Chapitre 34



  - Tenez mademoiselle.

Belle attrapa le bouquet de fleurs sans trop regarder à quoi il ressemblait, bien trop occupée à étudier son profil dans le miroir.

Recouverte d'une robe blanche ornée de dentelles aux arabesques sublimes, Belle lissa celle-ci nerveusement. Son cœur battait si vite qu'elle ne parvenait plus à respirer normalement. Puis soudain, alors qu'elle avait l'impression de se détacher du monde qui l'entourait, Belle réalisa qu'elle était seule.

L'esprit embrouillé, elle baissa les yeux sur le bouquet de fleurs composé de lys orientaux et de belle de nuit. Cette variété de fleurs l'avait fascinée car celle-ci s'épanouissait à la tombée de la nuit dans les jardins fabuleux du palais.

Elle huma l'odeur pour apaiser sa nervosité mais celle-ci semblait s'accroître à mesure du temps qui passait jusqu'à ce qu'elle relève les yeux et aperçut le sultan dans le reflet du miroir.

Son regard épais et déterminé affaiblissait déjà ses craintes. Il était incroyablement beau dans sa tenue traditionnelle. Sa large carrure enfermée dans la dishdasha lui imposait toute la force qui la fascinait ainsi que le poignard soigneusement glissé dans son fourreau qui lui donnait l'allure d'un guerrier intraitable.

- Tu es magnifique, articula-t-il d'une voix rauque.

Jafar dut faire appel à toute sa volonté pour résister à l'envie de goûter ses lèvres entrouvertes. Un torrent de désir faisait bouillonner son sang si bien qu'il hésitait à la partager avec son peuple. Sa robe était brodé d'arabesques à l'esquisse orientale. Ses cheveux détachés portaient un feuillage ornés d'or et son visage...dépourvue de maquillage. Elle n'en avait pas besoin, songea-t-il en s'approchant d'elle.

Il pouvait sentir sa nervosité, son visage était rosé par la timidité.

- Je suis nerveuse, finit-elle par avouer.

Il l'obligea à se retourner pour lui faire face.

- Cela me semble normal habibti mais rassure-toi j'ai pris des dispositions pour que la cérémonie soit privée.

Surprise, elle arrima son regard au sien.

- Vraiment ? Je pensais qu'elle serait public.

- Elle l'était jusqu'à ce que Salomé m'informe de ton angoisse, répondit Jafar en glissant son index sous son menton ; Les invites assisteront à la fête prévue en notre honneur mais nos vœux seront privés, il y aura que Rachid et les conseillers.

Une émotion traversa le visage de la jeune femme qui lui sourit instantanément.

- Merci, murmura-t-elle d'une voix tremblante ; Merci de te montrer si prévenant.

Jafar prit sa main libre et l'invita à le suivre. Il ne pouvait plus attendre une seule seconde de plus. Il voulait qu'elle devienne sa femme immédiatement. Ils passèrent les portes de la salle centrale là où les attendaient deux fauteuils en velours. Conscient de l'énorme angoisse qui submergeait Belle, il resserra ses doigts autours des siens jusqu'à l'ultime consentement qu'il prononça avec détermination et désir. La douce voix de la jeune femme prononça les siens en faisant pression sur sa main puis lui offrit un regard timide. Belle venait de lui prouver qu'elle était une source de sincérité. Son ex-femme s'était férocement jetée sur une cérémonie public, voulant s'exposer devant une foule d'invités et pas une seule seconde il l'avait sentie nerveuse au contraire de Belle...

- Tu es désormais ma femme, articula-t-il d'une voix gutturale qu'il eut peine à reconnaître et posa un baiser sur son front.

Il l'aida à se relever sous les applaudissements des conseillers puis quitta la salle pour annoncer au peuple que l'union était scellée.

Belle réprima un frisson d'angoisse quand elle dut faire face à une foule d'invités qui se pressait pour la féliciter. Elle fut inondée de témoignages d'affections et reçue en cadeaux des cartes de la part de son patron et de son seul ami. À ce moment-là, Belle se retint de fondre en larmes car elle aurait voulu que son père soit présent pour la guider vers ce monde qui lui était totalement méconnu.

- Quelque chose ne va pas ? S'enquit Jafar en se penchant légèrement vers elle.

La table d'honneur était composée de tellement d'invités qu'elle dut se pencher pour lui répondre.

- Je viens de réaliser que je n'avais pas de famille aujourd'hui, mon père me manque.

Il fronça légèrement des sourcils comme si sa peine le touchait au tréfonds de son être.

Dans ce brouhaha pénible elle se contenta de lire dans ses yeux sombres avant qu'il porte sa main à ses lèvres.

- Je suis ta famille, finit-il par dire à son oreille.

Ses mots atteignirent son cœur et elle s'empêcha de fondre en larmes afin d'éviter d'être considérée comme une épouse malheureuse.

Ce n'était pas le cas.

Les plats se succédaient dans un ballet interminables. Belle avala péniblement les derniers morceaux d'agneaux alors que son corps réclamait du sucre de toute urgence.

Rachid se pencha soudain en s'adressant au sultan la mine préoccupée. Il lâcha un mot en arabe semblable à un juron puis se leva pour capter la foule qui se réduisit au silence.

Dans le même temps, il saisit sa main pour qu'elle se lève, ce qu'elle fit en manquant de vaciller.

