Chapitre 4
Belle jaugea le sultan d'un regard qui laissait place au doute qu'elle ressentait à son égard. Pourquoi voulait-il apprendre à la connaître ? Pourquoi cherchait-il à la convaincre de venir à cette réception ? Et si en réalité tout ceci n'était qu'un piège soigneusement esquissé par Éloïse ?
- Vous m'avez dit être un homme de parole n'est-ce pas ? Demanda-t-elle en levant la bougie afin d'apercevoir son visage.
- Oui, affirma-t-il avec sérieux.
- Ce n'est pas Eloïse qui vous envoie ? Demanda-t-elle en retenant son souffle.
Le sultan commença d'abord par la dévisager les sourcils froncés puis secoua lentement la tête négativement.
- Mes hommes sont les seuls à être au courant de ma présence ici, personne d'autre, Eloïse a fait en sorte que votre présence ne soit pas indispensable.
- Alors pour....
- Parce que je vous l'ai dit, la coupa-t-il d'une voix grave : la moindre faille pourrait créer un scandale et je ne veux pas de ça dans ma famille. Pour vous cela semble peut-être absurde mais pour moi, en tant que souverain, je ne peux pas me le permettre.
Il marqua une pause dans laquelle il se pencha en avant, laissant ainsi un faible espace entre leurs deux visages.
- Aussi je vous demanderais qu'une seule et unique chose, venir à la réception pour faire acte de présence.
- Vous me demandez de regarder une femme qui avec l'aide de sa mère a ruiné mon père et qui à sa mort c'est subtilement servie de moi pour l'héritage avant de me jeter hors de la maison de mon enfance ? articula Belle les lèvres tremblantes de colère et de tristesse mêlées.
Le regard du sultan qui jusqu'ici s'était montré impassible se fissura lentement, laissant entrevoir enfin une émotion.
Il se redressa lentement, sans la quitter des yeux. Il semblait sous le choc mais ne laissait presque rien paraître.
- À présent que vous connaissez le mystère de mon refus, commença Belle en n'osant à peine le regarder ; J'aimerais ne plus en parler. Rassurez-vous, je viendrai à votre réception, je ferais acte de présence mais elle sera courte.
Belle réprima un frisson puis essaya de le contourner mais l'homme posa sa main sur l'encadrement de la porte.
- Cette histoire change beaucoup de choses, articula-t-il d'une voix sombre : Des tas de choses...
Soudain dans les lueurs de la bougie elle lut dans la profondeur de ses yeux que la colère y régnait.
Paniquée à l'idée qu'il puisse mettre fin à ce mariage à l'aide de son témoignage Belle s'empressa de dire :
- Une année s'est écoulée, elle a pu changer depuis cet affront.
- Je suis le souverain et cousin du futur marié, c'est à moi d'en juger, contrat ce dernier avec force et conviction.
Au fond de son être Belle était soulagée d'avoir dit la vérité. Cependant elle ne voulait être la cause qui pourrait mettre ce mariage à mal.
- C'est plutôt à votre cousin d'en juger, après tout c'est lui qui va l'épouser, fit-elle valoir dans l'espoir de rattraper sa monstrueuse bourde.
- C'est ici que vous vous tromper mademoiselle Moor, ce mariage n'est pas seulement une question de sentiment c'est également une fusion entre deux pays.
Belle fronça des sourcils avant de grimacer.
- La cire est en train de couler sur vos doigts, lui fit-il remarquer en lui arrachant la bougie des mains.
Elle se frotta les doigts brusquement saisie par des frissons.
- Voilà ce que je propose, commença-t-il d'une voix plus amène : Cessons de parler de cette histoire que je tenterais d'éclaircir à mon retour et faisons en sorte que la soirée paraisse agréable pour l'un l'autre.
- Comment pourrait-elle être agréable ? Lança-t-elle sur la défensive : Nous sommes plongés dans le noir sans électricité et j'ai faim.
Belle avait bien conscience qu'elle se comportait comme une enfant mais ce n'était plus la femme qui parlait mais son instinct de survie.
- Et nous avons de quoi survivre, dit-il tapotant sa main sur un appareil près de l'évier.
- Qu'est-ce que c'est ? Une cuisinière non ?
Un sourire plus doux se posa sur la bouche de l'homme.
- Ceci se nomme un fourneau à gaz, il n'y a pas besoin d'électricité pour le faire marcher.
Soulagée Belle se mordit la lèvre nerveusement puis déclara :
- Mon instinct de survie me dit de vous remercier.
Le sultan leva un sourcil vaguement amusé.
- Mais la femme qui voulait rester seule en revanche...
- Elle veut toujours rester seule mais...
- Mais refuse d'admettre qu'elle n'aurait pas survécu seule, termina-t-il à sa place avant de se plonger dans l'étude du fourneau à gaz.
