Chapitre 41 : Rébellion

Attention : scène de violence. Public averti

Les derniers candidats s'étaient regroupés au centre du terrain, ils entamaient un concours de tirs. C'était le moment de tout donner. Le vainqueur recevrait les félicitations du Roi, avec à la clé une pluie de contrats bien juteux.

Les joueurs étaient prêts, motivés. Ils n'étaient plus nombreux, moins de dix : Grey, Lyon, Simon, Dobengal, Orga...

Natsu grimaça, il espérait que ses potes allaient en finir avec ce type. Si ce bouffon vert finissait premier... Pas le choix : il retournerait sur le terrain pour lui rabattre son caquet !

Il ne put retenir un petit sourire mesquin de fleurir sur son visage. Il expira doucement l'air de ses poumons et se fit l'instant d'après sérieux, attentif, et bien mâture. L'heure était à la confrontation avec le Roi !

La foule le repéra immédiatement. Des murmures jaillirent de toutes parts : le garçon revenait avec le maillot de Fioré au bout du bras ! Que se passait-il ? Comment allait réagir Acnologia ?

Natsu avança d'un pas décidé dans l'arène. Il s'arrêta devant le trône, s'agenouilla pour la forme, se releva à moitié et sans dévier déclara :

« Majesté... »

Oh te voilà ! l'interrompit le Roi. Il l'observa de haut en bas avec dédain, puis se figea en grinçant des dents. Tu ne portes plus MON maillot ? rugit-il. Mald Gheel doit t'avoir dit que je voulais te voir immédiatement en tenue devant moi !

Oui Majesté, il me l'a dit... répondit Natsu, un éclat de malice étincelant au bout des cils. Malheureusement, je refuse.

Il tendit le maillot, les yeux soudés au plus profond de ceux du Roi.

Refuser ? le coupa Acnologia, en se relevant d'un coup sec. Tu oses REFUSER ?

Son cri résonna dans le gymnase. Aussitôt, les spectateurs rivèrent leurs yeux sur la scène. Acnologia était furibond ! Un silence de mort prit possession de la salle. Même le concours de tirs s'arrêta net. La peur flottait dans les airs.

Natsu avala la grosse boule de stress qui s'était peu à peu formée dans sa bouche.

Majesté, reprit-il difficilement. Je ne peux pas ! Porter les couleurs de Fioré, c'est impossible. Moi ! Je ne veux outrager personne, surtout pas vous.

Devant le regard incandescent du souverain, il trembla.

Mais... si c'est moi qui l'exige, tu te dois d'obéir...! s'exclama le Roi. Il ne comprenait pas. On... on lui obéissait toujours ! Qu'avait de plus cette petite Salamandre pour oser lui résister ?

Acnologia grinça des dents si fort que le bruit se répercuta une seconde dans les gradins derrière lui. Il était hors de question qu'il perde la face en public. Surtout depuis qu'il avait réfléchi. Ce que venait de lui dire son voisin changeait la donne. Peut-être que la marque qu'il portait à l'épaule, il pourrait s'en servir finalement.

C'est impossible, reprit Natsu en se relevant doucement. Vous avez refusé mes excuses, ça m'a fait réfléchir, et... ce n'est pas souvent que ça m'arrive ! Il gloussa. Si je vous obéis, si on aperçoit mon tatouage alors que je porte les couleurs du royaume, les choses finiront mal. Je ne suis plus La Salamandre, je ne serai jamais un pion.

Il laissa sa voix en suspens, il ne désirait pas s'étendre davantage. Alors, religieusement, il déposa le précieux maillot sur une chaise vacante à côté du trône.

Le Roi, pensif, hocha gravement la tête, se leva à son tour et sans prévenir posa sa royale main sur l'épaule du rosé. Natsu, blanc comme un linge le regarda éberlué. Acnologia sourit. Un vaste glapissement se fit entendre par échos précipités. Le public était stupéfait. Ce geste... c'était le signe que Le Roi accordait sa grâce royale ! Mais ? Pourquoi ?

La tension amassée depuis un moment se dissipa prestement. Les joueurs reprirent leur concours.

Natsu Dragnir... se délecta le Roi avec un grand sourire. Décidément, ton culot est impressionnant. Tu n'es pas le jouet d'Hadès. Je le sais. Tu es jeune. Ton repentir est possible, je veux bien t'offrir une chance !

