CHAPITRE IV

Je sors de l'ascenseur en tentant de me ressaisir un peu tout en étant consciente que ça va être difficile de le faire. Je n'arrive pas à croire que j'aie pu laisser Zachary m'embrasser. Le premier soir de mes vacances ici. Et puis même, ce n'est pas le plus grand problème, je n'aurais jamais dû le laisser faire premier soir ou non. Je n’aurais jamais dû…
Je dois en parler avec Sofia. Je suppose qu'elle doit toujours être au bar puisqu'elle ne répond pas au téléphone. Alors je prends dans mon sac, le double des clés de son appartement qu'elle m'a donné, et j'entre.
La pièce est plongée dans le noir, mais en tâtant un court instant le mur je parviens enfin à allumer la lumière. Pour faire tomber mes clés sur le sol en voyant ma meilleure amie et le coloc de Zachary, à moitié nus dans le canapé en train de se rouler des pelles. Ils me voient au même moment, et Sofia qui était alors sur lui, tombe soudain du canapé en poussant un petit cri de surprise. Je n'arrive pas à y croire. De là je peux voir le tatouage tribal situé sur le bas du ventre de Mathéo, un peu trop près de son pantalon…
Ma main se hisse aussitôt devant mes yeux. Je me retourne comme si ça allait changer quelque chose à l'image traumatisante que je viens de voir.
- Je…vais prendre une douche.
Et je me précipite vers la salle de bain sans attendre une seconde de plus. Une fois enfermée à l'intérieur, je commence à me lancer des insultes silencieuses face au grand miroir, avant de me coller à la porte pour attendre d’entendre la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer. Je choisis ce moment pour ressortir en posant mes mains sur mes joues et en lançant un regard navré à ma meilleure amie qui s'est maintenant rhabillée.
- Je suis désolée Sofia si j’avais su...enfin je...
On se regarde pendant un instant toutes les deux sans prononcer un seul mot. Et puis Sofia se met à sourire, ce que je fais à mon tour, pour qu’on explose finalement de rire en même temps. Je savais que cohabiter avec elle allait être une sacrée affaire mais je ne pensais pas que ça serait aussi...
Je vais m'asseoir sur une chaise de la table à manger après avoir ramassé les clés sur le sol pour essayer de me remettre de mes émotions et me calmer. Elle, va s'appuyer contre le fauteuil en commençant à me fixer bizarrement. Je sais pourquoi. Cette histoire m'a fait oublier pendant quelques secondes ce qu’il s'est passé avec Zachary au parc, mais maintenant que ça m'est revenu, mon sourire s'est effacé d'un coup. Je m'en veux tellement.
- Ça va ? m'interroge mon amie inquiète.
- Je n'en sais rien.
Je n'ose pas vraiment la regarder dans les yeux, alors elle vient se mettre à genoux juste devant moi en posant ses mains sur mes cuisses et en me souriant.
- Dis-moi tout. Il s'est passé quoi avec Zachary ?
Comment dire ça sans que je ne passe pour une imbécile de première ? Je sais que c'est inévitable que je me fasse réprimander, mais après tout, cacher quelque chose à Sofia, est une bien trop mauvaise idée. Surtout si je dois passer chaque jour de ces prochaines semaines avec elle.
- Je crois que...qu’on s'est embrassés.
Mon amie a l’air partagé entre sourire de toutes ses dents, et froncer les sourcils de mécontentement. Elle est complètement perdue.
- Tu crois ?
- Il m'a embrassé. Et je ne l'ai pas tout de suite repoussé. Pas du tout même.
Elle se met à rire en me donnant un coup dans le bras.
- Amyra !
- Je sais !
Je me relève en soupirant pour faire les cent pas dans la pièce. J’ai l’impression que ma tête va exploser. J’ai l’impression que mon cerveau est en surchauffe. Pourquoi ça m’arrive toujours à moi ce genre de choses ?
