Chapitre XI

La table de Noël est presque prête, je suis en train de la terminer avec soins. Ma mère a sorti comme chaque année la vaisselle de valeur que sa grand-mère lui avait offerte, que je me retiendrai de jeter à la figure de Zachary comme chaque année également. Il y a certaines habitudes qu'on ne perd pas. Dieu merci. Les bougies vertes et rouges alignées sur le centre de table blanc, commencent déjà à fondre quand je les allume à l'aide de mon briquet. Dorian entre dans la salle à manger à ce moment-là, vêtu de son plus beau smoking et fixe le petit objet dans ma main, perdu entre le fait de jouer son rôle de beau-père et celui de se faire apprécier par sa belle-fille. Alors il choisit la carte de l'ami attentif comme je m'y attendais.

- Amyra est-ce que tu voudrais qu'on discute de quelque chose toi et moi ?

Je fais une tête d'enterrement pendant un court moment pour lui faire croire que j'ai un gros problème de cigarette et que je n'ose pas lui en parler. Avant de craquer et d'exploser de rire devant sa tête à lui. Je suis sûre que pendant un instant il s'est vu en train de devoir m'expliquer les choses de la vie, les raisons pour lesquels il ne faut pas fumer...bref le genre de discussion qu'il ne doit pas trop savoir gérer.

- Relax Dorian. Je ne fume pas j'ai juste un briquet pour faire croire aux gens que si.

- Et pourquoi tu veux leur faire croire ça ?

Il s'approche de la table et allait attraper un amuse-bouche, mais je l'en empêche en donnant une tape sur sa main. Ma mère me tuerait si elle apprenait que je l'ai laissé faire.

- Il existe un milliard de fumeurs sur Terre, je lui explique en passant de l'autre côté de la table pour continuer d'allumer les bougies. Il faut apprendre à vivre avec son temps. C'est ce que je fais sans pour autant me laisser influencer totalement.

Il me sourit et remet sa cravate en place. Ma mère insiste toujours pour que le soir de la veillée de Noël, on soit habillés avec des vêtements chics parce que sa sœur, ma tante préférée, vient à la maison. Elle veut que tout soit parfait pour lui montrer que sa vie n'est pas aussi pourrie que pourrait le penser sa petite sœur. Ma tante est journaliste. Elle voyage à travers le monde et découvre des lieux incroyables à chaque arrêt. J'aimerais tellement pouvoir faire ça. Elle reproche à ma mère de ne pas vivre assez pour apprécier ses voyages d'archéologue. Elle dit que le travail ne doit jamais être une corvée. Bon c'est facile à dire ce genre de chose, mais elle y arrive elle au moins. J'aimerais juste que cette compétition stupide entre elles s'arrête et qu'on ne soit plus obligés de porter des vêtements de mariage chez nous. Enfin, tant que ça ne dure qu'une soirée ça ne me dérange pas. Et puis c'était l'occasion de porter cette petite robe rouge à dentelles dont le bas qui m'arrive aux genoux me fait penser aux tutus de Charlie. Je me suis également coiffée comme il se doit en attachant mes cheveux au-dessus de ma tête, formant ainsi une sorte de pompon à cause des petites boucles. Mon maquillage est léger, ma tante n'aime pas me voir maquillée elle dit que je suis beaucoup plus jolie au naturel. Le seul inconvénient dans ma tenue, ce sont ces chaussures à talons dorées magnifiques mais atrocement inconfortables que j'ai reçues de ma mère. J'aime ma mère mais parfois elle exagère. Et à en juger à la façon dont Dorian est en train de lutter pour remettre sa cravate en place je me dis qu'il doit penser la même chose. Je lui offre donc mon aide très vite et je reçois un sourire suivi d'un pincement de joue.

- Tu es maligne Amyra. Je ne sais pas si je dois être fier de toi ou te punir.

- Sois simplement heureux que je ne sois pas une fumeuse qui te ruine en cigarettes, mais une pyromane qui te ruine en briquets.

- Bon conseil.

