Chapitre XII
Je sors de la salle de bain des parents en séchant mes cheveux puisque Sébastian a monopolisé celle du couloir. Pendant ce temps je suppose que ma mère et Dorian ont nettoyé le massacre dans la salle à manger. C'était vraiment drôle même si ça n'a pas duré longtemps. D'un côté, je ne peux toujours pas me vanter d'avoir enfin eu un repas de famille normal puisqu'à mon avis, aucune autre famille ne fait de bataille de nourriture le soir de la veille de Noël. J'ai enfilé une nouvelle robe noire à fleurs rouges qui j'espère survivra à la soirée parce que c'est ma préférée. J'entre dans ma chambre en attachant mes cheveux pour me faire une queue de cheval quand je suis interrompue par Zachary qui frappe à la porte. Je me demande bien ce qu'il fait ici. Pourtant j'ignore du mieux que je peux ma curiosité, et je continue de me regarder dans le miroir pour m'assurer que je suis bien coiffée sans prononcer un seul mot.
- C'était un sacré numéro ce que tu nous as fait, me félicite-t-il en s'appuyant contre le mur.
Je le regarde dans le miroir sans me retourner et lui adresse un regard surpris. Ça m'étonne qu'il me le dise ça, même si je me doutais bien que ma diversion lui avait plu.
- Tu veux dire que tu as remarqué que j'existais ? Waouh je ne pensais pas que ça serait possible.
Il sourit et entre dans la chambre en refermant la porte derrière lui. Je n'aime pas qu'il fasse ça mais je ne l'arrête pas parce que je meurs d'envie de me retrouver seule avec lui dans une pièce depuis des jours. C'est mal non ?
- C'était difficile de ne pas te voir dans cette robe rouge sexy. Et ça l'est encore moins maintenant avec celle-là.
Je souris à mon tour et me retourne enfin. Il est aussi fort pour m'agacer que pour me complimenter. Je n'arrive pas à croire que je tombe à chaque fois dans son panneau sans au moins essayer d'y résister un peu. J'aimerais pouvoir lui résister.
- A partir de maintenant je vais m'habiller comme un garçon manqué alors.
- Je pense que là aussi tu serais sexy Amyra Salem.
Quel beau parleur ! Je cache un léger rire puis je vais vers mon bureau pour prendre mon téléphone qui était resté ici pendant tout le repas, ordre de ma mère. J'ai des messages de Sofia qui se plaint de son oncle Gus qui continue de faire des siennes, comme à chaque repas de famille et encore plus quand il s'agit de grandes occasions. Pour une fois je n'aimerais pas être à sa place, je suis très bien avec ma famille cette année. Et puis je remarque l'heure tout en haut de l'écran. Il est 00h02. C'est officiellement Noël. Je souris en me retournant vers Zachary.
- Tu as vu l'heure qu'il-
Je m'arrête de parler comme immobilisée, dès que je me rends compte qu'il s'est approché de moi en douce et que je me retrouve pour la énième fois trop près de lui. Il porte toujours ce foutu smoking qui le rend tellement irrésistible et qui a de toute évidence survécu à l'attaque du repas par je ne sais quel miracle. Il me regarde avec tellement d'intensité que...je fonds. Ou plutôt je deviens complètement muette, aucun mot n'arrive à sortir de ma bouche pendant que je lutte pour ne pas regarder la sienne. Lui, a l'air plutôt calme. Il sort de la poche intérieure de sa veste une boîte bleue nuit rectangulaire entourée d'un ruban rouge et me la tend.
- Joyeux Noël Amyra Salem.
Je regarde la boîte surprise voir presque choquée. Je m'attendais à tout sauf à ça. Zachary Collins qui m'offre un cadeau. C'est nouveau ça. En plus je crois bien que c'est la première fois que je reçois un cadeau de Noël de la part d'un garçon. C'est pourquoi je pose cette question stupide que je regrette de poser à l'instant où elle sort de ma bouche :
- C'est pour moi ?
