Chapitre 30
" - Je crois qu'il vous adore, plus qu'il n'essaye de nous faire croire à tous et à lui-même... "
Belle retournait cette phrase dans tous les sens possibles afin de la décrypter hélas sans succès. Elle ne pouvait pas se référer à la seule hypothèse de Salomé.
La nuit était tombée, elle n'avait toujours pas de nouvelle de Jafar. Incapable de tenir plus longtemps sans avoir des réponses à ses questions, Belle quitta sa chambre pour traverser le couloir obscur. Consciente qu'elle prenait un risque, Belle lissa nerveusement les plis de la longue chemise en coton qu'elle portait.
Devant les deux portes qui renfermaient le monarque en colère Belle hésita plusieurs secondes avant de les ouvrir doucement.
Le risque était pris, elle ne pouvait plus reculer lorsqu'elle le vit, assis dans un majestueux fauteuil.
Dans les lueurs des lampes tamisées elle put déceler son regard et comprit qu'en rien, sa colère ne s'était apaisé.
La peur la gagna, parce que pour la première fois elle avait l'impression de faire face à l'autoritaire guerrier.
Soudain elle se remémora une vieille conversation qu'ils avaient eu à New-York.
" - Vous jouez un rôle auprès des invités mais au fond de vous se cache votre véritable nature "
- Tu devrais regagner ta chambre Belle, lui conseilla-t-il d'une sombre voix.
Belle résista à l'ordre qu'il venait de lui donner et referma la porte.
- Je ne supporte pas ton silence que je ne mérite pas, déclara Belle en restant près de la porte.
- J'avais besoin de réfléchir seul.
- En me laissant dans l'ignorance après ton départ dont la froideur m'a laissé sans voix ?
Il ne la regardait pas, le regard rivé sur un point fixe.
- Je te prie de m'excuser pour m'être si mal comporté, dit-il d'une voix si sombre et vibrante de colère qu'elle actionna la poignée.
- Demain, je demanderais à Rachid de me réserver un vol commercial, c'est mieux ainsi.
En disant cela, Belle espérait une réaction de sa part et celle-ci ne tarda pas à se manifester.
- Tu n'iras nulle part Belle, dit-il en se levant pour enfin lui offrir un regard.
Ce dernier n'était qu'un néant de noirceur surplombé d'un avertissement limpide.
- À quoi ça sert de rester ici si c'est pour être confronté à ton silence ? De toute façon il faudra bien que je quitte ton pays tôt ou tard.
Belle savait qu'elle marchait sur un terrain miné mais ne put s'empêcher de le défier pour obtenir de lui une émotion, une pensée...
Il s'approcha dangereusement, comme un félin sur le point d'enfermer sa proie dans les ténèbres d'une mâchoire d'acier.
- Essayes-tu de me mettre hors de moi ? Parce que si c'est le cas tu as réussi.
Elle haussa des épaules en feignant l'indifférence.
- Au moins je parviens à faire sortir une émotion de ton visage impassible, rétorqua-t-elle en le défiant.
Une lueur dangereuse traversa son regard.
- Crois-moi, il ne vaut mieux pas tenter de lire en moi en ce moment, articula-t-il rictus aux lèvres ; Tout est de ma faute, tu n'es pas coupable de cette situation. Je t'ai ramenée ici, je t'ai emmenée dans cette tente en ayant pleine connaissance des risques que je prenais et je t'ai pris ta virginité. Tu as devant toi l'homme lui plus égoïste et le plus monstrueux que la terre n'ai jamais porté. Pourquoi es-tu encore ici Belle ?
Cherchant désespérément un moyen de combattre la douleur qu'elle venait de recevoir en plein cœur, Belle leva le menton.
- De la contradiction, c'est un bon début, dit-elle d'une voix qu'elle voulait sans trémolos : Tu me dis que j'irais nulle part puis me demande ce que je fais ici.
Il lâcha un juron puis de retourna brusquement.
- N'est-ce pas contraignant ? D'autant plus que je pensais que n'avais aucun regret, était-ce un mensonge ?
Il se retourna violemment et agrippa ses bras, la soulevant presque hors du sol.
Étouffant un hoquet elle dévisagea son regard furieux.
- Je n'éprouve aucun regret ! Articula-t-il en la relâchant doucement.
Lorsqu'elle sentit ses pieds toucher le sol, Belle se massa le bras, sous le regard désolé du sultan.
- Seulement je ne peux nier l'égoïsme dont j'ai fait preuve envers toi, termina-t-il en fixant son bras.
- Tu parles comme si j'étais une pauvre victime qui n'a pas eu son mot à dire ! Or je te ferais savoir que j'étais pleinement consciente de ce que je faisais Jafar ! Tu ne m'as pas enlevé à ce que je sache. À moins que ce soit une nouvelle méthode dont j'ignorais l'existence.
- J'ai joué de tes peurs pour parvenir à mes fins, c'est tout comme.
Belle comprit qu'il tentait de se punir.
- Si tu veux te blâmer alors libre à toi, moi je n'ai pas l'intention de le faire, dit-elle sèchement.
Il l'observa en silence sans se départir de son air sévère puis se retourna pour reprendre sa place dans le fauteuil.
Sa raison lui disait de partir mais son cœur lui, la poussa inévitablement vers lui.
- Tu n'as aucune idée de la situation dans laquelle je t'ai mise Belle.
Elle sentit un léger apaisement dans le son de sa voix alors elle se rapprocha, les mains nouées devant son ventre.
- Demain, je publierai un communiqué de presse, expliquant qu'il s'agit d'une erreur, reprit-il rictus aux lèvres.
Derrière l'obscurité qui remplissait la pièce elle put lire sur ses traits.
