Chapitre 2: Une rencontre
Erza avait enfilé une longue robe mauve fendue jusqu'à mi-cuisse. Lucy, quant à elle, n'avait pas eu le choix : sa déléguée lui en avait choisi une très courte brillante et argentée. La pauvre n'arrêtait pas de s'inspecter dans le miroir en se tortillant dans tous les sens.
— Erza, s'écria-t-elle, catastrophée, tu es sûre que je peux mettre ça ?
— Bien sûr ! Qu'est-ce qui te gêne ? répondit la déléguée en lissant une dernière fois ses cheveux du revers de la main.
— Hum, hésita la petite Heartfilia. Un bustier... Elle prit une profonde inspiration. Des rougeurs clairsemèrent à vive allure ses pommettes. Ça me fait des seins énormes ! déblatéra-t-elle hyper gênée.
Erza éclata d'un rire franc et haussa les épaules :
— Mais... ironisa-t-elle en la tirant par le bras. Tu es faite comme ça ! Allez ! En route !
*****
Le trajet jusqu'à la réception se fit en un temps record, tant Erza était allergique aux retards. Devant l'immensité de la salle, les jeunes filles essoufflées se collèrent l'une à l'autre et entrèrent sur la pointe des pieds de peur de se faire remarquer. La pièce était noire de monde, le brouhaha de voix entremêlées intense. Les convives raffinés et somptueusement habillés se pressaient dans une masse compacte et agitée. Ne se distinguait que l'armée de serveurs en queue de pie qui serpentait au milieu du dédale engendré. Les verres s'entrechoquaient de tous côtés. Quelques rires hystériques résonnaient. L'ambiance était à la bonne humeur... tout du moins pour la foule d'adultes amassés.
Les adolescents s'étaient regroupés à l'écart. Dans un coin au plus près d'une sortie. Aussi mal à l'aise les uns les autres. Ils étaient muets, limite hagards et n'avaient qu'une hâte : se sortir de ce guêpier.
Ni une ni deux, les deux amies s'empressèrent de les rejoindre. Rogue se plaça aussitôt au côté de sa douce et se saisit d'office de sa main. Erza ne réagit pas, à nouveau prise de court, complètement tétanisée.
Après quelques minutes de flottement, le directeur de SaborFairy, monsieur Zeleph prit la parole et entama un long discours afin de rappeler l'importance de l'événement et le rôle que chacun devait jouer.
Il présenta l'équipe en charge des Sélections : des entraineurs aux juges, en passant par les organisateurs et les nombreux journalistes. Il finit son discours en remerciant les différents sponsors et mécènes et indiqua aux élèves qu'ils ne recevraient le programme de la journée que le lendemain : chaque hôtesse aurait la charge d'un candidat afin de les guider au milieu des épreuves. Cependant, les binômes ne seraient dévoilés qu'au dernier moment afin de limiter les arrangements. Le rendez-vous était fixé à six heures du matin dans le gymnase principal.
L'apéritif dînatoire commença, laissant les adolescents empotés face à la bande de professionnels avisés. Politesse et courtoisie étaient de mises.
— Lucy ! Je ne m'attendais pas à te voir ici ! s'écria une femme d'une quarantaine d'années aux cheveux blonds.
Rien qu'au son de sa voix, Lucy la reconnut. Il s'agissait de Jenny Realight, une grande amie de son père, une mannequin devenue journaliste phare du pays et membre du jury des Sélections.
— Mademoiselle Realight, sourit la jeune Heartfilia, je suis heureuse de vous voir.
— Ton père te laisse enfin le remplacer ? s'exclama la juge en serrant Lucy dans ses bras.
— Du tout ! Lucy est une de mes élèves ! intervint un homme aux cheveux de jais en arrivant derrière elles.
Cet homme, c'était Zeleph ! Aussitôt, Lucy se raidit. Le tout nouveau Directeur de SaborFairy la mettait mal à l'aise. C'était pourtant quelqu'un d'attentionné, charmant, mais en même temps froid, autoritaire, intransigeant. Pas le droit à l'erreur avec lui ! Rien d'étonnant puisqu'il dirigeait d'une main de fer à la fois le lycée de SaborFairy, en plus d'un club professionnel de basket et enfin un conglomérat d'entreprises spécialisées dans l'aéronautique et l'aérospatiale.
