Chapitre 44: Tic-tac... L'heure des comptes

Je vais y aller... continua Natsu en chancelant presque.

Il ne pouvait plus retarder l'échéance. Son père l'attendait. Les poumons oppressés, le cœur battant, Natsu fit demi-tour. 

Le jeune homme avança à pas lents. Perdu, perdu dans le flot de ses pensées, dans le flot de ses souvenirs. 

Tout doucement.

Comme s'il portait le poids du monde sur les épaules.

Il soupira. Il s'était passé tellement de choses aujourd'hui ! Il était venu aux Sélections avec l'envie de vivre une expérience amusante. Il y avait rencontré un tas de gens incroyables, vécu un ballet d'émotions. Et... il y avait fait la connaissance de Lucy !

Il la chercha des yeux. Elle était là, tout près. Elle avait réussi à quitter la tribune mise en place pour accueillir le Roi. Elle discutait avec son amie aux cheveux rouges, avec plein de pom-pom-girls aussi. Les filles étaient en train de la féliciter. Elle avait l'air heureuse, tellement heureuse ! Natsu voulut la rejoindre. Malheureusement, c'était impossible. Tout ce micmac touchait à sa fin. Son Père était arrivé.

Bientôt, bientôt, il la rejoindrait. 

D'abord, d'abord, il devait parler à son Père, cet homme, là-bas.

Son humeur s'assombrit.

Pourquoi ? Pourquoi avait-il fallu que son paternel lui interdise de jouer au basket ?

Natsu... gronda la voix du Père, le coupant dans son marasme intérieur.

Le squelette du jeune homme se rigidifia. Cette voix ! Rien que d'entendre cette intonation familière, son sang cogna contre les parois de son cœur. Il grimaça, souda ses mâchoires. Cet homme lui avait fait peur une grande partie de sa vie. C'était fini.

Père, répondit-il la boule au ventre en croisant les bras sur son torse. Je n'ai rien à te dire. Pas la peine de fracasser qui que ce soit, c'est bon, casse-toi !

Le jeune homme ricana. Un tas de gens était en train de s'agglutiner autour de lui, comme une fourmilière sur une goutte de miel perdue. Natsu fronça les sourcils, l'image lui déplaisait. Ce n'était qu'une bande de rapaces avides de colporter des commérages pour égayer leurs misérables existences. Il grogna agacé et croisa le regard du Directeur Zeleph. Ce dernier lui fit un curieux signe de tête et s'empressa de disperser les sangsues.

Dédaigneusement, Natsu posa les yeux sur l'homme face à lui, cet homme qui l'avait violenté, cet homme qui l'avait maintenu des années dans la terreur, au point que le jeune Dragnir en était venu à se réfugier sur le ring du basket clandestin. Toute cette merde, c'était sa faute ! 

Ta faute connard ! Il gronda.

Natsu... répéta l'homme.

Cette voix... Le jeune Dragnir tressaillit. Cette voix ne résonnait pas de son autorité habituelle. Son timbre ne promettait rien, ni violence, ni torture. Elle chantait comme... comme... une requête ? 

Il écarquilla les yeux. Pour la première fois de sa vie, il regarda son géniteur droit dans les yeux. D'égal à égal. Son Père était un vieil homme fatigué, les tempes grisonnantes, le visage émacié. Il n'avait rien de l'homme immense aux yeux flamboyants, dont Natsu avait l'habitude. L'ancienne Salamandre recula, médusée. L'homme devant lui était voûté, la chevelure rouge ramassée en paquets filandreux, figé dans une grimace... triste ?!

Tu oses jouer cette carte-là ! aboya-t-il ulcéré.

Qu'il joue à la victime ! Insupportable !

Son cerveau se déconnecta. Natsu devint hors de contrôle. Il s'avança sur son Père, se planta nez à nez et attrapa son col de chemise.

Écoute-moi bien ! s'emporta-t-il. Pas la peine de jouer la comédie, je te connais par cœur. Tu ne trompes personne ! 

Natsu... intervint alors Rakheid en s'approchant tout doucement de son frère. Calme-toi ! Tu devrais... Écoute ce qu'il a à te dire, s'il te plaît !

Rien à battre de ce qui sort de sa bouche ! hurla le joueur d'Hargéon.

Le Père se voûta davantage et baissa les yeux. 

