CHAPITRE XIII
La journée d’hier a été tout, sauf mouvementée. Malgré son réveil difficile, puisque j’ai presque dû la tirer hors du lit, Sofia voulait sortir. Mais au moment où nous avons mis le nez dehors, elle est tout de suite rentrée. A Shelter Meek il fait chaud toute l’année, je peux comprendre que ce soit difficile pour elle de se faire au climat d’ici. Alors je lui ai proposé à la place de sortir, de passer une journée au calme au loft. Et d’attendre les garçons pour faire le reste des activités qui étaient prévues à l’extérieur. J’aurais voulu profiter de cette journée pour lui montrer tout ce dont je lui avais parlé jusqu’à présent et que je mourrais d’envie qu’elle voit. Mais je ne lui en veux pas de ne pas pouvoir sortir. Il est vrai qu’aujourd’hui il fait particulièrement plus froid que d’habitude.
Assises sur le grand tapis face à la cheminée, au programme, c’est jeux de sociétés, films, alcool…tout ce qu’on pouvait très bien faire dans son appartement déjà. Je me suis beaucoup amusée avec elle pourtant, et je crois que je n’avais jamais autant apprécier mon chez-moi avant cette journée. Bien qu’une seule chose soit parvenue à la gâcher lorsque je suis allée me coucher. Lorsque je me suis repassé chaque événement en boucle. Chaque pensée que je pouvais avoir eu. Quelque chose de très inhabituel. L’affreuse sensation d’avoir été observée. Et j’espère sincèrement que ce n’est pas ce que je crois.
Surtout parce que ce n’est pas le moment pour des histoires pareilles. En effet, c’est aujourd’hui qu’ils arrivent. Et ils ne devraient plus tarder. J'ai insisté pour aller chercher Zachary et Mathéo à l'aéroport moi-même, mais ils voulaient absolument m'éviter le déplacement. Tout comme nous, ils ont préféré prendre un taxi. Ce qui se révèle être très utile, puisque nous gagnons ainsi assez de temps pour tout nettoyer.
Le loft, comme à son habitude, était impeccable à notre arrivée. Il a suffi d’une simple journée à Sofia, pour mettre un bazar monstre un peu partout. Je ne sais vraiment pas comment elle peut faire ça aussi vite ! Résultat, une fois le travail terminé, il ne me reste que quelques minutes pour pouvoir prendre une douche, que Sofia a déjà prise au moment où j’essayais de me débrouiller avec le ménage interminable. Je sens fort heureusement tout mon corps se relâcher lorsque je me glisse sous l’eau chaude qui détend chacun de mes muscles. Toute la nuit, les pensées n’ont fait que se bousculer dans ma tête. Et aujourd’hui encore je ne fais que réfléchir sans arrêt, à propos de ce séjour, de Zachary, de Shelter Meek, de ma mère, et surtout…celui que j'ai vu l’autre soir dans la rue. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à... Non. Non c'est impossible Amyra ! Arrête de te prendre la tête avec ça !
C’est après seulement cinq courtes minutes sous la douche, que je me sens capable de sortir pour de nouveau affronter le monde extérieur. J’ouvre la porte de la cabine, tendant mon bras pour attraper ma serviette sur le présentoir. Mais au même moment, et j'aurais dû me douter qu’un truc pareil finirait par arriver, la porte de la salle de bains s'ouvre pour laisser place à un Zachary qui se fige immédiatement. Je ne bouge pas non plus, pendant une seconde qui à mon avis est déjà celle de trop, puis trouve enfin le reflex de retourner dans la cabine de douche pour m’y réfugier. D'accord elle est en verre, mais il y a assez de buée pour me cacher. Je n’ai jamais été aussi heureuse d’aimer la chaleur. Et Caly qui préfère les douches froides…
Je n'arrive pas à croire que ça vient de se passer. Et pour couronner le tout, dans la précipitation, et avec ma maladresse surgissant toujours dans les pires moments, je trébuche en refermant la porte derrière moi et m'étale comme une crêpe en poussant un petit cri.
- Amyra tu t’es fait mal ? m'interroge aussitôt Zachary inquiet du gros boum que je viens de produire.
