CHAPITRE VI

Nous y voilà. L'anniversaire de Charlie. Cette année je ne vais pas culpabiliser de ne pas pouvoir être là. Comme toujours, Dorian organise une fête dans son jardin pour elle. Alors Sofia et moi y allons le plus tôt possible pour aider à tout installer. J’aimerais être reconnaissante envers elle de vouloir être présente pour Charlie, mais je la suspecte surtout d'être excitée à l’idée de venir uniquement parce que Mathéo sera là. Après tout c’est le grand amour entre eux. Elle parle de lui nuit et jour et passe tout son temps sans moi, avec lui. Mais je ne peux pas lui en vouloir. C'est sa première histoire depuis Mac et elle a l'air heureuse. J'aimerais que ça dure. Je lui souhaite en tout cas que ça dure.  
Lorsque je sonne à la porte de la maison des Collins, ce qui me fait toujours aussi bizarre puisque j’avais pris l’habitude d’entrer sans sonner, il ne doit s’écouler que deux ou trois secondes avant que cette dernière ne s’ouvre rapidement. Et mon cœur s’accélère considérablement quand je me retrouve face à Zachary Collins, encombré d’un énorme carton cachant presque son visage, qui m’aurait empêché de le reconnaître si son corps tout entier ne m’était pas si familier. Je ne suis pas stupide, je m’étais préparée à le revoir. Mais je ne pensais pas que ça arriverait si vite. Que ce serait la première personne sur qui on tomberait !
J'essaie de parler mais les mots restent coincés dans ma bouche. Impossible d'en prononcer un seul. Quand je regarde Zachary, tout ce à quoi je pense c'est notre baiser au parc. Et ces mots que Sofia a dit ce soir-là. Ces mots que je n'arrête pas de tourner et de retourner dans ma tête depuis. "Tu es toujours amoureuse de lui". C'est impossible. Pas après trois ans. Pas après m’être fiancée avec un autre. Pas après ce qu'il m'a fait. Et pourtant...une part de moi, ne peut pas s'empêcher d'y penser. Heureusement que Sofia est là pour m'éviter de passer pour une idiote. Parce que je suis une idiote !
- Salut Zachary, on vient vous donner un coup de main.
- C’est génial, nous remercie-t-il en posant son carton. Je crois que Mathéo a besoin d’aide dans le jardin.
Ma meilleure amie s'arrête aussitôt de parler en se tournant vers moi lentement. Comme pour s'excuser. Et il hors de question que je la laisse s’excuser de quoique ce soit, parce qu’elle ne fera rien du tout ! J'attrape son bras pour me mettre à chuchoter en affichant un faux sourire, supposé lui faire peur sans éveiller les soupçons de notre hôte.
- Sofia. Non.
Elle me fixe encore un instant, puis ses yeux se posent sur Zachary, et c'est là, à cet instant précis, que je vois la trahison dans son regard. Comme un feu ardent, dans lequel se jetteraient toutes ses promesses d’amitié. Tous ces principes qui sont la base de notre relation. Aussi vif que l’éclair, un baiser vient se poser sur ma joue, tandis que son bras parvient à se dégager de mon emprise durant cette distraction outrageante.
- Désolée, chuchote-t-elle à mon oreille avant de partir rapidement vers le jardin.
- Sofia !
Non mais quel âge elle a ? 10 ans ?! Je vais la tuer, je vais la réduire en un tas de…
Mes envies meurtrières disparaissent au moment où je remarque l’air moqueur de Zachary. Je fais exactement ce que je ne voulais pas faire devant lui. Ce que je m’étais jurée de ne pas faire. Ce que je m’étais entraînée à éviter.
Je me ridiculise.
Alors je me force à sourire, une dernière fois, et me glisse entre lui et la porte, en évitant tout contact physique avec ses pectoraux d’acier. Ce crétin ne bouge même pas pour me laisser passer !
- Je connais le chemin ! crié-je en me précipitant déjà vers la salle à manger.