Il rit en levant les yeux au ciel et je me rends compte que je n'aurais pas dû lui demander ça. Évidemment que c'est pour moi je suis vraiment trop bête. Résultat ça l'amuse.
- Si tu n'en veux pas je trouverai bien quelqu'un d'autre qui en voudra.
- Non je...je ne veux pas...enfin je veux dire si je le veux. C'est juste que je ne pensais pas que...laisse tomber.
Je me mets à bégayer. Génial. Il a l'air de plus en plus exaspéré alors je me dépêche de m'emparer de la boîte pour faire glisser le ruban délicatement. Et une fois ouverte, je découvre à l'intérieur un collier en argent avec un pendentif en forme de flocon de neige magnifique. Il est incrusté de petits diamants qui brillent de mille feux. Je suis émerveillée devant le bijou sublime que je ne pensais pas trouver à l'intérieur. Je m'attendais à quelque chose de simple ou bien à une blague débile du genre une boîte vide. Mais non, il a vraiment fait un effort pour moi. Cette simple idée m'amuse et me touche en même temps.
- Il te plaît ? s'impatiente Zachary qui a presque l'air nerveux. Tu sais je ne suis pas très doué pour offrir des cadeaux aux filles alors-
- Je l'adore.
Je ne l'ai pas laissé finir sa phrase, tout simplement parce que je la trouvais absurde. Bien sûr qu'il est doué. Son cadeau est vraiment trop beau pour ne pas être aimé, je crois que jamais on ne m'avait un bijou aussi étincelant auparavant.
- Il est magnifique.
Je le regarde en souriant et je vois du soulagement mélangé à de la fierté dans son regard. Est-ce que Zachary Collins avait vraiment peur de m'offrir un cadeau ?
- Cool tant mieux, déclare-t-il sur le ton le plus naturel possible. Tu veux que je t'aide à le mettre ?
Je sais mettre un collier toute seule. Mais j'accepte tout de même en lui tendant la boîte pour ensuite me retourner. Je ne sais pas pourquoi, mais il a l'air de tenir à le faire. Je vois le collier passer devant mes yeux après un court moment et très vite je sens les doigts de Zachary glisser doucement sur ma peau en y laissant des milliards de frissons. Je prie pour qu'il finisse vite afin que ce supplice s'arrête pour moi. Je ne peux plus supporter qu'il soit près de moi et qu'il me touche comme ça. En tout cas ce n'est plus une chose aussi normale qu'avant quand je ne le considérais que comme un abruti de première. Je le considère toujours comme un abruti évidemment, mais il y a autre chose maintenant qui me perturbe dans le moindre de ses faits et gestes. Je voudrais juste qu'il s'éloigne enfin de moi. Pourtant lorsque justement ça arrive, je me rends compte que je donnerais n'importe quoi pour qu'il recommence. Mais puisque c'est impossible je me contente de me retourner et je regarde le collier autour de mon cou dans le miroir. Il est encore plus beau. Je n'arrive pas à détacher mon regard de lui, je remercie donc Zachary en continuant de le fixer avec des étoiles pleins les yeux. Jusqu'à ce que je me rappelle enfin de son cadeau à lui. Je lève d'un coup la tête paniquée. Où est-ce que je l'ai mis déjà ? Je ne m'en souviens même plus. Je dois absolument le retrouver, si je ne lui offre rien après je vais passer pour la fille pourrie gâtée qui ne pense qu'à elle. Réfléchis Amyra. Où est-ce que tu as mis la boîte ? Elle était sur mon bureau, mais ensuite je l'ai rangé pour que Charlie ne tombe pas dessus en fouillant ma chambre. Alors j'ai dû changer sa place. Et je l'ai mise...dans mon armoire !
- Attends un instant, je demande à Zachary rapidement avant de foncer vers mon armoire.
J'ouvre le meuble à grande vitesse et fouille dans l'étagère du haut pour y trouver finalement la fameuse boîte. Je la saisis avec une rapidité qui m'étonne moi-même et je vais vite rejoindre Zachary qui s'est appuyé contre mon bureau pour m'attendre. Il observe la boîte comme je l'ai fait avec celle qu'il me tendait quelques secondes plus tôt. Avec surprise, méfiance et contemplation.
