Chapitre X
On arrive chez moi après un trajet assez silencieux. Je n'ai pas envie de parler, même pas avec Sofia. Je suis encore sous le choc et je tente toujours d'oublier et de mettre de côté tous les mauvais souvenirs qui me sont revenus en un bloc. Malgré tout je ne veux pas être seule. Je demande donc évidement à mon amie de rester avec moi. On entre toutes les deux dans la maison pour aller dans ma chambre et en passant la porte on tombe nez à nez avec Sébastian et mon père. Les deux personnes que je ne m'attendais plus à croiser et que je ne voulais absolument pas croiser maintenant. Ils me regardent d'abord en souriant, puis l'expression de mon frère devient grave. Il m'observe attentivement, voyant que tout ne va pas bien et s'approche même légèrement pour s'en assurer. Il a comme un super pouvoir de grand frère que je ne pourrai jamais comprendre.
- Amyra qu'est-ce que tu as ? m'interroge ce dernier en fronçant les sourcils.
Je regarde Sofia paniquée. Je ne peux pas lui parler de Foster, il est déjà au courant de ce qui est arrivé et il avait carrément disjoncté à l'époque. Si je lui dis qu'il est de retour j'ai peur de ce qu'il fera, il va devenir complètement fou. Alors je me force à sourire en priant pour que mes yeux rouges ne me trompent pas.
- Tout va bien. Je suis juste assez fatiguée. Je vais monter me reposer je pense.
Il continue de me regarder, il n'est absolument pas convaincu par mon jeu d'actrice. Je décide de changer de tactique en changeant de sujet. Je me tourne vers notre père qui a une mine que je connais beaucoup trop bien. Je l'ai trop souvent vu et la vois toujours chez mes deux parents quand ils se sentent coupables.
- Tu pars déjà papa ?
- Malheureusement oui. Des responsabilités m'attendent et je pense que vous n'avez pas besoin de moi ici. Vous êtes tous les deux grands et je suis fier de qui vous êtes devenus.
Il ne serait pas fier s'il apprenait ce qui est arrivé et pourquoi je vais mal. Il ne serait pas fier de l'idiote que j'ai été. Mais je ne peux rien lui dire, comme toujours, je garde mon problème pour moi parce qu'il sera incapable de m'aider de toute manière.
- Mais je reviendrai vous voir bientôt. Et cette fois je vous le promets vraiment.
Il prend Sébastian dans ses bras, avant de me serrer à mon tour contre lui. Et je me blottis contre lui comme une petite fille le ferait pour se sentir en protection, surtout que j'en ai vraiment besoin à l'instant. Je me sens bien dans ses bras, je n'ai pas envie de les quitter, de quitter cette présence rassurante.
- Je t'aime papa.
Je l'entends sourire et il passe sa main dans mes cheveux.
- Je t'aime aussi ma chérie.
Mais je ne peux pas faire autrement que de le lâcher, comme toujours, heureusement ou malheureusement j'ai l'habitude. Il dépose un baiser sur mon front et nous sourit avant de sortir de la maison pour se rendre à son hôtel qui doit être proche de chez nous. Une fois la porte fermée je me retrouve seule avec Sofia, faces à mon frère qui n'a pas l'air de vouloir lâcher l'affaire. Il continue de me regarder en croisant les bras pour montrer qu'il attend une réponse. Je fuis donc son regard et me dirige vers les escaliers. Lorsque je passe à côté de lui, il attrape mon poignet et me retourne pour me regarder dans les yeux.
- Tu as pleuré. Pourquoi ?
- Sébastian lâche-moi.
J'essaie de me défaire de son emprise mais il me tient fermement et je ne peux pas espérer que Sofia m'aide. Elle ne pourra rien faire tout comme je ne peux rien faire. Quand Sébastian est décidé à faire quelque chose il ne laisse pas tomber aussi facilement son objectif et l'atteint très vite. Alors j'abandonne. Je le laisse gagner puisque je n'ai pas la force de me battre face à lui.