Je me casse ! continua l'adolescent avec hargne. Si je dois le revoir, ce sera au tribunal !

Rakheid l'attrapa par le bras, l'obligea à s'arrêter, à écouter.

Natsu... reprit-il d'une voix douce et calme à la fois. Écoute-le, ça ne t'engage à rien.

Je le hais ! beugla Natsu.

Personne ne te demande de l'aimer, soupira son frère. Il ne le mérite pas. Il le sait très bien. Il jeta un regard noir à son paternel, lui aussi le détestait. Mais Natsu... poursuivit-il doucement. Il reste ton père. Écoute ce qu'il a à te dire. C'est important.

Le jeune Dragnir plongea les yeux dans ceux de son frère.

Ne me demande pas de faire ça, supplia-t-il.

Je te le demande Natsu. Il le faut...

Le cadet recula d'un pas, la mine ravagée. Il acquiesça la tête basse, il avait trop de respect pour Rakheid pour ne pas s'exécuter.

Très bien, bougonna-t-il buté, en levant les yeux au ciel. Qu'il se dépêche dans ce cas ! J'ai pas envie d'y passer la journée.

Il regarda l'horizon, ne posant ses yeux nulle part. Lucy était partie, comme la plupart des spectateurs. Il laissa échapper un grognement. Il acceptait d'écouter cet homme, mais qu'il fasse vite ! Il avait une blonde à retrouver.

Natsu... reprit son père d'une voix hésitante.

Natsu serra les poings. Il n'avait aucune envie de l'écouter. Il lança une œillade emplie de dégoût à son frère. Rakheid se plaça contre lui, l'épaulant si besoin. À deux, ils étaient forts ! À deux, ils pouvaient tout encaisser !

Natsu... Mon fils... je...

Le Père se mit à bégayer. Il hésitait. Difficile de trouver les bons mots. Le Roi et le maitre de la ligue clandestine étaient là, si près.

J'ai été une ordure, reprit-il sans regarder ses fils. Rien de ce que je vais dire ne peut me faire pardonner, je le sais. Mais, malgré tout ce que je t'ai fait endurer... malgré mes erreurs, mes injustices, ma violence aussi. Sache que jamais je n'ai arrêté de t'aimer.

Arrête ! hurla Natsu. Arrête de mentir déjà !

Le Père se courba, le poids de la honte trop lourd à porter.

Natsu... continua-t-il d'une voix brisée. C'est toi qui en as le plus souffert. Tu ressembles tellement à ta mère : la couleur cerisier de tes cheveux, ton caractère intrépide et égoïste. Je te regarde et je la vois en même temps. Tu me vois comme un monstre et... je plaide coupable. Avec toi surtout, avec Rakheid aussi. Monstrueux, je l'ai été. Il se dandina sur ses jambes, il n'osait toujours pas le regarder. Il fixa les gradins et les yeux plissés reprit tout doucement. Depuis la mort de votre mère, je n'ai eu de cesse que d'essayer de vous protéger. J'avais tellement peur !

Il marqua une pause, les yeux noyés sous des larmes recluses sous ses paupières depuis des années. Que de nuits il avait passées à pleurnicher, seul, à la recherche d'une solution. Protéger son fils quel qu'en soit le prix, quels que soient les sacrifices ! Il voulait bien faire. Il avait tout gâché.

À la mort de votre mère, je nous ai fait déménager. Hargéon était une petite cité balnéaire, habitée à l'année par quelques pêcheurs. J'ai cru que vous y seriez en sécurité. Je vous imaginais champion de surf ou de natation. Son regard brilla avant de se ternir sous un voile de déception.  Malheureusement, vous ne pensiez qu'à sauter partout, qu'à dribbler avec un ballon ! J'avais peur, si peur que quelqu'un fasse le lien ! J'étais seul, je ne savais pas quoi faire. Votre mère était morte, j'étais dévasté. Je n'avais aucune idée de la manière de m'y prendre pour éduquer des garnements tels que vous ! Ton arrivée était si soudaine ! Il plongea les yeux dans celui de son fils, ses mains tremblaient. C'est là... c'est là... que j'ai pris l'habitude de frapper ! Il baissa la tête comme si une enclume reposait en équilibre au-dessus de lui. Je... Je ne savais pas quoi faire d'autre...

