Chapitre 39
Belle était rentré à temps pour le diner. Le choc et l'horreur qu'elle portait sur ses traits avaient du mal à s'estomper. À son retour elle s'était réfugiée dans la salle de bains pour faire éclater son chagrin. Pour la première fois depuis le décès de son père Belle ne se sentait plus en sécurité. Les horribles accusations tenues à son encontre la faisaient douter. Perdue, elle s'imaginait déjà le pire des scénarios. Et si la presse se retournait contre elle ? Et si le pays entier se retournait contre elle ?
Pour aggraver son malheur, Belle avait eu la brillante idée de fouiller dans les anciens articles de presse concernant Zafina. Si l'horreur l'avait déjà dévasté cette fois-ci c'était une profonde peur qui l'avait foudroyé.
La presse ne l'avait pas épargnée et Jafar avait bien donné l'ordre que plus personne envisage de lui un enfant. Plus précisément Belle était écartelée entre les convictions de son mari et les doutes du pays.
Après des heures à peser le pour et le contre Belle envisageait d'abord de questionner Jafar pour connaître ses pensées mais craignait de se heurter contre un mur. D'autres lui aurait sans doute conseiller de lui dire qu'elle est enceinte mais Belle savait que la situation était beaucoup plus compliquée qu'elle laissait paraître.
En effet, selon les traditions, leur amour mutuel aurait dû être consumé le soir de leur mariage et non avant. Ayant l'entière conviction qu'elle ne pourrait jamais tomber enceinte Jafar avait enfreint cette tradition sans se soucier des conséquences. Après avoir compter les semaines qui séparaient leur étreinte interdite et leur mariage, Belle réalisa qu'il y avait un gouffre magistral entre les deux dates.
Elle était enceinte de plus de huit semaines et rien ne correspondrait aux yeux du public.
Tiraillée, Belle agrippa la poignée de porte qui la séparait de Jafar et se sentit prête à le tester pour connaître les profondeurs de ses pensées.
Lorsqu'elle ouvrit la porte son cœur cessa de battre. Il se tenait debout devant la fenêtre, observant le paysage indigo. Pour signaler sa présence elle referma la porte suffisamment fort pour qu'il se retourne et que son profond regard orageux perce le sien.
- Où étais-tu ? Salomé m'a rapporté que tu étais encore enfermé dans la salle de bains.
Sa voix paraissait douce mais inquiète.
Belle ouvrit la bouche et fut sur le point de lui crier qu'elle portait son enfant me se ravisa...
- Je prenais un bain qui s'est éternisé, je suis désolée.
- Viens là, murmura-t-il en lui tirant la chaise.
Les jambes tremblantes elle s'avança jusqu'à la chaise et retint presque son souffle quand il déposa un baiser sur sa tempe.
- Je suis à mon tour désolé de t'avoir négligée aujourd'hui, déclara-t-il en prenant place à l'autre extrémité de la table.
La distance qui les séparait était si grande qu'encore une fois elle avait l'impression d'être dans une insécurité croissante.
- Ça ne fait rien, murmura-t-elle en esquissant un sourire forcé.
- Si au contraire, répliqua-t-il fermement, j'ai fait voue de ne pas le faire et j'ai brisé ce vœu mais c'était pour une bonne raison habibti crois-moi sur parole.
Il ne lâchait plus son regard si bien qu'elle dut baisser les yeux pour tenter de réorganiser son esprit.
- Tu devrais manger à présent, lui conseilla-t-il d'une voix tourmentée.
Est-ce le moment de le marteler de questions ?
Belle décelait en lui une grande colère qui se traduisait grâce à la lueur noire qu'il avait dans les yeux.
- Tu m'as l'air tourmenté, dis-moi ce qu'il se passe Belle.
- Je me pose des tas de questions en ce moment mais je ne suis pas certaine que tu sois disposé à me répondre.
Il fronça des sourcils silencieusement.
- Tu te trompes, je suis disposé Belle, c'est comme ça qu'un couple fonctionne.
Belle inspira profondément.
- Je me demandais si tu allais désigner l'enfant de...
- C'est absolument hors de questions, la coupa-t-il d'une voix tranchante.
Belle frissonna alors qu'il faisait crisper sa fourchette dans l'assiette.
- Pourtant Salomé m'a dit que tu n'as pas le choix.
- Salomé s'est trompée, le pays se passera d'un héritier, répondit-il d'une voix rêche ; il est hors de question que le nom de cette famille se mélange à la mienne.
En dépit de la rage qui consumait les traits de l'homme Belle se mordit l'intérieur de la joue mais décida de poursuivre.
- Il y a peut-être d'autres moyens Jafar.
- Ah oui ? Lesquels ? S'enquit-il d'une voix qui laissait entendre qu'il savait déjà ce qu'elle allait dire.
Tendue, elle se mit à jouer avec sa fourchette.
- Si je tombe enceinte par-exemple...
S'ensuivit un bruit aiguë car il lâcha ses couverts pour croiser ses mains contre sa bouche.