— Mademoiselle Realight, Mademoiselle Heartfilia, tout se passe bien ? continua-t-il grand seigneur.
— Mon cher Zeleph, entonna l'ancien mannequin en prenant le jeune dirigeant par le bras. Comme d'habitude dès que c'est toi qui tiens les rênes, c'est parfait.
— Lucy ! poursuivit le Directeur avec un sourire qui n'atteignait jamais ses yeux. Dis à tes camarades que vous pouvez profiter de la soirée. Mademoiselle Realight, je vous en prie, suivez-moi ! J'ai du monde à vous présenter.
Aussitôt la nouvelle annoncée, tous les élèves de SaborFairy s'empressèrent de quitter la réception et décidèrent d'un commun accord de se rendre tous ensemble dans un bar pour finir la soirée.
— Vite Lucy ! entonna Erza. Le dernier arrivé paie les consos.
Lucy freina des quatre fers. D'habitude, elle aurait suivi sans oser ouvrir la bouche. Mais, elle en avait assez. Ce voyage, c'était son rêve !
— Tu ne préfères pas flâner dans les rues ? s'enquit-elle le regard fixé vers l'immense avenue s'étendant devant elle. J'aimerais tant apercevoir le château.
— Sérieusement, tu n'es jamais venue ici ? demanda troublée la déléguée.
— Jamais, rétorqua Lucy en baissant la tête. Je ne connais que notre ville de Magnolia.
Offusquée, Erza la tira à toute vitesse par le bras et se jura de dévergonder au plus vite cette gosse de riche beaucoup trop couvée. Une visite d'abord, un verre ensuite !
Les deux jeunes filles crapahutèrent une bonne heure dans les ruelles moyenâgeuses de la ville. Lucy avait le regard empli d'étoiles devant les façades à colombages et le château de Crocus. Erza restait en retrait, les bras croisés, touchée par l'enthousiasme de sa nouvelle amie.
Au détour d'un croisement, elles découvrirent un parc, encore ouvert malgré l'heure tardive. Ni une ni deux, les deux adolescentes accoururent à l'intérieur. Quelle ne fut par leur surprise de tomber directement sur une vaste aire de jeux : araignée, toboggans... Elles gloussèrent de joie et foncèrent directement vers les balançoires.
— Oh ! s'écria Lucy surexcitée. Une balançoire horizontale !
— Le tape-cul ? soupira la rouquine amusée. Allez viens que je te donne ta raclée !
Un duel de tape-cul commença. Les deux amies faisaient approximativement le même poids. Ce fut donc coups donnés pour coups rendus. Leurs gloussements se mirent bien vite à retentir dans les airs.
« Hum... Lucy, dit d'un coup Erza entre deux fous rires, je crois qu'on nous observe. »
Aussitôt, Lucy se retourna. Là, sur le chemin longeant l'aire de jeux, deux jeunes hommes s'étaient accoudés aux barrières et les observaient. Grâce aux réverbères fournissant une faible lumière, on devinait qu'ils s'amusaient du spectacle offert par les deux amies. On ne les entendait pas, ils murmuraient à peine. Des adolescents. Grands, longilignes. Un aux cheveux clairs ébouriffés avec une drôle de tâche sur le front, l'autre une capuche de sweat vissée sur la tête. Seul son sourire était visible. Immense.
Le cœur de Lucy rata un battement. Le temps fut comme suspendu. Les deux filles ne firent plus un geste, complètement happées par l'instant. Instant qui ne dura pas plus d'une minute ; déjà, les deux garçons se détournèrent et quittèrent les lieux.
Erza en profita pour faire une crêpe de la mort à Lucy qui décolla de plusieurs dizaines de centimètres avant d'atterrir lourdement sur les fesses.
— AÏÏÏÏÏEEEEEEE ! cria-t-elle.
— Ça t'apprendra à mater les beaux mecs, rétorqua Erza qu'on ne pouvait plus arrêter de rire.
— Mais pas du tout ! grogna Lucy. Il fait nuit, on n'y voit rien, je te signale !