Je euh.... Je vous remercie, répondit Natsu la boule au ventre. Son instinct lui hurlait de fuir. Pourquoi ?

Je sais ce qu'a fait ton père... enchaina Acnologia. J'imagine que c'est à cause de lui que tu t'es tourné vers la ligue clandestine, n'est-ce pas ?

Le cœur battant à tout rompre, les cils papillonnant au même rythme, Natsu se pétrifia sur place. Comment savait-il pour son père ? Quel était le rapport ?

Tout à fait, Votre Altesse, se précipita son voisin, un vieil homme tout ridé, aux cheveux verts grisonnants. Comme je vous le disais, son père refuse qu'il intègre une équipe et...

Natsu tourna la tête. Ses yeux s'écarquillèrent. Ce voisin... Un vieil homme, très vieux... des cheveux verts, un nez épaté, une tête d'arbre...

Mais... Je vous connais ! s'exclama-t-il bruyamment.

Bonjour Natsu, répondit la tête d'arbre en souriant. C'est exact. Nous nous sommes déjà rencontrés. Je me présente : je suis Worlod Seaken.

Worlod Seaken... répéta le jeune Dragnir en cherchant dans sa mémoire.

Cet homme était venu dîner plusieurs fois. Il s'en souvenait vaguement. Vaguement, car lui cette année, il avait fui le plus possible son foyer.

Je n'ai pas été agréable avec vous... se souvint le rosé, en gonflant les joues, dépité.

Le Roi s'esclaffa, l'homme à la tête d'arbre acquiesça, un doux sourire aux lèvres.

J'étais présent lors de ton match contre Sabor Tooth... indiqua-t-il peiné. Je sais que cette année a été difficile.

Entendre ces mots associés : Sabor Tooth/match. Natsu se crispa aussi sec.

Humiliation. Incompréhension. Colère.

Il ne dit rien, releva la tête, les yeux emprisonnés dans ce sombre passé. Ce qui s'était passé ce jour-là n'était pas cicatrisé. Il était incapable d'en parler. Il serra les poings aussi fort qu'il pouvait. Du coin de l'œil, il aperçut Max au fond du gymnase. Le joueur de Fairy Tail était venu finalement. 

- Messieurs, dit-il d'une voix lointaine. Je dois vous laisser, Max m'attend.

Il se dégagea, fit demi-tour. Ses oreilles vrombissaient.

Que va-t-il faire encore? demanda Acnologia amusé.

Je vous le ramène ! grommela l'homme arbre, ulcéré par cette impolitesse.

Surtout pas ! Je veux le voir à l'œuvre. Qui est donc ce Max ? s'enquit pensivement le Roi.

Un joueur qui vient de se faire expulser, accourut Zeleph. Majesté. Ce garçon est...

Le Roi d'un geste de la main le fit taire. Avide, il ne quitta plus des yeux le garçon aux cheveux roses. Son potentiel devenait... captivant ! Ainsi... la marque n'altérait pas son essence ou si peu. L'Etherious grossissait à vue d'œil. Bientôt, le garçon serait éveillé ! Cette puissance qu'il dégageait...!

Natsu s'empara d'un ballon, le fit rebondir deux fois et rassuré du niveau de gonflage s'empressa de le faire tourner sur son doigt. Cinq tours, dix tours... Il était doué !

Il força le pas et discuta deux secondes avec le fameux Max, les joues creusées à force d'avoir pleuré. Le rosé, les pupilles dilatées partit en petites foulées sous un panier, à l'autre bout du terrain.

Quoi qu'il se passe, laissez-le faire ! ordonna le Roi dissimulant mal sa convoitise.

Max s'élança, dribbla vers Natsu. Tous les regards bifurquèrent dans sa direction.

C'était le joueur qui avait lamentablement échoué ! Celui qu'Orga, puis la foule avait singé !

Max, la tête pleine de doutes, courut à vive allure, pendant que Natsu, de ses yeux verts bordés d'ambre, le couvait du regard. Les larmes aux yeux, le joueur de Fairy Tail se força à lui envoyer le ballon. Ce gars aux cheveux roses, il voulait croire en lui. Armé de son seul courage, il bondit, alors que le rosé récupérait et lui renvoyait la balle, non sans avoir analysé sa vitesse, ses capacités et la distance qui le séparait du panier.

Max s'envola, chopa la balle à la volée et Bim ! Il s'accrocha au cerceau. Le dunk était somptueux. La foule laissa éclater sa joie.

