Chapitre 35
Dans la voiture qui les conduisait à la tente, Belle observait le paysage étoilé alors que son cœur saignait intérieurement. Elle toucha son front moite et comprit qu'il était temps d'alerter Jafar sur son état de santé. Il était au téléphone, parlait en arabe, rictus aux lèvres. Dans la pénombre, elle parvint à capter son regard qui instantanément se figea d'inquiétude.
- Habibti est-ce que ça va ? S'enquit-il en coupant la conversation téléphonique.
- Non, je ne vais pas bien, parvint-elle à dire alors que ses lèvres sèches l'empêchaient de parler.
Il toucha son front et prit son pouls.
- Je suis en train de faire une crise d'hypoglycémie, il me faut du sucre de toute urgence.
La voiture s'arrêta brutalement sous la vivacité de son ordre.
Il quitta le véhicule pour ouvrir le coffre et revint avec une trousse de secours.
- Maintenant, je comprends la raison pour laquelle ton médecin m'a examiné avec minutie, dit-elle d'une voix vaseuse.
- Avale ça, ordonna-t-il en lui tendant une bouteille d'eau.
Les mains moites elle prit le comprimé puis la barre chocolaté qu'il lui tendit.
- J'ai bien fait de te faire examiner, cela m'a permis d'anticiper ce genre de crise, tu aurais dû me le dire plus tôt.
Il caressa ses cheveux alors qu'elle mastiquait désespérément.
- Je pensais qu'elle allait passer.
- Respire, murmura-t-il en l'attirant contre son torse pour qu'elle s'y repose.
Belle ferma les yeux en savourant le goût du sucre dans sa bouche et ne résista plus aux larmes qui roulaient sur sa joue.
Jafar fut saisi d'un sentiment effroyable si bien qu'il sentait une peur grandir en lui. Il avait beau tenter de garder la maîtrise la situation Jafar était saisi d'une terrible crainte. Jamais il n'avait vu son visage aussi pâle. Livide, les larmes aux yeux, le front moite, sa femme était fébrilement allongée contre lui et cette image lui brisa le cœur. Pendant un instant il avait même crû la perdre. Une émotion dévastatrice le poussa en refermer son bras contre elle et embrassa ses cheveux alors qu'il pouvait déjà déceler les lueurs des lanternes de la tente. Rictus aux lèvres il la souleva dans ses bras et l'emporta sous la tente tandis que ses hommes déchargés le coffre de la voiture.
Une fois seule avec elle, Jafar referma la tente et sentit sa colère redoubler d'intensité. L'humiliation qu'avait subi Belle le rendait fou. Il se souviendrait à jamais du regard effrayé de cette dernière qu'il avait menacé devant le médecin. Comment avait-elle pu croire que cette grossesse le concernait de si près jusqu'à exiger sa présence le jour de son mariage. Jafar n'avait pas tardé à comprendre qu'il s'agissait d'un avide désir d'humilier son épouse.
Il s'approcha du lit sur lequel la jeune femme reposait, triste et presque en détresse.
- Belle ? Dis-moi quelque chose s'il te plaît.
- Elle a gagné, murmura-t-elle d'une voix tremblante ; Encore une fois.
Jafar posa un genou sur le lit et glissa un bras sous sa taille pour l'attirer à lui. Quand il vit son visage, c'est avec le cœur déchiré qu'il écarta des mèches rebelles sur son visage.
- Elle n'a rien gagné du tout, seulement mon mépris, chuchota-t-il en touchant son front encore chaud ; la seule personne qui a gagné ce soir c'est moi.
Il déposa un tendre baiser sur la commissure de ses lèvres.
- Tu m'appartiens désormais, tu es ma femme, et tu n'as aucune idée de ce que je ressens.
Belle sentit son cœur se gonfler de joie. La tristesse qu'elle ressentait se dissipa pour être remplacée par une joie pure.
- Je suis un homme comblé et je te promets de mettre mon âme dans notre mariage pour te prouver que je suis celui qui te rendra heureuse.
Était-ce une façon à lui de lui dire qu'il l'aimait ?
Belle l'espérait...
- Je suis désolé de t'avoir impliqué dans cet incident, ce n'était pas ta place.
- Si ça l'était même si je déteste l'idée qu'elle pense que...
Il posa son pouce sur ses lèvres.
- Je ne veux pas en parler ce soir, décida-t-il en déposant un baiser sur son front ; cette femme m'est indifférente.
Il fit en sorte qu'elle s'allonge, puis s'éloigna pour revenir avec une assiette remplie de gâteaux. Elle s'efforça de manger, le ventre noué. Sa tristesse ne parvenait pas à s'atténuer car les événements lui rappelaient la peine qu'elle avait ressentie quelques jours après le décès brutal de son père. Comment oublier cette douleur insupportable qu'elle avait dû endurer jusqu'à ce qu'elle soit obligé de prendre la fuite ?
Elle se souvenait très clairement de cette nuit noire où elle avait croisé le chauffeur de sa belle-mère.
" - Croyez-moi, n'essayez pas de vous battre, partez ! "
Le pressentiment qu'elle avait ressenti ce jour-là était le même qui lui nouait l'estomac ce soir, à la seule différence qu'aujourd'hui elle n'était pas livrée à elle-même.
Elle pouvait compter sur Jafar et cette simple pensée lui serra le cœur.
- Tu es épuisée habibti, déclara-t-il en la rejoignant.
Belle acquiesça en étouffant un soupir tremblant. Leur lune de miel ne se passait pas exactement comme elle l'avait imaginée. Pourtant, de belles bougies vacillaient avec romantisme autour du lit. Cette atmosphère reposante l'aiderait sûrement à se calmer, songea-t-elle en s'allongeant à ses côtés.