On se sourit et je dépose un baiser sur sa joue avant de reprendre l'allumage des bougies. Elles font briller les assiettes en porcelaine et les couverts en argent. Sans oublier les coupes de champagne et les verres à vin. J'espère juste que cette année la nappe couleur or sera épargnée. Étant également un héritage familiale, ma mère a carrément disjoncté quand Sébastian y a renversé du vin et a passé une semaine entière à la frotter. Je me demande pourquoi elle attache autant d'importance à des biens matériels. Mes grands-parents sont très soigneux d'accord, mais ils ne lui en voudront jamais pour une tâche de vin. En plus ils ne viennent jamais à cause de leur âge et de la distance qu'il faut parcourir. Elle s'inquiète trop pour pas grand-chose. Je vois du coin de l'œil quelqu'un entrer dans la pièce au même moment où je surprends Dorian en plein flagrant délit de vol de nourriture. Je lui crie aussitôt dessus sans plus me soucier de Zachary qui vient d'entrer, lui aussi habillé tel un acteur invité aux Oscars. Il a opté pour le nœud papillon à la différence de son père. Les nœuds papillons me font craquer, je trouve que les hommes qui en portent paraissent plus viriles et j'adore ça. Mais je dois me calmer pour cet homme en particulier, qui d'ailleurs passe à côté de moi en me frôlant pour aller voir son père à l'autre bout de la table. Évidemment c'est pour ce plaindre qu'il est là.

- Est-ce qu'un jour on pourra fêter Noël sans avoir à nous déguiser en pingouin ?

- Malheureusement non fiston. Malheureusement non.

Il donne une tape amicale à son fils avant de sortir en nous indiquant qu'il va chercher Charlie. Et en me laissant seule avec un Zachary qui me fixe comme si j'avais retiré tous mes vêtements à l'instant devant lui. Je décide de l'ignorer du mieux que je peux. J'attrape le sachet de petits flocons de neige en plastique que j'éparpille sur la table. Zachary, lui, n'a pas l'air d'apprécier le silence. Je l'observe pianoter quelque chose sur son téléphone, juste avant que la chaîne Hi-fi ne se mette à jouer All I Want For Christmas Is You. Je me retiens de sourire. Non seulement parce que comme je l'ai déjà dit j'adore cette chanson, mais aussi parce que quand mon regard se plonge dans le sien je devine que les paroles ne sont pas choisies au hasard. Il a l'air fier de lui mais je l'ignore toujours. Je vais déposer le petit sachet que je tenais dans un tiroir dans lequel je cherche ensuite les petites bougies en plastiques qui fonctionnent avec des piles. Oui niveau éclairage ma mère est plutôt exigeante. Mais Zachary vient se mettre à côté de moi en souriant.

- Tu sais danser ? me demande ce dernier en riant comme un imbécile.

- Pourquoi tu veux des cours de danse Zachary Collins ?

- Pourquoi pas ?

Et sur ces mots, il attrape ma main et me fait tourner avant de poser son autre main dans mon dos et de m'attirer vers lui. Il est doux et brutal à la fois. Je ne sais pas ce qui me plaît le plus dans les deux. Au début je me dis que je devrais le repousser au cas où quelqu'un entrerait dans la pièce et nous verrait, et puis je me dis simplement qu'on ne fait que danser et qu'il n'y a donc rien de mal là-dedans. Alors je me laisse aller. Je danse avec Zachary Collins en le regardant droit dans les yeux. Des yeux qui me déstabilisent toujours autant. Après une bonne dizaine de secondes il se met à me regarder plus attentivement, la façon dont je suis habillée, la façon dont je suis coiffée...si j'étais flattée au début des deux premiers endroits, le troisième se situant plus ou moins à la hauteur de mes épaules, je suis obligée de me plaindre en tentant de ne pas rougir de honte.

- Les yeux c'est en haut je te signale.

Et il rit de plus bel. Fier de son idiotie. Heureusement qu'il se calme vite sinon je l'aurais déjà frappé. Cet obsédé.

- Tu es vraiment très belle Amyra Salem.