- Foster est de retour.
Son visage passe de l'inquiétude, à l'incompréhension, à la rage. J'ai l'impression qu'il est sur le point de donner un coup de poing dans le mur au point d'en saigner. Il lâche enfin mon poignet et commence à se diriger vers la porte d'entrée. Je regarde Sofia qui a l'air aussi perdue et affolée que moi et je cours après mon frère pour l'empêcher de sortir lorsqu'il commence à ouvrir la porte.
- Où est-ce que tu vas ? je lui demande précipitamment en m'interposant entre lui et la sortie.
- Laisse-moi passer Amyra.
Son ton est calme et plein de colère à la fois. Ça me terrifie, la dernière fois que je l'ai vu comme ça il est allé casser la figure de Foster et ça s'est assez mal fini puisqu'il a aussi eut des séquelles. L'un comme l'autre ont regretté cet affrontement. Je ne veux pas qu'il y retourne et qu'il se fasse encore du mal pour défendre mon honneur comme un imbécile.
- Ça ne sert à rien d'aller le voir il a déjà eut ce qu'il méritait.
- Visiblement non puisqu'il est revenu.
- Sébastian s'il-te-plaît ne fais rien de stupide. Cette histoire est passée et je vais bien.
- Ce type a essayé de te violer Amyra !
Cette phrase me glace le sang. Déjà parce que je déteste entendre ce mot qui me provoque toujours un frisson d'effroi, mais aussi parce que je ne veux pas que tout le quartier l'apprenne. Et à la façon dont il l'a crié, toute la maison a dû entendre ce qu'il a dit. Je le reprends donc très vite comme une mère reprendrait un enfant de huit ans.
- Pas si fort. Maman pourrait t'entendre.
- Elle est partie avec Dorian à une réunion importante.
- Mais Charlie est là elle. Alors calme-toi.
- Amyra écoute-
- Non c'est toi qui va m'écouter mon petit gars !
Cette fois je crie aussi. Je ne veux pas qu'il aille se battre, et crier a l'air d'être la seule façon de se faire entendre avec lui.
- Je vais bien Sébastian. Cette histoire est arrivée il y a trois ans, je suis passée à autre chose alors s'il-te-plaît ne vas pas ouvrir à nouveau cette vieille blessure sinon je te jure que s'il ne s'en charge pas je te botterai le cul moi-même !
Il ne bouge pas. Pendant plusieurs secondes. Puis il se tourne vers Sofia derrière moi qui vient poser ses mains sur mes épaules. Elle est toujours là pour moi je suis vraiment chanceuse de l'avoir.
- Je m'occupe d'elle tu n'as pas à t'en faire, déclare-t-elle en affichant un sourire bienveillant. Tout va bien.
Il jongle entre elle et moi pendant un instant avant de finalement laisser tomber à mon grand soulagement, pour monter dans sa chambre furieux et en claquant la porte. Je vois Charlie arriver en haut des escaliers en se frottant un œil et en baillant. Génial il a réveillé la petite avec ses bêtises.
- Qu'est-ce qui se passe Amyra ?
Elle a l'air inquiète. Je n'aime pas ça. Je m'empresse donc de la rejoindre pour la rassurer en lui souriant.
- Tout va bien chérie. Sébastian est juste de mauvaise humeur. Tu viens on retourne dans ta chambre ?
