Chapitre 6 : Le comité

Les deux garçons arrivèrent devant une lourde porte, fermée évidemment.

- Prêt ? demanda Rakheid attentif à chacune des réactions de son frère.

- Carrément ! répondit Natsu. J'ai rien à perdre.

S'emparant chacun d'une poignée, ils ouvrirent les battants d'un même élan. Le gymnase devant eux s'étendait tout en longueur, immense. Un seul côté était utilisé, les gradins étaient noirs de monde. Au centre du terrain, se trouvait une longue enfilade de tables, où siégeaient sept personnes, une femme et six hommes : les jurys des Sélections, assis face au public. Quelques mètres devant eux, un jeune homme se tenait sous leur regard, droit comme un i, les bras croisés derrière le dos, à la manière d'un militaire. Deux pas en arrière, un homme d'un certain âge le couvait du regard, son entraineur probablement.

- Bonjour, dit Natsu d'une voix claire et joyeuse, désolé pour le retard.

Tous les regards bifurquèrent vers les deux frères ; des murmures glapirent de toutes parts. Chacun devait y aller de son petit commentaire perfide. Rakheid frissonna : Natsu aurait pu s'abstenir d'attirer l'attention. Mais se dérober, ce n'était pas dans le style de son frère, et à force Rakheid en avait l'habitude. Il sourit et suivit son cadet qui traversait le gymnase la tête haute en dissimulant incroyablement bien la nervosité et la gêne qui l'habitaient.

Lucy sentit son cœur s'emballer. Natsu, elle l'avait cherché partout, elle avait craint qu'il ne puisse entrer, et le voilà. Tout son être frémit.

Depuis hier soir, elle se demandait comment elle le trouverait à la lumière du jour. Serait-elle déçue ? Avait-elle rêvé ?

Il était là, au côté de son frère, en train de traverser le gymnase d'une démarche souple et aérienne, imperturbable quant aux réactions des gens autour de lui. Tous les regards étaient braqués sur eux, uniquement sur lui peut-être...

Son regard à elle, en tous cas, ne le quittait pas. Qu'il était beau ! Elle le dévorait des yeux. Il était grand, musclé, mais pas que... La jeune fille s'humecta les lèvres. Elle plissa les yeux. Elle resta un moment à le regarder, les yeux grands ouverts, sans penser à autre chose que lui : Natsu !

- Tu baves, la coupa Erza avec un petit sourire en coin.

- Mamma mia ! En voilà deux qui valent le détour ! chuchota la voisine de la rouquine.

Cette voisine se prénommait Mirajane Strauss. C'était une belle jeune femme aux longs cheveux blancs et aux immenses yeux bleus, grande amie d'Erza. Elle était venue de son côté, en compagnie de son petit ami Luxus, un autre joueur de l'équipe de Sting.

- Tu es en couple Mira, lui rappela Erza en soupirant.

- Parfois, je me dis qu'être en couple me fait passer à côté de bien des distractions, ironisa Mirajane la bouche en cœur.

- Ce sont les joueurs de Fairy Tail ? S'enquit Minerva, assise juste devant les trois filles.

- Non ! répondit excédée Erza. Pour la cinquantième fois, Minerva, le joueur que tu cherches est brun !

- C'est le favori des Sélections ! Comprends-moi, je veux à tout prix m'occuper de lui ! beugla la pom-pom-girl. J'en ai besoin pour mon avenir ! Il est où ?

- Tu le verras quand ils l'appelleront. Il s'appelle Grey Fulbuster. Il est plutôt pas mal, répliqua Mirajane.

- Il n'est pas mauvais, ajouta Sting. Mais cette année, les joueurs sont vraiment minables !

- Lucy ? Lucy ? se moqua Erza qui n'écoutait absolument pas ses camarades. Toujours là ? N'oublie pas de respirer, hein ?

Lucy détacha à contrecœur son regard du rosé. Il s'était installé un peu à l'écart au côté de son frère. Il semblait si à l'aise ! Pour la blonde, c'était époustouflant. Elle, elle aurait rasé les murs. Lui, au contraire, était entré d'un pas conquérant, il n'avait pas hésité à prendre la parole. Sa voix avait résonné avec clarté dans ce gymnase aux dimensions pourtant olympiques. Il transpirait la confiance. C'était... C'était...

