Orga brailla de toute la puissance de ses cordes vocales. Il se releva, jeta un regard haineux à l'assemblée et identifia directement l'auteur de cet outrage... un jeune garçon aux cheveux roses qui était debout face à lui, de l'autre côté de la pièce, une moue mi moqueuse mi haineuse dessinée sur le visage.

Natsu le toisa de toute sa hauteur. Celui-là, il allait se le faire. Peu importaient les conséquences. Il se ferait certainement bannir des Sélections. Tant pis ! En vérité, ça ne changerait pas grand chose, son père allait se ramener et il devrait de toute façon partir. Mais, il ne partirait pas sans avoir envoyé ce gros bourrin au tapis !

Ses pupilles se rétrécirent jusqu'à paraitre de simples fentes, ses iris luisirent d'une lueur obscure. Il arma son bras et laissa une aura néfaste s'emparer de chaque particule de son corps. Il était prêt.

Autour de lui, ses camarades ne purent que se résoudre à faire quelques pas en arrière, afin de laisser le champ libre au choc de titans qui était en train de se préparer. Les joueurs dans la salle se retournèrent un à un, subjugués par la scène qui peu à peu prenait vie. C'était la première fois que quelqu'un osait défier le géant de Sabor Tooth, le grand Orga Nanagia. Natsu, cette fois, ne répliquait pas. C'est lui qui avait engagé les hostilités. Qu'allait-il se passer ?

Orga, furieux, chemina sans hésiter droit sur le rosé. Le joueur d'Hargéon ne recula pas, laissant son sourire s'élargir au fur et à mesure que le géant vert progressait. Grey se rapprocha de Lyon, la peur au ventre. Natsu avait-il perdu l'esprit ?

Arrivé à sa hauteur, le colosse se planta face au sans-clan, se saisit du col de sa chemise et colla son regard en plein milieu de ses yeux.

— C'est toi ? hurla-t-il très en colère. C'est toi qui as fait ça ?

Natsu sourit de toutes ses dents. Il ne se rebiffa pas, au contraire ! Lire dans les yeux de cette brute était un atout dont il ne voulait surtout pas se passer. Ce qu'il y vit le rendit narquois. Il hocha très lentement la tête ne ratant rien de l'expression qu'affichait son adversaire.

— Bien sûr, répondit-il joyeusement en positionnant sa tête un peu de côté, un sourire contagieux sur les lèvres. Tu en doutais ?

— Vous êtes témoins ! hurla Orga devant la foule amassée. C'est lui qui m'a attaqué, cet abruti m'a balancé un tabouret ! 

Il relâcha sa prise et se tourna fièrement vers les autres joueurs.

— Et... tu penses que je vais m'arrêter là ? demanda taquin Natsu tout en sautillant allègrement sur ses jambes comme un boxeur se préparant à entrer sur le ring.

— T'es fini Dragnir ! La sortie, c'est par là ! rétorqua le capitaine de Sabor Tooth en pointant son doigt vers la porte.

Natsu s'immobilisa et fit mine de regarder dans tous les recoins, l'œil coquin.

— Dis-moi... Tu n'as pas remarqué ? souffla-t-il moqueur en reculant d'un pas. Aucun juge n'est venu crier à l'exclusion. Ils nous observent pourtant. Mais, un lancer de tabouret n'est absolument pas suffisant face à ce que tu as fait. Il marqua une pause, commença à tourner autour d'Orga. Tu as osé t'en prendre à un mec qui ne t'avait rien fait ! Sa voix devint tranchante. Tu as osé t'attaquer à quelqu'un qui voulait juste protéger son ami ! -Sa voix tonna cette fois du sol au plafond dans un profond grondement. Son regard était fixe, ses muscles tendus au maximum. Il se mit à faire des rotations d'épaules pour s'échauffer. Et tu te plains pour un malheureux tabouret ?

Le visage d'Orga blanchit jusqu'à laisser transparaitre à quel point il était déconfit. La tignasse rose avait raison, les juges auraient déjà dû être là, en train de vociférer, en train de le jeter dehors par la peau des fesses ! Il lança un coup d'œil circulaire à la recherche de son fidèle ami Dobengal. Ce dernier était en train d'approcher lentement dans l'ombre de Dragnir. Son visage était sérieux, concentré, hésitant peut-être. Orga grogna. Il ne craignait rien ni personne, mais il ne voulait prendre aucun risque. Ce sans-clan était quand même sacrément sûr de lui pour une brindille.

