Chapitre 40 : Advienne que pourra !

Natsu s'était levé. Croiser le regard de Lucy lui avait permis de sortir de la torpeur qui l'enveloppait. 

Le cadavre ambulant derrière lui avait tenté de resserrer sa prise. C'était trop tard ! Son emprise sur La Salamandre s'était tarie. Hadès s'était reculé sur son siège, un poil désappointé, un brin victorieux. Machiavélique, il avait souri. Patience, rien n'était joué.

Dans un élan glacial, Natsu était allé au devant du Roi. Il s'était agenouillé.

Les mots lui brûlaient la gorge. Ce qu'il s'apprêtait à faire... C'était héroïque de sa part.

Les genoux sur le parquet, le froid s'engouffrant dans ses jambes et la gorge serrée, il avait levé les yeux vers son Roi, qui s'évertuait à l'ignorer. Les mains crispées sur les accoudoirs. Le regard lointain. Les jambes repliées l'une sur l'autre, battant la mesure avec agacement. Le Roi était furieux. Se faire rouler dans la farine à ce point, ça le mettait hors de lui. Quel pensum de ne pas pouvoir faire appel à ses gardes ! Quelle frustration de devoir patienter pour réduire en miettes ce petit imprudent !

Détruire La Salamandre, depuis un an, il en rêvait. Toutes les nuits. L'effronté avait disparu, effacé des radars, volatilisé ! Il n'était reparu qu'aujourd'hui. À ses pieds ! Sous les traits d'un garçon aux cheveux roses. Celui qu'il voulait. Celui qu'il attendait. Peut-être ! Comment avait-il pu passer à côté ? Qui ? Qui l'avait dupé ? Et ce jouet dont il avait tant rêvé s'avérait être l'icône de la rébellion fomentée par Hadès.

Rageur, égrené par une rancœur immense, Le Roi imaginait dans sa tête mille scénarios pour apaiser sa fureur autant que son arrogance. Montrer au monde que La Salamandre n'était rien. La mettre au pilori. La faire souffrir. La voire ramper. Sa vengeance serait à la hauteur de l'affront qu'il vivait. Sauf que... c'était peut-être l'arme qu'il convoitait. Une arme à la lame brisée. Cette épaule... un désastre !

« Majesté... » souffla Natsu mal à l'aise.

Pas de réponse. L'ignorance toujours. Le rosé soupira. Ni marche arrière, ni galipette. Il déglutit avec difficulté.

L'humilité. L'humilité.

Majesté... continua-t-il en rivant ses yeux au sol. Je... Pas facile de s'aplatir ainsi ! Sachez que... à aucun moment, je n'ai voulu vous manquer de respect. Allez Natsu ! Ces excuses. Tu peux les faire ! L'intérieur de sa bouche était comme écorché. Ces mots étaient vraiment durs à prononcer. Je m'excuse de vous avoir mis dans l'embarras. Je m'excuse pour mon passé. Je n'ai jamais fomenté le moindre complot contre vous. Moi bah... je jouais au basket, c'est tout.

Le regard du Roi se tourna un millième de seconde sur le jeune homme, un petit éclat d'amertume brilla dans ses pupilles, mais Natsu, les yeux rivés au sol ne s'aperçut de rien. Il se mordillait la joue. Il respirait avec force et fracas. Dur pour lui.

C'est alors que dans un large geste de dédain, Acnologia lança une de ses mains dans sa direction. Elle glissa avec mollesse sous le nez du rosé, pendouilla sous ses yeux. Natsu sursauta. Il leva des yeux pleins d'espoir vers son souverain. Mais, Le Roi l'ignorait toujours. Hautain. Colérique.

Tremblant, Natsu s'en empara et tenta en même temps de calmer son cœur qui s'était mis à pomper son sang dans un rythme effroyable. La pression dans ses oreilles s'intensifia, il frissonna. Ce moment était important, il le sentait. Il ne devait pas se louper. Il avait vu faire Zeleph. Le baisemain !

Il expira tout l'air de ses poumons et posa en tremblotant ses lèvres sur cette main, cette main que son souverain lui tendait.

Le Roi Acnologia tourna alors la tête vers lui, un étrange sourire coincé sur les lèvres.