Mes joues sont en feu. Je suis toujours gênée quand je reçois un compliment mais étrangement je le suis encore plus quand il en est l'auteur. Je deviens folle. Je me ressaisis avant de m'éclaircir la voix et d'afficher le même air arrogant que je vois sur son visage très souvent.

- Tu n'es pas mal non plus.

Qu'est-ce que j'aurais pu dire d'autre ? Ce nœud papillon me donne envie de te sauter dessus ? Non je préfère la jouer distante pour qu'il n'espère rien. Mais en même temps je suis tellement bien que j'en oublie la table et ces satanées bougies en plastiques. Ses mains sur mes hanches me rappellent toutes les caresses qu'il me faisait lors de nos baisers. J'aimerais craquer. Juste une fois encore, rien qu'une toute petite fois. Je sais que ça serait mal mais quand la tentation vit avec vous, qu'elle vous regarde tous les jours avec ces yeux qui vous donnent envie de fondre sur place, et qu'elle embrasse si bien que chaque fin de baiser paraît être une torture qui dure jusqu'au prochain...je peux vous dire que résister est difficile. Mark Twain a dit un jour que la défense la plus sûre contre la tentation c'est la lâcheté. Et si c'était la défense que j'avais utilisé pendant tout ce temps ? J'ai été lâche. Je me cherche des excuses à chaque fois. Bon sang je ne veux pas être lâche, je déteste ça.

- Tu veux qu'on reparle de ce qui est arrivé tout à l'heure ? m'interroge l'arrogant en me regardant droit dans les yeux.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

Je vois absolument de quoi il parle en fait.

- Je te parle de la pauvre fille que tu as chassée.

Tout de suite les grands mots. Il aime exagérer les choses mais je sais pourquoi là il le fait. Je sais pourquoi il me parle de cette fille. Sofia avait raison, il essaie de me rendre jalouse mais ça ne fonctionne pas. Ou plutôt c'est ce que je lui fais croire en répliquant aussitôt :

- Je ne l'ai pas chassée, je lui ai posé une simple question et elle est partie d'elle-même parce que visiblement elle était incapable d'y répondre.

Cette réponse a le don de le faire rire pendant un court instant avant de me faire tourner à nouveau. Je ris à mon tour sans pouvoir m'arrêter. Et puis je me retrouve encore une fois plaquée contre son torse musclé. Je suis pratiquement sûre de pouvoir sentir son cœur battre contre ma main, j'espère juste qu'il n'entend pas le mien parce qu'à la vitesse et à la force dont il bat le quartier entier pourrait l'entendre. C'est pile à ce moment précis, quand ma respiration devient anormalement rapide et que mon regard se concentre sur ses lèvres, que la sonnerie de la porte d'entrée se fait entendre. Je me sépare rapidement de lui, en restant plantée là comme une idiote avant de réaliser enfin que je dois bouger. Je baisse la tête pour fuir son regard en allant dans le salon pour ouvrir la porte d'entrée. Et là, je me retrouve face à une jeune femme magnifique, ses courtes ondulations rousses retombent parfaitement sur ses épaules couvertes d'une robe de créateur verte en soie splendide qui met en valeur son corps de mannequin parfait. Ses yeux bruns qui me fixent sont parfaitement bien maquillés par un léger fard à paupières doré, et ses lèvres qui me sourient sont recouvertes d'un rouge à lèvres rouge très foncé. Qui lui va à ravir évidemment. Je crois bien que jamais de ma vie je n'ai vu une femme aussi belle. Je suis très certainement sa plus grande fan sur cette Terre et elle le sait. Je lui souris donc à mon tour et je me jette dans ses bras pour y être serrée comme une sardine.

- Je suis tellement contente de te voir Caly !

Ah oui parce qu'elle s'appelle Calypso pour couronner le tout. Elle porte le nom d'une nymphe de la mythologie grecque. Avant je l'appelais toujours « tante Caly », parce qu'elle trouvait ça mignon. Mais ensuite elle a estimé que l'entendre de la bouche d'une grande fille de treize ans ce n'était plus si adorable parce que ça la vieillissait trop. Pourtant avoir trente-quatre ans ce n'est pas une honte pour moi, elle ne les fait même pas. Si je ne la connaissais pas et que je la croisais dans la rue je lui donnerais très certainement la vingtaine. Mais elle est comme ça et je l'aime pour cette raison. Il n'existe pas deux personnes comme elle. Je me sépare d'elle après un instant pour l'admirer à nouveau.