J'entends la porte d'entrée se refermer derrière moi. Alors je marche plus vite pour enfin arriver dans le jardin. Charlie est en train de courir dans tous les sens en indiquant à ses esclaves du jour, c'est-à-dire son pauvre père, mon frère et les amis de Zachary venus aider, comment décorer les lieux. Elle me voit enfin alors qu'elle tirait sur le bras de Dorian pour qu'il l'écoute. Et à cet instant, elle abandonne absolument tout pour courir vers moi et me faire le plus gros des câlins. C’est une habitude qu'elle n'a pas perdue.
Je passe ma main dans ses cheveux en riant, puis je lui tends le cadeau que j'avais déjà acheté pour elle à New-York. J'ai découvert qu'elle aimait collectionner les coquillages depuis quelques temps. Alors j’ai choisi de lui offrir une boîte à musique pour qu'elle les range dedans. Elle a toujours voulu en avoir une mais on lui a toujours dit que c'était un objet d'adultes, par peur qu'elle n'en prenne pas soin et qu'elle la casse au bout de deux jours. Je pense qu'il est temps de lui faire un peu confiance. Même si je ne la considère toujours pas comme une adulte, parce que je n’ai aucune envie qu’elle en devienne une. Elle grandit déjà beaucoup trop vite. Je l'ai connu quand elle n'avait que deux ans. Et aujourd'hui elle en a neuf.
Elle me sourit, puis me remercie très rapidement avant d’aller ouvrir son cadeau dans le salon. L'objet est quand même assez lourd, elle ne peut pas le déballer ici. Je me relève au moment où elle part, pour entendre une voix surgir de nulle part derrière moi, me provoquant des milliers de frissons incontrôlables.
- Ça ne nous rajeunit pas tout ça hein ?
Zachary. Pourquoi il est toujours là où il ne devrait pas être ? Oui je lui en veux toujours de m’avoir embrassée. Je suis en colère parce qu’il n’avait aucun droit de faire ce qu’il a fait, et que ça ne m’a pas aidée à mieux comprendre où j’en suis.
Je fais donc mine de n'avoir rien entendu et me dirige vers Dorian qui essaie d'accrocher une banderole à la gouttière de la maison.
- Besoin d'aide ?
Il baisse la tête vers moi, me sourit quand il me reconnaît, et parvient enfin à accrocher la banderole avant de descendre pour me prendre dans ses bras. Je lui rends son étreinte avec joie. Lui et moi on se comporte vraiment comme un père et sa fille. Cette histoire de divorce ni change rien par chance.
- Je suis content de te voir Amyra. On est en plein régime totalitaire ici.
- Je vois ça.
Je regarde avec admiration le travail qu'il vient d'accomplir avec la banderole "Joyeux Anniversaire".
- Je vois que le temps qui passe te réussit. Tu deviens plus habile de tes mains.
Il me lance un regard à la fois amusé et à la fois…désapprobateur. Le genre de regard que me lance Caly lorsqu’elle a trop bu pour être de mauvaise humeur, et que je mentionne son âge.
- Et si tu allais aider ton frère ? rétorque-t-il en souriant.
- J'y vais.
Je lui fais un salut militaire, auquel il répond par un autre salut, puis je pars très vite aider Sébastian à gonfler les ballons. Il a l'air exténué. Déprimé. Essoufflé.
- Wow frangin garde un peu de dioxyde de carbone pour toi j'ai l'impression que je vais bientôt devoir t'emmener aux urgences.
Il lâche le ballon qu'il était en train de gonfler, qui se met à voler dans les airs quelques instants pour atterrir tristement dans le gazon. C’est supposé être un anniversaire, pourtant l’ambiance est semblable à celle d’un enterrement.
- Je suis là depuis seulement trente minutes. Trente ridicules minutes. Et j'ai l'impression que ça fait des jours. Je meurs de soif, je meurs de faim, je manque d'air, je fais une insolation et je ne sens plus mes lèvres !
Je ne peux pas m'empêcher de rire face à son état. On dirait qu'il vient de traverser un désert. Le pauvre. Je pose ma main sur son épaule afin de le réconforter en lui apportant un peu de chaleur humaine.