- Joyeux Noël Zachary Collins.
On dirait qu'il est aussi sur le point de me demander si le cadeau est pour lui. Mais il se retient et le prend dans ses mains en souriant. Dommage, il ne paraîtra pas aussi bête que moi quand je l'ai fait et je ne pourrai pas me moquer de lui comme j'aurais voulu le faire. Et comme lui ne l'as pas fait quand je lui ai posé la question stupide.
- Tu ne m'offres jamais de cadeau habituellement, se méfie ce dernier.
- Toi non plus je te signale. Et puis au début je ne voulais rien t'offrir, c'est même Sofia qui m'a obligée à acheter la boîte. Si ça ne tenait qu'à moi tu l'aurais eu emballé dans du papier aluminium ton cadeau.
Amusé, il se décide enfin à ouvrir la boîte et y trouve la flasque. Et il arrête soudain de bouger. Je me remets à paniquer. Est-ce que j'ai mal fait de lui offrir ça ? Il a l'air sous le choc et ne parle plus. Qu'est-ce que je fais ? Je lui demande si ça va ? Je le secoue ? Je le gifle ? Le gifler paraît être une bonne solution après tout je l'ai déjà fait plusieurs fois, qui plus est sur lui. J'ai donc l'habitude maintenant. Mais je dois me retenir de le faire puisqu'il retrouve enfin l'usage de sa voix.
- Elle ressemble à celle de mon grand-père.
Je crois qu'il est ému, je le devine au ton de sa voix. Je suis assez surprise pour être honnête. Je ne pensais que ça le mettrait dans un tel état. Je pensais que ça lui plairait mais on dirait bien que ça lui fait du mal de la tenir entre ses mains.
- Oui je sais j'ai vu la sienne sur une photo alors quand j'ai vu celle-là dans la boutique je...
Peut-être que ça lui fait plus de mal que de bien de voir un objet qui lui fait penser à son grand-père. Je sais qu'ils étaient proches alors...je viens peut-être bien de faire une très grosse gaffe. Je baisse la tête gênée et honteuse. Et dire que son cadeau à lui est vraiment génial.
- Je suis désolée, si ça ne te plaît pas tu n'as pas à faire semblant-
Cette fois c'est lui qui m'interrompt en posant sa main sur ma joue pour m'attirer vers lui et déposer ses lèvres sur les miennes. Je ne le repousse pas et je n'essaie même pas. Parce que cette fois le baiser est différent. Il est plus doux et pourtant plus intense. Zachary Collins n'est pas en train de m'embrasser comme un sauvage en me plaquant contre un mur ou en m'arrachant mes vêtements. Ce n'est plus une question d'attirance sexuelle ou de domination. Il y a des sentiments dans ce baiser que je n'avais pas ressenti dans les autres. Et c'est ce qui m'empêche de vouloir le stopper. Je ferme alors simplement mes yeux et je pose mes mains sur son torse en me collant un peu plus à lui mais en gardant tout de même de la distance. Je sens une sensation étrange parcourir mon corps tout entier. Comme des papillons qui s'y promènent. On se sépare à mon grand regret très rapidement en gardant nos fronts collés l'un contre l'autre sans parler, jusqu'à ce qu'il brise ce silence.
- Je m'étais pourtant juré de ne pas être le premier à céder.
- Alors pourquoi ?
- Pour te remercier.
Je ris et éloigne ma tête pour le regarder dans les yeux en souriant.
- Un merci aurait suffit.
- Tu n'as qu'à considérer ça comme un second cadeau de Noël.
- Pour toi ou pour moi ?
- Les deux.
Je souris encore plus. Malheureusement on est contraints de se séparer quand quelqu'un frappe à la porte de ma chambre. Je m'éloigne aussitôt de lui en remettant presque machinalement ma robe en place comme si elle avait été froissée lorsque j'étais collée à Zachary. Et j'essaie de reprendre une expression normale avant d'indiquer à la personne qu'elle peut entrer. C'est Caly qui entre en souriant. Je suis soulagée que ce soit elle et pas quelqu'un d'autre. Elle regarde d'abord Zachary surprise de le voir ici, puis me regarde gênée.
