Chapitre 36 : VIP

Natsu ! ne put-elle s'empêcher. S'il te plait... Reste.
Inutile, reprit-il en se pinçant l'arête du nez. Adieu Lucy !
Et sans se retourner, quelques larmes glissant le long de ses joues, il ouvrit la porte, l'abandonnant à sa solitude.

Natsu retourna au hall d'entrée tout en se maudissant devant sa faiblesse. Il détestait pleurer. Pleurer de douleur, pas de souci ! Pleurer pour autre chose : inacceptable ! Un tas de remords fleurissaient dans son crâne. Ce qu'il venait de dire à Lucy... il regrettait vachement !

Foncer tête baissée, c'était son ordinaire. Réfléchir, il le faisait rarement. Aujourd'hui, tout son être semblait coincé dans un ascenseur émotionnel lancé à toute vitesse. Vers le haut, vers le bas, il ne s'arrêtait jamais. Natsu n'en pouvait plus ! Le doute, ça le gavait ! Qu'est-ce qui lui arrivait ? Il se figea. Il déglutit, osa à peine respirer.

Lucy...

Il lui avait fait du mal et il l'avait fait exprès ! Il s'en voulait. Les mots de la blonde, il ne les avait pas appréciés. Elle l'avait énervé. Ce qu'il lui avait dit avait dépassé sa pensée, ou alors... Bref ! Maintenant, il avait envie de s'excuser !

Natsu secoua la tête. Il accéléra le pas.

S'excuser ? Jamais !

Il grogna, accéléra encore. Il en avait marre ! Il se sentait mal, il se sentait coupable. Une épaisse vague de remords le rongeait de l'intérieur. Sa peau le brûlait par endroit. Il se mit à trottiner. Il avait besoin d'air. Cette fille l'avait touché en plein cœur. Il avait horreur de ça. Il avait... mal ! Il... il pleurait ! Il voulait la rejoindre ! Il ne pensait qu'à s'excuser !

Horreur !

Le pauvre garçon frémit, se rabroua, gronda. Il ne supportait pas d'être ainsi amoindri. Il ne savait plus quoi faire. Arrêter le basket ? Rejoindre Lucy ? Rentrer à Hargéon ? Un imbroglio sans fin inondait sa cervelle. Faire un choix, c'était maintenant.

Je refuse !

Il s'élança et détala comme un lapin pris au piège.

Vite. Partir loin, le plus loin possible !

Il atterrit dans le grand hall, l'esprit en pleine ébullition. Il commençait à suffoquer. Il ne savait pas quoi faire. Il ne savait plus où aller.

Courir...!

Courir sans s'arrêter jusqu'à ce que la boule dans son ventre disparaisse, jusqu'à ce que cette voix angoissée se taise à l'intérieur de lui.

Trop de possibles. Trop de questions. Aucune réponse. De l'air ! Vite !

Le jeune homme plissa les yeux. Il dégoulinait d'une drôle de sueur. Il n'arrivait plus à respirer.

Il fonça vers la porte, les yeux embués sous des larmes sèches, prisonnier d'une multitude de points d'interrogations. Il n'y voyait rien, il ne voulait plus voir, il voulait arrêter de réfléchir.

C'est alors qu'à moins de deux mètres de la porte de sortie, deux armoires à glace gigantesques lui barrèrent la route.

«Halte-là !» entendit-il vaguement.

Natsu cligna des yeux, freina au dernier moment.

Quoi... ? réussit-il à articuler, la poitrine oppressée.

Mets-toi sur le côté, ordonna un des mastodontes.

Natsu releva la tête, repoussa quelques mèches de cheveux, qui lui retombaient maintenant complètement sur les yeux. Deux hommes se dressaient devant lui. Tous deux en costumes sombres et chemises blanches, des lunettes noires, une cravate noire. L'archétype des gardes du corps. Les poils de son corps se hérissèrent ; d'instinct son pouls reprit une vitesse de croisière. Immédiatement un faux calme l'enveloppa. Son corps se ramassa sur lui-même, prêt à frapper si quoi que ce soit l'approchait de trop près.