— On n'a qu'à les suivre. On verra si de près, ils sont aussi beaux gosses qu'ils en ont l'air.
Et hop ! Les voilà parties. Malheureusement, elles avaient trop tardé, au bout d'une bonne vingtaine de minutes, elles abandonnèrent les recherches. Les deux inconnus restaient introuvables.
« Dommage, ça restera un mystère, rit Erza. Beaux gosses ou laiderons, on ne saura jamais !
À ces mots, elle s'immobilisa en fixant un point sur la gauche : « Dis, Lucy, ce ne serait pas un terrain de basket là-bas ? »
À une dizaine de mètres, derrière un maigre rideau de buisson, au beau milieu des arbres se trouvait un terrain de basket poussiéreux. Il n'était éclairé que par deux malheureux lampadaires qui émettaient une faible lumière grésillante. Un petit groupe de garçons y jouaient. On n'entendait que le frottement de leurs chaussures sur le sol bosselé. Six joueurs faisaient un match d'un côté pendant qu'un autre jouait tout seul à tirer au panier. Erza et Lucy s'immobilisèrent en même temps.
— Tiens mais c'est notre inconnu à la capuche ! s'étonna Erza. Où est donc le beau gosse qui l'accompagnait ?
La rouge se mit immédiatement en quête. Lucy ne fit pas un pas de plus, hypnotisée. Incapable de détacher son regard du garçon à la capuche, elle se pétrifia, la bouche sèche, les yeux immenses.
Le garçon courait dans tous les sens, il sautait, dribblait, lançait le ballon sans jamais s'arrêter. Il était d'une aisance à couper le souffle. Il... Il virevoltait avec grâce et souplesse. Mais, aucun de ses lancers n'atteignaient sa cible, pas un seul de ses ballons ne rentrait dans le sacro-saint cerceau ! Au contraire, à chaque fois, la balle rebondissait sur le côté gauche du cerceau et retombait à l'extérieur et... à chaque fois, inlassablement, le garçon à la capuche recommençait sa ronde.
Les autres joueurs ne cachaient pas leur hilarité. Ils lui jetaient des regards noirs, faisaient des gestes obscènes, se moquaient ouvertement.
« Quel gros naze celui-là ! ».
« Depuis quoi trente minutes, il est là. Il n'en a pas marqué un. Bouffon va ! ».
Mais bizarrement, ce n'étaient que des mots, que des paroles lancées de loin. Personne n'osait l'approcher, tous l'observaient. Son ballet était hypnotisant, ses foulées parfaites, ses bonds aériens. Sans discontinuer le jeune homme à la capuche tirait, rattrapait, bondissait... Lucy n'y connaissait rien en sport, rien en basket. Elle avait même horreur de ça : la fatigue, les courbatures, la sueur, ce n'était clairement pas son truc. Mais il y avait quelque chose en ce garçon qui l'interpelait. Elle était incapable de le quitter des yeux et apparemment, elle n'était pas la seule.
D'un coup, le joueur s'arrêta et releva de quelques centimètres sa capuche afin de s'éponger le front. La bouche de Lucy s'assécha. Elle entrevit son regard. Ses yeux étaient sombres, déterminés. Il resta sans bouger quelques secondes, le regard fixé sur le panier puis reprit son ballet de paniers ratés à un rythme plus soutenu, plus rapide. Les yeux des spectateurs s'arrondirent. Personne n'osa moufter. Fascinés.
« Lucy, cria Erza. Viens, je l'ai trouvé ! ».
À contrecœur, la blonde se détourna et rejoignit son amie installée à une dizaine de mètres en contrebas. Dès que leurs regards se croisèrent, Erza lui fit signe de se taire. Lucy vint s'asseoir tout doucement à ses côtés en même temps qu'un chant feutré et doux se glissait dans ses oreilles.
Pas loin, éclairé par les rayons de Lune, le dos posé contre l'écorce d'un chêne, les yeux fermés, le garçon aux cheveux clairs fredonnait une mélodie douce, d'une voix chaude et sucrée, grave aussi.