- Non je vais bien ! Je vais très bien !
Il y a eu plus de peur que de mal. Mais j'ai surtout toujours honte de la situation, ce qui m'empêche de bouger. Bon et puis il y a aussi le bleu qui apparaîtra très rapidement sur mes fesses qui me fait un peu mal. Mais ce détail restera secret jusqu’à nouvel ordre. Quoi qu’il en soit, je reste vautrée sur le sol humide, attendant de pouvoir réagir.
- Tant mieux, répond alors l'intrus tout aussi confus. Je...je suis désolé, je vais redescendre. J'espère que ça ira.
J'entends la porte se refermer, ce qui me permet de me lever, légèrement plus sereine, et de glisser ma tête hors de la douche pour m'assurer que je suis bien seule. J’en profite pour attraper à une vitesse folle ma serviette et l’enrouler autour de moi. Quelle imbécile ! Je ne ferme jamais la porte à clé ici, plus depuis que je me suis retrouvée enfermée un jour. La serrure était coincée. Et ça n'avait jamais posé de problème avec Caly. Mais je n'ai pas songé au fait que... Et merde ! Zachary vient de me voir complètement nue. Zachary Collins. C'est un cauchemar ! Et dire qu'on en est qu'au premier jour…
Une fois passées les quelques minutes de honte ultime dans la salle de bains à essayer de me persuader que je suis capable de faire face à Zachary après ça, je décide de m'habiller, de me donner une bonne gifle, de prendre mon courage à deux mains, et d'enfin sortir. J'entends des voix au rez-de-chaussée. Celle de Mathéo, et de Zachary, qui me fait rougir comme une tomate. Mais je n'entends pas Sofia. C'est bizarre, habituellement c'est toujours celle qui parle le plus fort dans une discussion.
- Amyra ?
Je me retourne dans un sursaut phénoménal, pour découvrir ma meilleure amie derrière moi, à peine surprise de ma réaction. Mon cœur bat à mille à l'heure. Je viens d'avoir la peur de ma vie. Ça y est je fais de la tachycardie.
- Bordel Sofia ne refais plus jamais ça ! crié-je à voix basse pour ne pas me faire entendre par les invités.
- Mais qu'est-ce que tu fous au milieu du couloir aussi ? J’ai laissé entrer les… Attends tu les espionnais ?
Je ne sais pas quoi répondre à ça. Je ne sais pas comment lui expliquer ce qu’il vient de m’arriver. Et mon silence en dit long, il en dit assez pour que Sofia comprenne à moitié seulement la raison de ma présence ici. Elle ouvre de grands yeux en se retenant de rire.
- Tu as peur de descendre, chuchote mon amie un énorme sourire aux lèvres.
- Oui et non.
- Comment ça oui et non ? C'est soit oui, soit non.
- C'est compliqué.
- Alors explique.
- C’est aussi gênant !
- Pour l'amour du ciel accouche !
- Zachary vient de me voir à poil !
On devait avoir l’air un peu folles à hurler silencieusement de cette manière l’une sur l’autre. Mais cette dernière phrase a totalement cloué le bec à Sofia. Ce qui n’est vraiment pas bon signe. Et pas non plus le moment. Pour une fois que j’ai besoin de parler ! Alors sans même hésiter, je lui colle une gifle qui lui remet aussitôt les idées en place, et je sens venir le rire trop peu discret qu’elle seule peut produire. Ce rire que je hais, tant il sait me mettre dans des situations terribles en public. Je plaque donc ma main sur ses lèvres avant qu’il ne s’en libère, et la tire dans ma chambre pour nous enfermer et lui lancer un regard meurtrier.
- Je te déteste. Comment je fais pour le regarder dans les yeux après ça ?
- Ah oui ça je te l'accorde ça sera compliqué. Surtout que lui ne regardera certainement pas tes yeux.
J’essaie de répliquer, d’être plus intelligente que cette réponse… Mais la seule chose qui parvient à sortir de ma bouche, est un simple grognement de rage, que je vais étouffer dans un de mes oreillers en me jetant sur mon lit. Je sens mon matelas se creuser à côté de moi, et une main se poser sur mon dos.