Excusez-moi, dit-il rapidement sans s'appesantir sur rien. J'ai été viré... je voudrais sortir.

Plus tard, cria l'homme de gauche, un grand roux mal rasé, des yeux cernés et des cheveux sales laqués en arrière. Les VIP arrivent. Tu sortiras quand ils seront installés.

Des VIP ? questionna Natsu, le regard d'un coup étincelant de malice.

Le Directeur Zeleph ne fait pas les choses à moitié. Va t'asseoir là-bas ! Tu gênes le passage.

Natsu obéit sans rechigner. Il était curieux. Des VIP qui venaient assister aux épreuves ? Des joueurs de basket ? D'autres Joueurs Sacrés peut-être ?

Avide d'en savoir plus, il se précipita sur le banc placé face à la porte, trop content de pouvoir voir de ses yeux, tous ces gens qui animaient les plateaux télé dont sa mère raffolait.

Apparut alors sur le parking, une immense limousine noire. Comme dans les films, exactement comme lors de la remise des oscars ! Frénétique, l'adolescent se hissa sur ses coudes, en étendant son cou au maximum, histoire de ne pas rater une miette du spectacle qui prenait vie sous ses yeux.

Il était trop excité ! À Hargéon, il ne se passait jamais rien.

Il s'esclaffa et se rassit dans la seconde un peu plus correctement. Fallait pas abuser ! Natsu n'avait rien d'une groupie ! Il faisait juste ça pour sa mère, pardi !

Il ouvrit grand les yeux, trop heureux d'être le seul spectateur de cette scène. La portière s'ouvrit, une ombre gigantesque sortit de la berline. Un homme à la carrure impressionnante. De longs cheveux blancs. Une cape noire bordée de fourrure...

Natsu tressaillit. Son sang se solidifia. L'homme se retourna. Une longue barbe blanche effilée jusqu'aux genoux. Un pantalon en cuir. Une chemise violette. Un cache-œil...! L'ancienne Salamandre cligna des yeux. Son cœur entonna en canon un hurlement du plus profond de son âme.

Le borgne de la clandestine était là ! 

Le boss !

Livide, il se tassa sur son siège.

Le vieil homme avança lentement. Nul besoin de se presser, il prenait tout l'espace. Il était gigantesque, vieux certes, mais d'une telle force... Et ce regard !

Natsu, assommé, ferma les yeux et se mit à haleter.

Une longue barbe blanche qui s'envole au gré des courants d'air. Une aura sombre, cruelle. Un long bâton au pommeau d'émeraude qui tacle le sol, qui le racle, qui crépite, comme le son d'un brasier sur le point d'être éteint.

Nul besoin que cette ombre pénètre jusqu'à lui. Natsu se souvenait de chaque bruit, de chaque odeur.

La canne résonne encore dans sa tête sur le sol humide d'un vieil hangar à l'abandon.

Le rosé plaqua une main sur sa poitrine. Son cœur battait en écho dans son crâne. Les souvenirs étaient vivaces, terribles.

L'adolescent était alors dans un état nébuleux, proche du coma. Un sommeil sans fin lui tenaillait le corps. On l'avait déposé dans un hangar abandonné. Le sol était sale, froid, glissant. L'odeur de métal, de sang, de moisissures enflait dans ses narines brisées. C'était juste après la mort subite...

Le hangar. La douleur. La peur.

Natsu était à peine conscient, quelques brides de sensations vibraient encore dans sa tête. Pas à pas, il s'enfonçait dans un méandre inexpressif. Pas à pas, il acceptait de s'effacer de ce monde qui l'avait tant déçu.

Mais...