— Lancer un tabouret par derrière, c'est un coup de dégonflé et de lâche ! clama-t-il pour gagner du temps.

— Haha ! ricana Natsu. Je te rassure tout de suite, ce n'était pas un coup. Au contraire, c'était juste un lancer, un petit lancer qui a atterri droit dans sa cible ! Je suis hyper fier de moi ! En même temps, tu prends tellement de place, que te rater aurait été une atteinte à mon honneur. Tu veux voir ce que donne un coup, un coup pour de vrai ?

Il ne laissa pas le temps au géant de répliquer, ni même de cligner des yeux. En une fraction de seconde, Natsu sauta sur lui et lui lança une pichenette du bout du doigt. Elle claqua sur sa joue dans un bref tintement.

— Tiens, je vais commencer par une pichenette ! continua-t-il, hilare en reculant d'un bond. C'est bien toi qui m'en as demandé une tout à l'heure, non ?... Je me trompe ?... C'était pas toi ? Ah zut ! C'était qui ?... Tu réponds pas ?

Il marqua une pause et sans quitter des yeux Orga, reprit d'une voix très sèche :

— Par contre, dis à ton pote de ne pas faire un pas de plus ! Je ne répondrai plus de rien s'il approche. Peut-être que vous ne serez jamais virés des Sélections, mais repartir chacun avec un bras cassé, je vous le déconseille, ça serait la fin de vos misérables carrières ! Dis-le-toi pour dit... Je suis un as de la démolition... Casser un bras... C'est ma spécialité !

La menace était réelle, elle prenait vie dans la salle et s'épaississait au fur et à mesure que le garçon aux cheveux roses prononçait ces paroles. Il était méconnaissable, il transpirait la confiance, la puissance. Dobengal s'immobilisa le souffle coupé. Pour la première fois, il n'était plus sûr de rien, peut-être était-ce une erreur d'aller à l'affrontement avec ce type ? Personne ne le connaissait... Et si son instinct avait vu juste ? Il se dégageait de lui une telle aura ! Et si... Ce gars fichait la frousse. Ce gars n'avait peur de rien. Et s'ils ne sortaient pas victorieux...?

Orga perçut immédiatement le doute s'insinuer dans l'esprit de son camarade. Ajouter à cela la pichenette qu'il venait de recevoir... Il perdit toute lucidité.

Ivre de rage, il chargea à la manière d'un rhinocéros en colère, la corne en avant, éventrant tout sur son passage. Natsu laissa échapper un bref éclat de rire et murmura pour lui-même: «Tout en finesse évidemment !». Il se tint bien droit, attendant le moment adéquat pour se positionner à l'oblique face au corps fonçant sur lui. Il le laissa courir, il l'appela même du regard.

— Il ne compte pas encaisser ça ! s'écria Grey, analysant la situation en temps réel. Pourquoi il ne bouge pas ?

Orga n'était plus qu'à quelques centimètres, il brandit son poing, prêt à fracasser la mâchoire du rosé. Tout alla très vite. Natsu au dernier moment rentra le ventre, haussa le haut de sa cage thoracique et laissa passer la brute épaisse le long de son corps comme l'aurait réalisé un torero face à son taureau. Du plat de sa main, il profita de la surprise de son adversaire pour lui asséner une deuxième pichenette en haut du crâne. Il gloussa et reprit dans la seconde une position détendue, attendant qu'Orga s'arrête et fasse demi-tour. Avec l'élan qu'il avait pris, ça allait lui prendre un moment ! 

Le jeune homme laissa échapper un grand éclat de rire qui résonna quelques secondes dans la salle. Il s'amusait comme un petit fou. 

Malheureusement, ce qu'il n'avait pas prévu pourtant se produisit...

Lyon, catastrophé de voir Orga foncer ainsi tête baissée sur son ami, avait pris son courage à deux mains, lui qui d'habitude restait prostré devant les disputes. Contre toute attente, il s'élança avec l'idée folle de tirer en arrière le rosé afin de lui éviter de rencontrer le poing du colosse. Sauf que... Natsu n'était plus à l'endroit prévu ! Il avait bifurqué ! Il était toujours là, mais il avait laissé glisser le monstre sur le côté.

Lyon, par contre, était bel et bien à l'endroit estompé. Il n'eut pas le temps de songer à une voie de secours. En pleine joue, la massue d'Orga s'abattit sur lui. Il s'écroula au sol, KO.

