Chapitre 21
Jafar quitta la cabine dans laquelle il s'était changé. La chaleur n'était pas aussi étouffante qu'en été mais restait chaude, suffisamment pour troquer son pull d'hiver pour un tee-shirt noir. L'avion avait atterri depuis plus dix minutes mais la jeune femme dormait toujours et ne semblait pas inquiétée du bruit autour d'elle. L'atterrissage n'avait eu aucun effet sur le sommeil dans lequel elle était plongée.
Jafar s'abaissa à hauteur de son siège et la contempla de longues secondes avant d'envisager de la réveiller.
De l'index il caressa sa joue. Comme il se l'était imaginé, celle-ci était aussi douce que la soie mais sa tentative échoua. Elle semblait insensible aux efforts qu'il déployait pour la réveiller.
Jafar se redressa lentement pour mieux la prendre dans ses bras.
Très vite grisé par le parfum délicat de la jeune femme, Jafar s'empressa de quitter l'avion pour s'engouffrer dans la voiture qui l'attendait.
Aucune réaction.
La jeune femme se contenta de fermer le poing contre sa poitrine ce qui eut bon de le rassurer car pendant un bref instant...il la pensait morte.
- L'avez-vous kidnappée ? Demanda son chauffeur avec humour.
Jafar demeura impassible puis baissa son regard sur le visage de la jeune femme et pendant un instant, eut l'impression que c'était le cas.
- Non, même si les circonstances ne lui ont pas donné le choix, répondit-il d'une voix sombre et presque coupable.
Le trajet fut suffisamment long pour qu'il se rendre compte que sous le soleil intense du désert, ses cheveux blonds prenaient des teintes couleur miel.
Une question s'imposa alors à lui.
Pourquoi avait-il tant tenu à ce qu'elle vienne jusqu'ici ?
Hormis l'irrésistible envie de percer les mystères qui l'entouraient, sa présence ici pour contrer la presse n'était pas nécessaire.
Bien sûr il avait maintenant l'avantage contre eux. Cependant il aurait très bien pu y faire face seul.
Repoussant ses pensées contradictoires Jafar releva les yeux pour y découvrir enfin l'ébauche de son palais. Il était enfin chez lui, là où il régnait sur un royaume aussi imposant que l'Amérique.
Il quitta la voiture, toujours avec son précieux fardeau dans les bras. Évidemment son arrivée peu commune suscita l'intérêt de ses employés qui expressément se mirent à dévisager l'étrangère dont les cheveux cascadaient dans l'air.
- Est-ce que sa chambre est prête ? Lança-t-il sur un ton bourru.
- Oui, elle l'est votre majesté.
Belle ouvrit péniblement les yeux avec la sensation de planer au-dessus du sol. Mais ce n'était pas une impression. Recouvrant peu à peu ses esprits elle sentit son visage rencontrer quelque chose d'incroyablement dur avant qu'une odeur musquée lui fasse prendre conscience de la situation. Elle jeta un timide coup d'œil en l'air et vit le visage du sultan...du moins il lui exposait sa gorge et son menton ainsi que les courbes de ses mâchoires. Son port altier lui conférait l'apparence d'un souverain implacable. Une onde de chaleur l'envahissait déjà alors qu'il la portait sans difficulté.
Il baissa la tête vers elle. Belle retint son souffle avant qu'il lui offre un sourire en coin.
- Eh bien mademoiselle Moor, j'ai cru ne jamais vous revoir éveillée, dit-il d'une voix profonde et rauque.
Belle plaqua sa main sur son torse massif et ne put s'empêcher de s'empourprer.
- J'ai dormi longtemps ?
- Suffisamment pour que je vous porte jusqu'ici.
Il la déposa sur un immense lit avec délicatesse.
Sa façon de l'avoir posée sur ce matelas donnait l'impression que son destin était scellé. Alors les doutes se mirent à l'assaillir jusqu'à ce qu'elle dévisage la chambre, la bouche entrouverte.
- Mon dieu, murmura-t-elle levant les yeux vers le haut plafond.
- Est-ce qu'elle vous plaît ?
- Elle est absolument magnifique mais...
- Je n'ai pas plus petit je suis navré, la coupa-t-il avec un sourire moqueur.
Belle esquissa une moue dubitative puis se redressa sur le lit afin d'être plus présentable.
- Bienvenu à Rhayad mademoiselle Moor, dit-il d'une voix traînante qui la fit frémir.
Ses yeux de cendre se baissèrent sur sa bouche puis remontèrent jusqu'aux siens.
- Merci votre altesse c'est...
- Je vous en prie, appelez-moi Jafar.
Belle fronça des sourcils.
- Je pensais que vous étiez à cheval sur les formalités qui s'imposent à votre statut.
- Je le suis, mais à présent il n'est plus nécessaire pour vous de les utiliser. Vous êtes mon invitée.
Belle se pinça les lèvres en silence puis se leva pour découvrir les lieux mais surtout pour fuir le regard intense du sultan. Nul besoin de se retourner pour sentir le poids de son regard qui la suivait à chacun de ses pas.