- Allez chérie calme-toi. Tu vas voir vous êtes des adultes maintenant, vous saurez…
Elle ne finit pas sa phrase. J’ai beau attendre, rien ne vient pour compléter ses encouragements. Ce qui les rend totalement inutiles.
Je crois avoir entendu sa sonnerie de téléphone. Celle des notifications. Mais je ne vois pas ce qui aurait pu…
- C’est pas vrai ! s’égosille soudain mon amie à deux doigts de perdre sa voix. Putain de merde !
Je me redresse affolée au moment où l’hystérique franchit la porte de la chambre pour sortir, sans rien ajouter.
Non mais elle est vraiment folle. Qu’est-ce qui a bien pu la mettre dans cet état ? Je ne sais même pas si elle était heureuse ou en colère en partant, elle était juste…rapide.
Bien qu’hésitante, je finis par quitter ma chambre à mon tour, pour essayer de la rattraper.
Et c’est lorsque j’ai déjà descendu plus de la moitié des escaliers, que je vois et entends la porte d’entrée se claquer avec une puissance dont seule Sofia est capable dans ses pires moments.
Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qui lui prend à celle-là ?!
- Salut.
Bon sang. Quelqu’un mais pas lui. N’importe qui sauf lui !
Je me tourne vers celui qui se tient seul au milieu du grand salon. Comment j’ai pu ne pas remarquer sa présence ? Et Mathéo il est où ?!
Bon…respire Amyra. Souviens-toi, vous êtes des adultes maintenant. Comporte-toi en adulte !
Je me redresse, affichant le sourire le plus convaincant que je puisse afficher.
- Salut, réponds-je avec une difficulté monstrueusement inhabituelle. Tu…saurais par hasard où est allée Sofia ?
- Elle a mentionné quelqu’un qui s’appelait Josie…Wood…
Bon sang non. Pas elle.
- Josie Woodstone, finis-je en retenant un profond soupir de dégoût.
Cette sale lâcheuse de Sofia, m’a donc abandonnée pour une écrivaine d’histoires toutes plus ridiculement romantiques les unes que les autres. Je déteste ses livres, alors que Sofia s’est ruinée en les achetant jusqu’au dernier. Je sors mon téléphone, pour faire une rapide recherche sur Internet, et découvrir sans surprise, qu’une séance de dédicace est prévue aujourd’hui à quelques rues d’ici.
C’est vrai que je n’aime pas ces livres, mais je suis quand même heureuse pour Sofia, qui aura la chance de rencontrer une de ses idoles. Je suis heureuse et folle de rage ! Tout son attirail de protection contre le froid a disparu de l’entrée. Aujourd’hui bien sûr, elle ne s’est même pas inquiétée du froid pour se dépêcher de sortir.
Même si je me serais très certainement ennuyée, elle aurait pu m’emmener moi, au lieu de me laisser seule ici avec Zachary. Elle me doit un énorme service. Un énorme !
Bon. Maintenant que c’est fait, il faut…que je pense adulte !
- Tu as vu ta chambre ? demandé-je donc à Zachary sur un ton des plus calmes.
Il secoue la tête de gauche à droite, totalement muet. Super. Mes jambes commencent à remonter les escaliers toutes seules avec une précipitation folle qui me surprend moi-même. Il comprend qu'il doit me suivre en prenant sa valise, toujours posée à côté de lui. Personne n'utilise cette chambre mais on la garde toujours au cas où on aurait des invités. Ce qui est aujourd'hui le cas. J'ai fait le lit, aéré la pièce, rangé un peu, et même posé un bouquet de fleurs près de la fenêtre. Ce qui à présent me paraît un peu de trop. Mais il ne devrait même pas le remarquer. Je l’espère.
La pièce est assez grande, avec un King Size en son centre, une très large armoire en bois à portes coulissantes contre le mur, et un bureau qui commence à se sentir assez seul puisqu'il n'a aucune réelle utilité. C'est moi qui ai décoré cette pièce, à mon arrivée elle était toute triste, vide et pas très accueillante. Alors je l'ai repeinte avec une très belle couleur lavande, j'y ai accroché quelques tableaux de New-York et j'ai installé des rideaux devant la grande fenêtre qui donne une vue magnifique sur la ville.