Il devait approcher de la vingtaine, ses traits étaient taillés à la serpe, parfaitement symétriques. Il irradiait de lui un calme olympien. La tache aperçue un peu plus tôt s'avérait être une croix à bord large tatouée à même le front. Il chantait. Son chant parlait d'un idéal à atteindre, de la poursuite de ses rêves, d'épreuves à supporter au travers d'un feu incandescent...
Au bout d'un temps indéterminé, il arrêta son chant, sortit un carnet et se mit à écrire. Mon Dieu ! Il était en train de composer ! Il alterna alors chant et écriture. Les deux filles, sous le charme, se blottirent l'une contre l'autre et se laissèrent bercer, jusqu'à ce que d'un coup, sans prévenir, le jeune homme saute sur ses jambes et parte à grands pas en direction du terrain de basket.
— C'était magnifique. Tu as beaucoup de talent, l'arrêta Erza.
Le garçon la toisa une seconde avant de cligner des yeux.
— Merci, répondit-il un peu embarrassé.
Il fit un pas en avant, puis s'arrêta et poursuivit : « Vous êtes les filles du tape-cul, non ? ».
Lucy et Erza virèrent au rouge et répondirent d'une seule voix :
— Oui, c'était nous.
Ils n'eurent pas le temps d'en dire plus. Trois costauds venaient de s'approcher.
— Erza ! cria le premier. Le bar était nul.
— On était sûrs de te trouver près d'un terrain de basket, Scarlett ! renchérit le second.
C'était Sting et Rogue. Le brun ne laissa pas le temps à la rouquine de réagir, il la prit doucement contre lui et déposa ses lèvres sur les siennes. Aussitôt, Erza cafouilla et écarquilla les yeux complètement paniquée. Décidément, elle ne s'y habituerait jamais.
— Voilà l'arme ultime pour faire buguer notre chère générale en chef ! se moqua le troisième.
Le dernier arrivant n'était autre que Gadjeel, un autre joueur de SaborFairy. C'était un grand garçon tout en muscle à la longue chevelure noire hérissée, un homme couvert de piercings. Il s'arrêta la bouche ouverte et resta prostré en fixant le garçon aux cheveux clairs, celui qui chantonnait un peu plus tôt. Puis, à toute vitesse, il se rua sur lui :
« Rakheid ? Impossible ! Comment ça va, poto ? ».
Le dénommé Rakheid l'observa moins d'une seconde avant de lui faire une accolade toute amicale.
— Gadjeel ! Ça fait un bail !
— Mais qu'est-ce que tu fous là ? Me dis pas que tu comptes participer aux Sélections? T'es trop vieux mon pote.
Le jeune homme aux cheveux blancs émit un petit rire résonnant comme un tintement de cristal.
— Pas moi, en effet Gadjeel, s'amusa-t-il.
— Noooonnnn ! répondit le percé de sa grosse voix. Me dis pas que c'est la flammèche qui participe ?
— Lui-même ! répondit l'autre avec fierté.
— Ça lui fait quel âge à ce morveux et il est où d'ailleurs que je lui foute sa raclée ? s'enquit Gadjeel en le cherchant partout. Il se frappa le front, s'arrêta un instant et reprit désolé. Je vous présente Rakheid, on a fait les quatre-cents coups ensemble au collège. Et voici Sting et Rogue de mon équipe de basket, et Erza et Lucy, deux camarades de classe.
— Enchanté, répondirent tous les susnommés.
— Alors, il est où bébé Dragnir ? reprit Gadjeel en sautillant partout.
— Il s'entraine, répondit succinctement Rakheid.
— Ne me dis rien, je vais voir si je le reconnais. Il a encore changé de couleur de cheveux ?
Il passa alors en revue tous les joueurs du terrain. Lucy avait déjà compris de qui il s'agissait : le garçon à la capuche, le plus mauvais tireur de panier qu'elle n'avait jamais vu.
— Non ! s'offusqua Gadjeel. Me dis pas que celui qui rate tous ses paniers, c'est ton frère !
Rakheid explosa de rire : « Tu connais Natsu ! Il ne fait jamais rien comme personne, bien sûr que c'est lui !».
— Dragnir ! héla le percé mort de rire.
— Laisse tomber, il a mis sa musique à fond, expliqua nonchalamment Rakheid. Il doit lui rester encore une chanson.
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