- Vous devez avoir faim, lança-t-il si proche qu'elle crut pouvoir sentir son souffle sur sa nuque.
Forcée de lui faire face Belle croisa les bras pour se donner un air détendu alors qu'il n'en était rien.
- Oui, mais j'attendrai l'heure du repas.
Il inclina faiblement de la tête, sans la quitter des yeux. Puis ses épais sourcils se plissèrent lentement.
- Nous dinerons dans une heure, quelqu'un viendra vous chercher, annonça-t-il en pivotant les talons.
- Nous ? Répéta Belle sans masquer son appréhension.
Passer un séjour ici était déjà pour elle une grande aventure mais passer son séjour à le côtoyer lui rendrait la tâche beaucoup plus compliquée.
Il dévia son regard dans le sien alors qu'un lent sourire couvrait déjà ses lèvres.
- Vous pensiez tout de même pas que j'allais vous laisser seule ? Livrée à vous-même dans ce palais qui regorge de couloirs.
Le ventre noué elle haussa des épaules.
- Vous devez très certainement avoir des tas de choses à faire.
- C'est un domaine que je sais gérer mademoiselle Moor. À vous écouter, je peux sentir votre désir de me fuir.
Il plissa des yeux, comme deux fentes impénétrables et un délicieux frisson la parcourut.
- Si j'avais le désir de vous fuir, pour quelle raison je serais venue ici ? Rétorqua-t-elle en le défiant du regard.
D'une démarche nonchalante il combla l'espace qui les séparait.
Belle dut rejeter sa tête en arrière pour le confronter.
- Le goût du risque peut-être, laissa-t-il entendre d'une voix voluptueuse.
- Le risque affaiblit l'ennui, répliqua-t-elle en levant le menton.
Si ses mâchoires volontaires l'avaient déjà fait frémir jadis quelques jours plus tôt et si ses yeux cendrés étaient déjà parvenu à la clouer sur place, le rire vibrant qu'il venait d'émettre la figea, si bien qu'elle eut l'impression de se mirer sur une mer glaciale.
- Tout dépend des risques, dit-il en se penchant légèrement vers elle, l'emprisonnant avec son regard sombre.
Ils restèrent silencieux, les yeux dans les yeux alors qu'elle sentait ses jambes se dérober sous le poids de son regard.
- Pour le moment le seul risque qui pourrait tromper votre ennui c'est de dîner avec moi, ajouta-t-il avant de s'en aller d'une démarche déterminée.
Belle porta une main sur sa poitrine, exhalant un long soupir tremblant.
Une fois sûre d'être seule, Belle prit son sac à main dans lequel elle trouva toutes ses affaires y compris son téléphone.
Une forte chaleur lui monta aux joues. Il y a encore quelques heures elle se trouvait dans une nuit noire où seule la lune lui avait imposer le visage du sultan. À présent elle se trouvait dans une chambre majestueuse et inondée par un flot de lumières chaudes.
Avait-elle fait une erreur en acceptant cette folie ?
- Le temps te le dira, se murmura-t-elle à elle-même en ouvrant les portes du balcon.
~
- Votre majesté, êtes-vous certain d'avoir pris la bonne décision ?
Jafar demeura impassible devant cette question qui en soulevait beaucoup d'autres.
- Je suis certain d'avoir pris la bonne décision, affirma-t-il sans s'étendre sur les raisons qui le poussaient à le croire.
Perplexe Rachid grimaça.
- Aussi loin que remonte mes souvenirs aucune femme après Zafina a eut le droit d'être ici, osa-t-il dire.
Contentant à peine la colère qui jaillissait en lui Jafar fusilla Rachid du regard.
- Cela n'a aucun rapport Rachid tu compares l'incomparable, dit-il sèchement en s'installant à son bureau.
- Je le sais mais...
- Belle Moor est aussi innocente qu'un chaton, le coupa-t-il sans le regarder ; J'avais le devoir d'arranger certaine situation et elle mérite quelques jours de repos.
Rachid esquissa un léger sourire tout en s'approchant.
- Ne serait-ce pas plus honnête de votre part si vous admettiez que sa présence ici a un rapport avec le fait que vous n'arriviez plus à vous concentrer sur vos devoir il y a encore trois jours ?
L'affront de ce dernier mit Jafar hors de lui.
- Je te demande pardon ? Siffla-t-il entre ses dents serrées.
- Depuis que nous sommes de retour à Rhayad vous êtes ailleurs votre majesté.
Jafar dévisagea son ami froidement. Cependant il était proche de la vérité. Aucune femme jusqu'ici n'était parvenue à le détourner de ses devoirs avant maintenant.
- Je suis ailleurs pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec Belle Moor, déclara Jafar d'une voix implacable.
Rachid s'inclina respectueusement puis quitta les lieux avec le secret de cette conversation et en sachant pertinemment que celle-ci n'avait été qu'un tissu de mensonges...
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