Elle hoche la tête, je prends sa main, Sofia qui vient de nous rejoindre prend l'autre et on part dans sa chambre. Je ne voulais pas affoler tout le monde. Pas pour une vieille histoire qui justement doit rester secrète. Je préfère rester discrète. Sofia et moi on passe donc le reste de l'après-midi à jouer avec Charlie, à regarder des dessins-animés ou à dessiner. Je dois admettre que ce retour en enfance qui m'arrive pourtant très très souvent, m'aide beaucoup à me sentir mieux. Ça me manque d'être une petite fille. C'est drôle, quand je l'étais j'attendais avec énormément d'impatience de devenir adulte, mais maintenant que je me rapproche de plus en plus de cette période catastrophique de ma vie et que je me rends compte que devenir grande ça craint, j'aimerais juste pouvoir redevenir cette petite boule d'insouciance que j'étais avant. Et ce soir-là, quand je m'engouffre sous mes draps, je ne pense pas au fait que Noël approche comme je le fais toujours. Je songe à la façon dont je me comporte avec les garçons autour de moi. J'ai fait des reproches atroces à mon père qui n'avait rien demandé à ce moment-là, j'ai crié sur mon grand frère qui voulait uniquement me protéger parce que je ne trouvais pas d'autres moyens de le retenir, je n'ai pas vu le petit manège de Foster à l'époque de notre rencontre, j'ai sûrement blessé Eliott au point qu'il me jette comme une vieille chaussette, et j'ai envoyé bouler le garçon qui m'attire tout de même beaucoup parce que je suis incapable d'accepter le bonheur quand il se présente à moi. Le voir avec cette bimbo m'a vraiment fait du mal et je commence à me demander si je n'ai pas fait une erreur en choisissant de ne pas essayer. Je n'ai jamais pris de réels risques dans ma vie. Les seules fois où j'en ai pris ça s'est plutôt terminé en fiasco. Bon voyons le bon côté des choses. J'ai tout arrangé avec mon père, et je vais sûrement réussir à tout arranger avec Sébastian, c'est juste une question de temps pour qu'il se calme. Je pense que pour Eliott c'est fichu pour de bon, je ne veux plus jamais avoir à me retrouver face à ce connard de Foster non plus. Alors je vais devoir prendre une décision pour le dernier d'entre eux. Ce qui me fait un peu peur puisque je pensais l'avoir déjà prise. Et en parlant de lui, j'entends sa voiture se garer dans l'allée du garage, et quelques instants après je l'entends monter. Il fait un bruit pas possible mais à deux heures du matin, et vu la façon incroyable qu'a notre famille de ne jamais rien entendre quand ils dorment je suppose qu'il ne réveille personne. Comme après un certain temps il continue de faire du bruit, je décide de me lever pour aller lui crier dessus et pour lui dire qu'il m'empêche de dormir. Lorsque j'arrive dans le couloir je vois la lumière allumée dans la salle de bain. Je reconnais ce bruit maintenant. Il est en train de fouiller dans l'armoire à pharmacie. Qu'est-ce qu'il cherche à cette heure-ci ? Je vais le rejoindre prête à lui sortir une bonne dizaine d'insultes, quand je vois le sang sur son visage. Mon cœur rate un battement, je me mets à paniquer.
- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? je l'interroge aussitôt en le faisant sursauter.
Une fois qu'il m'a reconnue il me regarde surpris et gêné à la fois.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu ne dors pas ?
- Même si je dormais le bruit que tu fais m'aurait réveillée. Tu vas me dire ce que tu as ? Pourquoi tu es blessé ?
- Ce n'est rien.
- Laisse-moi voir.
Je m'approche de lui pour regarder un peu mieux ses blessures et je pose ma main sur sa joue pour la tourner vers moi mais il la retire aussitôt en l'attrapant. Je regarde ma main dans la sienne, au début il la serre fermement comme s'il était en colère contre moi mais ensuite...il relâche légèrement sa prise et la tient avec plus de douceur. Il regarde à son tour nos mains avant de me lâcher en soupirant.
- Tu veux m'aider Amyra Salem ? Trouve-moi des compresses.
Je hoche la tête et me dirige vers la porte avant de me retourner.
- Tu as du désinfectant ?
- Je n'en n'ai pas besoin.