Magnifique ! Quel talent !

Max sauta au sol, un grand sourire aux lèvres. Il se précipita sur Natsu qui cogna son poing contre le sien.

Nickel Max ! C'était super beau ! se réjouit le jeune Dragnir.

Merci, répondit Max gaiement.

Y a pas de quoi, sourit Natsu avec douceur.

Les candidats lui sautèrent dans les bras. Des cris de joie retentirent de partout dans les gradins.

Natsu resta un moment à regarder la scène. Il eut un petit pincement au cœur. Puis, l'air de rien, il se détourna. Il était temps pour lui de s'en aller. Il chercha son frère dans les gradins.

Soudain, il aperçut Rakheid. Là ! Tout en haut des gradins ! Les bras ballants, le dos voûté, la tête basse...

Rakheid...!

Une vague de bile ravagea son estomac. A côté... à côté...

Bordel de merde ! Pas maintenant ! Pas ici !!

A côté de son frère, un homme fin, longiligne, grand, un homme aux cheveux rouges, les yeux pivoines, les poings serrés... Là-haut ! Tout en haut des gradins ! Le Père Dragnir prenait tout l'espace.

Natsu recula d'un pas, de deux même !

La même scène... encore... !

Il se figea, serra de toutes ses forces ses poings, ses ongles ravageant sa chair...

Flash-back : le match contre 'Sabor Tooth' (Trois mois auparavant)

Hey hey ! On entre sur le terrain en trottinant, le match va commencer. Je souris de toutes mes dents, je suis trop content !

La Fédération m'a appelé hier, besoin de moi pour compléter l'équipe des Cuattro Cerberus lors d'un match à Hôsenka. J'ai eu du bol de décrocher.

Ce soir-là, Mon Père avait un invité : l'homme-arbre !

J'ai juste eu le temps de prendre les infos du match, de saluer ma mère et de déguerpir par la fenêtre sous les hurlements de mon paternel. J'ai sauté sur mon scooter, j'ai roulé toute la nuit, j'ai attendu quelques heures et me voilà intégré à l'équipe !

Le coach principal est absent, c'est un gars qui le remplace. Bizarrement, il n'était pas au courant que je venais. Bizarrement, je ne remplace personne ! Il a failli me refouler ! Mais, il ne l'a pas fait, je n'ai plus qu'à profiter.

Mon équipe du jour est super sympa. Les gars s'amusent, s'éclatent ! La meilleure philosophie du monde ! Mon visage s'illumine d'un sourire parfaitement niais, j'ai les joues rouges à force de me marrer.

Le mélange avec la couleur de mes cheveux doit être abominable. Je ris. Orange mes cheveux ! Yukino, ma meilleure amie m'a forcé à faire un essai. Elle voulait me teindre en violet. Je n'ai pas eu le cœur de refuser... Le résultat est abominable, je ressemble à un potiron ! Je me marre. Je suis heureux. C'est tellement bon d'être dans son élément.

Ça y est, le match commence. Je joue d'entrée de jeu. Je suis un grand veinard. C'est trop cool !

En face... l'équipe est pénible ! À la moindre occasion, ils poussent, ils provoquent. Mes coéquipiers galèrent. Dès que l'arbitre a le dos tourné, les joueurs de Sabor Tooth chipotent, acculent, menacent ! Ça me démange... ça me démange de les briser.

Je les nargue. Je tournoie. Ils n'arrivent à rien. Je me marre. Je tire, marque, fais des passes. Ils courent partout comme des chatons derrière un laser. Je ris, ils sont tordants à chahuter dans tous les sens partout comme ça.

Je soupire. Je me reprends. Je ne dois pas mettre plus de cinq paniers par période. C'est le deal que j'ai conclu avec Rakheid. Pas facile de résister. Mais, je m'y tiens, j'essaie du moins.

D'un coup, on fonce sur moi, je ris bien fort. Petite brindille, gros brocolis, je vous attends ! Je ricane. S'ils savaient qu'un simple souffle à leurs oreilles les ferait s'écrouler ! C'est tentant. Je soupire. Je ne dois pas dévier.

La musique dans ma tête s'arrête. Il reste moins de deux minutes à jouer. Je n'ai marqué que deux paniers. Je souris de toutes mes dents. Je vais pouvoir me lâcher !

