Chapitre 29 : Orga et Dobengal
Natsu partit donc s'asseoir sur un banc, l'esprit encore bouleversé par les acclamations hurlant son nom. Il avait beau essayer de faire semblant, de faire comme si... Il était tout blanc, à la limite de défaillir, à la limite de...
Trop de souvenirs. Il était submergé. Il refusait de se rappeler. Il pensait l'avoir digéré, il se trompait.
Rapidement deux nouvelles équipes prirent place sur le terrain, la foule en liesse se focalisa sur l'épreuve et oublia peu à peu l'exploit qui venait de se dérouler. Le jeune Dragnir put enfin souffler. Il reprit petit à petit des couleurs et en quelques secondes, il réussit à faire comme si tout allait pour le mieux. Il était très fort à ce jeu-là. Un sourire moqueur se redessina au coin de son visage. Il regarda les joueurs, attentif un court moment, puis Lyon et Grey vinrent s'installer à ses côtés. Les garçons commentèrent l'épreuve, sauf que, très vite, Natsu commença à s'ennuyer. Il souffla, maugréa, ronchonna...
L'impatience de nouveau l'enveloppait.
— Les gars, dit-il en changeant pour la cinquantième fois de position, un feuille-papier-ciseau, ça vous dit ?
— Bordel Natsu, tu sors d'où ? Il n'y a que les gamins qui jouent encore à ce jeu, rouspéta Grey.
— M'enuiiie ! soupira le rosé en tapant du pied.
— Tout le monde y joue, Grey, mais plus personne ne l'appelle ainsi, voyons ! répliqua Lyon en lançant un regard noir au joueur de Fairy Tail.
— Ah bon ? s'écria le rosé tout content. Moi, j'adore ce jeu !
— Chifoumi... marmonna Lyon.
— Quoi ? s'enquit Natsu sans comprendre.
— On l'appelle Chifoumi maintenant.
Natsu se figea, cligna plusieurs fois des yeux et explosa de rire :
— Sérieux ? A chaque fois qu'on m'a proposé un Chifoumi, j'ai toujours cru qu'il s'agissait d'un jeu d'alcool à la con, où le premier qui vomit a gagné, ou perdu... J'ai jamais su ! J'ai toujours flippé de tester.
Grey et Lyon le regardèrent béatement, comme s'il venait d'une autre planète, puis explosèrent de rire à leur tour, à tel point que très vite, plus aucun spectateur ne suivit l'épreuve. Tous les regards s'étaient portés sur ces trois garçons morts de rire. Ils s'agitaient dans tous les sens, chacun essayant de justifier que la pierre était plus forte que le papier, ou l'inverse.
L'entraineur de Fairy Tail, honteux et confus devant les mauvaises manières des joueurs sur son banc de touche, accourut et les envoya dans le deuxième gymnase. Là-bas, ils pourraient faire autant de bruit qu'ils voudraient, jouer aux idiots ou peu importait ! Le principal était qu'ils soient loin de lui et surtout loin de la bannière de son école.
Tout joyeux, les garçons partirent faussement sur la pointe des pieds et aussitôt seuls, n'eurent d'autres idées que... de jouer au basket. Quand on est passionné, on ne se refait pas !
— On compte les points ? demanda Grey.
— Pitié non ! s'écria Natsu en tremblotant des lèvres, la larme à l'œil. Pour le plaisir, on joue ! Si on se met à compter, ça va dégénérer.
Grand comédien, il se jeta au sol et se mit à genoux, les mains reliées, les yeux suppliants.
— Il t'arrive quoi ? se pétrifia Grey, pendant que Lyon se roulait de rire à ses côtés.
— Besoin d'évacuer la pression, répondit Natsu mi- sérieux, mi- moqueur en se relevant après s'être saisi d'un ballon qui trainait. Je suis pas fait pour les examens ou les épreuves. Quand j'en peux plus, faut que je joue au con. Ah ! Me sens déjà mieux ! continua-t-il tout en dribblant sur lui-même.