Un être furieux le retenait à ses côtés, l'empêchait de s'effacer. Une ombre énorme, colossale. Une silhouette obscure, mauvaise et d'une puissance exceptionnelle. Elle baragouinait des sons, qui résonnaient jusque dans l'échine du joueur d'Hargéon. C'était comme une ancre qui lui maintenait la tête hors du naufrage dans lequel il désirait s'échouer. L'émanation de cet être était infecte. Sa puanteur obscurcissait tout le reste.

Ces effluves de cadavre, Natsu les connaissait. Elles signaient la présence du boss de la ligue clandestine. Le fameux boss.

Sa main osseuse et glaciale s'était approchée. Il avait posé ses doigts filandreux le long de la mâchoire de l'adolescent. Le contact de ces membres gangréneux avait rigidifié les muscles de La Salamandre. Elle s'était aussitôt réveillée. Ce contact écœurant avec cet être, qui puait la mort, l'avait sorti des limbes. Un réflexe de vie s'était emparé de lui. Une force phénoménale avait couru au travers de ses muscles, de ses veines. Son bras s'était hissé tout seul. Il avait rejeté ce membre agonisant le plus loin possible de lui. Il s'était levé. Il avait parlé. Il avait porté Rakheid. Il était parti.

L'adolescent fut pris d'un haut le cœur, de la bile remonta dans sa trachée. La panique le prit d'assaut. Aussitôt, il sauta sur ses jambes. Le boss était là ! La Salamandre était découverte !

Une issue ! Vite !

Catastrophé, il s'élança à l'opposé du monstre en rasant les murs. Sans réfléchir, il bifurqua, trouva une porte sur la droite et pénétra à l'intérieur. Une ombre, il était devenu.

Vite ! Une cachette...!

Malheureusement, il ne fit même pas un pas à l'intérieur que la porte se referma sur lui. Des silhouettes lui sautèrent dessus, l'aplatirent au sol, l'écrasèrent. Sa respiration fut coupée. Il fut entravé, sans rien voir, sans rien avoir vu. On lui banda les yeux, on lui coinça les bras, on le ligota.

Impossible de bouger !

Il essaya, il se tortilla, il se débattit du mieux qu'il put, il meugla.

Rien à faire !

Il était pris au piège ! Parqué comme un bétail, tenu dans une camisole de force ! Pourquoi s'en prendre à lui ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?

Il tenta par tous les moyens de se soustraire à leurs poignes, à leurs poids. Ses assaillants étaient lourds, omniprésents. Aucun espace de liberté ne lui était accordé.

Sérieux, même son petit doigt, il ne pouvait pas le bouger !

Natsu ne percevait plus rien. Pas la moindre lucarne pour pouvoir s'évader !

On lui cachait la vue, on lui coupait les sens. Sans eux, Natsu en était réduit à subir le monde comme le commun des mortels. Pas de bruit lui dévoilant son environnement. Pas d'odeur lui indiquant la route la plus rapide pour vaincre. Pas de sensation pour profiter des faiblesses de chacun. Rien !

Ne pas paniquer. Le boss était de l'autre côté. Rakheid était loin. 

Seul... Il devait s'en sortir seul.

Le jeune Dragnir frémit. Ses bras étaient entravés, ses jambes coincées. Mais, Natsu avait foi en ses capacités, il existait toujours une voie de secours, une issue... Il trouvait toujours une solution. Il allait y arriver.

Avoir confiance en soi, c'était la clé.

Il inspira longuement, se força à se soumettre, à patienter.

Une voix retentit près de son oreille gauche, une voix grave, autoritaire :

« Messieurs ! Vous voyez bien que ce n'est qu'un enfant !».

Mais Monsieur... !

Relâchez-le voyons ! Vous lui faites peur, idiots !

Mais... !

Un enfant avec des cheveux roses...! Faire un attentat envers ma personne ? Vous n'êtes pas sérieux ! Allez, relâchez-le et laissez-moi seul !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top