C'est bien, dit-il d'une voix mauvaise. Mais, ça ne suffit pas. Ton existence me fait honte. Maintenant, tu quittes le terrain. Disparais !

Sa voix était comme la lame de guillotine : tranchante, aiguisée. À peine ces mots prononcés, le monarque se détourna, claqua sa main sur sa cuisse. Natsu, toujours agenouillé, les yeux écarquillés, déglutit sa salive. Le voilà comme un con. Tous ses efforts n'avaient servi à rien. Il avait cru que ça marcherait, que le Roi lui pardonnerait.

Il se redressa avec difficulté. Son pouls battait la chamade. Décidément, ce monde n'était pas fait pour lui. Il avait du mal à respirer. Il hocha gravement la tête, croisa le regard scintillant du boss et sans un mot se détourna à son tour. Être La Salamandre était impardonnable. Il partit, un vaste bourdonnement dans les oreilles, les yeux embués. La parenthèse était finie, bienvenue dans la réalité. Il y avait goûté, il avait adoré mais il avait été rejeté. Il partait sans regret.

Natsu, les lèvres pincées, la tête haute et fière à la fois, regarda droit devant lui et retourna aux vestiaires. Il ne perdrait pas la face. On ne voulait pas de lui ici ? Très bien, il partait.

Il carra ses mâchoires l'une sur l'autre et quitta le terrain sous les applaudissements de la foule qui l'aimait déjà.

Il atteignit le couloir, passa le long des vestiaires. Il jura. Merde ! Ses fringues. Il les avait laissées dans son sac... sac qui devait toujours se trouver dans le petit salon.

Quelle journée à la con ! Avec sa veine, il allait finir à poil.

Il secoua la tête, désabusé. Acnologia avait paru grandiose, généreux et tout et tout. Au final... que du vent ! Il lui avait forcé la main pour porter le maillot de Fioré, il avait laissé le borgne saliver sur lui et il avait rejeté ses excuses sans même les écouter. Quant à Hadès, il n'était rien de plus qu'un vieux pervers.

Tous des connards !

Il soupira, fit rouler ses épaules. Vivement qu'il retrouve Rakheid et qu'ils se cassent d'ici ! Il n'y avait plus qu'à croiser les doigts pour que personne ne l'attende à la sortie. Il se figea, maugréa. Il était dans la mouise, dans la mouise jusqu'au cou ! Le Roi allait se venger. Hadès prévoyait de le cueillir à la sortie. Pas grave. Il s'en sortirait. Il avait Rakheid ! Il sourit, reprit son avancée, passa devant le vestiaire sept et entendit un bruit. Un sanglot ? Aussitôt son sang se glaça. Lucy ? L'attendait-elle ici ? C'était sa chance ! Sa chance de s'excuser !

Ni une ni deux, il se rua à l'intérieur. Malheureusement, ce n'était pas la jolie blonde qui l'attendait. C'était un joueur de Fairy Tail, si on se fiait aux couleurs du maillot qu'il portait. Ce n'était ni Grey ni Loki... un autre joueur de l'équipe, un que Natsu ne connaissait pas. Le pauvre, il pleurait à chaudes larmes, tout seul, accroupi dans un coin. Il plaquait ses mains sur son visage. Désespéré.

Entendre résonner ce refrain chamboula le garçon aux cheveux roses. Natsu avança à petits pas, la tête de côté. Ce gars... c'était comme s'il avait tout perdu, comme s'il ne croyait plus en rien.

Je peux faire quelque chose ? demanda-t-il tout bas en pinçant les lèvres.

Le joueur tressaillit et releva les yeux, le visage humide, des yeux rouges et la bouche tremblotante. Il regarda Natsu et précipitamment se redressa.

Je... euh... salut Natsu ! dit-il.

Qu'est-ce qui va pas ? demanda le rosé en continuant de s'approcher avec lenteur.

Le joueur de Fairy Tail, le souffle court, ferma les yeux.

Rien, tout va bien, mentit-il.

Pas la peine de faire semblant, répondit dans un murmure le joueur d'Hargéon. Je ne vais pas te juger. Dis-moi juste si je peux t'aider ?