- Ne dis pas n'importe quoi. Vas dans ta chambre je vais te rejoindre avec ce qu'il faut.
- D'accord.
On sort tous les deux de la salle de bain et je vais chercher du désinfectant, des compresses et des pansements dans ma chambre. J'en ai toujours avec moi au cas où je me retrouve seule avec la petite cascadeuse qui vit dans cette maison beaucoup trop dangereuse et que je sois obligée de la soigner. Ou même pour Sébastian puisqu'à une époque il rentrait toujours bien amoché après une bagarre et je devais m'occuper du rebelle. Je me rends ensuite dans la chambre de Zachary en le retrouvant assis sur son lit, le téléphone à la main. Je vais le rejoindre en posant tout le matériel médical à côté de nous. Il a toujours les yeux rivés sur son téléphone et ne me regarde même pas. Je m'empare rapidement de l'appareil malgré ses grognements et je le pose derrière moi avant de tourner son visage dans ma direction.
- Il faut tout désinfecter sinon ça pourrait empirer.
- Je ne suis plus un gosse. Je peux me soigner moi-même.
- Oui j'ai vu ça quand tu m'as dit que le désinfectant était inutile.
Il sourit légèrement et je finis d'imprégner une compresse avec le liquide pour ensuite la poser délicatement sur la blessure au niveau de sa joue. Il a un léger mouvement de recul qui me fait sourire puis il se laisse faire quand il se rend compte qu'il vient de montrer une part de faiblesse. Et le silence qui règne par la suite commence à me déranger puisque je ne sais toujours pas ce que je fais ici à une heure pareille.
- Est-ce que tu vas te décider à me dire ce qui t'est arrivé ?
- Je me suis battu.
Non vraiment ?
- Oui ça je l'avais deviné, ça m'aurait étonnée que tu te sois défiguré en jouant à la dînette avec Charlie.
Il sourit encore avant de me regarder d'une façon qui me déstabilise comme à chaque fois qu'il me regarde. Je fais tout pour éviter son regard en me concentrant sur la plaie que je suis en train de soigner même si une part de moi me supplie de céder.
- Admets-le Amyra Salem, tu me trouves beau même comme ça.
- Si je te disais ça alors ça voudrait dire qu'on est tous les deux dans un de tes rêves et je suis pratiquement sûre d'être réelle.
- C'est ce que penserait la Amyra de mes rêves aussi.
- Tu viens d'admettre que tu rêves de moi là ?
- Tous les soirs. Mais puisqu'on n'est pas certains d'êtres réels à cent pourcent je prends le risque de l'avouer.
Je me retiens de rire pour ne pas lui donner cette satisfaction mais mon sourire me trompe beaucoup trop. Et ça a l'air de l'amuser. Je déteste ça. Et je n'ai pas eu ma réponse alors je choisis une autre question moins évidente à contourner et donc plus directe.
- Contre qui tu t'es battu ?
Il hésite un instant avant de cracher le morceau.
- Puisque tu tiens tant à le savoir je me suis battu contre Foster.
J'arrête tout de suite ce que je faisais et je le regarde enfin dans les yeux mais avec un air trop sérieux pour être déstabilisée. Comment ça il s'est battu contre Foster ? Et pourquoi surtout ? Je ne comprends pas il n'est pas au courant pourtant. Ou en tout cas c'est ce que je pensais.
- J'ai entendu Sébastian quand je suis rentré, m'explique-t-il en détournant un peu le regard. Ce qu'il a dit sur ce que ce connard a essayé de faire ça m'a mis hors de moi.
- Pourquoi ?
- Tu sais pourquoi.
Je m'en veux immédiatement d'avoir posé la question. Je suis vraiment trop bête, il m'a dit ce qu'il ressentait hier soir et moi je lui demande encore pourquoi il a...quelle idiote je vous jure ! Je ne dis rien pendant un moment, je n'ose pas. Je ne sais pas quoi dire. Je ne veux pas empirer la situation et en même temps je sais que je dois parler. Alors je m'efforce de le faire en réfléchissant bien à chaque mot qui sortent de ma bouche avant de les dire.