- J'espère que ça te convient, je ne suis pas décoratrice professionnelle alors…
- C'est parfait, m'interrompt Zachary en me souriant.
Je me mets enfin à sourire sans que ce soit par gêne. Au moins je suis plus détendue. Ce qui est assez étonnant quand on sait que je suis actuellement seule avec Zachary dans une chambre possédant un lit gigantesque…
- Je ferais mieux de t'offrir ton cadeau de Noël maintenant avant d'oublier, ajoute Zachary en commençant à ouvrir sa valise pour la fouiller.
Un cadeau ? Pourquoi est-ce qu’il voudrait m’offrir un cadeau ?
J’ignorais qu’il penserait à moi cette année…
Je le regarde sortir de sa valise, un carré, large et plat, entouré d’un papier cadeau rose à pois blancs. Il me le tend en se grattant la nuque avec embarras.
- Charlie m’a aidé à l’emballer.
Le rire qui s’échappe alors de mes lèvres n’est pas moqueur. C’est un rire qui signifie simplement : C’est adorable.
Puis je prends l’objet non-identifié, pour l’observer. Cette forme me dit quelque chose…
Et au lieu d’essayer de deviner encore 100 ans ce qui peut bien y avoir sous cet emballage, je commence à détacher le scotch rose avec délicatesse. Et je sens mon cœur rater l’un de ses battements, et même peut-être s’arrêter complètement, lorsque je découvre le visage souriant de Jude Law sur la partie gauche du haut. Il me suffit alors de déchirer avec précipitation une partie du papier cadeau pour pouvoir lire le nom d’Hans Zimmer.
C’est un vinyle. Un vinyle de la bande originale de The Holiday. Je n’en crois pas mes yeux.
- Je l’ai cherché partout, m’explique Zachary face à mon air ahuri.
- Oui moi aussi ! Je… J’ai… Comment tu as…
Je n’arrive même plus à parler. C’est le cadeau que j’ai attendu presque toute ma vie !
Je ne peux pas croire que je le tiens entre mes mains. Je ne saurais décrire la joie immense qui s’est emparée de mon corps.
- Je ne sais pas si tu as un tourne-disque pour l’écouter, m’annonce-t-il un peu honteux. Je me suis juste souvenu de la fois où on s’était enfuis ensemble quelques jours après le nouvel an.
Quatre jours magnifiques. Je m’en rappelle comme si c’était ce matin. La plupart du temps, on restait dans notre chambre d’hôtel à… Mais le reste du temps, on essayait d’explorer un peu les environs.
- Un jour on s’était arrêtés dans une petite ville. Tu disais qu’elle était pittoresque et que tu adorais ça. Je venais de nous acheter deux cafés, quand je t’ai vue t’arrêter devant la vitrine d’une vieille boutique d’antiquités. Tu regardais ce tourne-disque ancien avec tellement d’envie que j’ai voulu y retourner cette année pour vérifier s’il était encore là. Mais le vendeur m’a dit qu’il était parti depuis quelques mois déjà alors…
Pendant tout ce temps…j’ignorais que Zachary m’avait vue.
Je n’ai plus les mots. En fait j’en ai les larmes aux yeux. Je fais tout mon possible pour ne pas me mettre à pleurer comme une idiote devant lui. Allez dis quelque chose !
Au moins juste…
- Merci.
Je le regarde droit dans les yeux en souriant de toutes mes forces.
- Merci.
Il me sourit à son tour avec soulagement. Je ne comprends pas comment il peut être soulagé. Comment a-t-il pu croire un seul instant que ce cadeau ne me plairait pas ?
Il est tellement stupide ! A nouveau, je ne contrôle plus du tout mes jambes, qui se mettent à marcher vers lui, pour me mettre sur la pointe des pieds, et l’étreindre comme jamais je ne l’avais fait.
- J’adore ce cadeau.