- Dorian a une pompe dans le garage. Je vais la chercher, toi va manger quelque fois, et refais le plein d’air. Je ne sais pas, mets-toi devant un ventilateur.
Il hoche très vite la tête, se dirigeant sans grand enthousiasme vers le buffet. Il me fait pitié. Mais je le comprends. Il passe déjà une grande partie de son temps avec des bébés chez notre père. Alors gonfler des ballons, changer des couches et jouer à des jeux d’enfants ça doit devenir lassant à la longue. Moi-même je redoute le moment où tous les petits monstres feront leur apparition. Je me dépêche donc d’aller dans le garage pour commencer à chercher la pompe qui doit être quelque part par-là, si Dorian ne s’en est pas débarrassé.
Au moins c’est toujours le bazar ici, je vais pouvoir retrouver mes repères. Les outils, les cartons, les vieux appareils…on dirait que le temps est resté figé ici.
- Est-ce que tu m'éviterais Amyra Salem ?
Mon corps tout entier sursaute aussi vite que mon cœur dans ma poitrine quand je me tourne vers l'imbécile qui vient de me surprendre, se trouvant très certainement drôle. Il est dans l'entrée du garage, bras croisés, contre le mur. Et pour la première fois depuis mon arrivée, je remarque que dans sa chemise noire et avec ces cheveux en bazar qui me font toujours autant craquer et qu’il a de toute évidence recoupé, il est vraiment…très sexy. Je dois lutter contre mon corps tout entier pour m'empêcher de montrer un quelconque signe d'attirance envers son physique de rêve.
- Non mais ça va pas ou quoi ?! Tu veux que je fasse une attaque ?!
- Pourquoi pas ? Au moins à l’hôpital je pourrais te rendre visite sans que tu ne trouves un moyen de me fuir.
Je fais semblant de ne pas comprendre ce qu'il me dit alors que je comprends chaque mot comme si j'étais un dictionnaire vivant.
- Je ne te fuis pas.
Je le fuis carrément !
- Vraiment ? Ce n'est pas ce que j'ai cru constater ces derniers jours.
Il se redresse pour faire un pas vers moi. Je n'aime pas ça…
- Je ne t'ai pas vu le lendemain de notre petite soirée.
- Je voulais passer du temps seule avec ma mère. Il n'y a rien de mal à ça.
Il continue d'avancer. Pourquoi est-ce qu’il continue d’avancer ?!
- Et dimanche matin quand je vous ai aperçues devant l'immeuble Sofia et toi, tu t'es dépêchée de partir dans l'autre sens.
- On était attendues chez elle, je ne voulais pas faire attendre sa famille.
Cette fois je fais un pas en arrière involontaire pour réduire la proximité. Je sais mieux que personne à quel point cette dernière peut devenir très dangereuse quand elle est créée par Zachary Collins.
- Charlie m’a dit que tu ne voulais pas que je vienne avec vous à la plage mardi.
Alors ça…je suis à deux doigt d’aller récupérer la boîte à musique que je lui ai offerte !
- J’avais peur que tu t’ennuies, et puis on n’est pas restés très longtemps ça ne servait à rien de se déplacer pour ça.
Il doit arrêter ce petit jeu tout de suite. Je dois lui dire d'arrêter !
Alors pourquoi je n'y arrive pas ?! Pourquoi je suis uniquement capable de reculer ?!
- Et mercredi soir quand Sofia nous a invité Mathéo et moi à vous rejoindre au club…tu étais déjà rentrée quelques minutes avant que j'arrive.
- J’avais passé une longue journée avec Sébastian, j’étais fatiguée.
Voilà que je me cogne contre le mur derrière moi comme une idiote. Évidemment, je devais me douter que reculer ne servirait à rien. Il y a toujours un foutu mur dans ce genre de situation ! Et le voilà, l’enfant, juste en face de moi, qui commence à rire.
Il pose sa main sur le mur à seulement quelques centimètres de mon visage pour se pencher un peu vers moi.
- Et là tu es sûre que tu ne me fuis pas Amyra Salem ?