- Je sais que c'est mal, que je ne dois pas laisser ce qui est arrivé il y a trois ans se reproduire, qu'il m'a fallu des mois et des mois pour oublier la douleur qu'il m'a causé et surtout que je ne peux pas lui faire confiance. Et je sais aussi que je suis supposée être une adulte maintenant et que je n'ai aucune excuse pour ça aujourd'hui mais je...on était dans le parc, seuls, on venait de parler de mariage, je me suis mise à lui crier dessus et il m'a attrapée avec une telle fermeté que je…
Je m'arrête dès que je vois mon amie lever les yeux au ciel. Je croise donc les bras, contrariée par un tel manque de tact de sa part.
- Quoi ?
- Tu es toujours amoureuse de lui.
Alors là c'est la chose la plus absurde que j’aie jamais entendu. Je ne peux pas être amoureuse de Zachary. Je ne peux plus.
- C'est n'importe quoi, me contenté-je de répondre. Je te croyais plus intelligente que ça mais visiblement l'alcool te monte à la tête.
- Ouais et il est beaucoup monté à la tienne aussi chérie.
Comme elle continuait d'afficher un sourire moqueur qui m'énervais au plus haut point, je m'apprêtais à utiliser toute la répartie sarcastique que j'avais en stock, avant de me rendre compte qu'il était déjà tard et inutile de chercher à discuter de ce genre de choses avec elle. Elle est bien trop bornée à cause de ses satanés romans à l'eau de rose qui déjà à l’époque n’ont fait que m’attirer plus d’ennuis ! Alors je tourne simplement les talons, et me dirige vers la salle de bains à nouveau.
- Je vais vraiment prendre une douche cette fois. J'espère que quand je serai sortie tu auras éloigné de ton esprit toutes ces idées complètement stupides de ta tête.
- Comme tu veux.
Je l'entends sourire même dos à elle. Alors je m'enferme dans la salle de bains et ouvre l'eau pour commencer à la faire chauffer. Mais en m'asseyant sur le rebord de la baignoire je réalise une chose que je déteste réaliser.
Sofia n'a pas complètement tort…

Le lendemain nous décidons de ne plus en parler. Sofia me connaît assez pour savoir que je me déteste déjà assez d'avoir laissé Zachary m'embrasser, alors en parler en étant sobre, même pas en rêve. A la première heure, je me suis précipitée chez ma mère. A son bungalow. Sofia m'a donné l'adresse, puisqu’apparemment elle est allée lui rendre visite une fois pour prendre de ses nouvelles. L'endroit est plutôt calme. Assez éloigné de la ville et près de la forêt. En faisant quelques pas on peut facilement se retrouver cerné par des dizaines d'arbres gigantesques à perte de vue.
Il y a plusieurs autres bungalows identiques là où est situé le sien. Ce sont de petites maisonnettes en bois assez rustiques avec des fenêtres rondes et un porche. C'est exactement le style de ma mère, elle a toujours aimé la simplicité, c'est pourquoi je suis certaine qu'elle n'aimerait pas notre loft à New-York. Mais je ne suis pas venue pour admirer le paysage. Je dois trouver le bungalow numéro quatre. Qui par miracle, est juste en face de moi. Je m'approche donc lentement comme pour retarder le moment de voir ma mère, frappe enfin à la porte, et quand enfin elle s'ouvre…ce n'est pas elle que je vois.
C’est ma grand-mère. Que je n’avais pas vu depuis bien trop longtemps. J'ignore ce qu'elle fait là, mais je suis trop heureuse de la voir pour ne pas la prendre dans mes bras. Ce qui est apparemment aussi son cas.
- Amyra comme tu es grande.
- Grand-mère mais qu’est-ce que tu fais là ?
Je continue de la serrer contre moi avant de voir ma mère sortir d'une pièce et se figer en me voyant. Évidemment elle doit se demander comment j'ai fait pour la retrouver. Pendant très peu de temps en tout cas, car la réponse lui apparaît comme une évidence.
- Sofia ne peut définitivement pas tenir sa langue, soupire-t-elle exaspérée.
Elle aurait dû le savoir. Je me sépare de ma grand-mère toujours en lui souriant, puis je m'avance lentement vers celle qui ne bouge toujours pas. Je ne sais pas si elle est heureuse ou triste de me voir. Alors je dis la seule chose que je me répète depuis hier. Lorsque j'ai parlé avec Dorian. La seule chose qui m’obsède et qui m’a tenue éveillée une grande partie de la nuit, une fois assez dessoulée pour y repenser.