Si au départ, il devait être surpris, ses bras s’enroulent rapidement autour de moi pour me serrer contre lui à son tour. Je me sens bien comme ça. Je me sens protégée. Presque autant que je me sens en danger. En danger d’aimer à nouveau. De le laisser entrer dans mon cœur déjà bien trop amoché pour pouvoir guérir encore une fois. Ce serait bien celle de trop.
Alors malgré ma joie, je me sépare de lui, me rappelant subitement d’une chose importante que je n’arrive pas à croire que j’aie pu oublier.
- J'ai aussi un cadeau pour toi. Ne bouge pas.
Je m'empresse de sortir sans lui laisser le temps de répondre, et d’aller fouiller dans mon dressing. J’avais posé la boîte quelque part et…la voilà. La petite boîte qui est restée enfermée ici pendant plus d’un an.
L’année dernière, j’avais déjà acheté les cadeaux de tout le monde avant que ma mère nous annonce qu’elle ne pourrait pas nous recevoir. Alors je lui avais envoyé un colis contenant tous les cadeaux pour qu’elle les distribue à ma place. A Sofia, à Charlie…
Mais le seul que je ne me suis jamais décidée à envoyer, c’était celui-là. Celui de Zachary. Je ne comprenais même pas à l’époque, pourquoi je l’avais acheté. Aujourd’hui je suis heureuse de l’avoir fait, même si je ne pourrai jamais rien lui offrir qui pourrait égaler ce qu’il vient de me donner. Mais je suppose que c’est mieux que rien, non ?
Je retourne dans la chambre d’ami, en tenant la boîte fermement. Je retrouve Zachary, assis sur le lit, attendant mon retour. Quand il voit enfin la boîte, il paraît très vite intrigué par son contenu, puis tout comme moi, il le prend pour l’examiner un court instant avant de l’ouvrir. Et dès que son regard se pose sur l'objet à l'intérieur…je crois bien que sa confusion ne fait que s’agrandir. Il prend l'ours en peluche blanc comme neige dans ses mains en posant la boîte sur le lit. Je me doutais bien qu'il trouverait ce cadeau bizarre.
- Je ne sais pas si tu te souviens de la fois où on a dû garder Logan, le cousin de Sofia. Tu t’étais moqué de son ours en peluche avant d’admettre que tu…que ça t’aurait sûrement apporté un peu de réconfort d’en avoir un à une époque.
Ça m’avait fait de la peine d’entendre ça. Je voulais lui donner le réconfort qu’il avait tant espérer de la part de ses proches. Et qu’il n’avait pourtant jamais reçu.
Ça m’avait fait plaisir qu’il se livre à moi de cette façon.
- C’est génial Amyra, je l’adore.
J’ai dit la même chose de son cadeau, pourtant ils ne sont clairement pas aux mêmes niveaux. Je lui ai offert un cadeau d’enfant, alors qu’il aura bientôt 22 ans. Un cadeau d’adulte comme la flasque que je lui avais offerte il y a trois ans aurait été plus adéquat.
Mais cet ours et son petit nœud rouge enroulé autour du cou a vraiment l’air de lui plaire. Je le vois dans son regard. Il est heureux de ce cadeau. Et ça me touche beaucoup.
- Ça te dit de sortir ? me propose-t-il subitement comme si l’idée venait de lui traverser l’esprit.
- Tu n'es pas fatigué ? Tu as travaillé tout le weekend, et tu as dû te lever tôt alors…
- Je vais bien. J’ai dormi dans l’avion.
Il n’acceptera aucun refus. Je le sais. Je le connais. Alors j'accepte, même si je préférerais qu’il se repose un peu. Je suis assez bien placée pour savoir que dormir dans l’avion ne fait pas tout le travail. Mais comme il insiste, je vais pouvoir lui faire visiter les alentours. C’est après avoir revêtu mon bonnet, mes gants, mon pull, mon écharpe...bref m’être couverte de la tête aux pieds, que je sors accompagnée d’un Zachary également bien emmitouflé dans ses vêtements d’hiver, achetés juste avant de venir. Étrangement, ou pas tant que ça finalement, sous ces couches de tissu, il est autant irrésistible qu'en portant un simple boxer. Bon je dois admettre que ces quelques jours passaient dans la chaleur de Shelter Meek m'ont vraiment fait oublier à quel point il faisait froid ici. Ça m’arrive à chaque voyage. Et j'aimerais vraiment pouvoir me blottir dans les bras forts de Zachary Collins comme tout à l’heure, mais je ne le ferai pas. À la place je décide de l'emmener faire une activité que j'adore, et qui nous fera bouger un peu.
