— Ça va bientôt être leur tour... murmura Lucy inquiète. 

Elle n'avait toujours pas ôté sa main du bras du frère du rosé. Pourquoi ? Pour se rassurer peut-être, pour le rassurer aussi. Il n'arrêtait pas de jeter des œillades inquiètes aux bancs des juges. 

Le Directeur Zeleph s'était rassis. Depuis qu'il avait raccroché son téléphone, il paraissait sur les nerfs. Il était en pleine discussion avec Brain et Jiemma. Les trois juges enchainaient les messes basses, sans jamais s'intéresser aux épreuves en cours.

Six équipes venaient de passer. En ajoutant celles de Natsu et d'Orga, vingt-quatre joueurs avaient donc déjà participé. Une seule équipe avait réussi du premier coup : celle de Grey, Lyon et d'un joueur de Fantom Lord. Plus qu'un tour et on passerait au deuxième round.

— Ouep, j'ai vu... répondit tout bas Rakheid la mine sombre. J'aime pas ça !

Il se leva d'un coup.

— Je stresse ! grogna-t-il. Je reviens.

Il dévala les gradins et vint se poster près de son petit frère. Lucy hésita. Pouvait-elle les rejoindre ? En avait-elle le droit ?

Natsu s'approcha aussitôt un sourire figé accroché au visage.

— Qu'est-ce que c'est que cette tête ? demanda-t-il soucieux.

— J'aime pas ça... soupira son grand frère.

— J'ai une strat, fanfaronna le rosé. Pas de panique !

— Je sais, j'ai confiance en toi, tu maitrises ton sujet, répondit l'ainé en fixant la table du jury avec insistance. Non, ce n'est pas ça. Il y a un truc qui cloche. Ce juge-là...

— Il est venu me voir tout à l'heure, hocha Natsu avec gravité. Il se doute de quelque chose.

Il ne put finir sa phrase. Lucy s'était levée, elle était en train de descendre les gradins. Ses cheveux blonds oscillaient au même rythme que ses pas. Le garçon aux cheveux roses expulsa tout l'air de ses poumons. Dieu qu'il la trouvait belle ! Il maugréa, il soupira. Ce n'était vraiment pas le moment de se laisser déconcentrer.

— Natsu ! Reprends-toi... Qu'est-ce qu'il te voulait ? s'écria l'ainé de plus en plus inquiet.

— Il a parlé d'Erick... reprit le rosé sans détacher son regard de Lucy. Tu sais, c'est dans son lycée qu'il a postulé. Et comme on vient tous les deux d'Hargéon... Je sais pas, il a dû faire le lien.

Il marqua une pause, il avait beaucoup de mal à se défaire de Lucy. Il se força à se détourner, et posa les yeux sur son frère. Brusquement, il poussa un cri qui fit mal aux oreilles tant il était strident :

— Raaak ? C'est quoi cet œil au beurre noir que tu caches là ?

Rakheid ne put s'empêcher de sursauter. Avec toute l'attention que son petit frère portait sur cette fille, il avait cru pouvoir y échapper.

— Une visite d'un vieil ami... murmura-t-il laconique.

— Qui ? gronda le cadet d'un ton devenu glacial.

— Racer...

Natsu ouvrit grand la bouche et plissa les sourcils. Il haïssait ce type ! Il se tassa sur lui-même, se força à inspirer.

— J'aime pas ça... dit-il en grognant. Il reporta un instant son attention sur le terrain, puis plongea à nouveau son regard dans celui de son frère. Tu vas bien ?

Tous les deux savaient exactement de quoi il retournait.

— Oui, répondit l'ainé sans cacher que cela n'avait pas été facile. Ils ne m'auront plus de cette façon. On va devoir faire des recherches sur le lien qui existe entre les deux ligues. Il... il savait déjà pour toi !

— C'était prévisible, déclara Natsu la mine sombre en étirant ses doigts devenus crispés.

— On aurait dû le prévoir... rétorqua l'ainé en se massant le front pour diminuer la tension qui s'accumulait dans son tatouage.

Natsu tressaillit. Quand son ainé posait ainsi la main sur sa croix tatouée, ce n'était jamais bon signe. Les deux garçons restèrent silencieux. Ce n'était ni le lieu ni le moment de s'étendre sur ce sujet. Ils en discuteraient le soir, isolés dans leur chambre. 

Lucy hésitait encore, elle s'arrêta au-dessus d'eux. Elle attendait un geste, une invitation peut-être. 

— Coucou Lucy ! héla Natsu avec un grand sourire en se tournant vers elle. Je t'ai manqué ?