Je dois me ressaisir. Je ne peux pas le laisser m'avoir une seconde fois comme ça. Son petit numéro a déjà marché il y a trois ans, et ça ne recommencera pas. Je ne suis plus cette fille. J'ai changé. J’ai grandi. J’ai mûri.
Alors je cherche en moi toute l'assurance que j'ai en stock, je me redresse, et je lui lance un regard de défi.
- Peut-être parce que tu n’arrêtes pas de me courir après Zachary Collins.
D’abord surpris, il se met à sourire avec fierté. Il aime que je me révolte. Il aime que je le repousse. Et s’il aime ça alors il en a de la chance, parce que je suis lancée.
- Tout ce que je constate dans ce que tu dis, c’est que tu n'as fait que me chercher toute la semaine.
Je me décolle du mur, posant mon index sur son torse pour le pousser jusqu’à ce qu’il se cogne contre la voiture derrière lui en riant face à mon audace. Je savais bien que je n'étais plus assez bête pour le laisser prendre le dessus sur moi sans me défendre. Je le regarde droit dans les yeux en souriant à mon tour.
- Et si tu veux tout savoir, si vraiment j'avais voulu t'éviter, ç’aurait été pour que tu ne me sautes pas à nouveau dessus.
- Pourtant ça ne t’a pas dérangé la dernière fois.
Son air arrogant m'énerve tellement ! Tellement que...que juste pour le faire disparaître, j'attrape le crétin par le col de sa chemise, je l'attire vers moi et je plaque mes lèvres contre les siennes sans qu'il n’ait le temps de le voir venir. Je l'embrasse comme jamais je n'avais embrassé avant. Je l'embrasse avec précipitation et aussi sauvagement qu'il le faisait à l'époque avec moi. Je fais glisser mes mains derrière son cou pour le coller un peu plus à moi et je pourrais presque jurer sentir son cœur battre à tout vitesse. A moins que ce soit le mien. En tout cas je ne lui laisse pas non plus le temps de réaliser ce qu'il se passe. Puisqu'au bout de quelques secondes, je sépare nos lèvres, ainsi que nos corps, pour finalement agir comme si ce baiser ne m'avait pas plus chamboulée qu'il ne l'a fait en réalité. Je crois que je ne sens plus mes jambes et que mon cerveau est sur le point d’exploser. Mais je suis satisfaite de ma performance, parce que son arrogance, est en effet partie sans laisser de trace.
- Tu ne m'as pas non plus repoussée, dis-je simplement en rejoignant la sortie tout en gardant la tête haute. Alors on est quittes.
Il n'a même pas osé prononcer le moindre mot. Il est resté figé. Comme moi il y a à peine quelques instants lorsqu'il me tenait prisonnière. J'ai très vite inversé les rôles. Je suis devenue forte à ce jeu ridicule auquel il joue toujours visiblement. C’est stupide. Je sais que l'embrasser n'était pas la meilleure méthode pour me débarrasser de lui, mais je n'ai pas réfléchi sur le moment. J'ai juste...agis. Et c’est ce qui me fait peur. Quand je suis avec lui je ne fonctionne plus comme je le devrais.
De retour dans le jardin, il faut bien que j’essaie de cacher mon excitation en rejoignant mon frère qui observe les ballons, dépité. Et il a l'air de l'être encore plus quand il me voit arriver sans…
- La pompe ?
Et merde. Bien joué Amyra. Et bien joué Zachary ! A cause de lui je vais devoir…mentir à mon frère. Je m’étais jurée de ne plus jamais le faire. Mais je ne peux pas lui dire ce qu’il vient de se passer. Il risquerait de faire un scandale et je refuse d’en provoquer un le jour de l’anniversaire de Charlie. Je déteste avoir à lui cacher des choses ! J’en ai presque la nausée.
- Je ne l'ai pas trouvée désolée. Mais je vais m'occuper des ballons. Sofia m’aidera ne t’en fais pas.
- D'accord.
Il part en traînant des pieds, me laissant sa chaise et un sac de ballon entier à gonfler. J'appelle de loin ma meilleure amie, qui, à contrecœur, délaisse enfin son amoureux pour venir me rejoindre et m'aider.