La patinoire de Central Park est un endroit magnifique, elle est toujours remplie. Que ce soit de familles, de couples d’amoureux, ou surtout, de touristes. Et Zachary a l'air surexcité comme un gosse à l'idée de monter sur la glace. C'est ainsi, avec étonnement, que je découvre son talent pour le patinage qui jusqu'ici m'était resté inconnu. Je pensais l'avoir sur un terrain que je connais parfaitement bien, mais mon plan n'a pas fonctionné. Et il remarque ma déception.
- J'ai appris à patiner quand j'avais 11 ans avec mon père, m'informe-t-il en se moquant un peu de moi.
- On ne peut pas être parfait en tout Zachary Collins.
- Peut-être que je suis juste parfait en plus de choses que toi Amyra Salem.
Je lui souris faussement avant d'attendre quelques secondes qui finissent par le distraire, et le mettre en confiance, pour le pousser et le faire tomber sur la glace dure et glaciale. Quelques patineurs autour de nous se mettent à nous dévisager, quand je m'approche de l'accidenté en riant et en lui tendant la main, fière de ne plus voir cet air arrogant qu’il avait sur le visage avant de chuter lamentablement.
- Je suis tellement maladroite parfois.
- Seulement parfois ?
Je lève les yeux au ciel tandis qu'il tente de se redresser. Mais comme j'aurais dû le voir venir, lorsqu'il tire sur ma main pour se relever, il tire d’un coup assez fort et rapide dessus, pour à la place me faire tomber à mon tour. Et bien évidemment, pile poil sur lui.
Je devrais faire des listes comme Sofia. Et j'en nommerais une "choses de faites avec mon ex". Je cocherais : l'embrasser à plusieurs reprises, aller dîner avec lui, l'inviter à passer quelques jours chez moi dans un autre pays, être vue à poil par lui, et enfin, finir à califourchon sur lui en pleine séance de patinage.
Il y a trois ans, si on avait atterri dans la même position en public j'aurais piqué une crise. Mais il y a trois ans notre relation était interdite. Aujourd'hui, elle est juste...difficile à comprendre. Pour moi en tout cas. Je regarde Zachary Collins dans les yeux pendant un court moment avec une nouvelle envie folle de l’embrasser. Ses mains sont posées sur mes hanches, pour m’empêcher de complètement tomber, et…je crois que ce vinyle qu’il m’a offert m’a totalement embrouillé l’esprit. Mais je ne peux toujours pas le faire. Je ne peux pas simplement l’embrasser à tout bout de champs. Et surtout pas au milieu d’une patinoire où des centaines de gens pourraient nous rouler dessus.
Alors à la place je me redresse en souriant, pour le frapper dans l’épaule.
- Sale gamin.
- C’est toi qui m’as fait tomber !
- Et c’est une réponse de gamin ça.
Je me lève complètement, et cette fois quand je lui tends ma main il s’en sert vraiment pour se relever à son tour. Nous reprenons notre patinage en longeant la barrière. Je me sens toujours si libre quand je viens ici. Comme si je pouvais fuir tous mes problèmes avec de simples patins. Tous, sauf le froid. Je ne m’y habituerai jamais je crois.
C’est pourquoi je décide que notre seconde destination, sera d’aller prendre un chocolat chaud dans mon Café préféré de New-York. J’en ai testé plusieurs pour pouvoir affirmer ça. J’aime celui-là, non pas pour son café, mais parce que c’est un lieu intime, où les gens se retrouvent pour discuter, ou pour travailler. Pas de brouhaha, pas de mauvaise humeur. Juste un accueil chaleureux, et quelques habitués. Le serveur, à peine plus âgé que moi, me connaît par cœur à force de me voir ici tous les jours, c’est pourquoi il me sourit dès qu’il me voit entrer.