— Absolument, rosit-elle en cafouillant. Elle s'accouda à la rambarde, les deux frères en contrebas.

— Tu dis ça pour m'encourager ? demanda Natsu avec malice en venant au plus près. Un peu de légèreté, il en avait besoin pour se recentrer sur l'épreuve.

— Pour te motiver, évidemment ! osa la jeune fille, un sourire de plus en plus grand éclairant son visage.

Natsu leva la tête. Ce qu'il aperçut lui fit immédiatement écarquiller les yeux, il recula très vite en rougissant jusqu'aux oreilles. Pour la première fois de sa vie, il se trouva à court de mot. Exceptionnel chez lui ! Il était juste en dessous... Elle était en mini-jupe. Un petit tissu rose fuchsia... 

Promis ! Promis ! J'ai rien prévu ! J'ai pas fait exprès ! 

— Arf pardon, grommela-t-il en fixant le sol penaud. Il recula encore, s'approcha de son frère, les yeux cloués au sol. Tout rouge, il se dandina sur ses pieds.

— En voilà une belle motivation ! se moqua Rakheid comprenant l'émoi de son cadet. Jamais vu mon frère aussi rouge. Chapeau Lucy ! –Il ricana, ébouriffa un Natsu éberlué - Ne me le déconcentre pas ! «Monsieur» a une stratégie.

Rakheid adorait quand son frère perdait ses moyens. C'était rare et si ça pouvait lui permettre d'oublier cette histoire avec Racer, c'était encore mieux.

— La meilleure des strats, confirma le rosé d'une toute petite voix, en se balançant encore sur ses pieds. Mais, y a quand même un truc qui me chagrine...

— Tu doutes ? s'écria Rakheid horrifié.

Lucy avait perdu le fil. Ces deux-là parlaient par énigme.

— Ils ont fait durer le plaisir, expliqua Natsu songeur en reportant son attention sur le terrain. Orga et compagnie... poursuivit-il en se grattant le menton. Ils auraient dû s'emparer du ballon plus rapidement. Je ne comprends pas.

— Peut-être pour faire monter la pression ? proposa Lucy.

— Ce seraient des fouineurs, tu penses ? interrogea Rakheid, l'esprit sur le qui-vive.

— Des fouineurs ? répéta Natsu en prenant le temps d'y réfléchir. Non, je n'ai rien senti de tel.

Rakheid soupira rassuré. S'il y avait des fouineurs, Natsu ne pourrait pas driver le jeu comme il l'entendait. On ne pouvait rien prévoir avec les joueurs de cette catégorie. Malgré leurs jeunes âges, les frères Dragnir avaient une sacrée expérience du jeu clandestin.

— Des fouineurs ? demanda Lucy curieuse.

— Des gens qui camouflent leurs capacités, expliqua rapidement Natsu.

— Mon frère en est le plus parfait des prototypes ! se moqua l'ainé en attrapant son frère par le cou et en lui chatouillant les côtes. Natsu ricana, se dégagea et reprit agacé :

— Je crains plutôt un brouilleur.

— À leur âge ? Impossible ! le coupa Rakheid sûr de lui. Les brouilleurs entravaient les joueurs et les clouaient au sol. Des collégiens capable de les utiliser ? Inenvisageable, c'était certain !

— Ils ont parlé longuement avec un coach, murmura la blonde.

— Un coach ? Quel coach ? se précipita Natsu l'oreille aux aguets.

— Celui du vestiaire.

Le visage du rosé s'éclaira :

— Avec Eligoal ? Il explosa de rire. Mais c'est parfait ça ! Y a rien à craindre ! Tu me sauves Lucy !

Il prit d'un coup son élan, sauta en l'air, s'accrocha à la rambarde et se trouva au même niveau qu'elle.

— Merci Dame Luigi... Il pouffa de rire puis continua d'une voix légèrement rauque. En plus d'être belle à couper le souffle, tu es hyper observatrice ! Ma strat, c'est la bonne !

Il s'avança davantage et planta ses lèvres sur sa joue. D'un mouvement ample, il retomba au sol et se détourna à la seconde. 

«On se reparle plus tard» entonna-t-il très vite d'une voix guillerette. C'était l'heure. Son tour de briller !

*****

Les équipes sur le terrain venaient de finir. Les tireurs avaient réussi. Lucy reconnut Loki, l'obsédé dont Mira s'occupait. Cela dit, elle s'en fichait royalement. Il l'avait embrassée ! Natsu venait de poser ses lèvres sur sa joue...! Soudain, elle eut très chaud, des étoiles illuminèrent ses paupières. Natsu l'avait embrassée !