Cependant, arrivée à seulement un ou deux mètres de moi, cette dernière s’immobilise net, se penche légèrement en fronçant les sourcils comme intriguée, et se met à fixer un endroit spécifique de mon visage. Comme si j'avais un énorme bouton à la place du nez. Oh non. J'ai un bouton ? Une bestiole se promène sur mon visage ? Qu’est-ce que j’ai pour l’amour du ciel ?!
- Ton rouge à lèvres, m'annonce alors mon amie en commençant à sourire. Il déborde.
Mon rouge à…
Et. Merde.
Moi qui voulais à tout prix rester discrète. Heureusement que Sébastian était trop fatigué et agacé par ces fichus ballons pour le remarquer.
Et puis même s'il n'avait pas été dans cet état il n'aurait rien vu de toute façon. Le maquillage ne l’a jamais vraiment intéressé, il ne saurait même pas différencier un eye liner d’un mascara. Alors la façon dont je porte mon rouge à lèvres…
Je m'empresse quand même de sortir mon téléphone pour examiner mon reflet, et enlever le « rouge suprême » qui s’est étalé au-dessus de mes lèvres, sous le regard interrogateur de ma meilleure amie. Même si elle sait déjà parfaitement qui j’ai embrassé, je devine qu’elle ne lâchera pas l’affaire tant qu’elle ne saura pas quand et comment c'était.
Et comme j'aime la torturer un peu, lorsque je range mon téléphone dans ma poche je me contente de m'emparer d'un ballon pour le porter à mes lèvres. Sofia l'arrache de ma main en me fusillant du regard.
- Je ne poserai aucune question, mais je veux des réponses.
- Et moi je ne dirai rien. Sale harceleuse de vie privée.
Je prends alors un second ballon que je commence à gonfler comme le précédent. Ce qui rend folle ma meilleure amie qui l'attrape lui aussi en se mettant à me crier dessus comme une hystérique. Elle m’épuise. Elle m’épuise tellement...
Finalement la fête s'est bien passée. Il devait bien avoir une bonne vingtaine d'enfants, et Dorian a eu l’idée fabuleuse de louer un château gonflable qui a eu un grand succès. L'un des enfants s'est même improvisé videur de boîte de nuit. Ou plutôt de château gonflable. Il laissait entrer uniquement les enfants qui allaient lui chercher à boire et à manger au buffet. Une petite brute. Mais je crois bien que Charlie lui a tapé dans l'œil. Et réciproquement. Les mauvais garçons, on en croise toute un dans notre vie. Même si c'est assez ridicule et candide de ma part de croire ça, j'espère que celui-là sera le premier et le dernier qui croisera le chemin de ma gamine préférée. De toute façon, les prochains je m'en débarrasserai moi-même et discrètement. Sans témoins.
C'est quand je me surprends à être aussi protectrice envers Charlie, que je me mets à la place de Sébastian. J'ai toujours cru qu'il exagérait avec moi, mais il veut juste ma protection et je trouve ça adorable. D'ailleurs en parlant de mon frère, le voilà qui arrive avec Dorian, portant le gâteau de deux pièces, rose, décoré de dizaines de princesses. On aurait pu croire qu'à neuf ans elle aurait déjà oublié le rose, les paillettes et les contes de fées, mais non.
Tant mieux. Elle a encore du temps devant elle.
Comme à chaque fête d'anniversaire nous chantons à vive voix, pendant qu'elle souffle ses bougies, toute contente, sous les applaudissements du public, face à la caméra de Dorian qui lui pose la même question qui lui est posée chaque année sans exception :
- Alors qu'est-ce que ça fait d'avoir neuf ans ?
Je n’aime pas cette question. Je n'ai jamais compris son utilité. Ou plutôt, je n'ai jamais compris pourquoi les plus vieux la posent toujours. Certainement pour se moquer des réponses insouciantes des pauvres nouvelles victimes du temps qui ne réalisent pas ce à quoi elles devraient se préparer. Comme d'habitude, Charlie trouve ça génial de devoir y répondre, parce que pour elle ça signifie qu'elle grandit et qu'elle devient adulte.