- Je suis désolée maman.
Elle voit bien que je suis sur le point de craquer. Elle me connaît. Oui j’ai beaucoup changé depuis la dernière fois qu’on s’est vues, mais elle me connaîtra toujours mieux que n’importe qui. Malgré le temps qui passe. Alors enfin, elle accourt vers moi pour m'attirer contre elle et m’étreindre comme seule une mère pourrait le faire.
Je pleure ça y est. Je m'étais pourtant jurée de ne pas le faire pour ne pas inquiéter ma mère plus qu'elle ne l'est déjà. Mais c'est plus fort que moi, je me sens responsable de tout ça. Si je n'étais pas partie, tout aurait pu être différent. À ce moment-là je voulais simplement penser un peu à moi puisque je n'avais fait que penser aux autres, avant ça. J'ai été égoïste. Je n'ai pas pris en compte ce que pensait ma mère, ni mon frère, ou ma meilleure amie. J'ai agi sans réfléchir. Et même si ces trois années ont été formidables pour moi, ça n'a pas été le cas pour les autres et je n'aime pas ça.
Je passe un assez long moment dans les bras de ma mère. Après quoi, la sienne décide d'aller nous préparer une citronnade pour nous laisser seules toutes les deux. Nous nous installons donc dans le canapé. C'est plutôt grand ici. Il y a un salon assez spacieux, sans télé bien sûr afin de renouer un peu le contact avec la nature tout autour, la cuisine juste à côté il me semble, une chambre et une mezzanine. Ma mère doit se sentir bien ici, on se croirait dans une de ces tentes dans Harry Potter, c’est bien plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur.
- Chérie pourquoi tu t'excuses ? me demande ma mère en souriant presque amusée.
- Si je n’ai rien à voir avec ton divorce alors pourquoi tu ne m’as rien dit ?
Elle ouvre la bouche un instant comme pour parler, puis la referme et baisse la tête. Elle cherche ses mots, ce qui ne me rassure pas plus.
- Bon d'accord, reprend-t-elle, alors premièrement tu n'as rien déclenché. Dorian et moi on s'est éloignés, ça arrive à tout le monde, ça ne signifie pas que c'est ta faute. Avant même ton départ, on était beaucoup trop pris par le travail pour ne serait-ce que sortir tous les deux. Alors oui, ton frère et toi avez créé un vide dans la maison qui ne pouvait plus être comblé, mais si on y avait mis du notre, on aurait surpassé ça comme un couple normal. On aurait aussi surpassé le départ de Zachary, on aurait surpassé le retour de son ex-femme…
Elle attrape ma main pour la caresser avec son pouce et me sourit, à nouveau, mais cette fois tristement.
- Je ne t'ai rien dit, parce que je sais à quel point tu es attachée à Dorian. Tu as tellement souffert quand ton père et moi avons divorcé. Je ne voulais pas que tu m'en veuilles de te faire perdre un second père.
Je vois ses yeux devenir humides, mais elle continue de me sourire pour me rassurer. Elle est tellement forte c'est incroyable. Même maintenant, elle veut uniquement me rassurer alors qu'elle est celle de nous deux qui souffre le plus. Lui en vouloir ? Comment je pourrais lui en vouloir ? Ce n'est pas comme si elle divorçait de Dorian par simple méchanceté ou que je le perdais pour de bon. Je sais que lui et moi on restera proches. Et puis ce qu'elle dit est ridicule.
- Maman ne soit pas idiote, bien sûr que je tiens à Dorian, mais je tiens encore plus à toi. Je t'en veux surtout de ne pas m'avoir laissé être là pour toi.
Elle rit doucement en posant sa main sur ma joue pour pouvoir examiner attentivement mon visage. Comme si elle y cherchait encore quelques traces de la petite fille innocente que j'étais.
- Chérie c'est mon rôle de prendre soin de toi. Je suis ta mère.
- Non tu as tort. L'amour ça va dans les deux sens sinon ça ne sert à rien.
Cette fois-ci, je vois de la fierté dans son sourire.