- Amyra ça fait plaisir de te voir. Je te croyais chez ta famille.
- J’y étais. Mais je passe le nouvel an ici pour faire découvrir New-York à ma meilleure amie.
Ses yeux vairons bien trop curieux se posent alors sur Zachary, qui lui, observe avec admiration les murs recouverts de vieilles affiches et de vieux articles de journaux. Le propriétaire de ce Café est un fan incontesté du rétro, ça se voit dès qu’on entre. C’est aussi un peu pour ça que j’aime tant cet endroit. Pendant les vacances d’été les serveurs portent même des patins à roulettes pour pouvoir parcourir la salle à toute vitesse.
- J’imagine que ce n’est pas lui Sofia, plaisante alors Steven en attirant enfin l’attention du concerné.
Il se croit drôle. C’est sûrement ça le plus inquiétant. Et j’essaie de ne pas trop l’encourager en général, mais là le visage perdu de Zachary me donne envie de sourire.
- Non lui c’est mon…
Je m’arrête en plein milieu de ma phrase. Qu’est-ce qu’il est ? Mon ex-petit-copain ? Mon ex-demi-frère ? Le garçon qui m’aime mais que j’ai bien trop peur d’aimer ? En tout cas pas un simple ami… Et comme si ça ne suffisait pas que je sois aussi confuse, Zachary me fixe à son tour, comme s’il attendait autant que Steven de connaître ma réponse. Je comprends qu’il veuille le savoir mais je ne sais pas quoi répondre.
- C’est…Zachary Collins.
Le visage de Steven se transforme totalement en une fraction de seconde. Afin de passer de la curiosité, à la stupéfaction. Bien sûr ! Pourquoi j’ai dit ça ?!
Évidemment qu’il connaît Zachary, je lui en parlais constamment avant de rencontrer Sandro, et Caly ne se gênait pas pour en faire autant. En fait il doit connaître ma vie tout entière. Je l’aime bien d’ailleurs parce qu’il sait et aime écouter les gens. Alors avant qu’il ne fasse une remarque qui me mettrait encore plus la honte devant Zachary, je pose mes mains sur les épaules du nouveau venu en ville pour le pousser vers une table en m’adressant à Steven à reculons.
- Deux chocolats chauds et moins de blablas s’il-te-plaît.
- Tout de suite patronne, confirme-t-il en me faisant un clin d’œil complice.
Je soupire en allant m’asseoir avec Zachary à une des tables hautes faces à la vitrine. Une des serveuses que je connais également vient ensuite nous apporter nos chocolats. Et je discute un peu avec elle de mon séjour à Shelter Meek. Je lui en ai déjà tellement parlé que c’est devenu sa prochaine destination de vacances.
C’est lorsque Steven la rappelle pour récupérer des commandes que je me retrouve à nouveau seule avec le gamin qui me regarde avec un sourire étrange sur les lèvres.
- Quoi ?
J’attrape mon chocolat chaud entre mes mains pour les réchauffer et en boire une gorgée qui diffuse une chaleur apaisante dans mon corps tout entier.
- C’est juste que tu connaissais aussi l’employé de la patinoire, tu as vraiment l’air différente ici.
C’est vrai que je suis devenue bien plus sociable depuis que je vis avec Caly. J’aime rencontrer de nouvelles personnes. Alors qu’autrefois, l’idée même de faire le premier pas vers quelqu’un était un réel cauchemar pour moi. C’est pour ça que Sofia était ma seule amie. Mais ici je connais un peu tout le monde. Et ça me plaît d’avoir mes petites habitudes.
Pourtant une fois nos boissons terminées, lorsque nous sortons dans la rue bondée de monde pour rentrer au loft, je vois à nouveau ce visage qui n’a rien à faire dans ce paysage magnifique. Il est un peu plus loin sur le trottoir d’en face, et il pense sûrement que je ne l’ai pas repéré. Un vrai travail d’amateur. Mais grâce à ça, je sais à présent que je n’étais pas simplement parano durant tout ce temps. Il me faisait vraiment surveiller…
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