J'allais rejoindre la petite pour la féliciter une fois le gâteau découpé, quand mon téléphone se met à sonner. Je réponds aussitôt que je voie le visage souriant de Caly s'afficher sur l'écran. Quand l’appel démarre je constate qu’elle est allongée dans le canapé du loft. Je suis sûre que si on retourne la caméra, on verra un énième verre de vin posé sur la table basse. Elle ne peut pas être dans le canapé sans en avoir un à proximité.
Je suis heureuse de lui parler. On ne s’est appelées que deux fois depuis mon arrivée ici. J’ai donc pu lui faire un résumé assez fourni de la situation. Le divorce, la présence de ma grand-mère, le nouveau comportement de ma mère, la vie avec Sofia, et surtout...tout ce qu'il y avait à dire sur Zachary.
- Mon ange c’est quoi cette tête fatiguée ? commence alors ma tante en rapprochant le téléphone de son visage pour m’étudier. Tu dors assez ? Tu manges bien ? Tu as des cernes horri…
- Oui ça me fait aussi plaisir de te voir. Tu ne t’ennuies pas trop j’espère.
- Qui ça ? Moi ? Tu sais bien que je fais peur à l’ennui.
Bien sûr. C’est pour ça que quand elle ne travaille pas, elle passe son temps avachie dans le canapé à se plaindre que sa vie n’a aucun sens. C’est vrai que c’est difficile de ne simplement rien faire pour quelqu’un dont le travail et de ne jamais faire du sur place.
- Je viens d’avoir ta mère au téléphone. On s’est mises d’accord pour que je vienne passer le nouvel an à Shelter Meek avec elle.
- Génial ! réponds-je folle de joie à l’idée de sa venue. Toutes les femmes de la famille réunies sous le même toit.
Y compris ma grand-mère cette fois.
- Toutes sauf toi.
Et ça y est je ne comprends plus rien. Pourquoi je ne serais pas là ? Elles ont décidé de me bannir à tout jamais de toutes les fêtes familiales ?
- Comme je ne serai pas là, ça te dirait de passer le nouvel an à New-York avec Sofia ? Je vous laisse le loft. Et je vous offre les billets d'avion avec la prime de dingue que mon patron vient de me donner !
C’est à ce moment-là que je dévoile toutes mes magnifiques dents blanches à ma tante. J'attends le moment d'inviter Sofia à New-York depuis tellement longtemps ! Les billets sont si bons marchés qu’elle aurait pu venir tous les mois si elle le pouvait. Mais l’occasion ne s’était jamais présentée jusqu’à maintenant. Quand elle était en vacances, Caly et moi étions en déplacement, et qu’on enfin on était à New-York, elle était coincée dans une salle de cours. Mais pour le nouvel an ce serait…parfait ! Je sais que j’étais supposée passer les fêtes ici, mais ça sera l’histoire de quelques jours seulement. On reviendra à Shelter Meek tout de suite après puisque j’ai déjà mon billet retour pour rentrer chez moi après mes vacances. Ce sera un petit détour. J’ai l’habitude de ce genre de choses à force de voyager à tout va avec Caly. Alors…oui j'accepte immédiatement !
- Évidemment que ça me dirait ! Ce serait génial !
- Tant mieux. Parce que c’est ton cadeau de Noël de cette année. Et comme c’est autant chez toi que chez moi, tu peux évidemment inviter d’autres personnes. Mais si tu casses, tu rembourses.
- Compris.
Je ne vois pas qui je pourrais inviter d'autre. Sébastian a déjà prévu de passer le nouvel avec des amis.
Je pense que je vais éviter de préciser à Sofia qu’elle peut emmener quelqu’un, sinon elle va tout de suite proposer à Mathéo de venir. Et emmener Mathéo revient obligatoirement à emmener Zachary. Ce qui est totalement exclu. Non je n’inviterai pas mon ex à fêter la nouvelle année chez moi. Surtout que je me souviens encore parfaitement de la nuit du 31 décembre d’il y a trois ans que j’avais passé avec lui.
Chaque parcelle de mon corps s’en souvient encore à vrai dire…

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