Désarçonnée par sa facilité à dompter la situation Belle se surprit à le dévisager dans la faible lueur des bougies. Dans son regard noir, quelque chose le tourmenté. Mais lorsque son regard se posait sur elle, Belle avait l'impression d'être dévorée par sa paire d'yeux menaçante. Pendant qu'elle s'occupait du dîner improvisé, l'homme était même parti dans la tempête de neige pour aller chercher du bois sous l'appentis afin de raviver le feu. Gênée, Belle avait l'impression de lui devoir sa propre survie. Et lorsqu'elle revint de la cuisine avec deux assiettes, le sultan avait le regard plongée dans les flammes dévorantes de la cheminée.
- Je tiens quand même à vous poser une question miss Moor, comment se fait-il qu'elles ont eu la main sur votre héritage aussi facilement ?
- Parce que je suis stupide, répondit-elle à mi-voix.
- Ce jugement est trop facile, contrat-il d'une voix rêche mais qui contre toute attente, ne lui était pas destinée.
- Mon père possédait une entreprise dans l'automobile, il gagnait bien sa vie. Lors des signatures mon chagrin était tellement vif que j'ai signé sans même regarder. J'ai donné ma part d'héritage, dans le testament j'était l'unique héritière de son entreprise mais l'autre document stipulait que je pouvais vendre cette part, ce que j'ai fait, sans toucher le moindre dollars.
Belle prit lentement son assiette pour la poser sur ses genoux, le temps pour elle de reprendre un semblant de courage.
- Si ça ce n'est pas être stupide alors qu'est-ce que c'est ? Rajouta-t-elle sans le regarder.
- Cela s'appelle s'être fait piéger, rectifia-t-il en essayant de capter son regard.
Belle releva alors les yeux avec difficulté.
- Je n'ai même pas pu contester cette décision puisque ma signature était bien la mienne, esquissée de ma main devant le notaire, ajouta-t-elle en étouffant un rire amer.
- C'est une raison suffisante pour que je me méfie d'Eloïse et de sa très chère mère, conclut-il d'une voix indiscutable.
- Cette raison me concerne, je ne pense pas qu'elles soient assez stupide pour tenter de piéger le cousin d'un sultan, rétorqua-t-elle avec l'espoir qu'il baisse sa garde au sujet d'Eloïse.
Il était hors de question qu'elle soit la cause d'une rupture même si elle ne la portait pas dans son cœur. Elle savait que trop bien ce qu'elle encourait si jamais le sultan venait à mettre un terme à ce mariage. Cependant, le problème qui s'imposait à elle en ce moment c'était le regard sévère du sultan. Il avait l'air d'un homme déterminé et prêt à tout pour sauvegarder la réputation de sa famille.
- Croyez-moi sur parole, des personnes sont prêtes à tout peu importe leur cible, peu importe les répercutions qu'un tel acte peut avoir sur leur propre vie, répliqua-t-il d'une voix qui ne lui laissait aucune chance de répliquer.
Mais pour Belle ces paroles résonnaient comme une situation déjà vécu par le passé. Autrement dit elle préférait ne pas insister.
- Mon cousin a enchainé bon nombre de conquête parfois même sans savoir comment elles s'appelaient, reprit-il en posant son regard sur la cheminée ; J'ai toujours dû intervenir pour effacer ses bêtises. Ce mariage est censé donner une bonne image pour le pays et non l'inverse.
- Rassurez-moi ils s'aiment ? S'enquit-elle la bouche sèche.
- D'après lui oui mais je mesure ces paroles, c'est pour cette raison que j'ai ordonné que la réception ait lieu ici et non dans mon pays. Je préfère juger avant d'autoriser la conclusion de ce mariage.
Sous le choc Belle écarquilla les yeux.
- Parce que c'est vous qui est le seul décideur de ce mariage ?
Il arrima son regard au sien sans dissimuler l'étrange sourire qu'il arborait, relevant ainsi sa beauté inquiétante.
- Le seul et l'unique, affirma-t-il avec un soupçon de fierté.
- Pour tous les mariages ? S'enquit Belle incrédule.
Le sultan se passa la langue entre ses dents inferieure sans la quitter des yeux puis se pencha en avant, une lueur mystérieuse dans les yeux, comme s'il s'apprêtait à se moquer d'elle.
- Non, je ne décide pas pour mon peuple, seulement pour ma famille.
- Inutile de vous demander si vous décider pour le vôtre ? Lança-t-elle pince-sans-rire ; Je suppose que vous êtes marié et...
- Que j'ai des maîtresses cachées pour chaque mois de l'année dans mon harem ? La coupa-t-il avec la même ironie mordante.
Les joues en feu et prise à son propre piège Belle ouvrit la bouche puis la referma alors que derrière les lueurs mordorées qui brillaient dans ses yeux, le sultan l'observer avec intensité. Et même s'il était clair qu'il s'agissait seulement de la taquiner, Belle se sentit frémir à l'idée que ce soit vrai.
- D'ailleurs, vous seriez parfaite comme concubine pour le mois de décembre, chuchota-t-il d'une voix chaude et amusée.
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