D'une main fébrile, elle vint caresser l'endroit exact de ce contact si... Elle déglutit difficilement. Elle croisa le regard de l'ainé qui venait de la rejoindre. Elle rougit jusqu'aux oreilles. Lui, il était hilare.

— Pourquoi le fait d'avoir parlé avec Eligoal validerait sa strat ? demanda-t-elle, feignant n'éprouver aucune palpitation suspecte.

— Aucune idée, pouffa Rakheid en s'adossant à la rambarde un sourire taquin aux lèvres. Parfois, tu sais, faut pas chercher à le comprendre. Il a une compréhension différente du jeu par rapport à la plupart des gens. J'espère juste qu'il va se remettre d'avoir aperçu ta culotte !

— QUOI ? s'écria la blonde catastrophée en plaquant une main sur sa bouche.

— T'avais pas compris ? continua Rakheid plus qu'hilare.

— Répète un peu ? hurla-t-elle.

Rakheid, mort de rire, partit dans de grands gestes en mimant la scène qui venait de se passer.

— Ma culotte ? explosa Lucy.

Rakheid se tordit de rire jusqu'à en pleurer. Lucy, complètement désespérée, maudit Erza pour ses jupes ridicules et les gradins qui auraient dû être au ras du sol. Plus jamais ! Plus jamais elle ne mettrait une robe ! Natsu... Natsu avait vu sa culotte ! C'était... C'était... la fin du monde !

Elle se rembrunit. Natsu avait vu sa culotte, il l'avait embrassée et il était parti... Ce court baiser ne lui avait fait ni chaud ni froid. Il était parti sans se retourner. Lucy en eut un petit pincement au cœur. La vie de Natsu, c'était le basket. Briller lors de cette journée, c'était son rêve. Elle... Elle lui était utile. Son cœur se mit à saigner en même temps qu'un coup de sifflet retentissait.

*****

Les trois garçons entrèrent sur le terrain en même temps que leurs adversaires. Aucun d'entre eux ne se jeta le moindre regard. Tous étaient parfaitement concentrés.

— On fait comme on a dit ? Tu ne crains pas que... murmura Eave la peur au ventre en approchant du milieu du terrain.

— Tu es sûr que... enchaina Shôh.

— On ne change rien ! claqua Natsu les yeux plissés, un regard de tueur au fond des pupilles.

— Mais si tu n'es pas à l'endroit où Shôh doit t'envoyer le ballon...

— Je l'ai dit. J'y serai pas. Shôh... tu l'envoies exactement où on a dit, c'est clair ?

— Oui oui, confirma Shôh. Ensuite, je marque. Il avait peur, il était terrorisé, mais en même temps, il était excité. Natsu approuva vivement. Aucun doute dans sa voix. C'était parfait.

— Rappelle-moi pourquoi c'est lui qui marque en premier ? maugréa Eave.

— Parce qu'il va dunker, répondit Natsu d'une voix sèche. Avec Eave, par contre, pas sûr que ça fonctionne. Tant pis. Natsu ajusterait au pire.

Natsu était serein. Il n'avait rien laissé au hasard. Ses deux nouveaux potes allaient marquer. Il cogna son poing contre sa paume, il était chaud bouillant.

Eligoal remit alors le ballon dans les mains du rosé. Bluenote siffla.

«Dragnir vs. Nanagia. Deuxième tentative !» s'écrièrent-ils ensemble.

Natsu prit une profonde inspiration.

Leur réussite dépendrait de leur précision.

Il croisa le regard de chacun de ses coéquipiers, fit glisser le ballon le long de sa paume et le lança par terre. Directement, Orga fonça sur lui. Natsu, lentement, dribbla une fois, deux fois. ça y était : Orga était sur lui, Hibiki sur Eave et machin sur Shôh. En piste !

Le rosé lança le ballon de toutes ses forces à plus de deux mètres en arrière de Shôh. Cette action laissait le temps au petit blond de prendre de court son assaillant au nom imprononçable. Immédiatement, Eave recula, choppa le ballon, dribbla trois fois et le lança au joueur à la peau mâte. 

Deux passes nickel ! 

Shôh la renvoya immédiatement à la façon d'un tir plongeant d'artillerie, à toute vitesse, droit sur sa cible. La balle devait à tout prix arriver dans la raquette, la zone autour du panier. Elle devait d'ailleurs atterrir pile poil à une dizaine de centimètres sous le panier. Personne ne l'attendait à cet endroit, vu qu'aucun membre de l'équipe de Natsu ne s'y trouvait. 