Il ouvrit son bras pour qu'elle se loge au creux de ce dernier, une main posée sur son torse.
- Malgré ce qu'il s'est passé tout à l'heure, c'était le plus beau jour de ma vie Jafar, murmura-t-elle d'une voix émue.
- Je suis comblé de te l'entendre dire Belle car c'était aussi le plus beau et important jour de ma vie.
Il déposa un baiser sur son front puis réduisit la lumière de la lampe. Belle ne tarda à sentir son être se laisser happer par les bras de Morphée ou plutôt...les bras de son mari...
Jafar fixait le haut de la tente sans parvenir à trouver le sommeil. La colère qu'il ressentait était toujours aussi forte que lorsqu'il était parti du banquet. Voir Belle souffrir n'avait fait que renforcer les sentiments qu'il avait pour elle. Oui, ça y est, il était temps de se le dire et arrêter de le nier.
Belle avait su résoudre une partie de l'énigme qui entourait son cœur et peu à peu elle donnait un sens à sa vie. Chaque jour à ses côtés était une nouveauté, si bien qu'il s'était surpris à reporter deux grandes réunions à Rome pour rester à ses côtés.
Cependant, si Belle arrivait à remplir le vide abyssal de son existence il fallait qu'il la protège en retour et les événements de ce soir lui avaient permis de confirmer ses craintes concernant la famille Ford. Il se méfiait d'Eloïse et l'absence de sa mère était pour lui une preuve suffisante qu'il se passait quelque chose dans son dos. Trop occupé à vouloir Belle à ses côtés, Jafar avait ignoré les recommandations de Rachid.
Celles d'enquêter sur le passé de cette famille et sur celui de Belle qui avait partagé une bribe de sa vie à leur côté. La grossesse d'Eloïse était pour lui planifiée depuis le début. Sans équivoque, cette dernière espérait lui donner un fils pour conclure la loi que son père avait rédigé. De cette façon, elle pourrait jouir de rester à jamais la mère du futur monarque. Jafar serra les mâchoires, baissant les yeux sur sa femme qui dormait paisiblement. Pendant un furtif instant qui lui arracha presque les entrailles il se surprit à l'imaginer portant ses enfants. Pourtant il se l'était interdit par craintes d'éprouver des remords de la condamner ainsi. Poings serrés, il bascula sur le côté de façon à ce qu'elle repose sur l'oreiller pour l'admirer.
Il toucha son ventre, crispant presque ses doigts dessus et implora un miracle tout en embrassant ses lèvres fermées...
Le lendemain, après une nuit difficile, Jafar s'était levé à l'aube pour préparer le déjeuner.
- Bonjour...
À cette voix douce et mélodieuse il releva les yeux sur sa femme, qui réveilla en lui un désir qui ne s'achèverait probablement jamais. Hier soir, il aurait dû la plonger dans les précipices du plaisir, il aurait voulu honorer son épouse et s'abreuver de ses cris qui auraient transpercé le désert...
- Bonjour ma chérie, est-ce que tu te sens mieux ?
Elle rougit en s'approchant vêtue d'une robe bohème blanche, laissant entrevoir la naissance de sa jambe. On aurait dit une belle sauvageonne prisonnière d'un geôlier prête à saisir la moindre opportunité pour s'enfuir afin d'être mieux retrouvée.
- Je me sens beaucoup mieux je te remercie, et toi ? Tu es levé tôt.
- Suffisamment longtemps pour réfléchir.
Jafar glissa un raisin entre ses lèvres douces et elle l'accepta les joues en feu.
- Réfléchir ? Répéta-t-elle inquiète.
- J'ai décidé qu'à notre retour au palais je vais lancer une enquête sur la famille Ford et inévitablement sur toi.
- Sur moi ? S'enquit-elle visiblement choquée.
- Ne t'inquiète pas habibti, je te fais confiance sinon tu ne serais pas ma femme, l'enquête aura pour but de comprendre quelles sont leur manigances.
- Inutile d'une enquête pour ça, rétorqua-t-elle amèrement ; Cela me semble évident Jafar. Elle veut un enfant pour s'assurer d'être à jamais dans ta famille.
- Sa mère a disparue des radars et il doit y avoir une raison à cela, donc je vais éplucher leur vie et celle qu'elles ont partagé avec toi.
Contre toute attente elle acquiesça, nullement dérangée qu'il veuille entrer dans les tréfonds de sa vie.
- Belle, mes hommes sont extrêmement doué ce qui veut dire que je connaitrais tout les détails de ta vie, dans les moindres détails.
- Tu risques de t'ennuyer Jafar, dit-elle en riant ; J'étais une élève discrète et j'ai passé une majeur partie de ma vie à tenter d'y trouver un sens.
Il leva un sourcil qui en disait loin sur le cours de ses pensées.
- Rien du tout ? Pas même un vole de sucrerie dans la supérette du coin ? Demanda-t-il avec un large sourire.
- Rien du tout, affirma-t-elle en lui rendant son sourire.
Il plissa des yeux comme deux fentes impénétrables.
- Tous le monde a une faille mon amour, je suis sûr de trouver la tienne, chuchota-t-il avec un sourire qui se voulait faussement machiavélique.
Elle plongea son regard dans le sien, sans ciller elle déclara avec son honnêteté sans apprêt :
- La seule faille que tu risquerais de découvrir c'est que tu es le seul homme dont je suis tombée éperdument amoureuse.
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