Un court gémissement s'échappa de sa gorge. Il trembla de tout son long. Finalement, se cacher à Hargéon n'avait servi à rien. Natsu se retrouvait aujourd'hui à la vue de tous. L'échec était total.

Pourquoi ? beugla Natsu, la colère à fleur de peau. Tu vas enfin nous expliquer ce que t'as contre le basket, enfoiré ?

Tous les regards se rivèrent sur lui. Était-il sans cœur ? Ne voyait-il pas la douleur que son père était en train d'endurer ? 

C'est alors qu'une masse énorme se cala contre le dos de l'adolescent. Natsu frémit. Cette présence était si... rassurante...! 

Il ferma les yeux et se laissa partir en arrière. Il inspira lentement, se délectant de cette sérénité qui peu à peu l'enveloppait.

Majesté, souffla-t-il.

N'interviens pas, lui conseilla le Roi en chuchotant à son oreille. Tu sortiras bien plus fort quand tu connaitras la vérité. Il marqua une pause. Son visage crispé cachait mal la fureur qui l'habitait. Ce père qui essayait de se trouver des excuses, ça le mettait en rage ! C'était à cause de lui ! Il serra les poings. Hargéon, répéta-t-il dans un murmure glacé. 

Natsu prit son courage à deux mains, il fit face à son Père. Le Roi et Rakheid à ses côtés, il se sentait protégé.

Parce que... parce que c'est le basket qui a tué ta mère ! implora son père en étouffant un sanglot muet.

L'homme se plia en deux, assommé par la honte et par des tonnes de souvenirs. Cela faisait quatorze ans qu'il cachait cette vérité ! Il avait échoué. La promesse qu'il avait faite, sa mission de dissimuler Natsu... Il n'avait pas réussi. Le Roi était là, il écoutait tout. Si seulement il avait envisagé qu'Acnologia ferait le déplacement... Comment protéger Natsu ? Dénoncer Hargéon serait-il suffisant ?

Il s'affala, rattrapé de justesse par la main d'un vieil homme.

Je me charge de leur conter cette partie, intervint la voix douce de l'homme à la tête d'arbre. Reprends ton souffle, mon ami. Tu n'en as pas fini.

Le vieil homme fit un pas en avant, s'empressa de serrer la main aux deux frères.

Natsu, Rakheid... reprit-il tout bas. Je suis Worlod Seaken, je suis un Joueur Sacré.

Les yeux de Natsu s'élargirent d'un seul coup : un Joueur Sacré ? Un Joueur Sacré venait dîner tous les mois chez lui, et il n'était pas au courant ?

L'homme à la tête d'arbre poussa un bref éclat de rire.

Je vois à ton regard que tu l'ignorais, Natsu ! Ça ne m'étonne pas. Tu n'as jamais écouté un traitre mot de ce que j'ai pu raconter. Toujours dans la Lune, toi ! Il rit deux secondes, puis d'une voix douce et fière à la fois, continua : Voyez-vous, j'étais l'entraineur de votre mère. C'était une grande joueuse de basket, la meilleure de sa génération !

Les deux garçons le scrutèrent des billes à la place des yeux. Leur mère ? Joueuse de basket ? Des milliards de questions en tête, religieusement, ils ouvrirent grand leurs oreilles, avides de comprendre les raisons qui avaient poussé le monde des adultes à leur cacher cette révélation.

Les temps étaient durs pour une joueuse professionnelle, même pour la meilleure d'entre toutes, continua le Joueur Sacré. Impossible pour une femme de survivre de ses gains. Un jour, votre mère a pris la décision d'arrêter... enfin arrêter, c'est ce qu'elle nous a fait croire. 

Il souffla, jeta un regard mal à l'aise à Hadès et Zeleph qui avaient rejoint le troupeau.

Elle a choisi une autre voie, la même que celle que vous avez prise l'année dernière... celle de la ligue clandestine ! 

Un brouhaha retentit dans la salle. Il n'y avait plus grand monde, seuls les juges, Hadès et le Roi étaient restés. Mais pour certains, cette nouvelle était dure à digérer.

Votre mère a fait de mauvais choix : elle a fini par renoncer au basket et s'est tournée vers d'autres activités plus lucratives, plus dangereuses. Et, malheureusement... Sa voix se brisa. Elle... elle en est morte ! C'était quelques temps après ta naissance, Natsu.