- Tu es magnifique, je m'exclame en souriant.

- Pas plus que toi chérie, tu me fais de la concurrence fais attention.

Je ris à nouveau mais son regard change de direction pour s'intéresser à une personne derrière moi dans les escaliers que je reconnais rien qu'à l'expression froide de ma tante en la voyant. Et j'aimerais à cet instant être une souris pour pouvoir me mettre à l'abri dans un trou du mur le plus proche. Malheureusement je suis bien humaine, alors je me retourne pour sourire à ma mère et là...le choc. C'est bien ma mère oui. Mais elle porte une robe noire moulante et courte avec de la dentelles qui met en valeur ses courbes et la rajeunit énormément. Ses longs cheveux sont attachés en une tresse parfaite et son maquillage pourrait me faire penser à l'un de ceux que Sofia pourrait réaliser. Je n'avais jamais vu ma mère aussi bien habillée je crois. Même pas les années précédentes. Je crois que cette année les surpasse en tout points à vrai dire. Alors quand elle s'approche de nous et que je me décale pour qu'elle soit face à sa sœur, je vois enfin la ressemblance entre elles. Physiquement c'est le jour et le nuit. Ma mère est assez petite, elle a quelques rides dues à l'âge qui la rattrape et je ne retrouve absolument rien sur son visage que ma tante aurait également. Calypso quant à elle, est une géante, surtout avec ses talons hauts. Et elle a toujours une peau de bébé incroyable. Même au niveau des cheveux elles sont totalement différentes. Cependant elles possèdent toutes les deux une chose en commun. Le charisme. La façon dont elles se font face la tête haute et sans baisser les yeux un seul instant. On dirait deux vraies tigresses. Pendant un instant j'ai bien cru qu'elles allaient se jeter l'une sur l'autre, heureusement Dorian arrive au bon moment et sauve la situation. Bon d'abord il reste bouche bée devant sa femme, ébloui par sa beauté, mais il reprend vite ses esprits, et là, il sauve la situation. Il se tourne vers Calypso et lui tend sa main en souriant.

- Calypso heureux de te revoir.

- Mais moi aussi mon cher Dorian, répond cette dernière en serrant la main de mon beau-père. Navrée de voir que certaines personnes ne partagent pas ton plaisir.

Elle ne mentionne pas ma mère en disant ça mais son regard en dit long. J'ai l'impression que Dorian est en train de songer à mon idée de se transformer en souris, mais il reprend le contrôle.

- Bien, Cassandra ma chérie tu viens m'aider avec le choix du vin ?

Ma mère hésite très brièvement avant d'accepter et de le suivre. Lorsqu'ils s'éloignent je crois bien entendre Dorian chuchoter à son oreille « Tu es magnifique ». Ce que je trouve tout de suite adorable et écœurant à la fois. Je suis une célibataire frustrée, alors oui je me mets aussi à jalouser le couple de ma mère avec son mari parfait. Et Calypso se met à dire tout haut ce que je pensais tout bas.

- Les couples c'est répugnant.

D'un côté elle je la comprends. Elle a la trentaine quand même. Mais c'est son choix à elle à ce que j'ai cru comprendre. Elle veut prendre son temps et apprécier la vie avant de faire le grand saut, je l'admire aussi pour ça. Elle se fiche un peu de tout, même de l'amour. Je me demande comment elle fait, et d'ailleurs je pense que sa présence ici me sera bien utile pour avoir des conseils. Je vais lui parler de ce qui se passe entre Zachary et moi, tout d'abord parce que c'est la personne en qui j'ai le plus confiance, j'ai plus confiance en elle qu'en Sofia et je confierais ma vie à Sofia. Et puis aussi parce que je sais qu'elle ne me jugera jamais. Sébastian descend à son tour des escaliers et vient accueillir notre tante aussi chaleureusement que je l'ai fait. Il est aussi en smoking ce qui est une chose très rare qu'on ne voit pratiquement jamais. Je le trouve bien mieux comme ça que dans ses jeans troués et ses pulls bizarres.