«Lucy !!!» la rappela à l'ordre Erza en passant une main devant ses yeux.

La jeune Heartfilia lui lança un regard noir. Son amie aux cheveux écarlates n'arrêtait pas de la taquiner. Au début, c'était drôle, ensuite c'était devenu gênant, maintenant ça l'irritait. Avant qu'elle puisse lui dire le fond de sa pensée, Rogue, qui se trouvait juste derrière les filles, posa ses mains sur les épaules de sa petite amie et murmura :

- Il a réussi à entrer. Ce n'était pas du bluff. Je suis vraiment curieux de savoir qui c'est...

Erza arrêta de respirer. Lucy pouffa.

- Rogue fait une fixette sur le sans-clan, s'amusa Sting installé à la gauche de son ami. Scarlett, je me méfierai à ta place !

«Lyon Bastia !» appela la voix du chef de cérémonie.

Cette voix appartenait au plus jeune des membres du jury, installé exactement au centre de la tablée. C'était un homme d'une trentaine d'années aux cheveux d'un noir profond, au visage lisse de toute expression.

- C'est Zeleph, le Directeur de SaborFairy, expliqua Rakheid.

Un joueur aux cheveux raides et blancs descendit des gradins et vint se placer devant le jury.

- Je le reconnais, dit gaiement Natsu. Il est super sympa, j'ai joué avec lui. Lamia Scale !

- T'es sourd ou quoi ? tonna son frère. Il s'agit de Lyon...

- Mais Rakheid ! s'emporta le rosé. On s'en fout de son nom. Son équipe, c'est Lamia Scale, je te dis !

Rakheid soupira. Son petit frère, il ne le comprendrait jamais, sa mémoire était tout à fait sélective.

- Tu as joué avec eux ? demanda-t-il amusé.

- Absolument, il y avait une bonne entente entre nous, répondit Natsu en gigotant à moitié.

- Vous avez gagné ? questionna l'ainé se retenant de rire face à la posture de son cadet.

- Euh... Le rosé réfléchit, intensément ! Me souviens plus!

--Tu ne te souviens jamais des scores, c'est fou ça, Natsu ! râla Rakheid.

- Je me souviens de lui avoir fait une passe de travers sur la ligne de fond, il a fait un dunk incroyable, il est bon, je te le dis !

- SILENCE ! tonna la voix de Zeleph.

Rakheid se figea. Natsu, quant à lui, soupira d'ennui, posa sa tête sur ses bras et essaya de se taire. Un vrai challenge pour lui !

- Lyon Bastia de Lamia Scale, récapitula le juge placé à l'extrémité droite de la table.

- Ce juré, c'est Mest Gryder, le représentant de la Fédération de basket, chuchota Rakheid.

Natsu hocha la tête. Il le connaissait. Ce Mest Gryder n'allait pas être ravi de le voir. C'était un homme brun aux cheveux courts avec une large cicatrice sur une moitié du visage. Ses yeux étaient bleus, perçants. C'était le seul membre du jury à avoir une pile impressionnante de feuillets sous les yeux. Il en attrapa un et le feuilleta allègrement :

- D'excellentes statistiques, des résultats scolaires satisfaisants, le dossier médical est à jour. Votre candidature est validée. Bienvenue aux Sélections Monsieur Bastia. Votre guide sera Erza Scarlett.

Natsu ne put s'empêcher de pousser un grognement.

- C'est cuit ! déclara-t-il catastrophé. Stats, moyenne générale... J'ai tout faux ! Il plissa les lèvres dans une étrange contorsion, puis éclata de rire. En réalité, ça me fait marrer ! Je vais me faire défoncer !

- Qu'est-ce que tu racontes ? demanda Rakheid qui n'avait rien écouté tant il était absorbé par les paroles des juges.

Le jeune basketteur leva les yeux au ciel.

- Leurs critères de sélection-là... J'en coche aucun ! Sérieux, comment mon dossier a-t-il pu être accepté ?