La flamme dans ses yeux s'éteignit, c'était comme s'il venait de prendre dix ans d'âge en une seconde. Il s'essuya les yeux, se moucha avec férocité, voulut en dire plus mais se retint au dernier moment. Il venait de croiser le regard courroucé d'Hadès. Le Joueur Sacré se tourna alors vers le Père Dragnir.

Dis-leur... dis-leur mon ami.

Le Père hocha la tête, le regard devenu froid, les muscles saillants.

Votre mère partie, notre famille à Hargéon... je pensais avoir réussi, continua Monsieur Dragnir d'une voix morne sans lever la tête vers ses fils. Je travaillais beaucoup, Irina était entrée dans nos vies. Elle était une parfaite belle mère, une femme exceptionnelle. J'ai baissé ma garde, je vous pensais sauvés, je vous croyais heureux. 

Il renifla, inspira lourdement. Ses yeux trahissaient sa peine, mais peu à peu celle-ci s'assombrissait d'une voile gonflée par la colère.

L'année dernière, j'ai compris que je faisais fausse route. Vous aviez disparu. Une semaine sans avoir de vos nouvelles ! Quand j'ai su ce qui vous était arrivé... La ligue clandestine ! Mes deux fils ! Tout ce que je voulais à tout prix éviter !

Sa voix devint dure. Il commença à crier.

Comment ça ? le coupa son cadet. Tu savais ? Tu savais et tu n'as rien dit ?

Bien sûr que je le savais ! Qu'est-ce que tu crois Natsu ? Tu me prends vraiment pour le plus grand des crétins !

Le Père fulminait maintenant, ses yeux flamboyaient d'une colère noire, centrée sur son fils. Natsu recula, ce visage-là, il le connaissait par cœur. Le Roi posa alors lentement, tout doucement, ses mains sur ses épaules.

Tu ne risques rien, dit Acnologia suffisamment fort pour que tout le monde l'entende. Cet homme ne posera plus jamais la main sur toi. Je te le garantis.

C'est Erick, reprit le Père en foudroyant son fils du regard, celui que tu nommais ton meilleur ami qui m'a tout raconté... Imagine son état, égoïste que tu es ! Quand il est rentré à Hargéon, vous étiez introuvables ! Imagine sa terreur ! Comment as-tu pu laisser ton ami dans l'ignorance, lui qui était blessé, lui qui a perdu sa jambe dans cette histoire ? Que faisais-tu à ce moment-là, hein Natsu ? Vas-tu enfin me dire où tu étais ? 

Il tapa du pied, rejeta violemment ses cheveux en arrière.

Mais bien sûr ! Tous les deux vous ne pensiez qu'à votre nombril ! Ni songer à votre ami laissé sur le tapis, seul, sans aucune nouvelle ! Ni même penser à Irina pleurant toutes les nuits ! Vous avez toujours été narcissiques ! Surtout toi Natsu !

Le rosé ne répondit pas ; le Roi dans son dos lui donnait la force de tenir, de se retenir, d'écouter. Son paternel ne savait rien du cauchemar qu'ils avaient vécu. Rien ! Et c'était lui l'égoïste ?

Au bout de sept jours interminables, vous avez enfin appelé, comme si rien ne s'était passé... poursuivit l'homme en essayant de se calmer. Et sans réfléchir à notre angoisse, à Irina et à moi, vous avez mis quinze jours à revenir ! Quinze jours ! Alors OUI ! J'assume ! J'ai perdu toute décence. Je savais tout et vous ne me disiez rien. Ça m'a rendu fou ! Je t'en voulais tellement Natsu ! Portrait craché de ta mère ! La même désinvolture ! Le même goût du risque ! Les gens autour de toi, tu t'en fiches complètement ! Ça rend fou cette attitude ! 

Il passa une main glacée sur son visage. Il inspira profondément. Ses souvenirs, ses émotions étaient toujours à vif. Il ne devait pas dévier. Tout... il devait tout orchestrer pour que Le Roi n'apprenne jamais la vérité. Lui donner des os à ronger. Des fausses pistes. Vendre ses amis. Peu importait. Le Père était prêt à mourir s'il le fallait.