Ils se mirent donc à jouer au basket. Rapidement, Loki, Shôh, Dan et Simon les rejoignirent et dans une ambiance joyeuse, les garçons se lancèrent peu à peu des défis. Qui marquait à cette distance ? Qui réussirait en prenant appui sur un autre joueur ? Ils s'amusaient sans souci de compétition, tout sourire, tout enfant qu'ils étaient. C'était beau à voir.
Une vingtaine de minutes plus tard, la porte du gymnase s'ouvrit laissant place à deux joueurs de Sabor Tooth, qui venaient à leur tour de sortir victorieux de «La tournée des trois». Dobengal avait fait partie de l'équipe de Loki, ça faisait un moment qu'il avait fini ; mais son Directeur, le juge Jiemma, lui avait ordonné d'attendre Orga. Les deux coéquipiers ne s'étaient toujours pas adressés la parole depuis l'épisode du réfectoire. Aussitôt qu'ils aperçurent le groupe en train de jouer, Orga fronça les sourcils :
— Encore la tignasse rose ! Il est partout. Cette fois, je vais me le faire. Il va rien capter.
— À ta place, je ne m'en approcherai pas, l'avertit Dobengal.
— Je ne te parle pas à toi ! rugit le capitaine aux cheveux verts. Dès que les Sélections seront finies, j'irai voir Jiemma pour qu'il te dégage. Tu n'es qu'un sale traitre, Dobengal ! Tu n'as rien à faire dans MON équipe.
— J'ai aucune envie d'en être, rétorqua son coéquipier d'un air sombre. Ce que tu n'as toujours pas compris, c'est que ça a toujours été utile de jouer à tes côtés. Maintenant, c'est fini. Je n'ai plus qu'un conseil à te donner : Dragnir, évite-le !
Furieux, Orga balança son poing, mais Dobengal fut plus rapide et se saisit de sa trachée d'une seule main. Il serra fort, suffisamment fort pour que le géant vert émette un râle au bord de l'asphyxie.
Immédiatement, l'œil affûté de Natsu se tourna vers les deux joueurs. Il ne laissa rien paraitre, mais un long frisson lui parcourut le corps.
Cette technique ! Mon Dieu ! Il la connaissait...
— Ne crois pas réussir à m'atteindre. Je suis bien plus réactif que toi, poursuivit Dobengal d'une voix meurtrière.
Puis, il relâcha son étreinte, se retourna sur Natsu et lui fit un bref hochement de tête, auquel le rosé ne répondit pas. Cette prise, ce hochement... cela expliquerait pourquoi Dobengal lui était venu en aide. Se pourrait-il qu'il appartienne à la ligue clandestine...?
Merde. Ce fut le seul mot qui lui vint en tête.
Dobengal abandonna Orga, qui se mit à tousser comme un ivrogne qu'on égorge. Puis, il avança vers les joueurs et demanda d'une voix très calme :
— Je peux me joindre à vous ?
Natsu était figé, encore sous le choc. Les autres approuvèrent d'un signe de tête. Personne n'avait remarqué ce qui venait de se passer, mais tous l'avaient vu se placer au côté de Grey pour contrer Orga.
— Sois le bienvenu, lui répondit le capitaine de Fairy Tail.
Pas très à l'aise au début, Dobengal resta un peu à l'écart. Natsu ne le quittait pas des yeux. Les garçons finirent leur défi. Ce fut au tour de Dan d'en choisir un. Il n'hésita guère longtemps et s'écria: «Un dunk à une main !». Cela faisait des mois qu'il essayait. Il l'avait vu accompli une fois à la télé, depuis il en rêvait.
Simon, Grey, Lyon, Loki et Shôh se réunirent, leurs pensées déjà tournées sur la façon dont ils allaient s'y prendre.
— Un dunk à une main... mais ça ne s'appelle plus un dunk ! s'exclama Simon.
— Accrocher le panier avec une ou deux mains, ça change pas grand-chose, marmonna Grey.
— Ce sera sans moi, dit Shôh.
— Pourquoi sans toi ? se fâcha Loki.
— Je n'ai pas la taille pour dunker, répondit le petit blond la larme à l'œil.
— Dit celui qui vient de dunker en pleine compétition ! le coupa Lyon en lui donnant gentiment un coup d'épaule. Non, toi, t'as pas le choix. Ce défi, tu le fais. On est tous d'accord ? On le tente ?