- C'est une IA qui envoie les convocations, expliqua Rakheid songeur.

- Une IA... une Intelligence Artificielle ? hurla Natsu en se redressant de toute sa hauteur.

Tous les regards obliquèrent sur lui. Gêné, il toussota et se rassit, un petit geste d'excuse au bout de la main. Rakheid leva les yeux au ciel : son frère était sans filtre, à force, il était habitué à ce genre de situation gênante.

- Tu veux dire que c'est une IA qui procède au recrutement ? essaya de murmurer un Natsu tout rouge complètement consterné.

- Oui, c'est fait par ordinateur, explicita l'ainé en maudissant l'attitude on ne peut plus mal élevée de son diablotin de frangin. Ils l'utilisent pour éviter le favoritisme ou les marchandages.

- Une IA !!! se récria le cadet, les yeux exorbités. Je vais avoir l'air malin quand ils vont lire mon dossier. Il marqua une pause, fit la moue, étira ses bras. Que c'est long, j'en ai marre ! ronchonna-t-il en soufflant.

- Prends ton mal en patience. Il y a du monde à passer.

Le garçon aux cheveux roses acquiesça en soupirant. Il se tint sagement assis une ou deux secondes, puis il se redressa à moitié et s'assit en tailleur. Ça ne dura pas, déjà il bougeait dans tous les sens à la recherche d'une position confortable.

- Ça m'ennuie, soupira-t-il bien fort. Je m'ennuie ! Franchement. On en a pour deux heures à voir passer tout ce monde. J'en ai marre !

Il s'avachit sur son siège et cala sa tête sur le fauteuil vide à ses côtés. Il tint en place à peine cinq minutes. Alors, les traits tirés, il décida de s'allonger complètement, la tête sur son bras. Tant pis ! Les gens penseraient bien ce qu'ils voudraient, il s'en fichait : soit il faisait ça, soit il se barrait !

- Réveille-moi quand ce sera mon tour, ordonna-t-il en fermant les yeux.

Il râla un moment, puis d'un coup, il se tut. Sa respiration devint régulière, son visage lisse d'émotion. Natsu s'était endormi.

Rakheid pinça les lèvres de dépit. Il comprenait la stupeur de son petit frère, cependant une IA ne commettait pas d'erreur. Natsu avait été recruté en bonne et due forme. Alors, même si cette attente était une torture pour lui, il aurait dû faire un effort et mettre de côté son aversion à rester assis. Son dossier était atypique, il devait à tout prix faire bonne impression.

Pourtant, il devait l'admettre : le calme qui émanait de lui, endormi dans les gradins, mettait du baume au cœur. Natsu en avait bavé ces derniers temps. Espérons que ces Sélections lui apportent la sérénité qui lui manquait.

« Dors bien petit frère... » chuchota-t-il amusé devant le sans-gêne de son diablotin de frère.

***

- Mais pour qui il se prend ce gros débile ! grogna Sting avec colère.

Les regards de ses voisins scrutèrent celui qu'il était en train de dévisager ainsi la rage au ventre : Natsu. Il observait Natsu, allongé sur deux sièges, les jambes repliées, la tête calée sous un bras, le visage bienheureux.

- Ahaha ! se moqua Mirajane. Il dort ! Je l'adore ! Il a raison. Qu'est-ce qu'on s'ennuie !

- C'est vrai que c'est long et loin d'être passionnant ces pré-sélections, approuva Erza. Mais de là à s'endormir. Franchement, il n'est pas très malin.

- Regarde-le, trop mimi ! s'esclaffa la fille aux cheveux blancs, heureuse de voir un petit rebelle dans la masse des candidats.

- C'est vrai qu'il est chou, reprit Erza. Mais ce n'est pas le problème. Ça ne se fait pas. Se tenir correctement fait aussi partie de l'examen. Il part perdant avant même le début des épreuves.

- Il fait pitié, tu as raison Sting ! renchérit Minerva en lançant de multiples œillades au blond.

- Et encore tu ne l'as pas vu jouer, s'amusa Sting en se tournant vers la brune. On l'a croisé hier. Le gars, il a passé des heures à tenter de mettre un panier... et devine quoi, il en a marqué aucun !