- Sébastian, mon neveu adoré, tu deviens de plus en plus beau dis donc.

- Il ne l'est que ce soir parce que maman veut qu'on ait une bonne apparence devant toi.

Il me donne un coup de poing dans l'épaule sans lâcher Caly. Je me mets à rire et ils se séparent enfin. Elle le regarde de haut en bas comme elle l'a fait avec moi, puis son regard s'arrête sur les cheveux de mon frère qui sont beaucoup trop bien coiffés pour des cheveux afros qui se respectent. Elle sourit donc en passant sa main dedans pour y mettre un vrai désordre. Mais il ne se plaint pas, au contraire il sourit presque soulagé.

- Maman va me tuer si elle me voit comme ça, lui reproche mon frère en jubilant.

- Au diable ta mère et ses menstruations qui la rendent totalement folle. Tu es mon neveu et je ne veux pas que tu te fasses empoisonner par son obsession de la perfection.

On rit tous les deux Sébastian et moi mais il se met à faire une tête toute triste sans que je ne sache pourquoi. Je dois admettre que ça m'inquiète.

- Caly je pourrai te parler d'un truc important ? demande ce dernier avec un regard préoccupé.

- Bien sûr chéri qu'est-ce que tu as ?

Mais je sais que s'ils commencent à parler, ils vont le faire pendant un long moment et notre mère nous tuera tous les trois. Eux parce qu'il auront été en retard au dîner, et moi parce que je n'aurais rien fait pour les en empêcher. Alors j'attrape le bras de mon frère et je lui souris.

- Quels que soient tes drames frangin, ils pourront attendre la fin du dîner comme les miens.

- Vous savez que je vous demanderai de me rembourser les frais de psychologue quand vous serez riches un jour ? plaisante notre tante en venant se mettre entre nous pour poser ses mains dans nos dos.

- Ce jour-là si je suis vraiment riche, je renchéris en souriant, je pourrai payer des gens pour te faire un lavage de cerveau et te faire oublier ça.

Une fois sur place on est rejoints par Charlie qui court vers Caly pour sauter dans ses bras. Évidemment qu'elle aime sa tante Caly, puisqu'elle lui envoie régulièrement des cadeaux de ses voyages, comme elle nous en envoie à nous aussi.

- Lyly !

Ah oui elle n'aime pas l'appeler Caly. Alors elle l'appelle Lyly tout simplement. Je trouve ça drôle et mignon à la fois, tout comme la grande majorité des choses que la petite fait.

- Charlotte ma puce !

Je crois bien que Caly est la seule personne qui l'appelle par son vraie prénom, tous les autres utilisent son diminutif, je ne sais pas pourquoi à vrai dire. Personnellement j'aime les deux prénoms. Elle est suivie de Zachary qui salue poliment Caly de loin. Elle lui sourit puis se met à parler avec Charlie de poupées, de châteaux qu'elle a visité et de princesses...bref une discussion qui ne m'intéresse pas vraiment. Ma mère accompagnée de Dorian entre à son tour avec une bouteille de vin dans les mains. Elle regarde sa sœur en se retenant presque de lui dire ses quatre vérités. A la place elle nous demande simplement de nous installer avec un ton plus froid lorsque son regard se repose sur Caly. Sébastian remarque comme moi ce changement de comportement et il se faufile à côté de moi pour chuchoter :

- Sœurette promets-moi qu'on ne sera jamais comme ça.

- Si on devient comme ça je te promets de te gifler à plusieurs reprises pour te faire réaliser que c'est toi qui a tord.

