pour être honnête avec toi, je pense que si les choses n’avaient pas évolué aujourd’hui, je ne t’en aurais sûrement jamais parlé. Mais j’aime Zachary et il m’aime aussi. Ç’a toujours été le cas, cette semaine à New-York n’a fait que m’ouvrir les yeux, c’est pourquoi j’ai pris la décision de t’en parler à mon retour. Parce que je suis sûre de moi.
Je ne sais pas quoi dire de plus. J’ai l’impression d’avoir bien vidé mon sac, sans en avoir dit assez. Je tiens à lui épargner le plus de détails parce que j’imagine déjà qu’entendre ce genre de choses doit être difficile pour elle. Je suis sûrement maladroite, mais je ne crois pas qu’il existe de toute façon, une bonne manière de lui annoncer tout ça.
Ça doit bien faire quelques minutes qu’elle n’a pas prononcé le moindre mot. Elle me regardait au début de la conversation. Je voyais son regard s’assombrir au fur et à mesure, mais je devais continuer. Et maintenant je ne le vois même plus parce que son visage est caché entre ses mains. Presque comme si tout comme moi, elle essayait de ne pas se mettre à pleurer. Et je ne supporte plus ce silence pesant très longtemps.
- Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes maman…
- Tant mieux Amyra. Parce que je ne comprends pas.
Elle baisse enfin ses mains. Aucune larme. Mais je peux voir énormément de déception dans ses yeux. Je la déçois.
- Si c’est une blague je te conseille de me le dire immédiatement parce que ça n’a rien de drôle !
Je ne peux même pas répondre à ça, ça me choque assez qu’elle puisse me croire capable de plaisanter sur un tel sujet. Et mon silence lui suffit.
- De tous les garçons qu’il y a sur cette planète, pourquoi lui ? Pourquoi Zachary Collins ?!
- Parce qu’il n’est pas n’importe quel garçon !
Elle se lève soudain pour me tourner le dos avec agacement. Ce qui m’oblige à me lever à mon tour pour tenter de me défendre.
- Zachary est vraiment quelqu’un de bien. Il sait m’écouter, me comprendre, il me connaît mieux que personne…
- Dorian et moi étions mariés !
Elle se retourne enfin vers moi, remplaçant la déception par une colère que jamais encore je n’avais vu chez elle. Elle ne m’avait jamais regardée de cette manière, elle n’avait jamais crié sur moi comme elle le fait actuellement.
- Je sais mais…
- A quoi tu pensais ?!
A quoi je pensais ? Elle croit que c’était mon idée tout ça ? Que je me sois dit entre deux repas de famille que ce serait sympa de coucher avec le fils de mon beau-père ?!
- Je ne suis pas venue ici pour te parler du passé maman.
Je comprends sa réaction. Mais je ne vais pas me disputer avec elle. Je ne veux pas que des choses soient dîtes aujourd’hui, qu’on regretterait toutes nos vies d’avoir prononcé.
J’essaie de me calmer en m’approchant d’elle avec précautions.
- Je suis venue te parler du présent. Et mon présent, c’est d’être avec Zachary. Je ne te demande pas la permission de l’aimer. Je voulais simplement que tu l’apprennes de ma bouche parce que malgré tout, je t’aime maman, et je te respecterai toujours trop pour te faire du mal volontairement.
Après un autre long moment d’hésitation, ma mère fait à son tour quelques pas vers moi, pour venir poser sa main sur ma joue, puis coller son front au mien comme elle le faisait toujours quand j’étais triste étant petite. Même si ce n’était qu’un souhait, un rêve absurde, j’aurais aimé qu’à cet instant, elle me prenne dans ses bras. Qu’elle se réjouisse de mon bonheur comme elle l’aurait fait pour n’importe quel autre garçon. Qu’elle accepte mes sentiments pour Zachary. Mais la réalité est bien plus cruelle. A la place elle se contente de s’éloigner de moi en levant les mains, signe qu’elle ne pourra pas en supporter plus, et se dirige vers la porte de sa chambre, qu’elle claque derrière elle sans se retourner une seule fois.
Elle n’a rien dit de plus. Elle est juste partie. Et elle souffre, je le sais. C’est pour cette raison que je décide de ne pas insister. Je dois la laisser seule, et je ne pourrai pas rester ici une seconde de plus de toute manière. Je suis prise d’une soudaine envie de vomir lorsque je passe la porte du bungalow, et que je descends une à une les marches des petits escaliers. C’est à ce moment-là, qu’un soulagement gigantesque s’empare de moi, quand je vois la voiture de Sébastian garée devant moi. Mon frère, debout à côté d’elle, les bras croisés et l’air désolé. Je lui ai dit avant de venir que je comptais tout dire à notre mère. Et si je ne lui ai pas demandé de venir, en réalité j’espérais qu’il me désobéirait. Je m’arrête seulement quand un seul petit mètre nous sépare encore, et le regarde, l’air impuissant.
- Alors ça ne s’est pas aussi bien passé que mon coming-out pas vrai ?
Un simple rictus parvient à s’échapper de ma bouche après cette remarque ridiculement vraie. Et soudain, je craque. Je fonds en larmes.
Mon frère se précipite vers moi pour m’entourer de ses bras et me réconforter du mieux qu’il le peut. Je m’agrippe à son t-shirt comme si mes jambes risquaient de me lâcher à tout moment. C’est la première fois que ma mère et moi en arrivons à ce stade. Je m’en veux de la mettre dans cette situation, mais je lui en veux aussi de me faire culpabiliser d’être heureuse avec Zachary. Je ne veux pas la perdre, mais je ne perdrai pas non plus l’homme que j’aime. Alors il n’y a plus qu’à espérer que tout comme Sébastian a su le faire, elle finisse par accepter les choses comme elles sont.
Et qu’elle me pardonne…
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