- Je vous dérange les jeunes ?
- Non ! je m'exclame un peu trop vite ou un peu trop fort puisqu'elle a l'air amusée. Enfin je veux dire...Zachary allait partir.
- Oui c'est vrai, reprend mon complice du mensonge. Je dois aller m'assurer que ma petite sœur dort toujours et qu'elle n'est pas en train d'essayer de monter sur le toit pour rendre visite au Père-Noël.
Je me mets à rire en repensant à cet épisode marquant de l'année dernière. Oui oui c'est vraiment arrivé. Et sur ces mots Zachary sort de ma chambre aussi vite qu'il y était entré. Je me rends compte que je souris bêtement seulement une fois que je me retrouve seule avec ma tante qui me regarde en souriant elle aussi comme si je venais de lui avouer une chose gênante. J'efface donc ce satané sourire de mes lèvres et je m'éclaircis la voix.
- Tu voulais me parler ? je demande comme une idiote comme si ça suffisait pour lui faire oublier tout le reste.
Elle soupire avant de fermer la porte pour venir se mettre devant moi, pose ses mains sur mes épaules et me sourire d'une façon presque moqueuse.
- Chérie je te connais depuis que tu es sortie de l'utérus de ma chère sœur.
Je ne peux pas empêcher une moue dégoûtée de passer sur mon visage en entendant cette phrase. Ma tante n'a vraiment aucune gêne, je ne sais pas si c'est une qualité ou un défaut. Et puis ensuite je comprends ce qu'elle essaie de me dire et je redeviens sérieuse comme si je me tenais face à un enquêteur qui me soupçonnerait d'un meurtre dont je suis coupable. Malheureusement pour moi, je suis une très mauvaise menteuse en situation de stresse.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
D'accord j'avais prévu de lui parler de ce qu'il y a entre Zachary et moi. Mais maintenant que je suis face à elle et que c'est elle qui a tout deviné, je me sens devenir assez lâche. Et stupide, puisque c'est déjà trop tard pour mentir ou essayer de changer de sujet. Alors à force de voir l'insistance dans son regard, je finis par craquer et je tombe à genoux devant elle en attrapant le bas de sa robe comme je le faisais quand j'étais petite, que j'avais fait une bêtise et que je la suppliais de ne pas me dénoncer.
- Bon d'accord je suis une fille horrible ! Je commence à ressentir des trucs pour mon demi-frère que je ne devrais pas, je l'ai déjà embrassé plusieurs fois, je ne peux pas m'empêcher de le regarder parce que je le trouve tellement mignon, je deviens folle quand je le vois avec d'autres filles et bon sang regarde ce collier qu'il m'a offert !
Elle se met à rire, attrape mes mains pour ensuite venir me rejoindre sur le sol en se mettant contre le mur et me tendre ses bras. Je vais aussitôt me blottir contre elle comme je le faisais avant. La vérité c'est que je reproche beaucoup de choses à mon père à cause de son incapacité à avoir été un père attentif. Mais ma mère qui était toujours en voyage d'affaire n'a pas vraiment fait mieux. Et c'est Caly qui a toujours joué ce rôle de l'épaule sur laquelle pleurer. Je me sens bien avec elle, comme si je pouvais tout dire sans gêne. Ce que j'ai fait d'ailleurs. J'ai même dit certaines choses que je ne voulais pas m'avouer à moi-même. C'est bien la preuve que j'ai besoin d'elle pour avoir les idées claires. Alors je profite de ce moment avec elle, dans ses bras pour tout remettre en question. Absolument tout.
- Amyra ma puce, pourquoi tu te mets dans un état pareil ? Tu as le droit d'avoir des sentiments et heureusement. Sinon ça serait assez étrange pour moi d'avoir un robot pour nièce.
La dernière phrase me fait rire mais celle qui suit la question du début me fait tomber en pleine confusion. J'ai le droit d'avoir des sentiments ? Oui je suis d'accord. Mais pas pour cette personne. Pas pour lui.