Et toi Natsu... tu as passé tes journées à me narguer ! Tu as exigé de rentrer dans l'équipe de ton collège ! Exiger ! Alors, j'ai perdu pied. Ce jour-là, lors de ce match à Hôsenka, c'est vrai, j'aurais pu t'ôter la vie. J'ai failli...

Le pauvre homme se tut, un sanglot lui échappa. Il n'y avait rien à dire, au moins il l'admettait, c'était déjà pas si mal. Il se redressa, le cœur empêtré dans une immense déception.

Natsu ! exigea-t-il d'une voix perchée suppliante et en même temps vengeresse. Pourquoi n'as-tu rien dit ? Pourquoi ce silence ? J'aurais pu vous venir en aide ! J'aurais pu...

C'était comme un cri du cœur, une supplique. Le Père Dragnir vibrait d'incompréhension. Il aimait ses fils, et en même temps, il les détestait de n'avoir jamais rien voulu partager avec lui. Qu'était-il pour eux ? N'était-ce pas son rôle de père d'être omniscient ?

C'est de ma faute, l'interrompit Rakheid dans un murmure, des larmes engluant ses yeux. Ne t'en prends pas à Natsu. S'il n'a rien dit... c'est à cause de moi...!

Un brouhaha de voix retentit dans le gymnase. Toutes les personnes, qui étaient restées, se mirent toutes ensembles à piailler. Chacune avait son mot à dire, chacune se permettait de juger. Natsu les entendait vaguement. Il s'en fichait. La seule chose qui l'inquiétait, c'était son frère. Rakheid tremblait à ses côtés, écrasé par le poids de la culpabilité. Il souda son épaule contre lui.

Quoi ? Comment ça ? Explique-toi Rakheid ! s'écria le Père, la rage saupoudrant une nouvelle fois le corps.

Le Roi, pendant ce temps, répétait à mi-voix : « Rakheid... Rakheid ! ». Il réfléchissait, quelque chose lui déplaisait dans ce garçon, il se mit à le fixer. Intensément. Sans jamais cligner des yeux.

Natsu s'écarta d'un pas, il avait besoin de sortir de la sphère d'influence du souverain. Il se tourna vers son frère, posa une main sur son épaule et ordonna :

Ne dis rien, Rakheid ! Personne n'a à savoir. Puis, son regard bifurqua vers son géniteur. Père, tes explications ne servent à rien ! Si on t'avait tout raconté, qu'est-ce que ça aurait changé ? Rien ! Tu le sais. Je le sais. Ta comédie ne prend pas ! Rakheid et moi, ton vrai visage, on le connait !

Sa voix claqua comme un fouet.

Natsu...! gronda la voix du Père.

C'est bon, j'en ai ma claque de lui ! tempêta Natsu en claquant ses poings l'un contre l'autre. Il veut qu'on lui dise quoi ? Qu'on a mérité ce qu'il nous a fait ? Tout ça, Père ! D'une rotation des épaules, les bras grands ouverts, il indiqua le monde autour de lui. C'est uniquement de ta faute ! Si tu t'étais un tant soit peu intéressé aux personnes que nous étions, on n'aurait jamais intégré la clandestine ! Jamais je ne serai venu ici !

Je sais... répondit son Père en s'affaissant sur lui-même.

D'immenses gouttes se déversèrent de ses yeux, des larmes immenses, tels des océans. Le Père l'avait compris : c'était son attitude qui avait poussé ses fils à prendre ce chemin insensé.

Je le sais, Natsu ! s'écria-t-il éploré. C'est bien pour ça ! C'est bien pour ça que j'ai décidé de me racheter !

Il fit un pas vers son fils, les yeux rouges de larmes, les joues inondées.

C'est pour cela, continua-t-il implorant, c'est pour cela que je t'ai inscrit à ces Sélections ! Je veux le meilleur pour toi, pour ton talent !

Natsu, sous le choc tenta de reculer. Mais, le Roi dans son dos, lui bloqua toute retraite. Ce que son Père venait de dire, il n'y croyait pas une seconde, c'était impossible et pourtant... voilà le doute qui s'insinuait dans sa tête.

Je n'en crois pas un mot ! dit-il livide. Tu mens !