Mais nous sommes très rapidement interrompus quand quelqu'un se met à frapper à la porte. Je me doute bien de la personne présente derrière cette dernière que ma mère s'empresse d'aller ouvrir. Un doute qui se confirme lorsque mon frère apparaît, un bouquet de fleurs à la main. C'est dingue mais depuis son coming-out je le sens plus serein. Il a terminé sa période d'adolescent dérangé qui passe tout son temps dans sa chambre, et qui est sans cesse désagréable avec tout le monde. Maintenant il sort, il rit, il fait tout ce que je ne pensais plus le revoir faire. Je suis heureuse pour lui. Et pour moi, puisque j'ai retrouvé mon grand frère. Qui lui non plus n'était pas au courant pour le divorce. C'est moi qui lui ai appris hier au téléphone quand Sofia se préparait pour qu'on sorte rejoindre les garçons. Et comme on devait se voir aujourd'hui, j'en ai profité pour lui donner l'adresse de notre mère. Qu'on puisse se retrouver ici.
Je me lève pour aller les rejoindre, et dès qu'il lâche notre mère, il s'approche de moi pour m’attraper avec force et me serrer comme si j’étais un ours en peluche. Je suis aussi heureuse de le retrouver. Même si lui, je l'avais déjà vu il y a quelques mois contrairement aux autres, il m’avait beaucoup manqué. Il adresse finalement à ma mère un regard sévère et accusateur une fois séparé de moi, qui contraste parfaitement avec celui qu’il arborait il y a seulement deux secondes.
- Il va falloir qu’on parle.
- Pas avant d’avoir bu votre citronnade, déclare l’aînée de la famille en sortant de la cuisine un plateau à la main.
- Grand-mère ? s'étonne Sébastian un grand sourire aux lèvres.
Il l'aime autant que moi. Elle a toujours été adorable avec nous. Une vraie mamie gâteau. Même si on ne la voyait pas souvent. Je crois que concernant Caly et elle, on peut bien dire telle mère, telle fille. Et nous passons ainsi toute la journée ensemble, en famille. A midi, notre grand-mère nous prépare un repas "digne de ses petits-enfants". C'est-à-dire un assortiment de plusieurs plats, très bourratifs, dont elle aime nous partager les recettes. On se croirait à Noël à chaque fois avec une table aussi remplie.
Et l'après-midi se déroule aussi dans la bonne humeur. Jeux de sociétés, ou simples discussions autour d’un bon thé, quelques plaisanteries par-ci par-là...une vraie journée de campagnards éloignés de toute technologie. Ça me fait plaisir. Ça me permet d'oublier la catastrophe qui a eu lieu hier soir. Je me demande toujours ce qui m'a pris. Dès que cette pensée m'est revenue, je suis allée m'asseoir dans les escaliers, sous le porche à l'entrée de la maison, afin de m'aérer un peu l'esprit. Et Sébastian ne tarde pas à venir me rejoindre pour s'asseoir à côté de moi, l’air soucieux.
- Comment ça va toi ?
Lui dire ou lui mentir ? Lui dire reviendrait à signer l'arrêt de mort de Zachary, et le mien par la même occasion. Mais d'un autre côté, j'ai arrêté de lui mentir il y a longtemps, quand j'ai réalisé que c’étaient les secrets qui gâchaient tout entre nous. Je lui ai caché pour Zachary, résultat il a invité sa deuxième copine en me cachant son existence. Et surtout, il a souffert de me cacher son homosexualité trop longtemps, en pensant ne pas pouvoir me faire confiance. Je ne veux plus de ça entre nous. Je veux qu'il sache qu'on peut compter l'un sur l'autre. Ce qui veut dire que je dois être honnête et transparente avec lui.
- Zachary m'a embrassée hier soir.
Il est aussi choqué que la fois où je lui ai appris que je sortais avec notre demi-frère. Ce qui est compréhensif puisque je viens de lui dire que ce dernier m’a également embrassée pas plus tard qu’hier. Pourtant je ne peux plus m’arrêter de parler.
- Et il se pourrait que je n’aie pas cherché à le repousser.
Il faut quelques secondes de pause à mon frère pour avoir une réaction que je crains plus que tout. La colère ? La déception ? L’enthousiasme ? Si c’était possible…
- Non mais à quoi tu pensais ?