- Je ne peux pas ne serait-ce que m'imaginer avec Zachary. Lui et moi c'est mal.
- Mais non.
Elle se sépare de moi et me regarde dans les yeux en remettant en place une de mes mèches de cheveux rebelle.
- Chérie qui a décidé que cette relation allait être mauvaise ? Qui a assez de clarté divine pour savoir si une chose est plus mauvaise qu'une autre ?
- Le prêtre qui a marié nos parents ?
Elle rit et caresse ma joue, je me sens vraiment retomber en enfance. Si je n'ai pas eu assez d'affection parentale, j'ai toute la tendresse qu'il me faut avec ma tante. Et même aujourd'hui elle est là pour me conseiller.
- Si j'en crois ce que tu m'as dit quand tu as piqué ta crise il y a quelques secondes ce n'est pas juste une simple attirance.
- Mais je ne peux pas aller plus loin que ça.
- Pourquoi ?
Et voilà qu'arrive la dure vérité que je ne voulais pas croire. Celle qui m'empêche depuis le début de faire le grand saut ou de faire confiance à ce que je ressens.
- Caly tu sais aussi bien que moi que je suis nulle avec les garçons. Mes relations ne dépassent jamais le cap des deux mois et ensuite ça me détruit. J'en ai marre de souffrir et avec tout ce qui pourrait nous séparer Zachary et moi je suis certaine que ça serait de nouveau un échec. Je prendrais le risque s'il n'y avait pas autant d'enjeux. Mais là il y a le mariage de ma mère, notre famille, le regard des autres...ça me paraît déjà assez difficile rien qu'en y songeant.
Je pensais avoir tout dit. Ce problème que j'ai avec les garçons m'a toujours dérangé mais je n'ai jamais voulu admettre qu'il était là. Même lorsque Sofia me parlait de ça, je faisais la sourde oreille. Pourtant un seul regard suffit à ma tante pour comprendre un autre côté du problème.
- Je pense que pour régler ton problème de garçons tu dois d'abord régler ton problème qui commence par un F tu ne crois pas ?
F. Comme Foster évidemment. Je ne lui demande même pas comment elle peut être au courant pour son retour puisque je connais mon frère, il ne sait pas garder sa langue. Mais elle a raison. Je crois que cet épisode de ma vie ne s'est jamais terminé. Je dois passer à autre chose et je ne pourrai pas le faire en continuant de me morfondre, et surtout en revoyant en boucle dans ma tête le visage paniqué de cette pauvre fille qui l'accompagnait.
- Oui tu as raison.
Je me remets enfin à sourire. J'aurais pu me mettre à pleurer mais je ne veux pas verser une seule larme de plus pour lui. Je suis forte et il est temps que je le montre aux autres. À commencer par moi.
- Et pour ton problème de relation interdite, impossible, mauvaise...tout ce que tu veux, reprend ma tante en posant sa main sur la mienne. Je n'ai qu'une chose à te dire ma puce. Je t'ai vu grandir. Je t'ai vu devenir une femme beaucoup trop tôt parce que tu mettais toujours le bonheur des autres avant le tien.
Je n'ai jamais pu faire autrement, j'ai connu beaucoup trop d'égoïsme dans ma vie pour me lancer sur cette route dangereuse. Je ne veux pas devenir une mauvaise personne, je veux rendre tout le monde fier de moi en les rendant heureux, même si pour ça je dois en souffrir. Ce qui est généralement le cas.
- Tu vas avoir dix-huit ans dans très peu de temps Amyra. Tu ne crois pas qu'il est grand temps pour toi d'avoir droit au bonheur à ton tour ? Moi je pense que oui.
Cette fois une larme coule le long de ma joue parce qu'elle a raison. Je veux être heureuse moi aussi, j'en ai marre. Je veux savoir ce que ça fait de penser un peu à moi. Je veux prendre un risque. Je vais prendre un risque. Je me sens tellement mieux grâce à cette conversation que je prends donc ma tante dans mes bras pour la serrer fort contre moi et la remercier.