- Tu n'étais pas obligé de faire ça.
- Je m'en serais voulu de ne pas l'avoir fait.
Je me retiens de sourire. C'est mal ce qu'il a fait mais c'est aussi la première fois qu'un garçon autre que mon frère se bat pour moi et je dois avouer que je suis assez flattée malgré l'agacement. Il s'est quand même blessé et je n'aime pas voir les gens se blesser, surtout pour moi. Je prends une autre compresse en fuyant son regard, je sais très bien ce qui va suivre je ne suis pas idiote.
- Amyra.
Je lève la tête vers lui doucement. Je sais ce qu'il va me demander, le problème c'est que je ne sais pas si je serai capable de lui répondre. Je ne sais pas si je pourrais tout lui raconter, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas eu besoin de le faire.
- Qu'est-ce qui s'est passé entre lui et toi ? me questionne Zachary sans que je ne sois vraiment surprise.
Je recommence à le soigner en serrant de ma main posée sur le lit, le drap dans lequel mes ongles pénètrent doucement.
- Tu ne crois pas que tu aurais dû me poser la question avant de lui casser la figure ?
- Quelle que soit l'explication il méritait ce qui lui est arrivé.
Je balance ma tête de gauche à droit en souriant tristement.
- Non au fond il a juste un problème.
Comme toutes les personnes qui se comportent mal avec les autres. Je me souviens parfaitement de notre courte « histoire ». Je me souviens de chaque détail et de chaque mot qui ont pu sortir de sa bouche quand il m'a abordée le jour où on est arrivés ici. Je sais que je dois tout dire à Zachary. Il mérite au moins de savoir pourquoi il s'est battu et s'est fait toutes ces blessures. Alors je me lance sans plus d'hésitations sinon je sais que je ne pourrai jamais y arriver.
- Je l'ai rencontré quand j'étais en train de sortir les derniers cartons de la voiture après le déménagement. J'étais nouvelle ici alors...quand un beau garçon est venu m'aborder je n'ai pas vraiment réfléchi comme j'aurais dû le faire.
Je me rends compte maintenant qu'à l'époque j'ai vraiment été stupide. Mais je sais que ça m'a bien servi de leçon et que je ne ferais plus la même erreur aujourd'hui.
- Pendant ma première semaine ici, lui et moi on a commencé à flirter on va dire. Je ne connaissais personne d'autre, j'avais à peine quinze ans, je voulais juste m'intégrer. Il était adorable avec moi, vraiment il n'avait jamais rien fait de mal jusqu'à cette soirée.
Lorsque le drame est arrivé. Là aussi malheureusement je me souviens de tous les événements. Comme si ça s'était déroulé hier.
- Un de ses amis organisait une soirée à laquelle il m'a invitée, et à laquelle il y avait évidemment de l'alcool. C'est ça qui a causé tous ces problèmes.
On arrive au moment que je déteste le plus raconter et je ne l'ai fait que deux fois. Je sens mes mains qui commencent à trembler mais je tente de le cacher et de me calmer.
- Après quelques verres il s'est mis à crier. Il se moquait de tout le monde et insultait des inconnus...et à un moment il m'a tirée jusqu'aux toilettes. Tu imagines bien la suite de l'histoire.
Je ne parviens plus à cacher mes tremblements, j'arrête de le soigner et je pose ma main sur le lit en baissant la tête pour ne pas avoir à le regarder dans les yeux en racontant ce passage. J'ai honte. Je sais que je ne devrais pas, Sofia me l'a répété cinq cent fois mais je n'arrive pas à faire autrement. J'ai tout simplement honte d'avoir été aussi naïve. Je revois la scène défiler devant mes yeux alors je me ressaisis vite pour ne pas perdre le contrôle. Je relève la tête en souriant pour me rassurer moi-même et je reprends mon travaille d'infirmière.