- Belle nous avons déjà eu cette conversation et je t'ai fait promettre de ne plus jamais en parler, tu sais à quel point ça me fait souffrir.
Sa voix était tendue mais d'un calme inquiétant.
Jafar s'était surpris à espérer mais les récents événements lui avait fait perdre les dernières étincelles d'espoir qu'il avait gardé secrètement. Il observa Belle avec intérêt puis compris qu'un problème de taille allait se dresser contre lui.
- Je disais juste que...
- Tu regrettes n'est-ce pas ? La coupa-t-il en sentant un horrible goût amer lui monter à la gorge.
- Je te demande pardon ? Demanda-t-elle d'une voix blanche.
- Tu as des doutes ? Tu réalises que je ne pourrais pas t'apporter ce dont tu as besoin ?
- Tu dis n'importe quoi ! Jamais je n'ai songé à ça Jafar.
Jafar voulait la croire mais ses récentes questions le plongeaient dans le doute.
- Tu as le droit de me le dire Belle, insista Jafar sur un ton qui se voulait calme ; Je ne t'en voudrait pas si tu réalises que tu désires farouchement l'opposé de ce que je peux t'apporter.
Elle ouvrit la bouche mais ne lui laissa pas le temps de lui répondre.
- Je refuse de te perdre et sache que je ferais tout ce qui est dans mon pouvoir pour te rendre heureuse.
- Je suis heureuse ! S'écria la jeune femme excédée ; J'essaye seulement de t'expliquer quelque chose que tu refuses d'entendre !
- J'ai entendu Belle, seulement je t'ai déjà dit que je ne voulais plus entendre parler de ça ! Gronda Jafar avant de le regretter amèrement face aux pâleurs de sa femme.
Jafar se sentait coupable et désolé cependant l'affreuse douleur qu'il tentait d'étouffer depuis dans années le rendait fou de rage.
- Tu n'as aucune idée de ce que je ressens Belle, chaque fois que les journaux en parlent, chaque fois qu'on ose seulement le penser ça me rend malade ! Reprit-il rictus amer aux lèvres.
- Mais pourtant tu as dit qu'un couple fonctionnait s'il apprenait à s'écouter et chaque fois que je tente de te parler tu me réduis à ces personnes qui te rendent malade, murmura-t-elle d'une voix tremblante de tristesse et de colère mêlées.
Jafar sentit de la culpabilité l'envahir. Il était en train de blesser la seule personne qui comptait à ses yeux. Il avait l'impression de perdre le contrôle, qu'elle était en train de lui échapper et une peur rationnelle trancha la discussion avant qu'il ne la perde définitivement.
- J'en ai assez, je ne veux plus en parler, tout ce qui compte c'est toi, toi et encore toi tu m'as compris ?
Belle tenta d'apaiser les tremblements infligés à son corps alors que des larmes lui brûlaient les yeux. Aveuglé par la colère il n'avait pas pris la peine de l'écouter ni même tenté de comprendre les indices qu'elle avait disséminé dans cette houleuse conversation. Il était buté, blessé et il semblait définitivement torturé par cette histoire si bien qu'elle avait l'impression de se battre contre un rempart bien plus solide que celui qui entourait son cœur et qu'elle avait pu atteindre non sans difficultés.
- Je suis désolé de m'être emporté, finit-il par dire le visage crispé par un franc regret qui lui serra le cœur.
- J'ai probablement été trop loin, dit-elle d'une voix à peine plus haute qu'un murmure.
- Non, c'est moi mon humeur a entaché cette conversation, insista-t-il en se passant une main sur son visage ; Une affaire me préoccupe et il me faut la résoudre au plus vite.
Il se leva pour franchir l'espace qui les séparait.
- Je dois partir pour Milan pour régler cette histoire, annonça-t-il en se penchant, une main appuyée sur la table et l'autre sur l'accoudoir de la chaise.
- Quand ? S'enquit Belle le cœur battant.
- Dès ce soir, plus tôt j'y serai plus tôt je serai de retour pour reprendre cette conversation dans une ambiance plus calme.
- Tu viens de dire que tu ne voulais plus en parler.
Il soupira lentement puis posa sa main sur sa joue.
- Nous avons besoin d'achever cette discussion pour aller de l'avant.
Il posa un baiser sur ses lèvres et Belle ferma les yeux pour le savourer comme s'il s'agissait du dernier.
- Je serais de retour au plus tard demain soir et je te promets que je ferais tout mon possible pour tenir ma promesse.
Il se redressa et quitta le grand salon d'un pas déterminé. Seulement, en son for intérieur Belle savait que ça ne suffirait pas pour qu'il l'entende. Même s'ils reprenaient cette conversation celle-ci mènerait à un échec et peut-être même à un refus de la croire tant il était épris de cette vive sentence qu'il s'infligeait à lui-même.
Alors qu'une larme solitaire roulait sur sa joue, Belle comprit qu'il y avait qu'un seul moyen pour qu'il daigne enfin l'entendre...
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