Les six garçons approuvèrent avec joie.
— Dobengal, Natsu ? Vous en êtes ?
Ces deux-là étaient restés en arrière à s'observer de loin. Natsu releva la tête, il aurait aimé avoir le temps d'avoir une petite discussion. Il grinça des dents, de toute façon, il avait une dette envers Dobengal. Ce gars avait pris sa défense ! Il ne lui restait plus qu'à lui faire confiance... enfin, pour le moment.
— Bien sûr qu'on en est ! répondit-il gaiement. Un défi, ça ne se refuse pas, n'est-ce pas Dobengal ?
Le joueur de Sabor Tooth se détendit immédiatement.
— Absolument ! rétorqua le joueur de Sabor Tooth en respirant d'aise.
À Chifoumi, ce fut Natsu qui fut désigné pour commencer. Un sourire on ne peut plus narquois accroché sur la bouche –Ben oui, à ce jeu, il était le meilleur pffft!– Le rosé se prépara et commença à dribbler.
— Natsu ? demanda Lyon l'air de rien. Tout à l'heure, t'avais le teint bien rouge. Il s'est passé quoi avec la petite Heartfilia ? Vu ton emplacement sous les gradins... tu n'aurais pas une histoire de culotte à nous raconter ?
Tous les joueurs s'esclaffèrent. Natsu serra les dents : s'il pensait le déstabiliser.. Et là, il se souvint : Rose Fuchsia ! Argh ! En effet, il l'avait vue !
Un peu confus, voire beaucoup, le jeune Dragnir s'élança à la manière d'un champion de saut en hauteur, en courant de trois quart, en arrondissant son corps selon la courbure de sa trajectoire. Sous le panier, il sauta légèrement en arrière, s'accrocha du bout des doigts au cerceau et replia son autre coude pour faire glisser le ballon dans le panier.
Orga était prêt. Il ne le quittait pas des yeux depuis qu'il était entré. Il attendait le bon moment. C'était sa chance. Son bras droit, celui qui était bandé, trônait devant lui. Il avait déjà essayé de l'atteindre à cet endroit pendant l'épreuve, il l'avait manqué. Mais, cette fois, il ne pouvait pas le rater. Ni une ni deux, il bondit sur ses pieds, prit de l'élan et expédia de toutes ses forces un ballon, droit sur l'avant-bras de Dragnir. Natsu n'était pas attentif. Il se balançait lentement, le bras gauche accroché au cerceau, attendant que le ballon suive son chemin. Il pensait à Lucy. Il pensait à Dobengal. Il pensait à son père. Marquer ce panier, il n'y pensait pas, à peine du moins.
Le projectile le surprit. Il ressentit sa présence, mais c'était trop tard. Le ballon déboula derrière lui, manqua sa cible et s'écrasa droit sur son épaule gauche, celle accrochée au panier.
Bordel, même ça, le brocoli n'y arrivait pas ! Son bandage était de l'autre côté !
Natsu eut juste le temps d'avoir cette pensée, aussitôt il ressentit un claquement sec, suivi d'un ploc. Sa main lâcha prise, son bras se désaxa, il hurla ! Une douleur vive, irradiante, fulgurante brisa son étreinte. Il s'affala au sol dans un cri de supplice. Il se saisit de son bras, les larmes plein les yeux.
Merde ! Encore !
Cette douleur, il la connaissait par cœur, cela faisait un an qu'au moindre faux mouvement, qu'au moindre dérapage, elle revenait identique, toujours plus puissante, détruisant tout sur son passage.
Luxation ! Merde !
Il se releva, les mâchoires serrées. La souffrance irradiait vers son visage.
« Je vais le tuer ! » cria-t-il.
Il avança droit sur Orga, l'épaule gauche dans le creux de sa main.
« Je vais le tuer ! » répéta-t-il d'une voix haineuse et puissante.
Grey et les autres accoururent sans avoir eu le temps de comprendre ni cette douleur ni cette colère. Lyon et Grey se ruèrent sur Natsu pendant que les autres encerclèrent Orga.