- C'est l'alcool son problème. Il a juste besoin de se faire soigner. Et d'un côté cette histoire affreuse m'a permis de rencontrer ma meilleure amie.
- Comment ça ?
C'est la seule chose positive qui est ressortie de ce cauchemar.
- Quand il était en train d'essayer de...de me...Sofia est entrée dans les toilettes et nous a vu. Elle a aussitôt appelé Mackensie qui était tout près et tous les deux ils m'ont sortie de ce pétrin.
Mes sauveurs. Je leur en serai éternellement reconnaissante. Qui sait ce qui aurait pu se produire s'ils n'étaient jamais arrivés ? A l'époque ils ne sortaient pas encore ensemble mais comme Sofia me collait toujours pour s'assurer que j'allais bien, je me suis rendue compte de leurs sentiments et j'ai donné un coup de pouce au destin. C'est comme ça qu'on est devenues les deux meilleures amies du monde. Depuis qu'elle m'a sauvé d'un sale pervers alcoolique. On a déjà vu mieux comme rencontre. Mais je l'aime justement pour ça, très peu de personnes se seraient jetées sur un sale type pour sauver une inconnue. Pourtant elle l'a fait. Un long silence règne pendant un moment suite à cette révélation, jusqu'à ce que je décide de le briser en changeant de sujet. Ça me fera aussi penser à autre chose. Même si je ne choisis pas très bien le sujet.
- Je t'ai vu tout à l'heure au Richi. Tu avais l'air en bonne compagnie.
- Je n'irai pas jusqu'à dire ça. En fait elle est ennuyante à mourir et je crois que je n'aurais pas pu la supporter plus longtemps.
Alors je ne comprends pas. Pourquoi il est sorti avec elle s'il ne la supporte pas ? Je songe à la théorie absurde de Sofia quand elle les a vu, est-ce qu'elle pourrait avoir raison ? Même si la seule idée que Zachary Collins tente de me rendre jalouse me paraisse trop absurde, je ne peux pas m'empêcher de tourner et retourner la question dans ma tête. La seule façon de le savoir c'est de la suggérer avec discrétion.
- Alors pourquoi tu es allé au restaurant avec elle ? Tu savais que j'y serais et tu voulais me rendre jalouse ou quoi ? je demande en me forçant à pouffer de rire pour paraître amusée par cette idée que je prends au contraire très au sérieux.
- Si c'était le cas ç'a fonctionné ?
Je termine de le soigner pile au moment où il me pose cette question. Je ne veux pas lui donner la satisfaction de savoir que oui ça m'a énervée de les voir ensemble. Mais s'il me le demande c'est parce qu'il veut savoir si son plan foireux a fonctionné ? Je commence à croire que Sofia pouvait avoir raison. Cependant je n'ai pas encore pris ma décision au sujet de Zachary et je ne veux pas précipiter les choses. Alors je reprends tout ce que j'avais apporté et je me lève.
- J'ai fini tu devrais te reposer maintenant.
Je me dirige vers la porte quand à la dernière minute je me rends compte que je ne l'ai pas remercié. Je n'approuve absolument pas sa méthode et je trouve que se battre c'est totalement idiot. Mais il a quand même fait ça pour moi et je ne peux pas partir comme ça sans rien dire. Alors je me retourne à contrecœur en tentant de ne pas le regarder dans les yeux pour ne pas le voir jubiler lorsque je dis :
- Merci.
- Quoi ?
- Ne me fais pas répéter ça.