Aussitôt, Natsu se liquéfia. A bride abattue, il se retourna et partit en glissade sur les genoux jusqu'au corps de son ami. Il arriva trop tard, la tête de Lyon rebondissait déjà sur le carrelage.

— Lyoooonnnnn ! hurla-t-il, la peur au ventre.

Il s'affaira immédiatement autour de lui et par des mouvements experts s'assura de l'état du joueur aux cheveux blancs. Il respirait normalement..., il était sonné... mais il était conscient.

— Nat... su,... t'inquiète,... ça va... articula faiblement celui qui venait d'être salement assommé. J'ai la tête dure...mais bon dieu ! Ça fait un mal de chien !

Le rosé fut incapable de lui répondre quoi que ce soit : déjà Orga faisait demi-tour et s'élançait sur lui, un puissant cri de haine coincé dans la trachée. Natsu était par terre, au sol, Lyon à moitié dans les bras. Il n'allait pas avoir le temps ! Il le savait, il le visualisait à l'avance... Mettre son ami en sécurité, c'était juste impossible !

Alors, il fit la seule chose qu'il concevait. Il resserra son étreinte et plaça son propre corps en boule autour de celui de son ami. Il ramasserait tous les coups, il ferait rempart sans broncher. Lyon avait pris un coup par sa faute, c'était déjà trop cher payé. Il réprima un vaste cri de frustration : jamais il n'aurait dû se lancer dans ce jeu stupide. Il aurait dû tout de suite assommer cet idiot ! Pourquoi ? Pourquoi fallait-il toujours qu'il joue au plus malin ?

Orga recula son bras au maximum de ses capacités tout en courant comme un aliéné. Cette tignasse rose allait prendre cher. Le capitaine de Sabor Tooth n'en avait plus rien à foutre d'être renvoyé. La seule chose qui comptait était de faire disparaitre cette tapette rose de la surface de la Terre. C'était la seule manière de laver les affronts qu'il avait osé lui faire !

Deux ombres firent alors irruption devant lui. Ensemble, côte à côte, sans s'être concertés, ils formèrent un mur entre la brute et le rosé. Le géant vert ricana méchamment, s'ils pensaient que c'était un problème... Il accéléra encore avant d'écarquiller les yeux.

— Pourquoi ? eut-il envie de s'écrier.

Les deux paires d'yeux qui se dressaient devant lui n'étaient autre que celle de Fulbuster, déformée par la colère et celle de son plus vieil ami... Dobengal !

— Sale traitre ! s'apprêta-t-il à s'égosiller.

Orga n'en eut pas le temps, il leur fonçait droit dessus ! Impossible de s'arrêter ! Il était trop lourd, trop malhabile... Il s'écrasa contre le mur humain envoyant les deux garçons transformés en quilles de bowling face contre terre.

Le géant se reprit vite fait. En relevant la tête, il tomba sur le regard de prédateur de Dragnir dont le visage était déformé par la haine. L'intervention de Grey et de Dobengal lui avait permis de reposer avec douceur Lyon. Il avait eu le temps de se redresser. Il jaillissait maintenant, sans aucun élan, d'un puissant bond, les deux jambes en avant.

Le rosé fondit sur Orga et atterrit avec force et fracas sur son thorax. Le colosse fut rejeté en arrière. Natsu accompagna sa chute, les pieds collés au torse de son adversaire. Puis d'une gifle phénoménale, il lui balança le haut de son pied en pleine figure. Orga fut incapable de le parer. Les yeux grands ouverts, il le recueillit sans faire le moindre geste. Sa tête partit à toute vitesse sur le côté. Il retomba au sol, la respiration hachée, rouge de honte, vaincu par un seul coup de pied.

Dragnir retomba sur ses pieds sans faire éclater sa joie. Il s'épongea le front avant de jeter un regard désabusé au géant vert. Une vaste clameur retentit en toile de fond. Les joueurs réunis dans la salle n'en revenaient pas. Quelques uns osèrent même applaudir. Il l'avait vaincu ! Le grand Orga Nanagia avait été vaincu !

La combinaison d'actions que le sans-clan venait de réaliser était juste incroyable, ahurissante. Qui était donc ce gamin aux cheveux roses ? Que venait-il de faire au juste ? Tout était allé trop vite. Qu'Orga perde comme ça... en un seul coup ! C'était tout bonnement impossible et pourtant... Le géant vert gisait à terre, Dobengal et Grey se relevaient à peine, Lyon n'arrêtait pas de se lamenter et Dragnir, lui s'en sortait sans une seule égratignure.