- Merci Caly.
- Je suis là pour ça.
On se lâche après quelques secondes et on se remet contre le mur. Elle sort alors de son sac que je n'avais pas remarqué plus tôt une bouteille de whisky magnifique avec des motifs de fleur de Lys en or, ainsi que des gobelets.
- Toutes ces révélations méritent une bonne récompense.
J'explose de rire en prenant un gobelet en plastique gris quand la porte s'ouvre à une vitesse fulgurante. Je suis soulagée de voir que ce n'est que mon frère, je crois si ça avait été ma mère on serait mortes Caly et moi. Il allait parler, quand son regard se pose sur la bouteille que notre tante est en train d'ouvrir. Il ouvre alors de grands yeux qui nous jettent des éclairs.
- Je n'arrive pas à croire que vous ne m'ayez pas appelé.
- Alors entre grouille-toi ! je crie en chuchotant en même temps. Et verrouille la porte derrière toi.
Il entre dans la chambre et était sur le point de fermer la porte quand Zachary revient devant ma chambre en soupirant de soulagement quand il nous voit tous les trois ici.
- Je pensais être le seul à ne pas encore être descendu et que Cassandra allait me-
Mais tout comme Sébastian il repère la bouteille et s'arrête de parler. Je les comprends d'un côté. Une fille et sa tante, assises par terre dans une chambre, avec une bouteille à la main. Ça peut paraître étrange vu d'un regard extérieur.
- Sérieusement ?
- Tu te joins à nous ? lui propose Caly avec un sourire sournois.
Il regarde d'abord Sébastian puis me regarde moi, comme pour attendre une approbation. Ou une objection. Mais comme je ne dis rien, il hausse finalement les épaules avant d'entrer à son tour. Mon frère ferme bien la porte à clé derrière eux. Comme ça si un des adultes au rez-de-chaussée monte nous voir, on aura le temps de cacher la bouteille de whisky avant d'ouvrir la porte. Les garçons viennent s'asseoir en face de nous en prenant à leur tour des gobelets. Caly commence à verser le liquide dedans en faisant une légère grimace.
- Cette bouteille me vient d'un prince que j'ai interviewé il y a quelques mois. Elle vaut sûrement beaucoup d'argent, c'est un affront de boire ce whisky dans un gobelet.
- Je suis certaine qu'il t'en a donné plus d'une avec ton charme légendaire, je rétorque en riant une fois mon gobelet rempli.
- Oui bon j'admets qu'il m'en a offert deux autres identiques.
J'échange un regard amusé avec mon frère. Elle est vraiment pas croyable. Elle se comporte comme une vraie adolescente quand il s'agit de s'amuser et comme une adulte quand il faut nous réconforter ou nous rassurer. Je suis sûre qu'il l'aime autant que moi. Une fois qu'on est tous servis, on lève nos verres tous les quatre et c'est Caly qui a l'honneur de dire la première :
- Joyeux Noël à tous.
On répète aussitôt les deux premiers mots et on boit cul-sec nos verres. Le liquide désagréable se répand dans mon œsophage et le brûle atrocement. Je crois que je n'ai jamais bu de whisky aussi mauvais de toute ma vie. C'est pourquoi je me mets à tousser une fois que le gobelet quitte mes lèvres. Et je suis assez rassurée d'entendre les trois autres m'imiter. Et aussi d'entendre Sébastian dire :
- C'est le truc le plus dégueulasse qui existe.
J'approuve de la tête, tout comme Zachary. Ça m'étonne que ces deux grands alcooliques ne supportent pas ce whisky. Pourtant mon frangin ne s'arrête pas à une défaite.
- Je peux en avoir encore ?