Je le regarde en souriant et il me pousse en riant jusqu'à ce qu'on soit touchés par les éclairs sortants des yeux de notre mère. On se calme alors aussitôt et on se dépêche d'aller à nos places. Caly se met entre nous en bout de table et devinez qui fait exprès de venir à côté de moi. Évidemment l'emmerdeur de première. Heureusement, enfin je crois, il fait exprès de m'ignorer pendant tout le repas. Qui a l'air de durer une éternité. Entre les anecdotes de Caly sur ses voyages qui agacent ma mère, les blagues que sort Dorian pour tenter de détendre l'atmosphère, Sébastian qui reste muet pour ne pas faire de gaffes comme les années précédentes et moi qui aimerait être n'importe où sauf ici...disons que ce n'est pas super comme ambiance pour un repas de famille. Il n'y a que Charlie et Zachary qui ont l'air de bien s'en sortir, mais c'est normal. Charlie ne doit sûrement pas remarquer qu'il y a des tensions, et Zachary ne se sent pas vraiment concerné par les querelles des deux sœurs. Sauf que l'inévitable se produit très tôt à cause d'une simple phrase de Caly lorsque ma mère revient après avoir couché la petite.

- Vous savez les enfants vous devriez venir avec moi un jour pour un de mes voyages, vous pourriez enfin profiter de la vie comme il se doit.

A ce moment-là je manque de m'étouffer avec du vin, le couteau de Sébastian fait un bruit strident en grinçant dans son assiette, Dorian devient blême, et ma mère se force à sourire pour faire croire que tout va bien.

- Calypso tu insinues que je ne sais pas m'occuper de mes enfants ici et qu'ils ne sont pas bien avec moi ?

Génial. Je crois que même Zachary commence à réaliser la gravité du moment parce qu'il commence à jouer avec la nourriture dans son assiette en gardant la tête baissée. Il faut faire quelque chose sinon la situation va simplement continuer à s'aggraver.

- Je dis juste qu'ils s'amuseraient sûrement plus avec leur tante préférée.

- Leur seule tante tu veux dire.

- Je te signale que je suis plus jeune que toi alors je sais mieux que toi ce que veulent les adolescents.

- Ah parce que maintenant tu me traites de vieille ?

J'échange un regard inquiet avec Sébastian, pendant que Dorian se met à rire nerveusement en racontant une histoire drôle que personne n'écoute.

- Cassandra tu n'es pas vieille mais tu n'es plus toute jeune non plus.

- Dans ce cas j'ai hâte de te voir quand tu auras mon âge dans quelques années.

- Dans quelques années tu seras encore moins jeune frangine il faut se faire à l'idée.

En entendant cette phrase je panique et j'attrape une poignée de petits poids que je jette sur mon frère assis en face de moi. Tout le monde arrête aussitôt de faire ce qu'il fait pour se tourner vers moi. Je crois que ma mère était sur le point de me crier dessus, quand Sébastian comprend enfin mon plan assez ridicule et qu'il attrape de la purée dans sa cuillère pour la jeter sur moi. Ma robe est tâchée mais en voyant la colère de notre mère se diriger sur nous je souris de soulagement et je continue d'attaquer mon frère qui me prend pour cible malgré les cris de ma chère maman. Pourtant ses cris s'arrêtent lorsque Dorian attrape son verre de vin et s'arrose lui-même avec le liquide. Le silence se réinstalle tandis que son épouse le regarde bouche bée.

- Dorian mais...à quoi tu joues ?

Il nous regarde brièvement Sébastian et moi, puis se tourne à nouveau vers elle en souriant nerveusement et en cherchant ses mots avec précaution.

- La crise de la quarantaine ? tente alors ce dernier timidement.

Pendant un instant j'ai l'impression que ma mère va exploser de rage et se mettre à crier au point que tout le voisinage l'entendrait. Mais après quelques secondes de tension, elle commence à étouffer un petit rire, puis c'est un fou rire qui la prend. Je regarde Sébastian qui se met aussi à rire, et bientôt c'est la table toute entière qui rit à tue-tête. Un vrai fou rire général. Je suis couverte de purée, de légumes et de sauce de viande, et pourtant je m'en fiche complètement. Il est 23h15. Bientôt minuit et donc bientôt Noël. La suite s'annonce enfin plutôt bonne.

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