Non, t'inquiète. Mer... merci. Un bref sanglot s'échappa de sa gorge. C'est une mauvaise journée, lâcha-t-il la tête basse.

À qui le dis-tu ! acquiesça Natsu en se grattant la nuque pas vraiment à son aise. Dis... t'aurais des habits à me prêter le temps que je rende ceux-là au Roi ?

Tu... tu t'en vas ? demanda l'autre en farfouillant dans son sac à la recherche de vêtements de rechange.

Ouais, ricana Natsu. Ma collaboration avec Acnologia n'aura pas duré dix minutes ! Il vient de me foutre dehors.

Natsu s'esclaffa, amusé. Son interlocuteur blêmit.

Il... il t'a renvoyé ? Mais... pourquoi ?

Ce serait trop long à raconter. C'était qu'une belle supercherie. Mais, pendant cinq minutes, j'y ai cru, crois-moi !

Un large sourire s'épanouit sur son visage. Le joueur de Fairy Tail écarquilla les yeux. Comment faisait-il pour le prendre aussi bien ?

Tu... tu n'es pas déçu ?

Natsu hésita. Il prit le temps d'y réfléchir.

Je ne vais pas le nier : ça fait mal, reprit le joueur d'Hargéon en redressant la tête. C'est comme un direct dans la mâchoire que mon orgueil vient de se manger. Mais... je ne vais pas en mourir. En fait, c'est un mal pour un bien. Faut pas sauter des étapes dans la vie !

Et sur ces bonnes paroles, il sourit plus fort. Cette mésaventure n'allait pas l'arrêter. Le joueur de Fairy Tail suspendit ses gestes. Cette attitude, cette confiance que le rosé dégageait, fut pour lui comme un électrochoc.

Comment tu fais pour le vivre aussi bien ? souffla-t-il médusé, en lui envoyant un short et un T-shirt. Moi, à ta place... Il marqua une pause, soupira un gros coup et poursuivit. Moi, je viens de foirer une passe pour un dunk. J'étais placé, j'ai sauté, la balle sur moi... et... je n'ai pas réussi à l'attraper, je me suis vautré. Un gémissement accompagna ses mots, ses yeux se remplirent à nouveau de larmes. Les coachs m'ont pourri.

Natsu s'immobilisa, il se souvenait. Tout à l'heure... quelqu'un avait échoué, toute la salle s'était moquée. Des cris de singes, des rires moqueurs. Orga en tête. Les moutons derrière. Oh ! Il s'en souvenait. Il s'en souvenait même très bien ! Quels enfoirés ! Il grogna.

C'était toi, murmura-t-il les sourcils froncés. Mec... T'as juste raté un dunk. C'est rien !

Je suis nul... répondit piteusement le joueur en se laissant tomber sur un banc.

Natsu avança droit sur le garçon, il se posta devant lui, les jambes écartées, les bras croisés.

Les dunk ratés, c'est toujours à cause d'une mauvaise passe... déclara-t-il sûr de lui.

Non, rétorqua le joueur de Fairy Tail. C'est le coach Stinger qui m'a fait la passe. C'est moi qui me suis planté !

Il plissa le nez, perdu dans une tempête de larmes et de honte réunies. Il baissa la tête. Ce fut trop pour Natsu : il posa sa main sur l'épaule de son nouvel ami et le fixa ouvertement.

Je sais ce que je dis. La passe était mauvaise. Échouer, ça arrive. Quitter les Sélections pour ça, c'est pas justifié. Il blanchit, ses cheveux se redressèrent sur sa tête. Dis-moi que les coachs n'ont pas fait ça ! s'écria-t-il catastrophé.

Si... ne put que pleurnicher d'une toute petite voix le joueur. Eligoal a dit que rater une passe, à notre niveau, devant le Roi, c'était inacceptable.

Il s'affala contre le sol, submergé par la honte, par l'échec.

Je suis foutu ! hurla-t-il en reniflant. Je serai toujours le petit merdeux des Sélections, le singe de service !

Ses larmes reprirent, ses sanglots aussi. 

Natsu l'observa, les bras croisés, la tête penchée. Son regard se fit doux, puis d'un coup il devint noir, furieux.