Je m'arrête, plie les genoux, observe mes adversaires, sans réussir à me retenir de les narguer avec un petit clin d'œil bien mesquin et sans attendre, je balance mon ballon. Je dois être à quatre mètres du panier. Arf ! J'aurais dû me rapprocher. Tant pis ! C'est fait. Le ballon glisse dans le cerceau. Je ne rate jamais un panier !

Hurlement ! Ola dans la salle ! Je sautille comme un dément. Je lève les mains en l'air, les gars me sautent dans les bras !

Bonheur !

Malheureusement, il est de courte durée.

D'un coup, un courant glacial me transperce. Mes poils se hérissent. Mon cœur m'avertit.

Danger !

Ma tête se tourne, mon regard s'assombrit. Je scrute. Mon instinct me guide, me pousse. Je lève les yeux.

Oh misère !

Là-haut, tout en-haut des gradins, une silhouette me fixe. J'arrête tous mes mouvements, je ne peux plus bouger.

Un homme fin, longiligne, grand, m'observe l'œil mauvais... Un homme aux cheveux rouges, les yeux pivoines, les poings serrés, là-haut. Tout en haut des gradins...!

Mon Père prend tout l'espace. Il est furieux.

J'oublie le match. J'avance pas à pas. Sa colère est centrée sur moi, elle m'opprime, elle m'empêche de respirer. Il commence à descendre, marche après marche, il se rapproche. Je grogne. Je suis en plein match. Il m'a vu jouer. Je viens de faire un putain de panier ! Il l'a vu !

Il descend encore. Il avance toujours. Je suis au bord du terrain. L'arbitre siffle, on m'attend pour reprendre le jeu. Je me fige, je croise les bras, je serre mes muscles. Mes yeux se plissent, je veux qu'il dégage, je veux qu'il regarde, j'aimerai tant qu'il m'encourage !

Mon père se crispe devant moi. Sa haine me fait plier l'échine. Mon cœur se ratatine. Il m'attrape par le haut du maillot.

« Dehors ! siffle-t-il. Suis-moi ! »

Je recule. Je le toise. Y a du public. Je souris méchamment.

Non ! je réponds. Je suis en plein match !

Il affine sa prise. J'essaie de me dégager.

Natsu ! s'écrit-il. Tu vas me suivre sans faire d'histoire !

Je bloque sa main, je l'arrache de mon maillot. Il s'accroche. La couture se déchire. J'enrage. Il n'est même pas à moi ce maillot !

Je finis le match et je te suis, c'est bon ! je crache à son encontre. Je ne veux pas faire d'histoire. Je suis certain que s'il prend le temps de me voir jouer, il comprendra, il me laissera.

Il se dresse face à moi. Il est beaucoup plus grand, quasi quinze centimètres je dirai. Il est tout en muscle. Il se croit plus fort, il ne sait pas qui je suis... Je le déteste.

NATSU !!! il hurle.

Il a crié tellement fort que ça se précipite sur nous : les coachs, le staff, la Fédération qu'en sais-je ? Ils discutent. Ça crie. On nous pousse hors du terrain. On nous jette dans les couloirs. J'enrage. Ils nous ont foutus dehors ! Ils s'en moquent de mon injustice ! Ma respiration se bloque. Je vois rouge.

Je le hais ! Je le HAIS !

Je te hais ! je crie.

Maintenant, ça suffit Natsu ! Tu vas obéir ! Je t'ai interdit de jouer et tu vas t'y tenir ! Je te préviens ! OBÉIS !!!

Sa voix claque dans l'air, mais j'en ai rien à battre.

Tu ne m'en empêcheras pas, je crie encore. Je jouerai, je ne m'arrêterai jamais ! T'as toujours pas compris ?

Mon père fonce sur moi. Il lève la main. Il fait ça à chaque fois ! Quand il est à bout de mot, quand il sait que quoi qu'il fasse, je ne l'écouterai pas... Il menace, il frappe. J'ai l'habitude. Ces coups ridicules ne me font plus rien depuis des années. Je ne renoncerai pas. Son interdiction de merde, j'en ai rien à foutre.

Il envoie son poing en avant. Je sautille, il ne m'atteint pas. Je me marre. Je laisse mon rire tournoyer dans l'air. Son regard devient noir. Son impuissance est flagrante. J'ai roulé 10 heures sur mon scooter pour venir jusqu'ici. Il le sait. Le basket : c'est toute ma vie ! Il s'en moque.