L'agacement. Ce n'est pas la meilleure qu'il pouvait avoir mais ça me suffit. Tant qu'il n'explose pas de rage et qu'il ne monte pas dans sa voiture pour aller casser la figure à Zachary tout est bon à prendre. Je ne réponds pas bien sûr, puisque ça ne servirait qu'à aggraver la situation.
- Et cet italien ? poursuit mon frère sans réaliser ce qu'il vient de dire. Tu l'as déjà oublié ?
Je ne peux pas croire qu'il ait sorti ça comme ça.
- C'est injuste Sébastian.
Il baisse la tête en se calmant légèrement face à ma déception. Comment peut-il se permettre d’utiliser Sandro contre moi dans un moment pareil ?
- Je suis désolé.
Au moins il réalise qu'il est allé trop loin. C'est déjà ça. Quand je dis qu’on a progressé. Pourtant…
- Mais te jeter dans les bras de ton ex c’est…
- Ce n'est pas ce que je fais ! J'avais juste un peu trop bu et je...je sais que je n'aurais pas dû laisser les choses se faire. A partir de maintenant c'est fini.
Plus de Zachary.
Comment j'ai pu être bête au point de croire que j'allais être débarrassée de lui aussi facilement ? Surtout en sachant que ma meilleure amie, chez qui je vis en ce moment, dans le même immeuble que lui, aurait pu s'envoyer en l'air avec son colocataire hier soir si je n'étais pas arrivée à l'improviste. Et je pensais que cette affaire était classée d’ailleurs, mais non. Elle le revoit ce soir…
Et c’est justement le soir quand je m'apprête à partir de chez ma mère que je reçois un message de Sofia qui me propose de venir avec elle parce que je cite "ton irrésistible amour de jeunesse sera là lui aussi". C'est ça oui, comme si j'allais me pointer au même endroit que lui après ce qui est arrivé. Je refuse poliment l'invitation en décidant de dormir chez ma mère cette nuit. Histoire de ne pas avoir de surprise sur le canapé en rentrant à l'appartement. Et même si mon amie me fait la morale pour ce refus, elle l'accepte très vite et va rejoindre son beau Mathéo sans moi.
Je passe donc la soirée avec ma mère. Sébastian est reparti il y a une heure, il est aussi hébergé par un de ses amis. Et ma grand-mère est rentrée à son hôtel. Je sais que c'est ridicule, mais cette soirée seule avec ma maman, c'est tout ce dont j'avais besoin. Et puis j'ai un tas de questions à lui poser.
- Alors qu’est-ce que tu vas faire quand le divorce sera officialisé ?
Elle doit réfléchir un court instant, avant de sourire enfin avec confiance.
- Je vais démissionner.
Quoi ?! Je ne m'attendais pas à quelque chose de si radical. Elle va quitter son travail ? Pourquoi ? Aussi vite ? Je croyais que ça lui plaisait pourtant.
- Comment ça tu vas démissionner ? Mais l'archéologie c'est toute ta vie.
- Oui c'est vrai. Et je crois bien que ma vie a besoin de quelques changements.
Elle se met à me sourire avec l'enthousiasme d'une petite fille que je ne lui reconnais pas, des étincelles pleins les yeux.
- J'ai en assez de rester sur place. Ça me tue de le dire mais ta tante avait raison. J'ai besoin de voyager sans rester dans le même hôtel pendant une semaine entière accrochée à mon ordinateur.
Elle se lève subitement pour se mettre debout sur le canapé et ouvre ses bras en riant.
- J'ai besoin de profiter de la vie ! De m’amuser ! De vivre une dernière histoire torride avec un homme avec qui je serais vraiment comblée !
OK. Ce dernier détail ne m'était pas indispensable. Mais je ne l'avais jamais vu comme ça avant. Aussi heureuse. On dirait qu'un poids vient de lui être retiré. Je crois bien que celle qui se tient devant moi, c'est la femme qu'au fond j'avais toujours espéré qu’elle deviendrait un jour. Libre. En fait, même si habituellement elle et Caly ne se ressemblent pas du tout, à ce moment précis je vois parfaitement bien la ressemblance. Elle attrape mes mains pour me tirer et me mettre debout à mon tour.
- Si tu savais comme j'ai hâte de commencer ma nouvelle vie ma chérie.