Arrête ! fulmina-t-il. Tu vas retourner sur le terrain. Cette saleté de dunk, tu vas le réussir !

Non... ! Impossible ! s'écria l'autre joueur. Ils m'ont foutu dehors !

Rien à foutre ! La passe était mauvaise, j'en suis sûr. Tu y retournes. Montre-leur !

Je ne pourrai jamais y retourner.

Fais comme tu veux... reprit Natsu d'une voix forte. C'est ton choix ! Mais, si tu veux gravir les échelons, si tu veux encore te regarder dans un miroir, retournes-y, affronte-les ! Je te ferai la passe s'il le faut ! Il se gratta le crâne d'un coup très ennuyé. C'est quoi ton nom déjà ?

Max... Je m'appelle Max ! murmura le joueur de Fairy tail en se mouchant sur son bras.

Max... On ne se connait pas, poursuivit le rosé la confiance dansant autour de lui. Je n'ai aucune leçon à te donner ! Si tu veux continuer le basket, lève-toi et va dunker. Les regards, les moqueries... Efface-les ! Moi, j'y retourne, je dois rendre ce maillot à cet enfoiré d'Acnologia. Un éclat de pure malice emplit ses orbes. Assister au désespoir de ce garçon l'avait gonflé à bloc. Rejoins-moi... ou va-t'en ! Tu perds ton temps à t'apitoyer sur ton sort.

Sans rien ajouter, Natsu se changea, plia délicatement le maillot de Fioré, remercia Max et sortit. Pendant tout ce temps, le joueur de Fairy Tail ne broncha pas. Natsu grommela. Il aurait voulu faire plus, mais à quoi bon ? Chacun sa route.

Il sortit et quelle ne fut pas sa stupeur de découvrir que... l'homme à tout faire du Roi l'attendait de l'autre côté de la porte.

Salut Ma... Machin ! s'empressa-t-il de se moquer. Te bile pas, je n'allais pas vous le voler votre prototype.

Son interlocuteur se crispa de tout son long.

Mald Gheel est mon nom, cracha-t-il.

À tes souhaits ! répondit Natsu du tac au tac. Si tu permets, reprit-il en montrant le maillot. C'est moi qui vais le remettre à ton Roi.

Mald Gheel ne laissa rien paraitre, seul un de ses sourcils se arqua. Ce gamin avait du cran, pas étonnant que Sa Majesté soit sous son charme.

Sa Majesté le Roi exige que vous retourniez sur le terrain. Il veut des photos. Vous portant le maillot de Fioré et sans bandage. Voici ses ordres ! clama-t-il.

Natsu pouffa, il rit tellement qu'il se plia en deux et s'en claqua la cuisse.

C'est la meilleure ! répondit-il entre deux sarcasmes. Faire tourner les gens en bourrique c'est votre spécialité, n'est-ce pas ?

Il sautilla sur ses jambes tout joyeux, tout heureux.

Dépêchez-vous ! rouspéta le secrétaire du Roi dépassé par la tournure des événements. On ne doit pas faire attendre Son Altesse !

J'y vais, j'y vais... ronchonna Natsu sans quitter son immense sourire.

D'un pas souple, il repartit vers le gymnase.

Mais ! s'écria l'homme à tout faire catastrophé. Que faites-vous ?

Sans ralentir, Natsu tourna la tête vers lui. Il lui fit un clin d'œil moqueur.

T'inquiète pas mon pote ! Je lui dirai que tu as bien fait ton travail ! Mais... je ne remettrai pas ce maillot et... hors de question que je retire mes bandages. La girouette, c'est fini ! J'ai compris la leçon ! Il fit un grand geste, englobant le monde entier avec ses mains. Tout ça... Jamais j'y aurai droit et... je ne serai le pion de personne. Je mène seul ma barque. On verra bien où ça me mènera. En vrai, je m'en tape.

Il ouvrit la porte, prit une courte inspiration.

Retour devant le Roi. Attendre deux minutes Max. Et la suite ? Bah...

Natsu claqua sa langue contre son palais et poussa un petit gloussement. La suite ?

Advienne que pourra !

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