Il envoie un second coup. Son poing fend l'air et ne rencontre que du vent. Je ricane, il est ridicule, il est nul ! Je tournoie autour de lui, je le nargue. Je sais que je ne devrais pas faire ça... Je ne peux pas m'en empêcher. Je le hais. Je déteste ce petit ingénieur, qui se laisse marcher sur les pieds, mais qui se croit le roi du monde dès qu'il entre dans sa maison.

Connard !

Je m'approche en riant et lui claque à la tronche ses quatre vérités :

Jamais ! Jamais je ne serai un raté comme toi ! Fiche-moi la paix !

Je n'ai pas prévu... je n'ai pas songé une seconde que ces quelques mots allaient irrémédiablement le transformer. Mon père a toujours été faible, un moins-que-rien... une grande gueule qui ne va jamais au bout de ses idées.

Sauf...

Cette fois...

Son poing atterrit droit dans ma mâchoire. Mes dents cognent contre mes lèvres. Je tombe en arrière et m'explose le dos contre le sol. Je tousse. Je crache. Il m'a surpris. Je n'ai pas le temps de me relever qu'il est déjà sur moi. Il cogne... il cogne encore. Il hurle des mots que j'ai du mal à comprendre. Je suis sous le choc.

Arrête ! je souffle en essayant de me protéger.

Il s'en tape. Il continue de cogner de toutes ses forces. Il hurle, je gémis. Je me roule en boule. J'attends.

Arrête Papa !

Ce murmure s'échappe de mes lèvres. Je me maudis d'oser prononcer ce mot. Je maudis ma lâcheté, ma faiblesse. Pourquoi je me laisse faire ? Pourquoi je le laisse faire ? Il frappe toujours et moi je me tasse de plus en plus, je ne fais rien, j'attends que ça passe...

Soudain, la porte s'ouvre. Un géant fonce sur nous, je le distingue à peine, je le reconnais pourtant : le directeur de l'équipe adverse, Jiemma quelque chose... C'est un géant aux cheveux blancs avec un collier de perles rouges... le directeur de Sabor Tooth !

Il fonce sur mon père, le pousse de toutes ses forces. Mon père se rebelle, envoie son poing. Jiemma, ivre de rage, réplique et envoie un uppercut qui souffle mon géniteur en arrière droit sur un mur. Son dos se brise sur le ciment, sa tête s'échoue contre le lino. Mon père est au sol... assommé...!

Aussitôt, je saute sur mes jambes, la rage au ventre. Mon père ! Qui a osé ? Qui a osé s'en prendre à mon père ? Je hurle. Je bondis. Je ne supporte pas qu'on porte la main sur lui ! Je cours à toute vitesse, je saute sur le géant,  je m'acharne sur son dos, sur son cou... C'est lui !  Je cogne comme un dératé. Je connais les points qui font mal. Il hurle, il s'ébroue, il me balance contre le sol. Je m'écrase, je rebondis, mais direct je me relève, je n'en ai pas fini.

Des gens m'entourent, ils m'empoignent, je me débats. Ils me tiennent, j'envoie mes poings, mes pieds. Je boxe comme un forcené, mais ils sont trop nombreux. Très vite, ils m'entravent. J'ai la haine ! On me parle, j'écoute à peine. Mon père au sol... Je ne peux pas le supporter.

Au bout d'un moment, mon père s'assoit. Il baisse les yeux, il a honte.

Des gars en uniforme arrivent. Ils le hissent sur les jambes, lui mettent des menottes. Mon père baisse la tête, il joue à la victime. Je fulmine, toujours retenu prisonnier. Mon géniteur est évacué, une escorte l'accompagne. Il ne dit rien. Il boîte. Il n'ose pas me regarder.

Un peu plus tard, on me relâche. Je suis plus calme, franchement groggy. Un type me parle, un autre m'examine. Je ne les écoute pas. Mon corps s'est mis à trembler. L'adrénaline m'a quitté. Les gens m'observent, un attroupement se forme autour de moi. Je ne dis rien. Je fais pitié. Quelque part, je comprends... je me fais pitié à moi-même. Et ça me gonfle... ça me gonfle tellement !

Heureusement, il n'y a que des vieux dans la salle. Les jeunes, les joueurs doivent être en train de continuer le match. Avec un peu de chance, personne n'est au courant. Le basket... Ça me manque déjà ! Je soupire, je souffle. Mes yeux me piquent. Je fronce le nez, je me mords les lèvres, j'essaie de résister. Je n'y arrive pas...