Un vaste brouhaha d'incompréhension inonda le gymnase. Ce tir paraissait inutile, raté ! Certains spectateurs beuglèrent d'irritation devant un tel fiasco. 

Un fiasco... Vraiment ?

C'était maintenant...!

Ni une ni deux, Natsu se faufila sur la droite. Il passa Orga, qui observait passivement le ballon. Il fusa en avant. La balle était déjà en train de rebondir une première fois au sol. Natsu se laissa tomber en glissade et, d'une puissante impulsion du bras, arriva comme une bombe juste avant le second rebond. Là, il passa sa main en dessous et par la force de ses doigts qui firent un effet ventouse, il pressa le ballon qui repartit à la verticale à toute vitesse. Un mètre, deux mètres de haut.

Une ombre, surgie de nulle part, fit un bond prodigieux juste au-dessus du rosé qui eut à peine le temps de rouler sur le côté. L'ombre se saisit de la balle et des deux mains se crocheta sur le panier.

"DUNK !" hurla la foule en délire.

Premier panier réussi. Hurlement dans la salle. Intenses sourires. 

Pas le temps de profiter.

Leur réussite dépendrait de leur vitesse.

Natsu était déjà debout sous le panier, Shôh était reparti au centre à toute allure. C'était maintenant que ça se corsait. 

Eave n'y croyait pas, dans sa tête, il avait déjà perdu.

Leur réussite dépendrait de leur capacité d'abstraction.

Orga et compagnie étaient sous le choc, ce premier panier, ils ne l'avaient pas vu venir.

Surtout ne pas rater une telle occasion !

Shôh envoya le ballon à Eave, qui recula et le lui renvoya derrière la ligne centrale. 

Pas de retour en zone, ils n'étaient pas en match, les lignes au sol ne comptaient pas. Profiter de chaque ouverture. Relancer le jeu vers l'arrière. Laisser le temps au jeune Eave.

Natsu recula à toute vitesse et se retrouva bien vite auprès de ses coéquipiers, collés par leurs adversaires.

Réussir à coordonner trois dribbles et les associer à des passes. Les enchaîner sans jamais s'arrêter. Fatiguer l'ennemi. Lui faire oublier le panier, lui faire oublier Eave.

Natsu et Shôh, dans un ballet tout à fait harmonieux tournèrent autour de leurs trois rivaux en se renvoyant la balle sans faire de pause. Du coin de l'œil, Natsu aperçut enfin Eave arriver dans la raquette. Il soufflait comme un malheureux et irradiait déjà de la couleur de la défaite. 

Ne pas perdre une seconde, il ne tiendrait plus longtemps. 

Aussitôt, Natsu fit une longue passe, très longue, un chouïa molle. 

Viser Eave, que la balle lui tombe dans les bras !

Le blondinet s'en saisit, plia les genoux, visa en inspirant profondément et tira. PANIER !

Tellement facile !

Natsu gambada. Natsu s'esclaffa. 

La troupe de brocoli était nulle, archi-nulle !

La foule clama sa joie au travers d'une fureur explosive. Les juges étaient debout, les yeux grands ouverts. Personne ne s'attendait à une victoire aussi rapide.

Du grand art ! 

Natsu était hyper fier de lui ! Il piailla de joie. Il nargua Orga. Il défia la foule qui se mit à l'applaudir.

Leur réussite dépendrait de leur cohésion.

— Natsu... s'écria Shôh alors que Eave s'apprêtait déjà à leur renvoyer le ballon. Tu ne nous as rien dit ! C'est quoi la strat pour que tu marques ?

— J'en sais rien ! Je pensais pas qu'on allait réussir ! s'esclaffa-t-il comme un idiot en attrapant le ballon des deux mains.

— Co... comment on fait ?

Natsu esquiva Hibiki et rejeta le ballon vers Eave qui venait d'arriver tout essoufflé.

C'était pas un souci, quelle que soit la distance La Salamandre était capable de marquer ! Le rosé stoppa net. Il s'enflammait trop. La Salamandre... Il se tassa. Son sourire disparut. Non. Il ne pouvait pas la laisser revenir. Tout ce qu'il voulait, c'était une équipe. Il se souvint. Il frissonna.

— Natsu ! répéta Shôh paniqué.

— Débrouillez-vous pour m'envoyer la balle dans la raquette ! siffla le rosé le regard noir.

— Jamais tu ne l'atteindras, gronda Kageyama sur les nerfs d'avoir encaissé deux paniers aussi facilement.