- Crois-moi je l'imagine très bien.
Nos rires envahissent la pièce et je saisis très vite mon téléphone pour mettre de la musique à fond. Du Cindy Lauper pour ma mère évidemment. C'est le genre de choses que j'ai déjà faites des centaines de fois avec Caly. Quand on s’ennuie parfois ou qu’on a trop abusé de l’alcool, on se met à danser et à hurler comme deux hystériques dans le loft. Mais si on m'avait dit un jour que je le ferais avec ma mère, j'aurais ri.
Nous dansons toujours quand la porte s'ouvre sur ma grand-mère qui se met à nous regarder avec stupéfaction. Elle vient sûrement reprendre son porte-monnaie, elle l'a oublié ici en partant tout à l'heure mais on pensait qu’elle le récupérerait demain, pas ce soir !
- Seigneur mais qu'est-ce que vous faites ? nous interroge-t-elle en riant.
- On danse ! s'écrie ma mère. Viens avec nous !
Ma grand-mère obéit tout en riant toujours. Avec un peu d’aide de notre part, elle parvient à se hisser sur le canapé, pour se mettre à danser à son tour. J'ai assisté à pas mal de fêtes dans ma vie. Des fêtes de lycéens, des soirées importantes auxquelles je devais assister avec ma tante dans les endroits les plus festifs du monde... Mais ce moment les surpasse toutes sans hésiter. Ma mère est heureuse, tout comme ma grand-mère que je n'avais pas vu depuis des années. Alors je ne peux que l'être également.

Ma mère me réveille vers 9h en caressant mon front avec un grand sourire aux lèvres. Quand je me redresse à moitié éveillée, elle attrape une tasse sur la table de nuit pour me la tendre. Du café. Elle me connaît trop bien. J'en bois une grosse gorgée qui me brûle la langue mais ça m'est égal. Sans mon café du matin je peux être un vrai petit monstre. Elle m'annonce ensuite qu'elle a préparé le petit déjeuner avant de redescendre pour me laisser le temps de me réveiller complètement.
J'ai dormi dans la mezzanine. Je pensais que ça serait plus difficile mais en fait pas du tout. Je dis ça parce que quand j'étais petite, mon frère me racontait toujours des histoires terrifiantes pour pouvoir avoir les mezzanines pour lui tout seul. Il me disait que c'était l'endroit préféré des fantômes, des mauvais esprits, et qu'il était le seul capable de communiquer avec eux. Et croyez-moi, quand c'est Sébastian qui raconte une histoire de ce genre, on ne peut que le prendre au mot et être traumatisé à vie. Je suppose que c'est la superbe soirée que j'ai passé qui m'a empêché de penser à toutes ces histoires flippantes. J'espère que Sofia aussi s'est amusée de son côté, mais comme elle n'a pas répondu quand je l'ai appelée avant de me coucher hier soir, je pense que ç’a dû très bien se passer. D'ailleurs je reçois des messages d’elle à l'instant où je pose un pied hors du lit.
De Sofia : C'était génial !!!!
De Sofia : Je crois que Mathéo est totalement dingue de moi, je te raconterai tout quand tu seras rentrée.
De Sofia : J’espère que tu t'es amusée chez ta mère.
Je réponds rapidement en souriant avant de descendre dans la cuisine. Une bonne odeur de pancakes flotte dans l'air. J'adore les pancakes de ma mère. Depuis que je suis toute petite. Et je crois bien que le talent culinaire est l'une des seules choses que je ne peux pas envier à Caly. Elle est vraiment nulle, à chaque fois soit c’est à moi de cuisiner, soit on commande des pizzas. Je suis soulagée d'enfin manger de la bonne nourriture. Parce que je sens que l'habitude que j'ai prise avec Caly, je vais la redécouvrir avec Sofia durant mon séjour chez elle. Mais je n'ai pas le droit de m'en plaindre non ? C'est bien assez adorable de sa part de m'accueillir chez elle.
- Tu as déjà planifié ta semaine ? me demande ma mère en me servant une assiette débordante de pancakes et de sirop d'érable.
- Non mais je ne pense pas que ça va être de tout repos.
Et en disant ça innocemment, je ne me doutais pas que j'avais totalement raison.

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