Voilà... J'ai échoué...! Des larmes roulent sur mes joues. Je tremble, je tremble tellement. Je lève les yeux au ciel. Je suis inondé par mes larmes. J'en ai marre... marre de cette putain de vie...! Moi, la seule chose que je voulais, c'était juste jouer au basket ! Pourquoi je ne peux pas ?

Une main se pose sur mon épaule. Un vieux, une tête d'arbre... Tiens ! Cet homme ne m'est pas inconnu. Il me parle, je l'ignore, je lui tourne le dos. Je ne veux pas l'écouter.

Quand je pense qu'il était chez moi hier... Une image de mon frère inonde ma cervelle. Je tremble de tout mon long. Je renifle. Rakheid ! Je suis désolé, j'ai pas réussi ! Je perds pied. La souffrance et la honte me brisent. Je m'en veux tellement !

Une femme en uniforme me demande de la suivre. J'entends rien, ça bourdonne dans ma tête. Je suis en larmes. Je suis muet. Je la suis en clopinant. Il m'a fait mal. Mon cœur saigne... Je ne pourrai jamais oublier. Je ne pourrai jamais lui pardonner.

Aujourd'hui, quelque chose s'est fissurée...

Cette ère est terminée. Je ne sais pas quoi, pas encore. Ça viendra...

Fin flash-back

Son père tout en haut des gradins...

Natsu se figea, serra de toutes ses forces ses poings, ses ongles ravageant sa chair...

Pas encore ! Impossible !

Alors... alors le jeune homme souda ses mâchoires l'une sur l'autre. Son visage se déforma sous le coup de cette colère sourde qui avait commencé à germer le jour de ce match à Hôsenka. Il claqua sa langue contre son palais et lui fit face. Les choses avaient changé... Son père ce jour-là avait perdu ses droits.

Le père et le fils se scrutèrent un instant, puis Natsu se détourna. Cet homme, ce n'était plus son père. Il était mort à ses yeux un soir de printemps lors d'un vulgaire match de basket.

Le jeune Dragnir s'empara d'un ballon, le premier trouvé à ses pieds. Nonchalamment, il retourna vers le Roi, et sans un mot, enfila de nouveau le maillot de Fioré... Tout était opaque dans sa tête. Plus rien ne comptait.

Il claqua son ballon au sol, une fois, deux fois, trois fois... Il inspira fortement et se rendit, seul, au centre du terrain.

Il se redressa de toute sa hauteur. Il observa les alentours. Il tourna plusieurs fois sur lui-même. Il alpagua du regard tous les cloportes autour de lui. Il incita la foule à ne voir que lui. Il souffla un instant et s'écria d'une voix blême, d'une voix puissante :

Me dites pas que quelques malheureux paniers vous suffisent ! Vous voulez du spectaculaire ? Mesdames, Messieurs, voulez-vous voir ce qu'est vraiment le basket ? Êtes-vous seulement prêts ???

Tous les regards étaient rivés sur lui. Il se laissa observer, un sombre sourire vengeur au bord des lèvres. Il exhorta la foule et écarta les bras, un voile d'amertume aux fonds des pupilles. Il se réjouit. C'était l'heure ! Son heure de gloire ! Que son géniteur vienne le sortir maintenant... qu'il ose !

Il fit trois pas en avant, et explosa dans un immense salto sans élan. La foule glapit. Il atterrit souplement sur ses deux jambes.

Souplesse, légèreté, savoir-faire.

Les bouches s'agrandirent, les yeux s'élargirent.

« Vous êtes prêts ??? » héla-t-il.

Des cris, des encouragements, des applaudissements répondirent.

Fort ! Tout était fort !

Natsu riva ses yeux sur le panier. Il visa à peine, il lança simplement. C'était un doigt d'honneur... un doigt d'honneur à tous les connards réunis, un doigt d'honneur à Hadès et à sa saloperie de ligue clandestine, un doigt d'honneur à son père, ce géniteur qu'il reniait de tout son être...

Une clameur retentit...

C'était un petit chemin, une simple route, une autoroute...

Le ballon dans les airs.

Des hurlements, des cris.

Le ballon ravagea sa cible, d'un seul coup, directement, sans vague, sans bruit, tout schuss...!

Fracas des pieds contre le sol, tremblement des gradins...! Applaudissements...! Beuglements...!

La foule en liesse! Natsu comme ivre.

Que le spectacle commence !!!

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