Je le regarde enfin mais étrangement il n'est pas en train de se moquer. Il sourit oui mais il n'y a rien de mauvais dans son sourire comme d'habitude lorsqu'il se comporte comme le gamin arrogant que je déteste. Alors je lui souris aussi et je sors enfin de sa chambre pour me rendre dans la mienne et me laisser tomber sur mon lit. Je crois bien que je commence beaucoup trop à m'attacher et ça m'inquiète. C'est pourquoi le sommeil prend du temps à venir. Je pense trop. Comme d'habitude. Je réfléchis toujours beaucoup trop et au final je me rends compte que je rate énormément de choses. Je crois bien que Zachary peut être autant une source de bonheur que de malheurs. C'est vrai, si je cédais à son petit jeu et que tout le monde le découvrait comment est-ce qu'on ferait ? Ma mère ne pourrait plus jamais me regarder en face, Dorian serait furieux tout comme Sébastian qui voudrait sûrement casser la figure de Zachary, et Charlie ne comprendrait rien. Les gens autour d'elle se mettraient à parler, ou pire, les autres enfants pourraient se moquer d'elle, ses amis. Ce que je veux éviter à tout prix. Je pense que de toutes les personnes qui nous entourent, c'est elle qui me préoccupe le plus. Et je suis certaine que derrière ses airs de mauvais garçons, Zachary pense la même chose. Pourtant j'ai tellement envie de céder. Je suis face à un satané dilemme que je ne pourrai pas résoudre par moi-même.
Et ça continue ainsi pendant les jours suivants. Je suis incapable de savoir ce que je dois faire, Zachary continue de se montrer, avec, à chaque fois, une nouvelle fille et je sens que la prochaine je vais bien lui montrer le fond de ma pensée. D'ailleurs la voilà en parlant du loup. La énième conquête de monsieur qui sort de la maison au moment où j'allais entrer en manquant de la bousculer. Cette dernière me regarde tel un prédateur qui repère une menace dans son champs de vision, jusqu'à ce qu'elle devine mon identité. À ce moment-là elle se met à me sourire faussement et fait voler ses longs cheveux d'un coup de tête sur le côté pour s'approcher de moi.
- Tu dois être la petite sœur de Zachary, s'exclame-t-elle en me tendant sa main dont les faux ongles de dix centimètres pourraient servir à crever les yeux de quelqu'un.
La petite sœur ?! Non mais elle se prend pour qui elle ?! Je regarde sa main avant de la regarder à nouveau dans les yeux sans bouger d'un cil.
- Tu sais au moins comment je m'appelle ? Ou même le nom de famille de celui avec qui tu viens de t'envoyer en l'air ?
Un petit rire méprisant sort de sa bouche et elle jette à nouveau derrière son épaule ses cheveux châtains incroyablement lisses. Je vois bien qu'elle cherche mais qu'elle ne trouve pas, alors je me mets à rire ce qui l'agace encore plus, et elle s'en va furieuse sans rajouter un seul mot. J'entre dans la maison fière de moi. Qui a dit que c'était toujours à moi de jouer la proie et pas le chasseur ? Bien sûr ma fierté se cache lorsque je me rends compte que l'arrogant est devant moi en train de sourire.
- C'est une façon de traiter une invitée Amyra Salem ?
- Une invitée non. Une péripatéticienne, absolument oui.
Je lui adresse mon plus grand sourire avant de me diriger vers les escaliers que je commence à monter lentement sans me retourner mais en continuant de parler.
- Maintenant je vais te laisser chercher ce que péripatéticienne veut dire.
- Je te rappelle que je suis à la fac.
- Oh c'est vrai pardonne-moi. J'ai tendance à oublier ce détail beaucoup trop souvent quand je te vois, je ne sais pas pourquoi.
Et j'arrive à l'étage avec un énorme sourire aux lèvres. Aujourd'hui c'est la veillée de Noël et je crois que je ne pouvais recevoir meilleur cadeau que la satisfaction d'avoir eu le dernier mot. Après tout, il n'avait qu'à trouver un autre endroit pour faire ses cochonneries avec cette fille s'il ne voulait pas que je me comporte comme ça.
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