Dans un discourt limpide il remercia les invités et annonça leur départ. Bien qu'elle n'était pas mécontente d'être enfin libre de cette foule qui la scrutait avec intérêt Belle se demandait pourquoi il précipitait leur départ.

- Viens, ordonna-t-il les traits tendus.

Belle attendit que les portes de la grandes salle se ferme pour ôter le sourire de façade qu'elle arborait.

- Que se passe-t-il ?

- Un souci avec Zuyad, tu devrais te changer, je vais t'attendre viens là.

Belle réprima un frisson d'appréhension quand il ouvrit une porte.

Une vive colère emplissait son visage, si bien qu'elle s'empressa d'ôter sa robe pour enfiler un caftan immaculé et simple.

- Garde le feuillage, ordonna-t-il d'une voix plus amène en prenant un manteau noir qu'il passa sur ses épaules.

Elle remarqua qu'il avait troqué sa tenue traditionnelle pour un pantalon noir et une chemise blanche.

- Nous allons passer devant les invités et nous prendrons la voiture qui est censé nous emmener à la tente mais nous allons devoir faire un détour.

- Ta froideur m'inquiète Jafar, ai-je fait quelque chose de mal ?

- Rien, tu n'y es pour rien, murmura-t-il d'une voix sombre avant de l'entraîner sur le fameux chemin qu'il avait dévié des années plus tôt.

Ce soir, il le traversa sous les applaudissements et ouvrit la porte qui la mènerait à sa destiné. Ce simple instant la confortait dans l'idée qu'elle n'était pas la cause de son regard noir.

Une vingtaine de minutes passèrent avant que l'énigme soit résolue. Ils arrivèrent devant une villa éclairée et elle aperçut Zuyad au loin.

- J'espère que ton urgence vaut la peine d'avoir contredit mes plans Zuyad !

Belle était presque traînée tant le sultan marchait vite dans le couloir de la villa.

Ils échangèrent en arabe et une fureur à peine voilé crispa les traits ciselés du sultan.

L'instant suivant elle fut seule avec Zuyad qui nerveusement se massait la nuque.

- Je peux savoir ce qu'il se passe ? Osa-t-elle demander.

- Eloïse est enceinte, ce qui signifie qu'elle porte l'héritier de Jafar. Le médecin est ici depuis plus d'une heure et elle refusait d'être examiné sans la présence de Jafar.

Le visage blême, Belle sentit une flèche la poignarder en plein cœur alors que sa bouche semblait paralysée. Une fois de plus, Eloïse était parvenue à ruiner un morceau de sa vie qui plus est le plus important. Sa grossesse signifiait qu'elle était sur le point de mettre en action son plan et son désir de vouloir Jafar auprès d'elle n'était qu'un début. Cependant, elle avait confiance en Jafar.

Envahie par une sombre brise d'air, elle s'entoura de ses bras, ignorant Zuyad qui se tenait derrière la porte.

La porte s'ouvrit violemment, laissant apparaître Jafar à l'expression sévère.

- Félicitations ! Grogna-t-il en refermant la porte derrière lui ; En quoi cette nouvelle m'importe ?

- Je l'ignore, s'emporta Zuyad ; Comme tu as pu le comprendre hier je n'avais pas l'intention d'être père aussi vite !

Belle se recula d'instinct quand elle aperçut les traits déformés de son mari.

- Selon les lois inscrites en 1967 c'est à moi de décider si cet enfant me succédera, trancha-t-il d'une voix menaçante ; j'ignore ce qu'elle a bien pu se mettre en tête mais je ne suis pas le père de cet enfant ! Qu'espérait-elle ? Que j'assiste aux échographies à ta place ?

Zuyad se recula l'air penaud.

- J'ai cru comprendre que votre mariage est stimulé par des intérêts différents cependant je refuse d'y être mêlé est-ce compris ?

- Je suis sincèrement navré de t'avoir fait venir en urgence Jafar j'ignore toujours ce qu'il lui à prit.

Belle vit Jafar s'approcher dangereusement vers son cousin. Ses yeux reflétaient deux lames tranchantes.

- Moi je sais, comme je sais maintenant la raison qui vous a poussé à annuler votre présence au mariage. Elle avait dans l'intention d'humilier Belle en annonçant cette grossesse le jour de notre mariage pour lui rappeler que je ne pourrais pas lui donner un enfant !

Belle réprima un frisson d'horreur en découvrant un autre visage de Jafar qu'elle n'aurait jamais voulu connaître. C'était à peine si elle le reconnaissait si bien qu'elle ne bougeait plus, tétanisé par la froideur qu'il dégageait.

Zuyad qui jusqu'ici avait tenté de lui tenir tête abaissa son regard sans un mot.

Quand il se tourna vers elle, visiblement conscient de l'image monstrueuse qu'il renvoyait, ses traits devinrent plus doux mais toujours gagné par la colère.

- L'humiliation qu'elle a tenté de lui infliger est impardonnable, reprit-il sans la quitter des yeux ; Préviens ta femme que si jamais elle ose une autre bravade, je serais beaucoup moins clément.

Il prit sa main pour l'emporter avec lui dans le couloir alors qu'elle manquait d'énergie et de forces. Il n'en fallut pas plus pour comprendre qu'elle commençait à ressentir les effets indésirables d'une crise d'hypoglycémie.

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