- Personne ne t'arrive à la cheville, Sting ! papillonna Minerva.

- Faut qu'il dégage ! gronda le blond en levant le poing. Il est la honte des Sélections !

Lucy leur jeta un regard mauvais et serra les dents. Critiquer, se moquer, ces deux-là ne savaient faire que cela. Une colère sourde était en train de monter en elle. C'était bien la première fois qu'un tel sentiment l'habitait.

Grey Fulbuster de Fairy Tail ! appela la voix d'outre-tombe de Zeleph.

Le silence se fit instantanément. Chacun voulait voir de ses yeux celui qui partait grand favori.

Le voilà ! s'écria Minerva toute excitée en se levant pour mieux l'apercevoir.

Minerva, gronda Erza, tu n'es pas transparente !

La vue est plutôt bonne, ironisa Sting fixant "la croupe" de la pom-pom-girl.

Lucy écœurée ferma les yeux. Cette cérémonie était ennuyeuse à mourir, le basket ne l'intéressait pas, elle n'avait qu'une hâte : sortir d'ici ! Les discussions vides de sens comme celles qu'elle subissait depuis ce matin, elle n'en pouvait plus. Elle avait mis tant d'espérance dans ce voyage... Au final, elle n'avait qu'une idée en tête : fuir ses camarades et rejoindre les deux étrangers de l'autre côté du gymnase.

«Votre candidature est validée, entonna la voix monocorde du délégué de la Fédération. Bienvenue aux sélections de SaborFairy, Monsieur Fulbuster. Le guide qui vous a été assigné se nomme Lucy Heartfilia.»

Affolée, Lucy écarquilla les yeux en plaquant une main devant sa bouche. Tout mais pas lui ! Par pitié. Pas la cible de Minerva !

Erza lui donna un coup d'épaule: «Tu as gagné le gros lot, Lucy. Félicitations !»

C'est ignoble, rugit Minerva. Tout ça parce que c'est une Heartfilia ! Elle se retourna violemment vers la blonde et lui lança un regard haineux. Ton père a payé le comité pour que tu sois sous le feux des projecteurs ! Tu me dégoutes, Lucy !

Lucy bondit sur ses pieds, l'esprit en ébullition et se retrouva face à la brune. Leurs regards se jaugèrent avec colère.

Tu veux avoir la charge de ce joueur, Minerva ? s'enquit la blonde d'une voix si froide qu'elle-même ne la reconnut pas. Tu penses que t'occuper de lui va changer ta vie, va te faire connaitre du grand monde du basket ? Elle sourit, mais d'un sourire mauvais, cruel. Eh bien, vas-y, il est à toi. Moi je n'en ai strictement rien à faire ! Rien à faire de ce joueur ! Rien à faire du basket ! Tu as raison sur un point, je suis une Heartfilia, je n'ai absolument besoin de personne pour être reconnue. Mon père ? Payer pour que je m'occupe d'un collégien ? C'est ridicule ! Ce n'est pas la ligue professionnelle ici. C'est une minable sélection qui ne concerne que des gamins !

Sur ces mots, la blondinette se rassit en serrant les poings afin de camoufler les tremblements qui s'étaient emparés d'elle. Minerva se laissa retomber sur son siège, comme assommée en bégayant :

Non, c'est bon. Il est à toi.

Arrête de faire ta girouette ! Je prendrai le tien, trancha Lucy énervée, les larmes prêtes à s'épandre hors de ses yeux tant ses émotions tourbillonnaient dans sa tête.

Erza et Mirajane hochèrent toutes deux la tête approuvant les paroles de la blonde.

C'était bien envoyé, déclara Sting plus que surpris par le discours de celle qu'il prenait pour une coincée.

Minerva, tu viens d'éveiller la colère des Heartfilia, clama Rogue au travers des rires de ses amis.

Natsu Dragnir...! s'écria la voix de Zeleph à cet instant. Pas de réponse. Monsieur Dragnir?

Ah enfin !!! s'exclama Rogue aux aguets.

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