Se pourrait-il que Salomé ait raison ?
- Tu es en colère contre moi, et il ne s'agit pas d'égoïsme ou même de ma vertu.
Elle se planta devant lui, espérant une réponse de sa part.
Jafar releva les yeux vers la jeune femme dépourvue d'artifice, dont les cils déployés révélaient des yeux magnifique. Elle portait une longue chemise en coton dont l'échancrure en V mettait en valeur la naissance de sa poitrine.
Le simple fait de la regarder était une pénible épreuve. Il regrettait de s'être si violemment emporté. Ce qui l'avait mis en rage c'était sa réaction horrifiée à l'idée d'être considérée comme sa fiancée. Il n'avait pas supporté son regard affolé. Des émotions contradictoires l'avaient alors submergé. Pour la première fois de sa vie il aspirait à vouloir une femme à ses côtés et cette envie n'était nullement motivée par son devoir de souverain.
- Si c'est ta réputation qui t'inquiète alors répudie-moi même si nous ne sommes pas mariés.
Sous le choc, Jafar l'étudia dents serrées.
- Ce n'est pas ma réputation qui m'inquiète, rétorqua-t-il froidement.
- Alors dis-moi ce qu'il se passe, pour quelle raison t'ai-je mis en colère ?
- Ta réaction m'a mis en colère, rectifia Jafar sans la quitter des yeux.
Muette, elle se mordit la lèvre nerveusement et Jafar en profita pour reprendre.
- Je n'espérais de toi que tu sautes au plafond mais j'aurais voulu que tu me témoignes autre chose qu'une expression horrifiée.
- J'ai été prise par surprise, j'ai pris peur Jafar, je suppose que tu n'as pas l'habitude d'une telle réaction mais je ne suis pas ce genre de femme.
Elle s'agenouilla soudain, en face du fauteuil sans savoir ce qu'une telle vision provoquait en lui.
- Tu n'as pas le droit de m'en vouloir d'avoir eu peur.
- L'idée d'être considérée comme ma promise est-elle si rebutante ?
Une lueur mystérieuse passa dans le saphir de ses yeux.
- Comment pourrais-je être rebutée à l'idée d'être la fiancée d'un homme tel que toi Jafar alors que tu es l'ambition de milliers de femmes.
Elle baissa les yeux, les pommettes rougissantes.
- Je me sens honorée, ajouta-t-elle d'une voix si douce que toute colère, toute frustration s'envolèrent.
Il se redressa pour enfouir sa main dans son épaisse chevelure blonde. Avait-il fait tout cela pour accéder à la première pensée qui l'avait traversé au chalet ?
Aussi égoïste que l'était cette pensée, la réponse était oui.
Pour seul pardon d'avoir été si cruel avec elle, Jafar l'embrassa, capturant son visage entre ses mains. Elle répondit à son baiser sans se soucier des répercussions que pourraient entraîner ce vent de passion. Jafar dut se reprendre avant de laisser ses pulsions primitives parler pour lui.
Il s'écarta légèrement, fixant l'éclat brillant qui noyait ses yeux.
- Tu devrais aller dormir Belle, nous parleront de tout ça demain.
Inévitablement elle se mit à rougir sans masquer sa déception.
- Tu as sans doute raison, marmonna-t-elle en se levant.
Jafar se retint de la rattraper quand elle passa à côté du fauteuil dans un bruissement de tissu effleurant le sol.
Cependant au lieu d'emprunter la porte, la jeune femme traversa l'immense salon pour grimper sur le lit.
Son lit.
- Belle ? Je peux savoir ce que tu fais ?
Il se leva et s'avança pour réduire l'espace qui les séparait. Elle lui sourit, avant d'écarter les draps.
- J'entretiens la rumeur, s'exclama-t-elle avec un soupçon de malice.
Jafar sentit ses lèvres frémir d'un sourire contenu.
- Si tu regagnes pas ta chambre immédiatement, ce n'est pas la rumeur que tu risques d'entretenir mais la conviction que c'est la vérité, dit-il d'une voix rauque en détaillant cette silhouette voluptueuse qui investissait son lit sans se départir de son sourire.
- Personne ne m'a vu entrer Jafar, et si jamais c'est le cas, cela m'importe peu, je veux dormir avec toi.
Les yeux étincelants elle le regardait avec hésitation.
- À moins que tu ne veuilles pas de moi, ajouta-t-elle en perdant son sourire percé d'espoir.
Incapable de jouer plus longtemps avec ses sentiments Jafar esquissa un sourire en coin et la rejoignit.
- Je serais fou de ne pas vouloir de toi, chuchota-t-il en glissant son bras sous elle pour l'attirer contre lui.
La jeune femme l'observait comme aucune autre ne l'avait fait.
- Il est si rare de te voir sourire, murmura-t-elle tristement ; J'aimerais pouvoir panser tes plaies Jafar mais faudrait-il déjà que je puisse lire en toi.
Désarçonné Jafar la dévisagea dans la pénombre et s'efforça de ne pas lui montrer l'émotion violente qui venait de le traverser.
- Il n'y a rien à lire en moi Belle, je suis l'ébauche d'un homme avec un passé qui ne mérite pas d'être abordé.
Jafar resserra sa prise sur son corps sans jamais cesser de la regarder. Son intelligente alliée de naïveté était pour lui une découverte fascinante.
- Tu te trompes Jafar, mais je n'ai pas l'intention de l'évoquer sans que tu le fasses en premier.
Belle espérait déclencher une émotion en lui mais dut faire face à une façade de marbre. Dans l'obscurité son visage la fit frissonner mais pour une raison encore inconnue elle désirait rester dans ses bras, en sécurité.
Seulement demain, inévitablement, une décision devra être prise...
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