« JE VAIS LE TUER ! » s'égosilla Natsu oubliant sa douleur. Il poussa sans ménagement ses amis. Il ne les écoutait pas. La douleur était trop vive. Il n'entendait plus rien. Il voulait l'effacer. La détruire. LE détruire...!
Dobengal se plaça devant lui, comme un mur.
— Calme-toi ! lui dit-il.
— Dégage !
— Ton épaule... souffla le joueur sans reculer malgré l'autorité écrasante dégagée par le rosé. Remets-la en place d'abord. Ne va pas tout perdre pour ce connard. Je m'en occupe si tu veux.
Natsu se renfrogna. La voix de Dobengal était calme, posée. Pas d'agressivité, pas une pointe d'autorité ! Ce ton-là... Cette façon de parler, ça lui rappelait son frère...! Il cligna des yeux, laissant refluer la colère loin de lui, laissant la douleur grandir, s'insinuer dans chaque parcelle de son corps.
— Allez chercher mon frère ! cracha-t-il pour toute réponse.
Il fit demi-tour et ajouta à l'adresse de Dobengal comme un grand seigneur : «Ne lui fais rien... Peu m'importe».
Son ton était sans appel, sans hésitation. C'était un ordre que nul ne voulait contrarier. Cependant, ce changement était si soudain que ses camarades ne bougèrent pas d'un poil. Puis, Lyon s'approcha de son ami et remarqua son épaule complètement décalée. Il blanchit d'un coup et partit à toute vitesse :
— Je vais chercher un docteur ! cria-t-il.
— Mon frère, ordonna Natsu en grimaçant.
Grey acquiesça et courut en direction du terrain principal.
Orga tenta de fuir, mais Simon et les autres le repoussèrent sans ménagement dans un coin :
— Toi, tu bouges pas, connard ! cria Loki furieux qu'on ose s'en prendre de cette façon à un joueur en train de dunker.
— Je... je savais pas... murmura piteusement le géant vert.
— Ta gueule ! C'est impardonnable ! gronda Loki.
— Je pensais pas à mal. Je voulais juste qu'il se foire... bégaya Orga.
— Putain enfoiré ! Regarde son bras ! C'était Simon cette fois qui était intervenu.
— Je voulais pas... Vraiment ! supplia le capitaine de Sabor Tooth.
— Bordel de merde ! cria Natsu. Bordel ça fait mal. –Il tourna le regard vers le géant de Sabor Tooth– Faites-le sortir avant que je le trucide !
— Dragnir, J'suis désolé ! dit Orga en se levant. Je ne voulais pas... je t'assure, je pensais pas...
Natsu prit sur lui. Il souffla plusieurs fois, son visage de plus en plus déformé.
— Va-t'en Orga ! Dégage de ma vue ! J'entends ce que tu dis. Je sais que tu n'es qu'une sale brute. Dégage! Juste envie de...
Il n'en dit pas plus. Dobengal avait raison, il ne pouvait pas tout gâcher à cause de ce type. Tous ses efforts pour se restreindre, pour être comme les autres, il ne pouvait pas... pas pour un connard de brute sans cervelle.
Les autres le laissèrent partir. Natsu expira tout l'air de ses poumons jusqu'à ce qu'Orga disparaisse de son champ de vision. A cet instant, il commença à s'égosiller :
— Putain ! Que ça fait mal ! J'en peux plus !
Il fixa le mur. Il ne supportait plus. Chaque respiration était un coup de couteau, un pic à glace dans son articulation, un pic à glace qui plongeait puis ressortait par à coup de son os.
Le mur...
Le mur, c'était la seule chance de faire disparaitre ce pieu. Il bondit en avant. D'un geste, Dobengal l'arrêta, l'attrapant par le maillot. Il ne voulait pas lui faire mal, pas à lui, impossible.
— Tu ne vas pas faire ça, s'écria-t-il horrifié.
— Je vais me gêner, répondit Natsu en se précipitant vers le mur.
— NATSU !!! hurla une voix.
Le rosé chancela, s'arrêta. Son frère était là, Grey le suivait, Lucy derrière, d'autre gens aussi... sa vue se flouta, les larmes coulaient à flot, il se laissa tomber au sol en gémissant.
— Rakheid, souffla-t-il. Remets-là ! Je t'en supplie ! J'ai trop mal !
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