Et on rit tous les quatre. Je laisse ma tante me resservir, pour ensuite, poursuivre la nuit ainsi, ensembles. On se raconte des histoires, des blagues...on profite et on s'amuse. Bizarrement ma mère n'est pas venue nous chercher. Enfin c'est plutôt tant mieux parce que même si on n'est pas non plus ivres morts, elle aurait tout de suite remarqué que quelque chose cloche. Je m'arrête assez vite de boire pour ne pas devenir comme l'oncle Gus de Sofia. Je voudrais garder les idées claires pour ce qui suivra. J'accompagne par contre ma tante complètement saoule dans la chambre d'amis et je l'aide à s'installer en allant chercher ses affaires dans le salon. La maison est étrangement vide. Je vais dans la salle à manger où les lumières sont encore allumées, personne. Je vais donc dans la cuisine et je trouve un petit mot accroché sur le réfrigérateur. C'est l'écriture de ma mère. Elle dit : Dorian et moi sommes sortis un moment. Joyeux Noël mes amours, à demain.
Une escapade en amoureux. Je ne pensais pas ma mère capable de ça, Dorian a sûrement réussi à la convaincre quand ils ne nous ont plus vu revenir. Je m'en veux un peu quand même de les avoir abandonnés comme ça. Mais d'un côté même si j'aime plus que tout ma mère, durant la période des fêtes elle est vraiment agaçante. Alors j'espère sincèrement que cette sortie va la décoincer un peu. Rassurée, je retourne chercher le sac de vêtements de Caly près du grand canapé, en refermant la porte d'entrée à clé au passage. On ne sait jamais, avec les deux parents responsables absents, une tante HS dans la chambre d'amis, un frère exactement dans le même état, et une petite de six ans qui dort paisiblement à l'étage...on n'est jamais trop prudent. Bon sang ce sac pèse une tonne alors qu'elle ne reste que deux jours. Après-demain elle sera repartie pour de nouvelles aventures. Je vais la rejoindre dans sa chambre à l'étage et je la trouve déjà en train de dormir. Je lui enlève donc ses chaussures de torture, je lève ses pieds sur le lit et je pose une couverture sur elle avant de déposer un baiser sur son front et de partir. Je suis épuisée et en même temps j'ai l'impression que je pourrai rester éveillée toute la nuit. Je retourne dans ma chambre où je trouve dans mon lit, mon cher frère qui n'a visiblement pas eut la force de se hisser jusqu'à sa chambre qui est juste à côté de la mienne. Je me demande bien comment on peut être de la même famille parfois. Ce qui est sûr c'est qu'il est de la même famille que celle qui est en train de préparer sa gueule de bois de demain matin dans la chambre d'amis, mais je ne vois aucun lien avec moi. Je soupire exaspérée et je vais le couvrir lui aussi. Je le regarde un instant jusqu'à ce que mon regard soit attiré par une chose brillante dans le miroir juste en face de moi. Mon collier. J'admire encore une fois le pendentif à cinq branches incrustées de diamants que m'a offert Zachary. J'ai encore du mal à réaliser qu'il me vient de lui. J'ai l'impression de vivre un rêve éveillé. Je pose ma main dessus pour le toucher du bout de mes doigts et me rappeler la sensation intense que j'ai ressenti lorsque Zachary l'a attaché autour de mon cou. Et d'ailleurs en parlant de lui je crois bien l'avoir aperçu en passant devant la fenêtre. Je vais jusqu'à mon observatoire pour le voir assis sur le banc du jardin derrière la maison. C'est bizarre je n'hésite pas cette fois. Je crois que cette discussion que j'ai eu avec Caly m'a beaucoup aidé. Je me sens mieux dans ma peau et libre de faire ce que je veux. Je touche à nouveau le pendentif, puis mes lèvres, et je me rends compte que je n'ai plus qu'une envie, qu'elles embrassent celles de Zachary encore une fois. Caly a raison. Il est temps pour moi de profiter un peu de ce que la vie a à m'offrir, et je suis sûre qu'il y a une infinité de choses sur la liste qui se dresse devant moi. Je dois faire taire cette petite voix dans ma tête qui m'empêche de vivre. Parce que je veux essayer, et même si au final ça ne fonctionne pas et que je me casse la figure, je pourrai toujours me relever. Je le fais encore et encore depuis bientôt dix-huit ans, ça ne sera pas bien compliqué de recommencer.
Et puis merde je tente le coup.
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