Le Père ne put ouvrir la bouche. Sa respiration s'entrechoqua de râles angoissés. Il tenta de se maintenir debout, il y arrivait à peine, il était lessivé. Cette décision, qu'il avait prise d'inscrire son fils ici, il la regrettait amèrement. Mais, c'était la seule chance pour que Natsu survive. Le jour de ses seize ans, il serait trop tard. Le Père l'avait compris. Il avait mis du temps. Il ferma les yeux, terrorisé par ce futur qu'il entrevoyait. Il pressa ses lèvres, dans l'incapacité de parler. Ce fut donc Worlod Seaken qui prit la parole.

Votre mère était si douée ! Je me suis toujours demandé si sa descendance hériterait de son talent. Alors, quand votre père m'a contacté l'année dernière et m'a appris votre existence, je dois avouer que mon cœur a frétillé d'impatience. À la seconde où je t'ai vu jouer Natsu, seul, de nuit, sur un terrain non loin de ta maison... j'ai tout de suite compris que tu l'avais surpassée ! J'ai donc contacté la Fédération, je voulais absolument te voir jouer en équipe. J'ai tout fait pour que tu joues ce match contre SaberTooth. J'espérais faire accepter la situation à ton père. Il secoua la tête, soupira fortement. Je n'avais pas réalisé à quel point vos relations étaient dégradées. 

Il se redressa, posa la main sur l'épaule du Père aux genoux flageollants.

Je l'ai emmené voir ce match. S'il te voyait jouer, j'étais sûr qu'il entendrait raison. C'était une erreur. La violence que tu as vécue me hante encore aujourd'hui ! Cependant... ton père... depuis, il a changé ! Il m'a demandé de l'aider. J'ai immédiatement contacté les Joueurs Sacrés pour qu'ils appuient ton dossier.

Le Père leva les yeux sur son fils, il fit trois pas vers lui, s'arrêta sous le regard perdu de son cadet.

Je suis désolé Natsu... bafouilla-t-il. Tu as le don de ta mère. J'aurais dû l'accepter.

N'en dis pas plus ! dit Natsu de plus en plus touché.

Je ne te demande pas de me pardonner. Mais...

Arrête ! s'écria Natsu les yeux devenus rouges à force de vouloir se déverser.

Natsu ! Tu es doué, une légende parait-il...

Des filets de larmes dégoulinaient sans discontinuer de ses yeux. Sa voix était devenue un murmure, à peine un bruissement. Ses fils, il les avait perdus, il le savait, ça ne l'empêchait pas de les aimer.

Natsu, quant à lui, était blanc comme un linge, son cœur s'emballait, son diaphragme se serrait. Un bruit de moteur résonnait contre ses tempes. Des larmes muettes s'écoulaient de ses yeux. Les mots de son Père avaient du mal à se faire un chemin dans sa conscience. Son Père... c'était grâce à lui qu'il était ici ? Vraiment ?

Les adultes commencèrent à jacasser. Le jeune Dragnir se détourna. Il avait besoin de prendre ses distances, de réfléchir. Il fit quelques pas loin de l'attroupement des adultes. Le regard de son Père vibrait à l'intérieur de lui. Il entendit Acnologia grogner, il entendit Hadès rire. Il avait le vertige. Il voulait suffoquer, s'allonger quelque part. Dormir.

C'est à cet instant que son grand frère se rapprocha et lui dit un grand sourire aux lèvres :

Et encore ! Il ne t'a pas tout dit... s'exclama-t-il joyeux. Devine quoi ? Il m'a inscrit au Conservatoire de Magnolia ! Je passe une audition la semaine prochaine. Si tout se passe bien... Si toi et moi, on est pris : il nous prendra un appart l'année prochaine !

Il fit un clin d'œil à son petit frère et le serra très fort dans ses bras. Natsu se tourna vers lui, l'esprit encore perdu. Il cligna des yeux, plusieurs fois.

Sérieux ? sourit le cadet. Un appart ? Toi et moi ?

Et ouais ! Petit frère ! Toi et moi... à Magnolia ! À nous la belle vie !

Le visage des deux frères s'illumina. Ils s'y voyaient déjà.

Par contre... s'amusa l'ainé. Le Roi ne m'aime pas ! Tu as vu comment il m'a regardé ?

Il éclata de rire. Natsu n'entendit pas. Il était repu, repu dans cet espoir qu'il attendait depuis si longtemps.

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